Numéro 36 - 17 juillet 2023

Vingt-deuxième semaine de grève à Sel Windsor

Les travailleurs du sel s'opposent aux tactiques de diviser pour régner

Rassemblement en appui aux travailleurs du sel en grève, 29 juin 2023

Au sujet de la neutralité dans les relations de travail

– Enver Villamizar –

Les préoccupations des Premières Nations au sujet des baux de droits miniers de Sel Windsor sur leurs terres

Sel Windsor paie un loyer dérisoire



Vingt-deuxième semaine de grève à Sel Windsor

Les travailleurs du sel s'opposent aux tactiques»
de diviser pour régner

Les travailleurs indiquent que les négociations contractuelles à Sel Windsor se sont résumées à deux questions majeures à la mine de sel gemme : 1) les libérations syndicales, c'est-à-dire la demande de l'entreprise d'affaiblir la capacité du syndicat de représenter ses membres ; et 2) les classifications des postes et l'ancienneté pour déterminer qui est capable d'effectuer tel ou tel travail. Il semble que l'entreprise n'ait pas donné suite à ses demandes sur ces questions dans la même mesure, ou qu'elle les ait abandonnées, lors des négociations avec les travailleurs de l'usine d'évaporation.

Il y a un nombre relativement élevé de catégories de classification des postes à la mine comparativement à l'usine d'évaporation. Les travailleurs disent que l'entreprise peut utiliser cela pour accroître les droits de la direction de déterminer qui part et qui reste en cas de mise à pied. L'entreprise peut également s'en servir pour restructurer ou réduire le nombre de classifications en fusionnant ou en supprimant certains postes ou en en créant de nouveaux pour lesquels l'ancienneté serait normalement le facteur décisif. La direction peut ainsi décider qui elle retient pour les nouveaux postes et qui est elle déclare « superflu ».

En plus de s'attaquer à un principe syndical fondamental, les travailleurs y voient une tentative évidente de les diviser en faisant en sorte qu'une unité s'entende avec l'entreprise et que les travailleurs aux deux endroits de travail ne se battent pas comme un seul. Les travailleurs ne l'acceptent pas. Le fait est que, indépendamment de leur classification ou de leur lieu de travail, les travailleurs du sel sont devenus une seule et même force au cours de la grève et ne permettront pas que leurs rangs soient divisés.

Avant la grève, les travailleurs de la mine et de l'usine d'évaporation ne se connaissaient pas et ne savaient pas grand-chose de leurs conditions de travail ou de leurs processus de production respectifs. La grève a mis fin à cette situation. Les travailleurs des deux exploitations ont fait du piquetage ensemble et ont pris conscience de leurs conditions de travail dans leur ensemble, y compris le personnel de bureau et de laboratoire qui travaille dans les deux installations. Il s'agit là d'un résultat important de cette grève.

Les 18, 19 et 20 juillet sont les dates des jours de rencontre à Toronto entre les syndicats et l'entreprise et un médiateur nommé par le gouvernement. Les deux parties ont accepté la médiation. Selon la Commission des relations de travail de l'Ontario : « Les médiateurs ne sont pas des arbitres ; ils ne rendent pas de décision pour trancher le différend. Ils ne représentent aucune des parties et ne fournissent pas de conseils aux parties. Les médiateurs sont des professionnels neutres, qui possèdent une riche expérience des relations de travail et du droit du travail. Ils connaissent à fond les pratiques et procédures de la Commission. Leur rôle est d'aider les parties à régler leur différend à l'amiable. Pendant la médiation, les médiateurs peuvent renvoyer à la jurisprudence pertinente pour les questions en litige afin d'aider les parties à évaluer de façon réaliste leurs positions et toute offre de règlement. Les médiateurs ne donnent pas d'avis juridiques.

