Numéro 79
21 décembre 2022
Le gouvernement du Québec dépose ses offres
aux travailleurs et travailleuses du secteur public
Secteur préhospitalier au Québec
• L'urgence de mettre fin aux horaires de faction pour les paramédics
Des actions nationales à la défense des droits des migrants
• Des actions de
fin d'année pour réclamer justice et un
statut pour 1,7 million de personnes
Le gouvernement du Québec dépose ses offres aux travailleurs et travailleuses du secteur public
Les travailleurs et les travailleuses
rejettent la tentative d'imposer les salaires et les conditions
de travail
Les
travailleurs du secteur public québécois livrent leurs
revendications à
l'Assemblée nationale, le 28 octobre 2022.
Le 15 décembre, la ministre responsable de l'Administration
gouvernementale et présidente du Conseil du trésor, Sonia Lebel,
a déposé les offres du gouvernement du Québec aux quelque 600
000 travailleurs et travailleuses du secteur public et
parapublic dont les conventions collectives viennent à échéance
le 31 mars 2023. Elle a annoncé l'offre salariale du
gouvernement et présenté l'approche gouvernementale sur ce
qu'elle a appelé l'élargissement du débat en ce qui concerne les
« résultats sur le terrain » dans l'organisation du travail. Les
syndicats ont dénoncé la proposition salariale qu'ils ont
qualifiée d'insultante de même que l'approche au sujet de
l'organisation du travail comme des mesures inacceptables que le
gouvernement essaie d'imposer au lieu de négocier les salaires
et les conditions de travail dans une « négociation de bonne foi
».
L'opposition du gouvernement à la négociation collective
La moitié de la conférence de presse sur les offres gouvernementales a été consacrée à l'annonce de la tenue de forums publics entre les « partenaires » comme le gouvernement, les syndicats, les associations patronales de la santé, les ordres professionnels, d'autres peut-être encore. Trois forums publics sont prévus : l'Équipe classe, l'Équipe soins et l'Équipe santé mentale.
Lors de la ronde précédente de négociations, les travailleurs et travailleuses du secteur public se sont opposés à de tels forums comme une façon d'éviter la négociation collective aux tables où les travailleurs et leurs syndicats amènent leurs revendications et leurs solutions qu'ils veulent voir mises en oeuvre. Selon le gouvernement, les forums vont se tenir concurremment avec les négociations et tout au long de celles-ci. En plus, le gouvernement va allouer des sommes d'argent pour des mesures non négociées, selon ce qu'il déclarera ses priorités.
« On doit mieux identifier ce qui facilitera la mise en place des changements fondateurs dans les secteurs identifiés comme prioritaires par notre gouvernement », a dit la présidente du Conseil du trésor pendant la conférence de presse.
Elle a souligné l'objectif des forums pour garantir les « changements fondateurs » en disant :
« Tant du côté syndical, patronal que du côté des autres acteurs concernés, nous devons tous sortir de notre zone de confort. On doit aller au-delà des processus traditionnels, des acquis respectifs et des façons de faire habituelles. On est conscient que ce virage important pourrait provoquer des inconforts. Mais nous souhaitons que tous saisissent cette opportunité pour faire beaucoup mieux pour nos gens sur le terrain. »
La performance du gouvernement démontre qu'il ne se soucie pas des « gens sur le terrain ».
Les mots-clés qui reviennent dans la conférence de presse sont « flexibilité », « décloisonnement » et « agilité », tous des mots à la mode qui accompagnent le définancement et la privatisation des services. Les travailleurs et les travailleuses savent déjà très bien ce qu'ils signifient, la détérioration des conditions de travail et des soins dans le système, la suppression de la participation des travailleurs à la solution des problèmes, l'épuisement professionnel, etc.
Le gouvernement Legault procède à toute vitesse à l'offensive néolibérale et antisociale qui dévaste les programmes sociaux et détruit les services publics. Plus les intérêts privés étroits usurpent l'autorité politique, plus ils dictent que les travailleurs doivent se subordonner aux salaires et aux conditions de travail qu'ils veulent imposer. Ce qu'on appelait la négociation collective menée de bonne foi n'existe plus. Ceci laisse aux travailleurs l'unique option de mener la lutte à la défense de leurs droits dans le tribunal de l'opinion publique.
