À titre d'information

Falsificateurs de l'histoire: Chapitre III. Isolement de l'Union soviétique. Pacte de non-agression soviéto-allemand

Après l'occupation de la Tchécoslovaquie, l'Allemagne fasciste commença à préparer la guerre tout à fait ouvertement, sous les yeux du monde entier. Hitler, encouragé par l'Angleterre et la France, ne se gêna plus et cessa de se poser en partisan d'un règlement pacifique des problèmes européens. Les mois les plus dramatiques de la période d'avant-guerre commençaient. À ce moment déjà, il était évident que chaque jour qui passait rapprochait l'humanité d'une catastrophe militaire sans précédent.

Quelle était donc alors, la politique de l'Union soviétique d'une part et, d'autre part, celle de la Grande-Bretagne et de la France ?

La tentative d'éluder la réponse à cette question, tentative entreprise par les falsificateurs de l'histoire aux États-Unis, montre seulement que ceux-ci n'ont pas la conscience tranquille.

La vérité est que l'Angleterre et la France, soutenues par les milieux dirigeants des États-Unis, dans cette période fatale du printemps et de l'été 1939, quand la guerre frappait à la porte, suivaient toujours l'ancienne ligne de leur politique. C'était une politique de provocation poussant l'Allemagne hitlérienne contre l'Union soviétique. Pour donner le change, on voilait cette politique, non seulement par des phrases hypocrites où l'on se déclarait prêt à coopérer avec l'U.R.S.S., mais par certaines manoeuvres diplomatiques peu compliquées qui devaient cacher à l'opinion des peuples le caractère réel de la ligne politique suivie.

Ces manoeuvres consistaient avant tout dans les pourparlers de 1939 que l'Angleterre et la France avaient décidé d'engager avec l'Union soviétique. Pour tromper l'opinion publique, les milieux dirigeants anglo-français essayèrent de présenter ces pourparlers comme une sérieuse tentative d'empêcher les progrès de l'agression hitlérienne. Mais, à la lumière de tout le cours ultérieur des événements, il devenait absolument manifeste que, pour les Anglo-Français, ces pourparlers n'étaient, dès le début, qu'un nouveau coup dans leur double jeu.

Cela était également clair aux dirigeants de l'Allemagne hitlérienne, pour qui le sens des pourparlers entamés par les gouvernements de l'Angleterre et de la France avec l'Union soviétique n'était naturellement pas un secret. Voici, par exemple, ce qu'écrivait à ce propos Dircksen, ambassadeur d'Allemagne à Londres, dans son rapport daté du 3 août 1939, adressé au ministère allemand des Affaires Étrangères, comme le montrent les documents saisis par l'armée soviétique lors de la défaite de l'Allemagne hitlérienne :

« L'impression prédominait ici que les liens qui se sont établis au cours des derniers mois avec d'autres États ne sont qu'un moyen de réserve en vue d'une véritable réconciliation avec l'Allemagne et que ces liens disparaîtront aussitôt qu'on aura atteint le seul but important et digne d'efforts : l'accord avec l'Allemagne. »

Tous les diplomates allemands qui ont observé la situation à Londres partageaient entièrement cette opinion.

Dans un autre rapport secret envoyé à Berlin, Dircksen écrivait :

« Par ses armements et en acquérant des Alliés, l'Angleterre veut accroître sa puissance et se mettre au niveau de l'Axe. Elle veut en même temps essayer d'aboutir à un accord avec l'Allemagne par la voie de négociations.[1] »

Les calomniateurs et falsificateurs de l'histoire voudraient cacher ces documents car ils projettent une lumière crue sur la situation qui a régné dans les derniers mois d'avant-guerre. Or, sans apprécier d'une façon juste cette situation, il est impossible de comprendre la vraie préhistoire de la guerre. En entamant des pourparlers avec l'Union soviétique et en accordant des garanties à la Pologne, à la Roumanie et à certains autres États, l'Angleterre et la France, avec l'appui des milieux gouvernants des États-Unis, jouaient un double jeu en vue de conclure un accord avec l'Allemagne hitlérienne et d'orienter son agression vers l'Est, contre l'Union soviétique.

Les négociations entre l'Angleterre et la France, d'une part, et l'Union soviétique, de l'autre, ont commencé en mars 1939 et ont duré près de 4 mois.

Toute la marche de ces pourparlers a fait ressortir avec évidence que, tandis que l'Union soviétique voulait aboutir à un accord, sur un pied d'égalité avec les puissances occidentales, accord qui puisse empêcher l'Allemagne, ne fût-ce qu'au dernier moment, de déchaîner la guerre en Europe, les gouvernements de l'Angleterre et de la France, forts de l'appui des États-Unis, se proposaient un tout autre but. Les milieux gouvernants anglo-français, habitués à faire tirer les marrons du feu par d'autres, avaient, une fois de plus, tenté d'imposer à l'Union soviétique des engagements en vertu desquels l'U.R.S.S. devait assumer tout le poids des sacrifices que coûterait la riposte à l'agression hitlérienne éventuelle, tandis que ni l'Angleterre ni la France ne prenaient la moindre obligation envers l'Union soviétique.

