Numéro 49 - 16 juillet 2020
Au nom de la lutte contre la pandémie
Un autre diktat ministériel pour
saper les conditions de travail des travailleurs
de la santé au Québec
Manifestation de
travailleuses et travailleurs de la santé contre
l'utilisation d'arrêtés ministériels au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, le 9 juillet 2020
• Entrevue
avec Jeff Begley, président de la Fédération de
la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)
• Contestation en cour de
l'arrêté ministériel du 21 mars du
gouvernement du Québec
La nécessité
de faire respecter les droits des travailleurs
migrants
• Un appel à annuler la
nouvelle directive de l'Ontario qui permet à
certains travailleurs atteints de la COVID-19 de
continuer de travailler
Au nom de la lutte contre la
pandémie
Manifestation de travailleuses et travailleurs de
la santé de la Mauricie, le 6 juillet 2020
Un des premiers gestes du nouveau ministre de la
Santé et des services sociaux, Christian Dubé,
anciennement président du Conseil du trésor, a
été la publication d'un arrêté
ministériel qui annule des pans des conventions collectives des
travailleurs de la santé et des services sociaux[1]. Le nouvel
arrêté porte sur l'arrivée massive de nouveaux
préposés aux bénéficiaires stagiaires dans les
CHSLD qui suivent présentement une formation
accélérée et tronquée - une formation de 375
heures au lieu de celle de 870 heures qui
mène au Diplôme d'études professionnelles fourni
par le ministère de l'Éducation. Ces préposés en
formation vont commencer à travailler dans les
CHSLD à partir du 15 septembre.
L'arrêté ministériel se lit ainsi dans la portion
qui concerne la formation des nouveaux
préposés :
« Que les dispositions nationales et locales des
conventions collectives en vigueur dans le réseau
de la santé et des services sociaux, de même que
les conditions de travail applicables au personnel
salarié non syndiqué de ce réseau soient modifiées
selon les conditions suivantes :
« (1) un montant forfaitaire de 5 $ par
quart de travail, lequel peut être divisé en demi
quart de travail, est versé à la personne salariée
qui est désignée par son supérieur immédiat pour
être accompagnée par les candidats inscrits à la
formation menant à l'obtention d'une attestation
d'études professionnelles en soutien aux soins
d'assistance en établissement de santé et qui
détient un des titres d'emploi suivants, prévus à
la Nomenclature des titres d'emploi, des libellés,
des taux et des échelles de salaire du réseau de
la santé et des services sociaux : infirmier
ou infirmière, infirmier ou infirmière auxiliaire,
préposé ou préposée aux bénéficiaires, préposé ou
préposée (certifié A) aux bénéficiaires. »
L'arrêté ministériel change unilatéralement les
tâches des travailleurs qui sont inscrites dans
les conventions collectives. Il impose une tâche
supplémentaire et les force à faire de la
formation qui est faite habituellement par les
personnes dont c'est la tâche. Il n'y a eu aucune
négociation, consultation ni même discussion avec
les personnes directement affectées. En plus, les
préposés aux bénéficiaires sont déjà surchargés de
travail et souffrent d'un grand stress à cause des
conditions de travail et du danger de contracter
et de propager la COVID-19. Cela aggravera ces
problèmes et mettra en péril encore plus la santé
et la sécurité du personnel et celles des
patients. Pour ce travail supplémentaire, ils
recevront un montant additionnel de 5 dollars
par jour. Ce montant n'est pas considéré comme une
augmentation de salaire, c'est une prime qui n'est
pas cotisable au régime de retraite.
Qui va assumer la responsabilité si des accidents
se produisent ? Ce n'est pas le gouvernement
en tout cas. Cet arrêté n'a rien à voir avec la
lutte à la pandémie et tout à voir avec
l'utilisation de la pandémie comme prétexte pour
renforcer les pouvoirs arbitraires de l'État. Cela
se fait au détriment des conditions de travail des
travailleurs et de leur mot à dire et donc au
détriment du bien-être des patients.