« Afin d'encourager une discussion franche et ouverte entre les parties dans le lieu de travail, les médiateurs considèrent tout ce qui se dit pendant la médiation comme confidentiel. Le processus de médiation est distinct de l'audience dont pourrait faire l'objet la requête. Les médiateurs ne remettent pas à la Commission leurs dossiers, leurs notes ou les documents qu'ils ont reçus, si une audience est tenue. Les parties doivent apporter tous leurs documents et témoins à l'audience [dans le cas où la médiation est liée à une plainte déposée auprès de la Commission des relations de travail &ndash ; NDLR], comme si la médiation n'avait jamais eu lieu. »

Compte tenu des tentatives répétées de l'entreprise de nuire à la capacité du syndicat de fonctionner et de miner les dispositions existantes en matière d'ancienneté, les travailleurs sont clairs que l'entreprise n'a pas abandonné ses tentatives de briser le syndicat. Ils ne se font pas d'illusions sur le fait qu'un médiateur arrêtera l'entreprise. Ils savent que, jusqu'à présent, leur résistance au diktat leur a permis d'avancer et c'est ce qui les guide alors qu'ils entament la prochaine phase de leur grève.

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Au sujet de la neutralité dans les relations de travail

– Enver Villamizar –

Le gouvernement de l'Ontario, la Commission des relations de travail et les médiateurs qu'elle désigne passent pour neutres, donnant l'impression qu'ils ne favorisent aucune des deux parties. Quelle est la situation actuelle ? Stone Canyon Industries Holdings Inc. montre qu'il n'est pas nécessaire de négocier. Elle utilise son monopole mondial sur l'extraction et le traitement du sel pour extorquer les travailleurs et la communauté.

L'extorsion est la pratique consistant à obtenir quelque chose, en particulier de l'argent, par la force ou la menace. Dans le cas présent, ceux qui pratiquent l'extorsion n'accepteront rien d'autre que la soumission à leur diktat et utilisent à la fois la force et la menace. Ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour diviser, intimider et faire pression sur les travailleurs, leurs familles et leur communauté dans son ensemble. Ils menacent de se débarrasser des travailleurs et de leurs installations, comme ils l'ont fait à Lindbergh, en Alberta. Au moyen de la force, ils continueront à remplir leurs commandes à partir de leurs autres exploitations comme ils l'ont déjà fait avec les travailleurs de Pugwash, en Nouvelle-Écosse, pour les amener à accepter une convention collective remplie de concessions.

Le recours à des briseurs de grève à la mine et à l'usine d'évaporation de Windsor est presque devenu une question discutable, car le cartel se contente d'honorer les commandes de ses exploitations aux États-Unis et dans d'autres régions du Canada. Ce démantèlement de la production et ces attaques contre les droits des travailleurs sous la forme d'exigences pour affaiblir et même éliminer le syndicat par la sous-traitance sont légaux et autorisés par le droit du travail en vigueur. En fait, seuls les travailleurs ont fait l'objet d'injonctions, d'arrestations et d'enquêtes privées ; l'entreprise a pu poursuivre ses activités en toute impunité.

Les gouvernements Ford et Trudeau ont encouragé l'entreprise en restant silencieux face à cette attaque d'une société de portefeuille étrangère contre les travailleurs de l'Ontario et une ressource naturelle canadienne. Lorsque des cartels étrangers comme ceux de l'industrie des batteries électriques extorquent ces mêmes gouvernements, ceux-ci répondent en leur remettant des milliards de fonds publics. Cette soumission montre à d'autres cartels, comme Stone Canyon, qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent et que les gouvernements agiront à leur service.

Ces cartels ont pris le contrôle des partis politiques au pouvoir et des gouvernements qu'ils forment. Une fiction est créée pour cacher cela, qui promeut l'idée que les gouvernements essaient simplement de créer ou de maintenir des emplois. Les citoyens sont alors censés débattre de la question de savoir s'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise politique.

Les riches et les gouvernements dont ils ont pris le contrôle ne voient dans le Canada, son peuple et ses territoires qu'un appendice de la machine de guerre des États-Unis. Les travailleurs se rendent compte que leur sécurité réside uniquement dans leur unité dans la lutte pour les droits de toutes et de tous et dans leur résistance à l'offensive antinationale, antisociale, antiouvrière et proguerre des riches et de leurs gouvernements.