Si les gouvernants anglo-français avaient réussi cette manoeuvre, ils se seraient fort rapprochés de la réalisation de leur principal objectif, qui était de jeter le plus tôt possible, l'une contre l'autre, l'Allemagne et l'Union soviétique. Cependant, ce plan fut deviné par le gouvernement soviétique qui, à toutes les phases des négociations, opposa aux manoeuvres diplomatiques et aux subterfuges des puissances occidentales ses propositions franches et nettes, dont le seul but était de défendre la cause de la paix en Europe.

Point n'est besoin d'évoquer toutes les péripéties de ces pourparlers. Il convient seulement d'en rappeler certaines phases particulièrement importantes. Il suffit de se remémorer les conditions que le gouvernement soviétique formula au cours des négociations : signature entre l'Angleterre, la France et l'U.R.S.S. d'un pacte efficace d'assistance mutuelle contre l'agression ; garantie donnée par l'Angleterre, la France et l'U.R.S.S. aux États de l'Europe centrale et orientale, y compris tous les pays européens, sans exception, limitrophes de l'U.R.S.S. ; signature d'une convention militaire concrète entre l'Angleterre, la France et l'U.R.S.S. sur les formes et les proportions de l'assistance immédiate et efficace que ces puissances se prêteraient réciproquement, ainsi qu'aux États bénéficiaires de la garantie en cas d'agression[2].

À la troisième session du Soviet suprême de l'U.R.S.S., le 31 mai 1939, V. Molotov a fait remarquer que le principe élémentaire de la réciprocité et de l'égalité des obligations, éléments nécessaires de tous accords conclus sur une base d'égalité, faisait défaut dans certaines propositions anglo-françaises formulées au cours de ces négociations.

« Se garantissant – a dit V. Molotov – contre une attaque directe de la part d'agresseurs par des pactes d'assistance mutuelle entre eux et avec la Pologne, et s'assurant le concours de l'U.R.S.S. en cas d'attaque de la part d'agresseurs contre la Pologne et la Roumanie, les Anglais et les Français laissaient pendante la question de savoir si l'U.R.S.S. pouvait à son tour compter sur une aide de leur part en cas d'attaque directe de la part d'agresseurs contre elle. De même, ils laissaient ouverte la question de savoir s'ils pouvaient participer à la garantie des petits États limitrophes de l'U.R.S.S. et couvrant sa frontière nord-ouest, au cas où ceux-ci seraient impuissants à défendre leur neutralité contre une attaque de la part d'agresseurs. La situation était donc inégale pour l'U.R.S.S.[3] »

Même lorsque les représentants anglo-français commencèrent à accepter, en paroles, le principe de l'assistance mutuelle entre l'Angleterre, la France et l'U.R.S.S. à titre de réciprocité en cas d'attaque directe de la part d'agresseurs, ils firent nombre de réserves qui rendaient cet accord fictif.

En outre, les propositions anglo-françaises prévoyaient l'assistance de l'U.R.S.S. pour les pays auxquels les Anglais et les Français avaient fait des promesses de garantie sans rien dire de leur assistance aux pays situés aux frontières nord-ouest de l'U.R.S.S., c'est-à-dire aux États baltes, au cas où ceux-ci seraient victimes d'une attaque de la part de l'agresseur.

Partant des considérations énoncées plus haut, V. Molotov déclarait que l'Union soviétique ne pouvait assumer d'engagements à l'égard de certains pays sans que des garanties analogues soient accordées aux pays situés aux frontières nord-ouest de l'Union soviétique.

Rappelons d'autre part que, lorsque l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Moscou, Seeds, s'informa le 18 mars 1939 auprès du Commissaire du Peuple aux Affaires Étrangères de l'attitude de l'Union soviétique en cas d'agression hitlérienne contre la Roumanie, agression sur les préparatifs de laquelle les Anglais étaient renseignés, et lorsqu'il fut demandé du côté soviétique quelle serait l'attitude de l'Angleterre dans cette éventualité, Seeds se déroba, en faisant remarquer qu'au point de vue géographique, la Roumanie est plus près de l'Union soviétique que de l'Angleterre.

Ainsi, dès le premier pas, apparut nettement le désir des milieux dirigeants anglais à lier l'Union soviétique par des engagements déterminés en restant eux-mêmes à l'écart. Ce procédé, plutôt simpliste, se répéta ensuite systématiquement à maintes reprises, au cours de toute la marche des pourparlers.