Les travailleurs et travailleuses du secteur public ont rejeté ce que le gouvernement appelle ses « offres » et ils intensifient leur lutte de masse pour leurs droits, qui est aussi la lutte pour les services dont les gens ont besoin.
Une offre salariale insultante
Le gouvernement veut que les travailleurs signent des conventions collectives de cinq ans avec une offre salariale totale de 9 %, 3 % la première année et 1,5 % pour les quatre prochaines années, soit 1,8 % en moyenne par année. À cela s'ajouterait un montant forfaitaire de 1 000 $ versé une fois, à la signature de la convention, qui n'est pas compté dans le salaire et n'est donc pas calculé lorsque vient le temps de comptabiliser les revenus de retraite et les vacances. Le gouvernement dit ajouter un pourcentage de 2,5 % qu'il inclut faussement dans l'offre salariale alors que le montant va dépendre de ce que le gouvernement appelle la réalisation de « ses priorités ». L'offre salariale ne comprend aucune clause d'ajustement au coût de la vie. Avec un taux d'inflation de 6,8 % pour 2022 et un taux prévu d'environ 5 % au Québec en 2023, l'offre constitue une coupure importante des salaires réels des travailleurs et travailleuses du secteur public. Selon l'Institut de la statistique du Québec, les travailleurs et travailleuses du secteur public gagnent en moyenne 9 % de moins que ceux du secteur privé qui effectuent des tâches similaires. Cette offre va directement à l'encontre de la demande du personnel et de la population pour l'attraction et la rétention de la main-d'oeuvre dans les services publics.
Tout montant additionnel est conditionnel à la soumission des employés du secteur public au diktat du gouvernement sur la direction des services publics. C'est une négation de la valeur immense que les travailleurs et travailleuses du secteur public créent pour la société et c'est aussi une insulte qui leur est faite alors qu'ils maintiennent les services à bout de bras, soignant les gens, sauvant des vies et enseignant aux jeunes, au risque de leur propre santé, alors que les gouvernements néolibéraux qui se sont succédé n'ont cessé de dévaster ces services.
Pendant la conférence de presse où l'annonce des offres a été faite, la présidente du Conseil du trésor a donné la rengaine habituelle que l'offre salariale doit tenir compte de la capacité de payer du gouvernement du Québec. Le gouvernement a une capacité de payer illimitée quand il s'agit de payer les riches à même la dilapidation des fonds publics, mais il considère ses travailleurs comme un coût à réduire et non comme des créateurs de la richesse sociale qui est à la base de la construction du Québec et à laquelle ils font une réclamation en tant que droit.
Son cynisme est si grand qu'elle dit partager l'opinion des travailleurs qu'en elle-même la question des salaires ne peut pas résoudre tous les problèmes auxquels les services publics sont confrontés.
La réponse des syndicats
Les syndicats représentant les travailleurs et travailleuses du
secteur public ont immédiatement dénoncé les offres du
gouvernement.
Le Front commun
Le 15 décembre, le Front commun a émis un communiqué de presse : « Appauvrir les travailleuses et les travailleurs des services publics, la pire des solutions ». Le Front commun, qui représente 420 000 travailleuses et travailleurs des services publics, est constitué de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).
Après avoir dénoncé les offres salariales du gouvernement, il écrit :
« Est-ce que le gouvernement est sérieux quand il affirme que les services publics sont importants ? Si oui, pourquoi maintient-il les réseaux en situation d'échec ? Pourquoi offre-t-il si peu sachant que les salaires des autres travailleuses et travailleurs vont augmenter davantage ? Les deux dernières années de pandémie nous ont pourtant offert un cruel constat de ce qui ne tourne pas rond dans nos services publics. En mettant sur la table des conditions de travail si désavantageuses, c'est la pénurie de main-d'oeuvre et tous les problèmes qu'elle engendre qu'il choisit de pérenniser .
« Devant de tels chiffres, pensez-vous que les gens vont choisir les services publics ou des emplois offrant de meilleures conditions ? Ce n'est pas au personnel des services publics de faire encore une fois les frais de la reprise économique ou de la lutte contre l'inflation. Va-t-on demander à nos membres — des femmes, à 78 % — de se serrer la ceinture encore une fois pour favoriser la reprise économique ? Si le gouvernement est sérieux dans sa volonté d'apporter des solutions durables pour les services à la population, il devra retourner à la table à dessin et reconsidérer ses offres.
