Les préoccupations des Premières Nations au sujet des baux de droits miniers de Sel Windsor sur leurs terres

Le complexe minier Ojibway se trouve sur les terres des Premières Nations de Walpole Island et de Caldwell. Les deux ont fait part de leurs préoccupations concernant la prolongation des baux du complexe  Ojibway en mai et juin 2021, mais elles ont été ignorées. Le fait qu'elles aient exprimé leurs préoccupations est documenté par le ministère des Mines de l'Ontario. Stone Canyon Industries Holdings Inc. a acheté Sel Windsor dans le cadre de son achat de Morton Salt le 30 avril 2021, un mois avant que la période de prolongation du bail ne soit affichée et ouverte aux commentaires du public. Les deux Premières Nations ont posé des questions au cours de la phase de consultation publique du processus de renouvellement des baux, affirmant leur droit de regard sur leurs terres et les ressources qu'elles contiennent. Les baux ont finalement été renouvelés pour 21 ans le 11 février 2022 et leurs préoccupations ont été ignorées.

Selon les documents gouvernementaux : « La Première Nation de Walpole Island (WIFN) a mentionné une affirmation de titre ancestral sur la région visée par le bail, tel que revendiqué dans un litige entamé en 2000 [1]. » Cette année-là, les commissionnaires de la Commission des revendications des Indiens , créée par le gouvernement fédéral pour enquêter sur la validité des revendications, a conclu que la revendication de la Première Nation de Walpole Island, qui n'avait jamais cédé ses terres ni ses cours d'eau, y compris des sections des terres louées au complexe minier Ojibway, était valide, et que tout titre autochtone sur ce qui s'appelait l'Île Bois Blanc — qui se nomme aujourd'hui l'Île Boblo — en 1786, « demeure en vigueur aujourd'hui » [2]. Située au sud du pont Ambassador entre Amherstburg sur le côté ontarien et Détroit, au Michigan, l'Île Boblo a été pendant plusieurs décennies le site d'un populaire parc d'amusement fréquenté tant par des Américains que des Canadiens. Ce parc a fermé ses portes en 1993 et l'île a été achetée pour la somme de 4,2 milliards de dollars US en 1994 et est maintenant une île réservée à des maisons de luxe et aux terrains de golf.

Selon le ministère des Mines, sur la base de sa revendication de titre, la Première Nation de Walpole Island « a pris la position qu'une entente sur les répercussions et les avantages devrait être une condition des baux reconduits ». Selon la Commission ontarienne des droits de la personne : « Les ententes sur les répercussions et les avantages sont des contrats privés négociés entre un ou plusieurs gouvernements autochtones et une société d'extraction de ressources, qui prévoient des engagements et des avantages de la part de la société d'extraction des ressources, notamment atténuer ou éliminer des conséquences négatives sur les droits des Autochtones, ainsi que des avantages sur les plans de l'emploi, de la formation et de l'octroi de contrats. Les secteurs miniers et de développement des ressources considèrent de plus en plus les ententes sur les répercussions et les avantages comme un outil utile pour partager des avantages avec les peuples autochtones dont les droits seraient touchés par le projet de développement des ressources en question et atténuer les impacts sur les droits des Autochtones ».

Dans sa réponse à la requête de la Première Nation de Walpole Island, le ministère a indiqué que « l'obligation de la Couronne de consulter, si elle est déclenchée dans les circonstances, n'oblige pas le ministère à insister que la société conclue une entente commerciale avec la WIFN, et que de telles ententes commerciales ne sont pas requises ou réglementées en vertu de la Loi sur les mines. Le ministère a encouragé la WIFN à communiquer directement avec l'entreprise ». Dans sa réponse, la WIFN « a réitéré sa position et a demandé au ministère s'il avait envisagé l'opportunité d'un terme de reconduction plus court et si le bail reconduit serait assorti d'une autre clause de reconduction ». Le ministère a répondu « en expliquant sa position en plus de détail et en faisant remarquer que les baux existants confèrent au preneur à bail le droit de faire reconduire ceux-ci pour un terme de vingt et un ans et qu'aucune option de terme de reconduction plus court n'existe. En ce qui concerne toute reconduction ultérieure, un des baux en est à son dernier terme de reconduction et le projet de consultation pour l'autre comprend une clause de reconduction plus discrétionnaire que la clause précédente ».

La décision sur le renouvellement a aussi noté : « On a également reçu des questions de la Première Nation de Caldwell (CFN) concernant la profondeur de la région visée par le bail et les protocoles d'entretien connexes pour ces régions, et concernant les possibilités de tirer parti du projet, qui se déroule dans les limites du territoire traditionnel de la CFN et d'autres collectivités autochtones. Le ministère a reconnu que le projet se déroule dans les limites du territoire traditionnel de la CFN, a répondu aux questions de la CFN et a encouragé la CFN à communiquer directement avec la société concernant les possibilités de tirer parti du projet. »

Notons qu'il est affirmé dans le bail approuvé à ce moment-là par le ministère de l'Énergie, du Développement du Nord et Mines que « les droits de l'entreprise en vertu de ce bail sont sous réserve de la protection accordée aux droits ancestraux ou issus de traités stipulés dans l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et le preneur à bail doit se comporter sur les lieux loués conformément à la protection accordée à ces droits ».

Selon l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule ce qui suit :

1) Les droits existants –; ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

2) Dans la présente loi, peuples autochtones du Canada s'entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada.

3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.

4) Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits &ndash ; ancestraux ou issus de traités &ndash ; visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes

La réponse du gouvernement fédéral aux questions et aux revendications légitimes des Premières Nations révèle bien son véritable mobile lorsqu'en juin 2021, au moment même où ces préoccupations ont été soulevées, il signait et enchâssait dans le droit canadien la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

La réponse du gouvernement – de dire aux Premières Nations de communiquer avec l'entreprise – montre que lorsqu'il s'agit de l'exploitation des ressources et des territoires des Premières Nations, ce sont les compagnies qui ont le pouvoir de décider. Le droit des peuples autochtones d'avoir un mot à dire sur ce qui se passe sur leurs terres et leurs ressources peut être rejeté du revers de la main.

Les préoccupations soulevées par les Premières Nations auprès du gouvernement mettent en lumière que Stone Canyon, le propriétaire de Sel Windsor, agit vraisemblablement à l'encontre des préoccupations et des revendications des Premières-Nations. Cela doit servir de signal d'alarme — s'ajoutant aux autres activités antisyndicales de cette entreprise— à ses principaux investisseurs, tels que le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario.

Notes

1. Décision du ministère du Développement du Nord, des Mines, des Richesses naturelles et des Forêts par rapport au bail minier de K+S Windsor Salt Ltd, affiché le 11 février 2022 sur le registre environnemental de l'Ontario.

2. « Enquête sur la revendication de la Première Nation de Walpole Island relative à l'île Boblo », La Commission des revendications des Indiens, mai 2000.


Cet article a été publié dans
Logo
Numéro 36 - 17 juillet 2023

Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/FO2023/Articles/FO08363.HTM


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@pccml.ca