En réponse à la demande anglaise, le gouvernement soviétique proposa de convoquer une conférence des représentants des États les plus intéressés, et notamment de la Grande-Bretagne, de la France, de la Roumanie, de la Pologne, de la Turquie et de l'Union soviétique. De l'avis du gouvernement soviétique, cette conférence aurait offert le plus de possibilités de tirer au clair la situation réelle et de déterminer les positions de tous ses participants. Cependant, le Gouvernement britannique répondit qu'il estimait prématurée la proposition soviétique.

Au lieu de réunir une conférence qui aurait permis de s'entendre au sujet des mesures concrètes de lutte contre l'agression, le Gouvernement anglais proposa au gouvernement soviétique, le 21 mars 1939, de signer conjointement avec lui, ainsi qu'avec la France et la Pologne, une déclaration dans laquelle les gouvernements signataires s'engageraient « à se consulter sur les mesures à prendre en vue d'une résistance commune », au cas où « l'indépendance d'un État quelconque se trouverait menacée ».

L'ambassadeur de la Grande-Bretagne, cherchant à démontrer l'admissibilité de sa proposition, insistait particulièrement sur cette circonstance que la déclaration était rédigée en termes qui n'obligeaient que fort peu.

Il était de toute évidence que cette déclaration ne pouvait contribuer sérieusement à la lutte contre une menace imminente de la part de l'agresseur. Présumant, cependant, que cette déclaration, malgré le peu d'espoir qu'elle offrait, pouvait marquer ne fut-ce qu'un certain pas en avant dans le refrènement de l'agresseur, le gouvernement soviétique consentit à adopter la proposition anglaise. Mais déjà, le 1er avril 1939, l'ambassadeur de la Grande-Bretagne à Moscou communiquait que l'Angleterre considérait comme abandonnée la question d'une déclaration commune.

Après deux nouvelles semaines d'atermoiements, le Ministre des Affaires Étrangères anglais Halifax fit au gouvernement soviétique, par l'intermédiaire de l'ambassadeur de la Grande-Bretagne à Moscou, une nouvelle proposition consistant en ce que le gouvernement soviétique ferait une déclaration, selon laquelle :

« En cas d'un acte d'agression contre un voisin européen quelconque de l'Union soviétique, lequel opposerait résistance, on pourrait compter sur l'assistance du gouvernement soviétique, si cette assistance était désirable. »

Le sens principal de cette proposition consistait en ce que, au cas d'un acte d'agression de l'Allemagne contre la Lettonie, la Lituanie, l'Estonie, la Finlande, l'Union soviétique était obligée de leur accorder son assistance sans aucune obligation de la part de l'Angleterre d'accorder la sienne, c'est-à-dire de s'engager seul à seul dans une guerre avec l'Allemagne. En ce qui concerne la Pologne et la Roumanie, auxquelles l'Angleterre avait donné sa garantie, l'Union soviétique devait dans ce cas également leur prêter assistance contre l'agresseur. Mais même dans ce cas, l'Angleterre ne voulait assumer aucune obligation, quelle qu'elle fût, en commun avec l'Union soviétique, en se réservant les mains et le champ libres pour toute manoeuvre, sans compter que conformément à cette proposition la Pologne et la Roumanie, ainsi que les États baltes, ne s'engageaient à rien à l'égard de l'U.R.S.S.

Le gouvernement soviétique ne voulait pas cependant laisser échapper une seule possibilité d'arriver à un accord avec les autres puissances sur la lutte commune contre l'agression hitlérienne. Il présenta sans le moindre retard au Gouvernement britannique une contre-proposition.

Cette proposition consistait en ceci : premièrement, l'Union soviétique, l'Angleterre et la France s'engageaient mutuellement à se prêter les uns aux autres toute assistance immédiate, y compris l'assistance militaire, au cas où l'un de ces états serait victime d'une agression ; deuxièmement, l'Union soviétique, l'Angleterre et la France s'engageaient à accorder toute assistance, y compris l'assistance militaire, aux États de l'Europe de l'Est, situés entre la mer Baltique et la mer Noire et limitrophes de l'Union soviétique en cas d'agression contre ces États ; enfin, troisièmement, l'Union soviétique, l'Angleterre et la France devaient s'engager à établir à bref délai les proportions et les formes de l'assistance militaire, devant être accordées à chacun de ces États dans les deux cas mentionnés plus haut.

Tels étaient les points les plus essentiels de la proposition soviétique. Il n'est pas difficile de voir la différence radicale qui existait entre les propositions soviétiques et britanniques pour autant que la proposition soviétique renfermait en elle-même des mesures réellement efficaces de résistance conjointe à l'agression.

