Au nom de la lutte contre la pandémie

Un autre diktat ministériel pour saper les conditions de travail des travailleurs de la santé au Québec


Manifestation de travailleuses et travailleurs de la santé de la Mauricie, le 6 juillet 2020

Un des premiers gestes du nouveau ministre de la Santé et des services sociaux, Christian Dubé, anciennement président du Conseil du trésor, a été la publication d'un arrêté ministériel qui annule des pans des conventions collectives des travailleurs de la santé et des services sociaux[1]. Le nouvel arrêté porte sur l'arrivée massive de nouveaux préposés aux bénéficiaires stagiaires dans les CHSLD qui suivent présentement une formation accélérée et tronquée - une formation de 375 heures au lieu de celle de 870 heures qui mène au Diplôme d'études professionnelles fourni par le ministère de l'Éducation. Ces préposés en formation vont commencer à travailler dans les CHSLD à partir du 15 septembre.

L'arrêté ministériel se lit ainsi dans la portion qui concerne la formation des nouveaux préposés :

« Que les dispositions nationales et locales des conventions collectives en vigueur dans le réseau de la santé et des services sociaux, de même que les conditions de travail applicables au personnel salarié non syndiqué de ce réseau soient modifiées selon les conditions suivantes :

« (1) un montant forfaitaire de 5 $ par quart de travail, lequel peut être divisé en demi quart de travail, est versé à la personne salariée qui est désignée par son supérieur immédiat pour être accompagnée par les candidats inscrits à la formation menant à l'obtention d'une attestation d'études professionnelles en soutien aux soins d'assistance en établissement de santé et qui détient un des titres d'emploi suivants, prévus à la Nomenclature des titres d'emploi, des libellés, des taux et des échelles de salaire du réseau de la santé et des services sociaux : infirmier ou infirmière, infirmier ou infirmière auxiliaire, préposé ou préposée aux bénéficiaires, préposé ou préposée (certifié A) aux bénéficiaires. »

L'arrêté ministériel change unilatéralement les tâches des travailleurs qui sont inscrites dans les conventions collectives. Il impose une tâche supplémentaire et les force à faire de la formation qui est faite habituellement par les personnes dont c'est la tâche. Il n'y a eu aucune négociation, consultation ni même discussion avec les personnes directement affectées. En plus, les préposés aux bénéficiaires sont déjà surchargés de travail et souffrent d'un grand stress à cause des conditions de travail et du danger de contracter et de propager la COVID-19. Cela aggravera ces problèmes et mettra en péril encore plus la santé et la sécurité du personnel et celles des patients. Pour ce travail supplémentaire, ils recevront un montant additionnel de 5 dollars par jour. Ce montant n'est pas considéré comme une augmentation de salaire, c'est une prime qui n'est pas cotisable au régime de retraite.

Qui va assumer la responsabilité si des accidents se produisent ? Ce n'est pas le gouvernement en tout cas. Cet arrêté n'a rien à voir avec la lutte à la pandémie et tout à voir avec l'utilisation de la pandémie comme prétexte pour renforcer les pouvoirs arbitraires de l'État. Cela se fait au détriment des conditions de travail des travailleurs et de leur mot à dire et donc au détriment du bien-être des patients.

Les syndicats sont heureux d'accueillir ces renforts qui arrivent, mais ils contestent qu'on traite comme moins que rien les préoccupations des travailleurs et leur droit d'avoir leur mot décisif à dire sur leurs conditions de travail. Forum ouvrier publie ci-dessous une entrevue avec Jeff Begley, le président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSS-CSN) qui représente entre autres des dizaines de milliers de préposés et préposées aux bénéficiaires.

Note

1. Pour en savoir plus sur les arrêtés ministériels du gouvernement du Québec, lire « Les travailleurs du secteur public au Québec s'opposent au recours ministériel aux pouvoirs d'urgence pour fixer les conditions de travail de manière arbitraire », dans le numéro du 7 avril 2020 de Forum ouvrier.

(Photos: FIQ)


Cet article est paru dans

Numéro 49 - Numéro 49 - 16 juillet 2020

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Au nom de la lutte contre la pandémie: Un autre diktat ministériel pour saper les conditions de travail des travailleurs de la santé au Québec


    

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