Les syndicats sont heureux d'accueillir ces
renforts qui arrivent, mais ils contestent qu'on
traite comme moins que rien les préoccupations des
travailleurs et leur droit d'avoir leur mot
décisif à dire sur leurs conditions de travail. Forum
ouvrier publie ci-dessous une entrevue avec
Jeff Begley, le président de la Fédération de la
santé et des services sociaux (FSS-CSN) qui
représente entre autres des dizaines de milliers
de préposés et préposées aux bénéficiaires.
Note
1. Pour en savoir plus sur
les arrêtés ministériels du gouvernement du
Québec, lire «
Les travailleurs du secteur public au Québec
s'opposent au recours ministériel aux pouvoirs
d'urgence pour fixer les conditions de travail
de manière arbitraire », dans le numéro
du 7 avril 2020 de Forum ouvrier.
(Photos: FIQ)
Journée d'action de la FSSS-CSN contre les
arrêtés ministériels devant des hôpitaux de la
Montérégie, le 15 juin 2020
Forum ouvrier : L'arrêté
ministériel du 4 juillet du nouveau ministre
de la Santé et des services sociaux permet de
nouveau que les dispositions des conventions
collectives des travaillleurs soient annulées afin
de changer unilatéralement les conditions de
travail, cette fois-ci en ce qui concerne
l'encadrement des nouveaux préposés aux
bénéficiaires. Quelle est la position de la
Fédération de la santé et des services sociaux à
ce sujet ?
Jeff Begley : C'est très
décevant. Encore une fois le gouvernement n'en
fait qu'à sa tête. Il n'y a rien dans cet arrêté
qui va éliminer la surcharge des personnes qui
devront encadrer les nouveaux et nouvelles
préposé(e)s aux bénéficiaires. Il y
a 10 000 personnes qui, jusqu'à présent,
ont eu trois semaines de formation,
c'est-à-dire 120 heures. En ce moment, les
préposés issus de cette formation font moitié
stage, moitié formation, et ce, jusqu'au 15
septembre. Normalement, lorsqu'un préposé arrive
au travail, il a eu une formation de 870
heures. Ce qu'on nous dit de la formation donnée
en ce moment, c'est qu'elle est beaucoup axée sur
la COVID, ce qui en soit est très bien. Par
contre, on a des indications que dans certains
endroits, par exemple, on ne donne aucune
formation sur le déplacement sécuritaire des
patients. Pour les préposés aux bénéficiaires,
surtout ceux des CHSLD où beaucoup de patients ne
sont pas mobiles, c'est un vrai problème. C'est
majeur, car ces déplacements sont au coeur du
travail qu'ils doivent faire.
L'arrêté a été publié hier [dimanche 5
juillet]. Samedi, la FSSS-CSN était à la table
avec le ministère de la Santé, à notre demande, au
sujet des préposés aux bénéficiaires. Nous leur
avons dit qu'il y avait des préoccupations
concernant la surcharge parce que les préposés
déjà en place ont leurs tâches habituelles et en
plus, ils devront former et encadrer les nouveaux
arrivants. Le ministère nous a répondu que ce sont
les enseignants qui sont responsables de
l'encadrement. Mais ces enseignants ne seront pas
sur place ! Le ministère a ajouté que tout ce
à quoi il s'attend des préposés d'expérience, ce
n'est pas qu'ils encadrent ou enseignent aux
nouveaux, mais qu'ils « observent » les
nouveaux. Imaginez un nouveau préposé qui n'a pas
appris comment déplacer des patients de façon
sécuritaire et qu'un ancien lui dise : vas-y,
essaie, et moi, je ne fais que t'observer. C'est
mettre en danger la sécurité du patient et celle
du nouvel employé, car il ne maîtrise pas la
technique. Alors bien sûr que le collègue
d'expérience devra l'aider à faire correctement
ces gestes essentiels ! C'est donc un
non-sens de penser qu'en plus de leurs tâches
habituelles, on demande aux préposés d'encadrer
les nouveaux employés pour 5 $ par jour,
peu importe le nombre de nouveaux préposés dont
ils sont responsables.