« Le Front commun revendique, d'une part, un mécanisme permanent de protection contre l'inflation et, d'autre part, un enrichissement visant un rattrapage salarial général. Ainsi, pour l'année 2023, il revendique 100 $ par semaine ou l'IPC [Indice des prix à la consommation ]+ 2 % (selon la formule la plus avantageuse), pour 2024, l'IPC + 3 %, et finalement, pour 2025, l'IPC + 4 %. »
Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)
Dans son communiqué du 16 décembre, abordant la question des offres sectorielles annoncées par le Comité patronal de négociation du secteur de la santé et des services sociaux, la FSSS, qui compte plus de 140 000 membres, écrit :
« Si le gouvernement reconnaît enfin les problèmes que nous
vivons, nous attendons toujours qu'il se montre ouvert à
implanter les solutions des travailleuses et des travailleurs.
« Pour la FSSS-CSN, ce qui ressort de ce dépôt, c'est le silence
qu'il garde sur plusieurs enjeux majeurs. Par exemple, le dépôt
patronal fait référence au Plan santé du ministre Dubé, sans
mentionner que ce celui-ci vise à accentuer la place du privé en
santé, tandis qu'il faudrait plutôt mettre nos énergies à
consolider le réseau public. »
« Le gouvernement ne propose rien pour épauler le personnel qui
doit accueillir la relève, rien pour reconnaître l'expérience,
rien pour implanter des ratios, rien pour accorder plus de
vacances au personnel épuisé, rien pour lutter contre la
privatisation et pour miser sur l'expertise du réseau. Pas un
mot non plus sur des mesures environnementales. Toutes ces
propositions innovantes venant de notre large consultation de
nos membres sont autant d'occasions à saisir pour remettre le
réseau sur ses pieds. »
Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec
Dans son communiqué du 15 décembre, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) , qui représente environ 76 000 membres, écrit :
« Les offres salariales patronales sont de 9 % sur 5 ans, alors que les demandes de la FIQ sont de 12 % sur 3 ans accompagnées d'une protection du pouvoir d'achat et d'une mise à niveau pour combler l'inflation des derniers mois.
« On est loin du compte, les offres du gouvernement ne sont clairement pas à la hauteur des sacrifices que les professionnelles en soins subissent depuis trop longtemps. Clairement, le gouvernement rate sa cible s'il veut devenir un employeur de choix. Nos membres s'attendent à des changements significatifs pour de meilleures conditions salariales et de pratique. On mérite de pouvoir avoir le sentiment du devoir accompli lorsqu'on rentre chez soi après notre quart. On veut être reconnue à notre pleine valeur et on mérite d'avoir une conciliation travail—vie personnelle équilibrée. L'offre actuelle lorsqu'elle sera connue de nos membres les offusquera sans aucun doute. »
Au sujet des forums publics elle écrit :
« Le gouvernement propose encore beaucoup trop de forums de discussions sur de nombreux sujets. Il veut créer plein de comités pour parler de différents sujets comme la stabilité des équipes, le TSO et l'aménagement du temps de travail. Cette façon de faire est totalement inefficace pour régler rapidement les problèmes du réseau de la santé.
« En fait, il n'y a rien de concret pour mettre fin au TSO, rien de concret pour diminuer progressivement le recours au personnel des agences, rien de concret pour valoriser le travail des professionnelles en soins et diminuer la charge de travail, comme avec des ratios [employés/patients].
« Les enjeux prioritaires, c'est à la table de négociation que ça se passe. Pas besoin de forums qui s'éternisent. La FIQ a des propositions concrètes, réalisables et applicables rapidement pour sauver le réseau de la santé. Le réseau est brisé, on doit agir et vite. »
La FIQ revendique entre autres un engagement du gouvernement
sur l'adoption d'une loi sur les ratios sécuritaires
professionnelles en soins/patients.
Fédération autonome de l'enseignement
Le 15 décembre, la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), qui compte environ 60 000 membres, a écrit dans un communiqué de presse :
« Une première analyse à chaud permet de constater que plusieurs des propositions sont les mêmes que lors des derniers dépôts. La situation est paradoxale, considérant que le gouvernement demande aux enseignantes et enseignants d'être agiles et novateurs, de faire preuve de souplesse, de créativité et de flexibilité, et de sortir du cadre traditionnel, alors qu'il leur sert les mêmes recettes. En langage enseignant, l'agilité, la flexibilité et la souplesse demandées tout au long du dépôt dans différentes mesures risquent d'être reçues négativement par les enseignantes et enseignants. La pression que le gouvernement met aujourd'hui sur eux représente un alourdissement de la tâche.