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Les préoccupations des Premières Nations au sujet des baux de droits miniers de Sel Windsor
sur leurs terres

Le complexe minier Ojibway se trouve sur les terres des Premières Nations de Walpole Island et de Caldwell. Les deux ont fait part de leurs préoccupations concernant la prolongation des baux du complexe  Ojibway en mai et juin 2021, mais elles ont été ignorées. Le fait qu'elles aient exprimé leurs préoccupations est documenté par le ministère des Mines de l'Ontario. Stone Canyon Industries Holdings Inc. a acheté Sel Windsor dans le cadre de son achat de Morton Salt le 30 avril 2021, un mois avant que la période de prolongation du bail ne soit affichée et ouverte aux commentaires du public. Les deux Premières Nations ont posé des questions au cours de la phase de consultation publique du processus de renouvellement des baux, affirmant leur droit de regard sur leurs terres et les ressources qu'elles contiennent. Les baux ont finalement été renouvelés pour 21 ans le 11 février 2022 et leurs préoccupations ont été ignorées.

Selon les documents gouvernementaux : « La Première Nation de Walpole Island (WIFN) a mentionné une affirmation de titre ancestral sur la région visée par le bail, tel que revendiqué dans un litige entamé en 2000 [1]. » Cette année-là, les commissionnaires de la Commission des revendications des Indiens , créée par le gouvernement fédéral pour enquêter sur la validité des revendications, a conclu que la revendication de la Première Nation de Walpole Island, qui n'avait jamais cédé ses terres ni ses cours d'eau, y compris des sections des terres louées au complexe minier Ojibway, était valide, et que tout titre autochtone sur ce qui s'appelait l'Île Bois Blanc — qui se nomme aujourd'hui l'Île Boblo — en 1786, « demeure en vigueur aujourd'hui » [2]. Située au sud du pont Ambassador entre Amherstburg sur le côté ontarien et Détroit, au Michigan, l'Île Boblo a été pendant plusieurs décennies le site d'un populaire parc d'amusement fréquenté tant par des Américains que des Canadiens. Ce parc a fermé ses portes en 1993 et l'île a été achetée pour la somme de 4,2 milliards de dollars US en 1994 et est maintenant une île réservée à des maisons de luxe et aux terrains de golf.

Selon le ministère des Mines, sur la base de sa revendication de titre, la Première Nation de Walpole Island « a pris la position qu'une entente sur les répercussions et les avantages devrait être une condition des baux reconduits ». Selon la Commission ontarienne des droits de la personne : « Les ententes sur les répercussions et les avantages sont des contrats privés négociés entre un ou plusieurs gouvernements autochtones et une société d'extraction de ressources, qui prévoient des engagements et des avantages de la part de la société d'extraction des ressources, notamment atténuer ou éliminer des conséquences négatives sur les droits des Autochtones, ainsi que des avantages sur les plans de l'emploi, de la formation et de l'octroi de contrats. Les secteurs miniers et de développement des ressources considèrent de plus en plus les ententes sur les répercussions et les avantages comme un outil utile pour partager des avantages avec les peuples autochtones dont les droits seraient touchés par le projet de développement des ressources en question et atténuer les impacts sur les droits des Autochtones ».

Dans sa réponse à la requête de la Première Nation de Walpole Island, le ministère a indiqué que « l'obligation de la Couronne de consulter, si elle est déclenchée dans les circonstances, n'oblige pas le ministère à insister que la société conclue une entente commerciale avec la WIFN, et que de telles ententes commerciales ne sont pas requises ou réglementées en vertu de la Loi sur les mines. Le ministère a encouragé la WIFN à communiquer directement avec l'entreprise ». Dans sa réponse, la WIFN « a réitéré sa position et a demandé au ministère s'il avait envisagé l'opportunité d'un terme de reconduction plus court et si le bail reconduit serait assorti d'une autre clause de reconduction ». Le ministère a répondu « en expliquant sa position en plus de détail et en faisant remarquer que les baux existants confèrent au preneur à bail le droit de faire reconduire ceux-ci pour un terme de vingt et un ans et qu'aucune option de terme de reconduction plus court n'existe. En ce qui concerne toute reconduction ultérieure, un des baux en est à son dernier terme de reconduction et le projet de consultation pour l'autre comprend une clause de reconduction plus discrétionnaire que la clause précédente ».