FO : Quelle serait la façon
d'accueillir de façon sécuritaire et
professionnelle ces nouveaux employés ?
JB : Il faudrait dégager le
préposé ou le travailleur de la santé d'expérience
d'une partie de sa tâche afin qu'il puisse guider
et encadrer les nouveaux. Même après avoir suivi
un cours, les premières fois qu'une personne pose
un geste comme celui de déplacer une personne,
elle a besoin d'assistance pour le faire de façon
adéquate. C'est pourquoi nous sommes préoccupés
par la surcharge de travail qu'auront les préposés
déjà en place, qui sont dans un grand état de
fatigue et dont les vacances sont réduites, pour
certains de moitié.
L'autre chose qui nous préoccupe dans le nouvel
arrêté est qu'il dit que c'est l'employeur qui
choisit les personnes qui auront la responsabilité
d'observer un ou plusieurs nouveaux. Nous disons
que ça devrait être tout d'abord des volontaires
selon l'ancienneté. Il faut que ce soit des
volontaires. Pas des personnes à qui l'employeur
va dire : toi, tu es bonne, je veux que tu
fasses cela. J'ose espérer qu'il y a des
employeurs qui vont choisir de prendre des
volontaires, mais l'arrêté ne l'exige pas.
Je réitère
qu'il n'y a pas de problème à ce type de formation
seulement si on dégage le préposé d'expérience,
l'infirmière auxiliaire ou l'infirmière d'une
partie de sa tâche afin qu'on s'assure de bien
former les nouveaux, et surtout pour les aider à
mettre en pratique ce qu'ils ont appris et les
gestes qu'ils doivent poser. C'est tout à fait
normal de ne pas tout maîtriser quand on arrive à
notre endroit de travail. C'est avec l'aide des
travailleurs d'expérience qu'ils gagnent en
confiance.
Quand le gouvernement a fait la première annonce
[d'une formation accélérée pour attirer de
nouveaux préposés aux bénéficiaires], on avait dit
au gouvernement : « On embarque. Si tu veux
t'asseoir avec nous, on va s'assurer ensemble que
ça se passe bien en regardant les conditions
nécessaires pour que les choses soient bien
faites. » Un mois plus tard, il n'y a
toujours pas d'échange. Le ministère impose, il ne
fait que nous informer des décisions qu'il a
prises.
FO : C'est frappant combien
les syndicats et les ententes négociées sont
ciblés avec les arrêtés ministériels et avec le
projet de loi 61 sur la relance de l'économie
JB : Oui, au nom de
l'urgence sanitaire, le gouvernement s'est donné
le droit d'imposer. On comprend que dans des
situations extrêmes, un gouvernement peut se
donner ce type de droit pour ne pas se trouver en
rupture de services. Mais ce n'est pas utilisé
avec parcimonie. Les mesures qu'il impose sont
très larges et touchent la vaste majorité des
travailleurs.
Ce qui apparaît évident, c'est que la cible du
gouvernement sont les syndicats. Et ça lui permet
de dire : « Moi, j'ai tout bien fait sans les
syndicats, ils ne sont pas nécessaires. » Le
nouveau ministre de la Santé, Christian Dubé, nous
a dit tout récemment qu'il considérait les
syndicats comme des partenaires importants et
qu'il voulait travailler avec nous. Alors on a dit
que c'était parfait, que nous étions prêts et
qu'il y avait deux choses urgentes :
l'arrivée massive de nouveaux préposés aux
bénéficiaires et la santé et la sécurité en cas
d'une deuxième vague de la COVID-19. Mais aucune
suite n'a été donnée à ce que le ministre nous a
dit.
C'est une prise de pouvoir de la part du
gouvernement. Cela exprime un refus de parler avec
les syndicats.