« Actuellement, beaucoup de profs dans le réseau ont étiré
l'élastique au maximum et sont en situation de détresse.
Nombreux sont celles et ceux pour qui l'élastique s'est brisé.
D'autres ont fait le choix de quitter avant que ce soit le cas.
Un roulement du personnel et une pénurie d'enseignantes et
d'enseignants sans précédent sévissent dans le milieu de
l'éducation. Malheureusement, malgré la volonté gouvernementale
de trouver des solutions pour régler les problèmes les plus
criants du système scolaire, le présent dépôt ne remplit pas
trois critères : il ne donne pas le goût aux étudiantes et
étudiants d'aller se former en enseignement ; il contribue peu à
l'amélioration des conditions de travail des profs en exercice
et il ne favorise pas le retour des enseignantes et enseignants
qui ont quitté le réseau. Enfin, en raison de l'urgence de la
situation, le dépôt de ces offres aurait dû fournir des
conditions de travail qui préviennent la détresse psychologique
et les absences prolongées, ce qui n'est pas le cas. »
Syndicat de professionnelles et professionnels
du gouvernement du Québec
Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), qui compte 32 650 membres, écrit dans son communiqué du 15 décembre :
« Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) est particulièrement déçu des offres d'à peine 9 % sur cinq ans au personnel de l'État présentées aujourd'hui en conférence de presse. En 2022, l'indice des prix à la consommation au Québec a été de 6,60 %. Il devrait être de 4,94 % en 2023 et de 3,41 % en 2024. Nos membres ont vu leur pouvoir d'achat se réduire comme une peau de chagrin avec une augmentation d'à peine 2 % en 2022.
« Dans le contexte de pénurie de main-d'oeuvre, les offres présentées aujourd'hui sont nettement insuffisantes pour attirer et retenir le personnel professionnel de l'État. ‘ Le gouvernement est loin d'être un employeur de choix, comme le laisse entendre la présidente du Conseil du trésor. Déjà, le gouvernement peine à pourvoir ses postes vacants parce qu'un rattrapage salarial est nécessaire. Plusieurs postes demeurent affichés de longs mois, ajoutant une pression indue sur le personnel en place et créant ainsi d'autres départs dans un cercle vicieux déplorable ', tonne le président du SPGQ [Guillaume Bouvrette].
« Finalement, le SPGQ a soulevé d'autres problèmes très
importants, notamment en ce qui a trait à l'organisation du
travail, au télétravail, aux assurances et à la retraite. Le
syndicat s'attend à ce que l'employeur s'y attaque aussi avec
sérieux et avec le respect que le personnel professionnel
mérite. »
(Photos: FSSS-CSN, Common Front, FIQ, FAE.)
Secteur préhospitalier au Québec
L'urgence de mettre fin aux horaires
de faction pour les paramédics
Les paramédics de l'Abitibi-Témiscamingue et du Nord québécois
protestent contre des horaires de travail intenables, 16 mars
2022.
Félix-Antoine Lafleur est le président du conseil central
CSN de l'Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec. Voici une
entrevue qu'il a accordée à Forum ouvrier.
Forum ouvrier : Récemment, les médias ont parlé d'une véritable explosion d'heures de ruptures de services ambulanciers en Abitibi-Témiscamingue depuis quelques années. Peux-tu nous en dire plus ?
Félix-Antoine-Lafleur : Notre expérience sur le terrain confirme que les ruptures de services se multiplient.
Pour expliquer la situation, il faut savoir que, dans notre région, nous sommes toujours dans le contexte des horaires de faction versus les horaires à l'heure. Dans un horaire de faction, les paramédics sont de garde pendant une période de 7 jours consécutifs, 24 heures par jour. Ils vaquent à leurs occupations quotidiennes mais doivent demeurer dans un rayon de 5 minutes du véhicule ambulancier. Alors que dans les horaires à l'heure, dans les grands centres, les ambulanciers sont dans leur véhicule, prêts à répondre aux appels. Ils ont un quart de travail normal, à l'heure, avec une heure de début et une heure de fin.