Au cours de trois semaines aucune réponse ne fut donnée à cette proposition par le Gouvernement britannique. Ce silence provoqua même en Angleterre une inquiétude croissante, si bien que le Gouvernement anglais dut, en fin de compte, recourir à une nouvelle manoeuvre pour duper l'opinion publique.

Le 8 mai, la réponse anglaise parvint à Moscou ; il serait plus juste de dire les contre-propositions anglaises ; il était suggéré de nouveau au gouvernement soviétique de faire une déclaration unilatérale, par laquelle :

« Il s'engagerait, au cas où la Grande-Bretagne ou la France seraient entraînées dans les opérations militaires en exécution des engagements pris par elles [envers la Belgique, la Pologne, la Roumanie, la Grèce et la Turquie] de leur prêter immédiatement son concours si ce dernier s'avérait désirable, la nature de ce concours et les conditions auxquelles il serait prêté devant être l'objet d'un accord. »

De nouveau, dans cette proposition, il s'agissait d'obligations unilatérales de l'Union soviétique. Elle devait s'engager à prêter assistance à l'Angleterre et à la France, qui, de leur côté, ne prenaient absolument aucune obligation à l'égard de l'Union soviétique concernant les Républiques Baltes. De cette façon, l'Angleterre proposait de placer l'U.R.S.S. dans une situation d'inégalité inadmissible pour tout État indépendant, et indigne de lui.

Il est facile de comprendre que, de fait, la proposition anglaise s'adressait moins à Moscou, qu'à Berlin. Les Allemands étaient invités à attaquer l'Union soviétique et on leur donnait à entendre que l'Angleterre et la France resteraient neutres, pourvu seulement que l'agression allemande ait lieu à travers les pays Baltes.

Le 11 mai une nouvelle complication intervint dans les pourparlers entre l'Union soviétique, l'Angleterre et la France par suite de la déclaration de l'ambassadeur de Pologne à Moscou, Grzybowski, qui communiqua que :

« La Pologne n'estime pas possible de conclure un pacte d'assistance mutuelle avec l'U.R.S.S. »

Il va de soi que cette déclaration du représentant polonais n'avait pu être faite qu'à la connaissance et avec l'approbation des milieux dirigeants d'Angleterre et de France.

La conduite des représentants britanniques et français dans les pourparlers de Moscou portait un caractère si nettement provocateur, que même dans le camp dirigeant des puissances occidentales, il se trouva des personnes pour critiquer âprement un jeu aussi grossier. Ainsi, en été 1939, Lloyd George publia dans le journal français Ce Soir un article virulent, dans lequel il s'attaquait aux dirigeants de la politique anglaise. Parlant des raisons des atermoiements interminables, dans lesquels s'étaient enlisés les pourparlers entre l'Angleterre et la France d'une part et l'Union soviétique d'autre part, Lloyd George écrivait qu'à cette question il ne pouvait y avoir qu'une seule réponse :

« Neville Chamberlain, Halifax et John Simon ne veulent aucun accord avec la Russie. »

Il va de soi que ce qui était clair pour Lloyd George, ne l'était pas moins pour les meneurs de l'Allemagne hitlérienne, qui se rendaient parfaitement compte que les puissances occidentales ne pensaient à aucun accord sérieux avec l'Union soviétique, mais poursuivaient un tout autre but. Ce but consistait à pousser Hitler à attaquer le plus tôt possible l'Union soviétique, en lui assurant, pour ainsi dire, une prime pour cette agression du fait que l'Union soviétique était placée dans les conditions les moins favorables en cas de guerre avec l'Allemagne.

En outre, les puissances occidentales faisaient traîner indéfiniment en longueur les pourparlers avec l'Union soviétique, en s'efforçant de noyer les questions essentielles dans la bourbe des mesquins amendements et des variantes innombrables. Chaque fois que la question tombait sur des engagements réels quelconques, les représentants de ces puissances faisaient mine de ne pas comprendre ce dont il s'agissait.

Vers la fin de mai, l'Angleterre et la France déposèrent de nouvelles propositions améliorant quelque peu la variante précédente, mais qui, cependant, laissaient toujours pendante la question essentiellement importante pour l'Union soviétique de la garantie des trois Républiques baltes, situées sur sa frontière Nord-Ouest.

Ainsi tout en consentant à certaines concessions verbales, sous la pression de l'opinion publique de leurs pays, les gouvernants de l'Angleterre et de la France continuaient à suivre obstinément leur première ligne en entourant leurs propositions de réserves qui les rendaient notoirement inacceptables à l'Union soviétique.