Et ceci se produit alors que nous sommes très
préoccupés par une deuxième vague de la COVID-19
qui pourrait se produire bientôt.
Là encore, zéro discussion avec le gouvernement.
C'est la vie des gens qui est en danger. Et même
si quelqu'un n'en meurt pas, nous avons l'exemple
de préposés ayant eu la COVID qui demeurent avec
des séquelles importantes un mois, un mois et demi
après. Nous avons plus d'un témoignage là-dessus.
Ils n'ont toujours pas retrouvé leur forme
optimale.
C'est mon interprétation que la pandémie et
l'économie sont utilisées comme prétexte pour s'en
prendre aux syndicats. Les membres sont exaspérés
par tous ces arrêtés qui leur imposent leurs
conditions de travail.
Il faut que ça change.
(Photos: FSSS-CSN)
Journée d'action du personnel de la santé
le 27 mai 2020
Dans son communiqué de presse du 13
juillet, la Fédération interprofessionnelle de la
santé du Québec (FIQ) annonce qu'en collaboration
avec la FIQ-Secteur privé (FIQP), elle a déposé
une requête devant la Cour supérieure pour mettre
fin à ce qu'elle appelle un déni de démocratie. La
FIQ et la FIPQ s'opposent spécifiquement au
renouvellement de l'arrêté
ministériel 2020-007 du 21 mars qui
viole les droits de leurs membres et continue de
suspendre plusieurs dispositions de leur
convention collective.
On lit dans le communiqué de presse :
« Depuis le début de la pandémie, cet arrêté a
donné aux gestionnaires des établissements de
santé québécois des pouvoirs exceptionnels,
notamment sur l'horaire, le lieu de travail, les
vacances et les congés du personnel de la santé.
L'utilisation de ces pouvoirs doit suivre
l'évolution de la situation, mais ils ont plutôt
été exercés de façon abusive. Alors que tout le
Québec est en déconfinement, les professionnelles
en soins continuent pourtant de voir leurs
conditions de travail bouleversées, même si le
nombre de cas est en importante décroissance dans
les établissements du Québec, et que certains
d'entre eux n'en comptent plus.
« S'il nous faut collectivement demeurer
prudents, il apparaît évident pour la FIQ et la
FIQP que la pandémie a le dos large en ce qui
concerne les conditions de travail de leurs
membres. 'C'est clair que ces arrêtés-là ne
servent plus à faire face à l'urgence de la
pandémie, mais à gérer des problèmes dans le
réseau qui existaient bien avant la COVID. Ce
n'est plus la santé de la population qu'on
protège, mais des mesures qui sont «
commodes » pour les gestionnaires. C'est de
l'abus et du déni de démocratie, rien de
moins ! On a envoyé des lettres, on a
manifesté, on a utilisé tous les canaux pour faire
passer notre message... on est rendu à s'adresser
aux tribunaux', explique Nancy Bédard, présidente
de la FIQ.
« Quatre mois jour pour jour après la déclaration
de l'urgence sanitaire, la FIQ et la FIQP
saisissent donc la Cour supérieure de cette
question et demandent que l'arrêté ne puisse être
reconduit. 'Les infirmières, infirmières
auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes
cliniques ont répondu présentes, ont collaboré et
ont fait face à la crise de façon exceptionnelle.
Prolonger l'utilisation de cet arrêté, c'est
prolonger leur détresse. Il n'y a aucune raison
logique qui justifie de maintenir ces
mesures : nos membres ont un contrat de
travail qui contient de nombreux leviers pour
trouver des solutions au besoin, qu'on
l'applique !', écrit Nancy Bédard.
Dans cette requête, la FIQ et la FIQP soutiennent
que le gouvernement va au-delà des pouvoirs qui
lui sont conférés par la Loi sur la santé
publique et abuse de ses pouvoirs pour
imposer des mesures d'exception. Elles allèguent
également que l'arrêté 2020-007 viole les droits
fondamentaux de ses membres et de tous les
travailleurs de la santé. Il « bafoue injustement
des droits fondamentaux protégés par les chartes,
notamment le droit d'association », peut-on
lire dans le communiqué de presse.