Aussi, en ce qui concerne les ruptures de services, dans le nord du Québec, on vit une situation de pénurie de main-d'oeuvre dans plein de domaines. Pour les jeunes paramédics, pour la relève, les horaires de faction ne sont pas attrayants. Cela les force à se commettre à de longues périodes de disponibilité. Ils veulent avoir une meilleure flexibilité, fonder une famille. Lorsque tu dois être 7 jours sur appel, sans jamais savoir si tu vas être à la maison pour le souper, ce n'est pas idéal pour la conciliation travail-famille. Les paramédics ne sont pas attirés par ces horaires là. Il y a donc des paramédics qui, même s'ils sont formés dans la région, quittent la région pour aller travailler à l'extérieur avec des horaires a l'heure, pour avoir une vie de famille.
Tout ceci nous amène à des situations de rupture des services parce qu'il manque de paramédics à cause des conditions qui ne sont pas attrayantes. Cela crée une surcharge sur les paramédics actuels.
On a appris récemment qu'à chaque mois, dans l'entreprise ambulancière Dessercom en Abitibi-Témiscamingue, il manque environ 10 paramédics pour pouvoir donner les services de base. Cette charge de travail est assumée par les autres paramédics. Cependant ils ont des limites, il y a des limites de temps supplémentaire que tu es capable de faire, des limites à ta capacité de te déplacer physiquement dans une région. On n'est pas capable de combler la demande des services. Les postes à combler sont comblés par des paramédics qui sont déjà sur un horaire à temps plein. On n'est pas capable de les combler totalement.
Et cela dure depuis longtemps. C'est une absurdité quand on sait que les horaires de faction ont été mis en place en 1989 au Québec comme une mesure temporaire en attendant d'implanter des horaires à l'heure partout. Cela fait 33 ans de cela ! À l'heure actuelle, la proportion de paramédics en horaires de faction est d'environ 66 % du nombre total de paramédics dans la région. Les autres, soit environ le tiers du nombre total, sont sur des horaires à l'heure.
Il y a beaucoup d'emplois dans la région dans l'extraction des ressources naturelles où les salaires sont supérieurs à ce que touchent les paramédics. Alors c'est normal que des paramédics se demandent si ça vaut la peine de vivre tout cela dans leur travail, qui est un métier d'urgence, avec les problèmes qu'on connaît de santé psychologique parmi le personnel. Cela pousse à la réflexion, c'est un métier très difficile. Bien sûr c'est possible de faire face à ces problèmes, avec de l'accompagnement bien sûr, mais plusieurs peuvent penser qu'ils ne veulent pas exposer leur famille à cela, nuire à la qualité de la vie de famille.
Du coté syndical on demande depuis longtemps une conversion vers des horaires à l'heure. C'est vrai que les horaires à l'heure demandent plus de personnel, environ le double de ce qui est utilisé pour les horaires de faction. Par contre, les horaires à l'heure attirent les paramédics. Il faut investir, faire des plans bien documentés, avec des échéanciers précis, pour que les paramédics restent avec nous, pour que ceux qui commencent sachent qu'ils vont pouvoir travailler avec des horaires à l'heure.
FO : À ton avis, quelle est la raison d'une telle opposition à implanter des horaires à l'heure partout ?
FL : Ce sont des enjeux économiques. Les frais de personnel augmentent d'environ du double mais c'est la seule variable qui change. Le reste ne change pas. Le véhicule, le matériel utilisé, etc., restent les mêmes.
Et nous ne demandons pas que cette conversion se fasse de façon cavalière, du jour au lendemain. La question c'est d'avoir un plan qui est clair. La pénurie de main-d'oeuvre ne va pas se résorber du jour au lendemain. On aura besoin de plus de main-d'oeuvre pour pouvoir faire les conversions. Il faut d'abord mettre en place les conditions gagnantes pour que la conversion devienne une réalité. Au lieu de trouver des excuses et dire que cela ne fonctionnera jamais, mettons en place des mesures pour avoir la main-d'oeuvre suffisante.
Au fond de tout cela il y a un débat idéologique. Il faut
décider de ce qui va primer, la rentabilité économique pure et
dure ou un service équitable à l'ensemble de la population. Il
faut arrêter de voir le système préhospitalier uniquement comme
une dépense. Il faut le voir comme un investissement pour le
bien de la société.