La conduite des représentants anglo-français pendant les pourparlers à Moscou était devenue à ce point intolérable, que V. Molotov se vit obligé, le 27 mai 1939, de déclarer à l'ambassadeur d'Angleterre Seeds et au chargé d'Affaires de France Payart, que le projet d'accord présenté par eux au sujet de la résistance commune à l'agresseur en Europe ne prévoyait aucun plan d'organisation d'assistance mutuelle efficace et même ne témoignait pas d'un sérieux intérêt des gouvernements anglais et français pour un pacte correspondant avec l'Union soviétique. En même temps, il était directement déclaré que la proposition anglo-française portait à penser que les gouvernements d'Angleterre et de France tenaient moins au pacte lui-même qu'aux pourparlers autour du pacte. Peut-être ces conversations étaient-elles nécessaires à l'Angleterre et à la France pour certains buts. Mais ces buts étaient inconnus du gouvernement soviétique. Ce dernier était intéressé non pas aux pourparlers au sujet du pacte, mais à l'organisation d'une assistance mutuelle effective entre l'U.R.S.S., l'Angleterre et la France, contre l'agression en Europe. Les représentants anglo-français étaient prévenus que le gouvernement soviétique n'avait pas l'intention de participer aux pourparlers au sujet d'un pacte dont les buts étaient inconnus de l'U.R.S.S. et que les gouvernements anglais et français pouvaient mener ces pourparlers avec des partenaires faisant mieux l'affaire que l'U.R.S.S.

Les pourparlers de Moscou traînaient interminablement. Les causes de ce retard inadmissible furent révélées par le Times de Londres qui écrivait :

« Une alliance rapide et résolue avec la Russie peut empêcher d'autres pourparlers...[4] »

Par « autres pourparlers » le Times entendait sans doute les négociations de Robert Hudson, ministre du commerce d'outre-mer, avec le docteur Hellmut Wohltat, conseiller économique d'Hitler, au sujet des possibilités d'un prêt britannique fort considérable à l'Allemagne hitlérienne, ce dont il sera question plus loin.

En outre, comme l'on sait, le jour où l'armée hitlérienne fit son entrée à Prague, une délégation de la Fédération de l'industrie anglaise négociait à Düsseldorf, selon une information de presse, la conclusion d'un accord de vaste envergure avec la grande industrie allemande.

Ce qui attirait également l'attention, c'était le fait que des personnalités de deuxième rang avaient été chargées de mener les pourparlers au nom de la Grande-Bretagne, à Moscou, tandis que Chamberlain lui-même était allé d'Angleterre en Allemagne, et plus d'une fois, pour négocier avec Hitler.

Il importe également de noter que le délégué anglais Strang, pour les négociations avec l'U.R.S.S., n'était pas muni de pouvoirs pour signer quelque accord que ce soit avec l'Union soviétique.

L'U.R.S.S. demandant de passer à des pourparlers concrets au sujet des mesures de lutte contre un agresseur éventuel, les gouvernements d'Angleterre et de France durent consentir à envoyer leurs missions militaires a Moscou. Mais celles-ci mirent plus de temps que de raison à atteindre Moscou. Et lorsqu'elles y arrivèrent, il se trouva qu'elles étaient composées de personnalités secondaires, qui, de plus, n'étaient pas munies de pouvoirs pour signer quelque accord que ce soit. Dans ces conditions, les pourparlers militaires s'avérèrent aussi infructueux que les négociations politiques.

Les missions militaires des puissances occidentales montrèrent d'emblée qu'elles ne désiraient pas débattre sérieusement les moyens d'assistance mutuelle en cas d'agression de l'Allemagne. La mission militaire soviétique partait du fait que, si la guerre éclatait, l'U.R.S.S. n'ayant pas de frontière commune avec l'Allemagne, pouvait aider l'Angleterre, la France, la Pologne seulement à la condition qu'on laissait les troupes soviétiques traverser le territoire polonais. Mais le Gouvernement de la Pologne déclara qu'il n'acceptait pas l'aide militaire de l'U.R.S.S., montrant ainsi qu'il craignait le renforcement de l'Union soviétique plus que l'agression hitlérienne. Les missions anglaise et française appuyèrent cette attitude de la Pologne.

Dans le cours des pourparlers militaires, on posa également la question de l'effectif des forces armées que les participants de l'accord devaient faire entrer en ligne immédiatement, en cas d'agression. Alors les Anglais mentionnèrent un chiffre dérisoire, déclarant pouvoir mettre en ligne 5 divisions d'infanterie et une division motorisée. Les Anglais proposaient cela au moment où l'Union soviétique se déclarait prête à envoyer au front, contre l'agresseur, 136 divisions, 5 mille canons, moyens et lourds, environ 10.000 tanks et tanquettes, plus de 5 mille avions de combat, etc. Cela montre combien peu sérieuse fut l'attitude du Gouvernement anglais à l'égard des pourparlers sur la conclusion d'un accord militaire avec l'U.R.S.S.