(Photo: FIQ)
La nécessité de faire respecter
les droits des travailleurs migrants
Le 30 juin, un groupe de professionnels de
la santé a publié une lettre ouverte au médecin
hygiéniste en chef de l'Ontario lui demandant de
se servir de ses pouvoirs en vertu de la Loi
sur la protection et la promotion de la santé pour
immédiatement renverser la nouvelle directive de
la Santé publique annoncée le 24 juin par le
premier ministre Ford. Il invite d'autres
professionnels de la santé à ajouter leur nom à la
lettre. On peut signer la lettre ici.
Docteur David Williams
Hygiéniste en chef de l'Ontario
Objet : Document d'orientation de la santé
publique sur les tests de dépistage et les
autorisations
Cher docteur Williams,
Nous sommes des professionnels de la santé et
nous voulons exprimer notre inquiétude
face au document d'orientation publié par
votre bureau le 24 juin qui dit que des
travailleurs asymptomatiques qui ont un résultat
positif à la COVID-19 peuvent continuer à
travailler s'ils sont jugés « indispensables aux
opérations ». Nous sommes surtout inquiets
que ce document d'orientation mette les
travailleurs agricoles migrants en danger
spécifique et évitable. Nous vous exhortons
d'intervenir en votre qualité d'hygiéniste en chef
de la santé (HECS) tel qu'énoncée dans la Loi
sur la protection et la promotion de la santé (77,1)
pour immédiatement annuler cette orientation.
Il est plus qu'évident que la pandémie de la
COVID-19 a occasionné des torts disproportionnels
aux travailleurs agricoles migrants, par exemple
lors d'importantes éclosions dans des fermes
partout dans le sud de l'Ontario causant la mort
de trois travailleurs : Bonficacio
Eugenio-Romero, Rogelio Munoz Santos et Juan Lopez
Chaparo. La réponse de la Santé publique à ces
éclosions doit être fondée sur la cause première,
c'est-à-dire les conditions de travail et de vie
exécrables. La directive que donne le HECS ne
peut être respectée de façon sécuritaire ni
peut-elle être appliquée de façon conséquente, et
ne s'attaque pas à la cause première de ces
éclosions.
Le document d'orientation affirme que les
travailleurs asymptomatiques peuvent continuer de
travailler s'ils « respectent les mesures de santé
publique ». Or, les travailleurs agricoles
migrants disent que la distanciation sociale est
difficile dans les champs, les serres et les
dortoirs de l'Ontario. Les médias parlent de
l'accès limité aux nécessités de l'hygiène et
d'équipement de protection individuelle sur
certaines fermes. Sans changer les conditions
matérielles de ces travailleurs, il est peu
probable que ceux-ci puissent respecter les
mesures de santé publique recommandées.
Par conséquent, le
document d'orientation constitue un danger
spécifique et prouvé de santé publique pour les
travailleurs agricoles et les communautés dans
lesquelles ils vivent. Ce n'est plus à prouver
qu'une grande partie des individus ayant la
COVID-19 qui sont asymptomatiques au moment du
diagnostic finissent pas développer des symptômes.
Aussi, nous savons que des individus peuvent en
infecter d'autres tout en étant asymptomatiques.
Nous ne connaissons aucun autre secteur qui
autorise systématiquement des travailleurs
asymptomatiques à retourner travailler tout de
suite après avoir eu un résultat positif. Compte
tenu des conditions de vie et de travail des
travailleurs agricoles migrants, nous sommes
inquiets que la propagation asymptomatique de la
COVID-19 aura pour conséquence de nouvelles
éclosions et des décès additionnels.