(Photo: FSSS-CSN)
Des actions nationales à la défense des droits des migrants
Des actions de fin d'année pour réclamer justice et un statut pour 1,7 million de personnes
Toronto, 16 décembre 2022
Il y a eu des actions dans plusieurs villes canadiennes du 16 au 19 décembre pour exiger des libéraux de Justin Trudeau qu'ils respectent l'engagement pris par le premier ministre Justin Trudeau il y a exactement un an de régulariser le statut de tous les migrants au Canada. Des actions ont eu lieu le 16 décembre à Toronto et à Shediac, au Nouveau-Brunswick, le 18 décembre à Vancouver et dans divers endroits en Alberta et le 19 décembre à Montréal. Elles ont été appelées par l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement et ses alliés.
À Toronto, les travailleurs migrants et sans papiers et leurs alliés se sont rassemblés devant le bureau de circonscription du ministre de la Sécurité publique Marco Mendecino, puisque c'est sous son autorité que l'Agence des services frontaliers du Canada expulse en moyenne 31 personnes par jour parce qu'elles seraient « illégales » au Canada.
Lors de l'action à Toronto, Abu Hena Mostafa Kamal, de Thunder Bay, s'est adressé aux participants par conférence téléphonique. Étudiant international du Bangladesh qui risque d'être expulsé le 1er janvier, il a dit : « En tant qu'étudiant migrant, j'étais forcé d'accepter des emplois dont les conditions de travail étaient mauvaises, mais je ne pouvais pas les dénoncer à cause de mon statut. Sans statut permanent, je constate que les immigrants comme moi ont une laisse au cou, nous sommes des travailleurs jetables avec une date de péremption. Je parle pour tous les autres. Je veux arrêter mon expulsion. Ma vie est ici. J'ai de la famille et des amis ici. Je veux que le premier ministre respecte son engagement de l'an passé et qu'il instaure un programme de régularisation sans plafonnements et sans exclusions. Nous avons besoin d'un statut pour tous. »
Fatumah Najjuma, une réfugiée ougandaise, mère monoparentale d'une fille née au Canada, qui travaille en tant que préposée aux services de soutien personnel, a pris la parole également. Elle risque l'expulsion parce que sa demande d'asile a été rejetée. Elle a demandé pourquoi elle est persécutée par le gouvernement canadien. « Pourquoi le gouvernement canadien essaie-t-il de me séparer de ma fille canadienne, moi, son unique parent vivant ? Je suis ici aujourd'hui pour joindre ma voix à celles des 60 000 personnes qui ont signé la pétition demandant au gouvernement de faire en sorte que je puisse rester ici au Canada et pour que toute personne sans papiers puisse obtenir une résidence permanente. »
Une autre travailleuse migrante ougandaise, Jane, qui risque aussi l'expulsion, a raconté comment les travailleurs migrants sont traités de manière injuste au Canada. Elle a expliqué comment les travailleurs migrants et sans papiers qui ont travaillé pendant la pandémie et contribué au Canada n'ont pas droit à des services de base comme des soins de santé et comment ils vivent chaque jour sous la menace d'être arrêtés par les autorités de l'immigration. Elle a appelé le Canada à faire ce qui est juste, d'accorder la résidence permanente aux 1,7 millions de personnes vivant au Canada et qui, pour diverses raisons, se retrouvent sans statut et qui méritent de vivre dans la dignité.
Après les interventions, une pétition avec plus de 63 000 signatures demandant un statut plein et permanent pour tous a été livrée au bureau du ministre Mendecino pendant que les participants au rassemblement scandaient : « Arrêtez les déportations, un statut pour tous et toutes ! », « Personne n'est illégal » et d'autres slogans.
À la fin de l'action, tout le monde présent s'est engagé à continuer de faire pression sur le gouvernement Trudeau pour qu'il respecte son engagement de régulariser le statut de 1,7 million de personnes. Les étudiants internationaux, les travailleurs migrants, les réfugiés et les personnes sans papiers ont besoin d'un statut complet en tant que droit qui leur appartient du fait qu'ils sont des êtres humains, pour qu'ils puissent vivre dans la dignité, avoir accès aux services et aux protections sociales de base et avoir une vie stable et une tranquillité d'esprit, tout en continuant de contribuer au Canada.
Des travailleurs migrants remettent une lettre au bureau de
circonscription de Dominic LeBlanc,
ministre des Affaires intergouvernementales, de l'Infrastructure
et des Collectivités, Shediac, Nouveau-Brunswick, 16 décembre
2022.
Discussion publique à Montréal, le 19 décembre 2022
(Photos: LML, MWAC Canada, M. Jess.)
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