Les données mentionnées ci-dessus suffisent à confirmer la conclusion que se présente tout naturellement à l'esprit. Voici cette conclusion :

1. Le gouvernement soviétique, dans tout le cours des pourparlers, s'est efforcé, avec une patience extraordinaire, d'assurer une entente avec l'Angleterre et la France au sujet de l'assistance mutuelle contre l'agresseur sur la base de l'égalité et à la condition que cette assistance fût réellement efficace, c'est-à-dire que la conclusion du traité politique s'accompagnât de la signature d'une convention militaire établissant les proportions, les formes et les délais de l'assistance. Car toute la marche antérieure des événements avait montré d'une façon suffisamment nette que seul un accord pareil pourrait être efficace et capable de mettre à la raison l'agresseur hitlérien, gâté par de longues années d'impunité totale et de laisser-faire de la part des puissances occidentales.

2. La conduite de l'Angleterre et de la France au cours des pourparlers avec l'Union soviétique confirma pleinement qu'elles ne songeaient même pas à un accord sérieux avec celle-ci. Car la politique anglaise et française s'inspirait de buts autres, n'ayant rien à voir avec les intérêts de la paix et de la lutte contre l'agression.

3. Le dessein perfide de la politique anglo-française était de donner à entendre à Hitler que l'U.R.S.S. n'avait pas d'alliés, que l'U.R.S.S. était isolée, qu'Hitler pouvait attaquer l'U.R.S.S. sans risquer de se heurter à une résistance de la part de l'Angleterre et de la France.

Dans ces conditions, on ne doit pas s'étonner que les pourparlers anglo-franco-soviétiques aient fait fiasco. Cet échec n'était certes pas fortuit. Il devenait de plus en plus évident que les représentants des puissances occidentales, dans leur double jeu, s'étaient proposés d'avance de faire échouer ces pourparlers. Le fait est que parallèlement aux négociations avec l'U.R.S.S. publiquement conduites, les Anglais menaient dans les coulisses des pourparlers avec l'Allemagne, auxquels ils attachaient une importance infiniment plus grande.

Si, par leurs pourparlers de Moscou, les milieux dirigeants des puissances occidentales cherchaient avant tout à assoupir la vigilance de l'opinion publique de leurs pays, à tromper les peuples qu'on entraînait dans la guerre, les négociations avec les hitlériens étaient d'une autre nature.

Le programme des pourparlers anglo-allemands était formulé en termes suffisamment clairs par Halifax, ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, qui adressait à l'Allemagne hitlérienne des appels non équivoques au moment même où ses fonctionnaires poursuivaient leurs négociations à Moscou.

Prenant la parole au cours d'un banquet à l'Institut Royal des relations internationales, le 29 juin 1939, Halifax se déclarait prêt à s'entendre avec l'Allemagne sur toutes les questions « qui angoissent le monde ». Il disait notamment :

« Dans une pareille atmosphère nouvelle nous pourrions examiner le problème colonial, le problème des matières premières, celui des barrières s'opposant au commerce, de l'"espace vital", de la limitation des armements, et tous autres problèmes qui intéressent les Européens.[5] »

Si l'on se souvient de la manière dont le journal conservateur Daily Mail, lié à Halifax, traitait dès 1933 le problème de l'« espace vital », en proposant aux hitlériens de s'en tailler un en U.R.S.S., on n'aura plus aucun doute sur la portée réelle de la déclaration de Halifax. C'était là une franche proposition faite à l'Allemagne hitlérienne de s'entendre sur le partage du monde et des sphères d'influence, de résoudre tous les problèmes sans l'Union soviétique et surtout à ses dépens.

Dès le mois de juin 1939, les représentants de l'Angleterre engageaient dans le plus grand secret des pourparlers avec l'Allemagne, par l'entremise de Wohltat venu à Londres en qualité de délégué d'Hitler pour le plan quadriennal. Hudson, ministre anglais du Commerce d'outre-mer, et G. Wilson, conseiller intime de Chamberlain, s'entretinrent avec lui. Le sujet des pourparlers de juin est encore entouré du mystère des archives diplomatiques. Mais en juillet Wohltat revenait à Londres et les pourparlers étaient repris. Le sujet de ce deuxième tour des négociations est maintenant connu grâce aux documents saisis en Allemagne qui sont entre les mains du gouvernement soviétique et qui seront prochainement publiés.

Hudson et G. Wilson ont proposé à Wohltat puis à Dircksen, ambassadeur d'Allemagne à Londres, d'entamer des pourparlers secrets pour la conclusion d'un accord de grande envergure qui comprendrait un accord sur le partage des sphères d'influence à l'échelle mondiale et pour mettre fin à la « concurrence mortelle sur des marchés communs ». Il était prévu que l'Allemagne obtiendrait dans le sud-est de l'Europe une influence prépondérante. Dans son rapport au Ministère allemand des Affaires Étrangères, daté du 21 juillet 1939, Dircksen faisait remarquer que le programme discuté par Wohltat et Wilson embrassait des questions politiques, militaires et économiques. Parmi les questions politiques une place particulière était réservée parallèlement au Pacte de non-agression, à un Pacte de non-intervention, qui devait comprendre « la délimitation des espaces vitaux entre les grandes puissances, surtout entre l'Angleterre et l'Allemagne[6] ».