La décision sur le renouvellement a aussi noté : « On a également reçu des questions de la Première Nation de Caldwell (CFN) concernant la profondeur de la région visée par le bail et les protocoles d'entretien connexes pour ces régions, et concernant les possibilités de tirer parti du projet, qui se déroule dans les limites du territoire traditionnel de la CFN et d'autres collectivités autochtones. Le ministère a reconnu que le projet se déroule dans les limites du territoire traditionnel de la CFN, a répondu aux questions de la CFN et a encouragé la CFN à communiquer directement avec la société concernant les possibilités de tirer parti du projet. »

Notons qu'il est affirmé dans le bail approuvé à ce moment-là par le ministère de l'Énergie, du Développement du Nord et Mines que « les droits de l'entreprise en vertu de ce bail sont sous réserve de la protection accordée aux droits ancestraux ou issus de traités stipulés dans l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et le preneur à bail doit se comporter sur les lieux loués conformément à la protection accordée à ces droits ».

Selon l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule ce qui suit :

1) Les droits existants –; ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

2) Dans la présente loi, peuples autochtones du Canada s'entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada.

3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.

4) Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits &ndash ; ancestraux ou issus de traités &ndash ; visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes

La réponse du gouvernement fédéral aux questions et aux revendications légitimes des Premières Nations révèle bien son véritable mobile lorsqu'en juin 2021, au moment même où ces préoccupations ont été soulevées, il signait et enchâssait dans le droit canadien la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

La réponse du gouvernement – de dire aux Premières Nations de communiquer avec l'entreprise – montre que lorsqu'il s'agit de l'exploitation des ressources et des territoires des Premières Nations, ce sont les compagnies qui ont le pouvoir de décider. Le droit des peuples autochtones d'avoir un mot à dire sur ce qui se passe sur leurs terres et leurs ressources peut être rejeté du revers de la main.

Les préoccupations soulevées par les Premières Nations auprès du gouvernement mettent en lumière que Stone Canyon, le propriétaire de Sel Windsor, agit vraisemblablement à l'encontre des préoccupations et des revendications des Premières-Nations. Cela doit servir de signal d'alarme — s'ajoutant aux autres activités antisyndicales de cette entreprise— à ses principaux investisseurs, tels que le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario.

Notes

1. Décision du ministère du Développement du Nord, des Mines, des Richesses naturelles et des Forêts par rapport au bail minier de K+S Windsor Salt Ltd, affiché le 11 février 2022 sur le registre environnemental de l'Ontario.

2. « Enquête sur la revendication de la Première Nation de Walpole Island relative à l'île Boblo », La Commission des revendications des Indiens, mai 2000.

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Sel Windsor paie un loyer dérisoire

Les propriétaires de Sel Windsor paient 413,69 $ et 29,11 $ au ministère du Développement du Nord, Mines, Ressources naturelles et Forêts en loyers annuels pour les deux baux de terres liés au complexe minier Ojibway. Ces montants ont été déclarés dans un arrêté ministériel prolongeant les baux pour 21 ans. Dans la prolongation, il y a des dispositions prévoyant une redevance par tonne pour la production qui ne sont pas précisées dans la prolongation du bail. Ces dispositions ne sont mentionnées que dans le bail de 1982, qui était le bail initial négocié avec le gouvernement. Les dispositions relatives aux redevances ont été renouvelées et modifiées pour la dernière fois en 2006.

Les travailleurs signalent également que l'entreprise utilise gratuitement les eaux de la rivière Détroit pour ses puits de saumure. L'eau sous haute pression est utilisée pour extraire le sel.

Compte tenu de la durée de la grève à Sel Windsor et du temps qu'il faudra pour relancer la production, il est possible que Sel Windsor ne paie rien ou presque, à part les taxes municipales et autres. Ces taxes pourront probablement être radiées en prétextant des pertes qu'elle s'est elle-même imposées.

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