Le document d'orientation fait aussi en sorte que
le fardeau du danger et du respect des mesures
repose sur les travailleurs agricoles migrants —
une population travaillant dans des conditions
minimales de protection ou d'autonomie — et ne
veille pas à ce que les employeurs tiennent
directement compte des conditions qui exacerbent
la propagation de la COVID-19. Les travailleurs
pourraient ne pas se sentir prêts à faire
connaître leurs symptômes s'ils craignent une
perte de revenu ou une pénalité de la part de
leurs employeurs, sans parler de la crainte d'être
renvoyé du Canada. Les travailleurs qui désirent
faire connaître leurs symptômes et chercher à se
faire soigner n'ont pas ou ont très peu accès à
des soins donnés dans leur langue. Le document
d'orientation ne définit pas nettement les
responsabilités des employeurs pour veiller à ce
que les mesures recommandées par la Santé publique
soient mises en oeuvre ou à ce que les conditions
de vie et de travail de leurs employés soient
améliorées. Le document d'orientation de la Santé
publique selon lequel les travailleurs peuvent
retourner travailler pourrait aussi miner la
possibilité de faire des demandes légitimes en
termes d'assurance au travail.
De plus, nous sommes profondément préoccupés par
votre déclaration qui laisse entendre que ce
document d'orientation est, en partie, une
réaction aux craintes des employeurs que des tests
de dépistage massifs des travailleurs puissent
conduire à la détection d'un grand nombre de cas
asymptomatiques de la COVID-19. Cet argument
soumet clairement la santé et la sécurité des
employés aux intérêts de leurs employeurs. Nous
sommes troublés par les informations des médias
selon lesquelles le document d'orientation a été
conçu pour susciter l'adhésion des employeurs et
conçu pour être un compromis. Il est clair que la
voix, l'autonomie et la dignité des travailleurs
n'ont pas été prises en compte dans le document
d'orientation. Nos dirigeants en santé publique se
voient confier un large éventail de pouvoirs
qu'ils doivent exercer au service de la santé de
tous ceux et celles qui résident en Ontario. Nous
sommes préoccupés par le fait que le document
d'orientation repose sur des considérations autres
que de solides principes de santé publique et que
l'indépendance du processus décisionnel ait pu
être compromise.
Nous vous demandons de concentrer vos efforts sur
l'établissement des conditions et des protections
requises dans les endroits de travail pour que les
travailleurs agricoles migrants protègent leur
propre santé et celle de leur communauté en
utilisant vos pouvoirs en vertu de
l'article 77 de la Loi sur la protection
et la promotion de la santé. Ces efforts
devraient au minimum inclure :
1. révoquer le document d'orientation qui permet
aux travailleurs agricoles migrants avec la
COVID-19 de continuer à travailler s'ils sont
jugés asymptomatiques ;
2. élargir l'accès aux tests de dépistage à tous
les travailleurs ;
3. assurer l'accès à des congés de maladie payés
à tous les travailleurs essentiels à haut risque
d'éclosions (y compris les travailleurs agricoles
migrants et les travailleurs sans papiers) ;
4. établir des mécanismes spécifiques
d'auto-isolement par le biais de programmes
financés d'auto-isolement volontaire dans les
hôtels ou autres logements temporaires et plaider
en faveur d'une amélioration à long terme des
conditions de vie ;
5. protéger les employés contre les représailles
de l'employeur pour le travail manqué en raison de
ces précautions.
La saison des récoltes est longue et nous avons
déjà été témoin de la mort de trois travailleurs
migrants. Le retour immédiat au travail de toute
personne atteinte de la COVID-19 menace la santé
et la sécurité des travailleurs et de l'ensemble
de la communauté. Nous vous demandons donc
d'exercer vos pouvoirs en tant que
médecin-hygiéniste en chef et de mettre fin au
document d'orientation pour veiller à ce qu'il n'y
ait plus d'éclosions de de décès parmi les
travailleurs agricoles migrants.
(Photos:
Justice pour les travailleurs migrants)
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individuellement, cliquer sur le titre de
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