Lors de l'examen des problèmes relatifs à la conclusion de ces deux pactes, les représentants anglais avaient promis qu'en cas de signature des dits pactes l'Angleterre renoncerait aux garanties qu'elle venait d'accorder à la Pologne.

Dans le cas d'un accord anglo-germanique, les Anglais étaient prêts à laisser les Allemands régler seuls à seuls avec la Pologne le problème de Dantzig et celui du corridor polonais, s'engageant à ne pas intervenir dans ce règlement.

De plus, Wilson confirma, ainsi que le prouvent, documents à l'appui, les rapports de Dircksen qui seront bientôt publiés, qu'en cas de signature, par l'Angleterre et l'Allemagne, des pactes susmentionnés, la politique anglaise des garanties serait abandonnée en fait.

« Dans ce cas la Pologne — écrit Dircksen dans son rapport — restera pour ainsi dire face à face avec l'Allemagne. »

Tout cela signifiait que les gouvernants de l'Angleterre étaient prêts à livrer la Pologne en pâture à Hitler alors que l'encre avec laquelle venaient d'être signés les garanties anglaises à la Pologne n'avait pas encore séché.

En même temps, en cas de conclusion d'un accord anglo-allemand, le but que se proposaient l'Angleterre et la France lorsqu'elles entamèrent les pourparlers avec l'Union soviétique aurait été atteint et il aurait été plus facile de précipiter le conflit entre l'Allemagne et l'U.R.S.S.

Enfin, on envisageait de compléter l'accord politique entre l'Angleterre et l'Allemagne par un accord économique comprenant une transaction secrète sur les questions coloniales, sur la répartition des matières premières, le partage des marchés, etc., et aussi sur un prêt anglais important à l'Allemagne.

Ainsi donc, les gouvernants de l'Angleterre entrevoyaient le tableau attrayant d'un accord solide avec l'Allemagne et ce qu'on appelle la « canalisation » de l'agression allemande vers l'Est, contre la Pologne, à laquelle ils venaient de donner des « garanties » et contre l'Union soviétique.

Quoi d'étonnant que les calomniateurs et les falsificateurs de l'histoire passent soigneusement sous silence, s'efforçant de dissimuler ces faits d'importance capitale pour bien comprendre la situation dans laquelle la guerre devenait ainsi inévitable.

Aucun doute ne pouvait subsister, à ce moment-là, que l'Angleterre et la France, loin d'avoir l'intention d'entreprendre quoi que ce soit de sérieux pour empêcher l'Allemagne hitlérienne de déclencher la guerre, ont au contraire fait tout ce qui était en leur pouvoir pour inciter l'Allemagne hitlérienne contre l'Union soviétique au moyen de tractations et de marchés secrets, en se livrant à toutes les provocations possibles.

Les falsificateurs quels qu'ils soient ne réussiront pas à effacer de l'histoire ni de la conscience des peuples le fait décisif que, dans ces conditions, l'Union soviétique était placée devant cette alternative :

- ou bien accepter, dans un but d'autodéfense, la proposition faite par l'Allemagne de signer un Pacte de non-agression et d'assurer, par là même, à l'Union soviétique la prolongation de la paix pour un certain laps de temps, que l'État soviétique utiliserait pour mieux préparer ses forces en vue de la riposte à l'attaque éventuelle de l'agresseur ;

- ou bien décliner la proposition de l'Allemagne sur le Pacte de non-agression et permettre de ce fait aux provocateurs de guerre du camp des puissances occidentales d'entraîner immédiatement l'Union soviétique dans un conflit armé avec l'Allemagne, cela dans une situation tout à fait défavorable à l'Union soviétique dans les conditions de son isolement complet.

Dans ces conditions, le gouvernement soviétique s'est vu obligé de faire son choix et de signer un Pacte de non-agression avec l'Allemagne.

Ce choix a été un acte sagace et clairvoyant de la politique extérieure soviétique dans la situation qui existait alors. Cet acte du gouvernement soviétique a déterminé, dans une très grande mesure, l'issue favorable, pour l'Union soviétique et pour tous les peuples épris de liberté, de la Deuxième Guerre mondiale.

Ce serait une grossière calomnie que d'affirmer que la conclusion d'un pacte avec les hitlériens eût fait partie du plan de la politique extérieure de l'U.R.S.S. Au contraire, l'U.R.S.S. s'est toujours efforcée d'arriver à un accord avec les états occidentaux non-agressifs contre les agresseurs germano-italiens, dans le but d'assurer la sécurité collective sur les bases de l'égalité. Mais l'accord est un acte fondé sur la réciprocité. Alors que l'U.R.S.S. s'efforçait d'arriver à un accord sur la lutte contre l'agression, l'Angleterre et la France le repoussaient systématiquement et préféraient mener la politique visant à l'isolement de l'U.R.S.S., la politique de concessions aux agresseurs, la politique de l'orientation de l'agression vers l'Est, contre l'U.R.S.S. Les États-Unis d'Amérique, loin de s'opposer à cette politique funeste, la soutenaient au contraire par tous les moyens. En ce qui concerne les milliardaires américains, ils continuaient d'investir leurs capitaux dans l'industrie lourde allemande, aidaient les Allemands à développer leur industrie de guerre et armaient ainsi l'agression allemande, comme s'ils voulaient dire :

« Guerroyez, Messieurs les Européens, à votre aise, guerroyez avec l'aide de Dieu, tandis que nous, modestes milliardaires américains, nous nous enrichirons à votre guerre, en accaparant des centaines de millions de dollars de surprofits ! »

On comprend que, vu l'état de choses en Europe, il ne restait à l'Union soviétique qu'une issue : accepter la proposition des Allemands au sujet de la conclusion d'un pacte. C'était, malgré tout, la meilleure de toutes les issues possibles.

De même qu'en 1918, par suite de la politique hostile des puissances occidentales, l'Union soviétique s'était trouvée forcée de conclure la paix de Brest avec les Allemands, de même, en 1939, 20 ans après la paix de Brest, l'Union soviétique se voyait contrainte de conclure un pacte avec les Allemands par suite de la même politique hostile de l'Angleterre et de la France.

Les conversations de calomniateurs de toute espèce prétendant que l'U.R.S.S. ne devait pourtant pas aller jusqu'à un pacte avec les Allemands, ne sauraient être considérées autrement que comme risibles. Si la Pologne. Ayant pour alliés l'Angleterre et la France, avait pu aller jusqu'à un Pacte de non-agression avec les Allemands en 1934, pourquoi l'U.R.S.S., qui se trouvait dans des conditions moins favorables, ne pouvait-elle pas se permettre ce même pacte en 1939 ? Pourquoi l'Angleterre et la France, qui représentaient la force dominante en Europe, avaient-elles pu faire en 1938, en commun avec les Allemands, une déclaration de non-agression alors que l'Union soviétique, isolée grâce à la politique hostile de l'Angleterre et de la France, ne pouvait aller jusqu'à un pacte avec les Allemands ?

N'est-ce pas un fait que, de toutes les grandes puissances non-agressives de l'Europe, l'Union soviétique a été la dernière à se décider à un pacte avec les Allemands ?

Naturellement, les falsificateurs de l'histoire et autres réactionnaires ne sont pas contents de ce que l'Union soviétique ait réussi à utiliser habilement le Pacte soviéto-allemand aux fins d'affermir sa défense ; qu'elle ait réussi à déplacer ses frontières loin vers l'Ouest et à barrer la route à l'avance non contrariée de l'agression allemande vers l'Est ; que les troupes hitlériennes aient été obligées de commencer leur offensive vers l'Est, non pas de la ligne Narva-Minsk-Kiev, mais d'une ligne passant à des centaines de kilomètres plus à l'Ouest ; que l'U.R.S.S. n'ait pas été vidée de son sang par la guerre nationale, mais qu'elle fût sortie victorieuse de la guerre. Toutefois ce mécontentement rentre déjà dans le domaine de la fureur impuissante de politiciens faillis.

Le mécontentement furibond de ces messieurs ne peut être considéré que comme la démonstration de ce fait incontestable, que la politique de l'Union soviétique a été et reste juste.

Notes

1. Rapport de Dircksen « Sur le développement des relations politiques entre l'Allemagne et l'Angleterre pendant ma mission à Londres », rédigé en septembre 1939.

2. Voir rapport de V. Molotov à la IIIe session du Soviet Suprême de l'U.R.S.S. en date du 31 mai 1939, p. 8.

3. Ibidem.

4. Sayers and Kahn, The Great Conspiracy. The Secret War Against Soviet Russia, p. 329.

5. « Discours de lord Halifax sur la politique internationale », Oxford. Londres, 1940, p. 296.

6. Rapport de Dircksen, ambassadeur d'Allemagne en Angleterre, en date du 21 juillet 1939, Archives du Ministère allemand des Affaires Étrangères.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 54 - 22 août 2020

Lien de l'article:
: Falsificateurs de l'histoire: Chapitre III. Isolement de l'Union soviétique. Pacte de non-agression soviéto-allemand - Bureau soviétique d'information, Février 1948


    

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