Numéro 47 - 7 juillet 2020
Opposition au
recours accru du gouvernement aux pouvoirs
arbitraires
Le projet de loi 61 du gouvernement du
Québec
• Les travailleurs
s'opposent à l'utilisation
de la pandémie et de la relance de l'économie
pour renforcer les
pouvoirs arbitraires de l'État -
Pierre Chénier
• Les traits régressifs du
projet de loi 61
Augmentation
des
accidents dans la construction impliquant
l'opération de grues
• La formation
professionnelle obligatoire des
grutiers doit être rétablie maintenant!
L'occupation
historique des camionneurs à Washington
• Quelle est la suite des
choses pour les
camionneurs et l'industrie du camionnage?
- Normand Chouinard
Le projet de loi 61 du
gouvernement
du Québec
- Pierre Chénier -
Des travailleurs de la santé manifestent devant
le
bureau du premier ministre Legault à Québec,
le 19 mai 2020,
pour dénoncer l'utilisation de pouvoirs
arbitraires pour attaquer leurs
droits durant la pandémie de la COVID-19.
Le 3 juin, le gouvernement Legault a déposé le
projet
de loi 61, Loi visant la relance de
l'économie du Québec et
l'atténuation des conséquences de l'état
d'urgence sanitaire déclaré
le 13 mars 2020 en raison de la
pandémie de la COVID-19[1]. Le but déclaré
du projet de loi est
d'atténuer les conséquences de l'état d'urgence
sanitaire en accélérant
la construction de 202 projets publics
d'infrastructure, tels les
écoles, les résidences pour personnes âgées, les
routes et le transport
en commun pendant une période de deux ans. Le
projet de loi donne
l'option au gouvernement de décréter que d'autres
projets publics ou
privés soient couverts par celui-ci. Selon le
premier ministre François
Legault, les pouvoirs conférés par le projet de
loi, qui ont été
largement dénoncés comme étant arbitraires, sont
essentiels à la
relance de l'économie après des semaines de
fermeture imposées en
raison de la pandémie.
Pris dans
son ensemble, le projet de loi est une vaste
tentative de renforcer les
pouvoirs arbitraires de l'État et de priver encore
plus les
travailleurs et le peuple de toute voix sur les
affaires qui les
concernent en utilisant la pandémie et la relance
de l'économie comme
prétexte. Il prive aussi encore plus l'Assemblée
nationale et ses
membres de tout pouvoir législatif, en concentrant
tout pouvoir
décisionnel entre les mains des ministres pour
servir des intérêts
privés étroits. Le projet de loi 61 confère
au gouvernement le
pouvoir d'étendre l'état d'urgence sanitaire sans
égard à ce que
prescrit la Loi sur la santé publique et
sans examen de la part
du public et même des membres de l'Assemblée
nationale.
L'arrêté ministériel par lequel a été décrété
l'état
d'urgence sanitaire le 13 mars a donné le
pouvoir arbitraire à
l'exécutif gouvernemental d'annuler toutes les
ententes négociées avec
les travailleurs de la santé et des services
sociaux. L'exécutif a
utilisé ce pouvoir pour changer unilatéralement
les conditions de
travail dans le secteur de la santé et des
services sociaux.
L'extension de ce pouvoir arbitraire pour une
période indéfinie est une
attaque grave contre les travailleurs et leurs
droits qui ne doit pas
passer !
En plus de l'attaque contre les travailleurs du
secteur
public, le projet de loi 61 donne tout
pouvoir à l'exécutif
gouvernemental d'annuler et d'enfreindre les lois
et la réglementation
existantes sous prétexte d'accélérer la relance de
l'économie. Le
projet de loi 61 permet à l'exécutif
gouvernemental d'annuler les
clauses de la Loi sur la santé publique,
de la Loi sur la
qualité de l'environnement, de la Loi
sur l'expropriation et
de la Loi sur les contrats des organismes
publics, et accorde
l'immunité face à toute poursuite contre les
ministres du gouvernement
et de toute autre personne qui a recours à cette
loi.
Le projet de loi 61 confère à l'exécutif
gouvernemental le pouvoir d'éliminer comme bon lui
semble la
réglementation environnementale, la réglementation
concernant
l'expropriation des personnes au nom des projets
économiques et la
réglementation qui concerne l'octroi des contrats
publics à des
entreprises privées pour la construction des
projets d'infrastructure,
tout en accordant l'immunité face à toute
poursuite pour tout méfait.
On ne doit pas permettre cet accaparement d'un
plus grand pouvoir
exécutif.
Une crise comme la pandémie ne doit pas être
utilisée
pour attaquer le peuple, violer ses droits et
l'exclure de manière
encore plus violente du pouvoir décisionnel. Les
travailleurs doivent
examiner cette situation et intensifier leur lutte
pour s'investir du
pouvoir pour que les problèmes causés par la
pandémie puissent être
résolus en leur faveur, pas en faveur des riches.
La pandémie est une
nouvelle preuve de la nécessité d'une nouvelle
direction de l'économie,
une direction qui est décidée par le peuple et qui
est sous son
contrôle.
Les travailleurs et le peuple demandent que ce
projet de
loi régressif soit retiré immédiatement. Ceux qui
ont présenté ce
projet de loi antiouvrier et antisocial et qui
insistent pour le faire
adopter afin de fournir à l'exécutif
gouvernemental des pouvoirs
arbitraires encore plus grands doivent être
déclarés inaptes à
gouverner et démis de leurs fonctions.
La manoeuvre du gouvernement du Québec pour
faire
adopter
le projet de loi 61
Le projet de loi 61 a été présenté le 3
juin, 9
jours seulement avant le jour officiel de
l'ajournement des travaux de
l'Assemblée nationale pour l'été. Le premier
ministre François Legault,
Christian Dubé, alors président du Conseil du
trésor, et d'autres
porte-paroles du cabinet ont demandé avec
arrogance qu'il soit adopté à
toute vapeur avant l'ajournement.
Bien
que le gouvernement Legault soit majoritaire à
l'Assemblée nationale,
le consentement unanime des trois partis de
l'opposition et des députés
indépendants de l'Assemblée nationale était requis
pour que le principe
de la loi soit adopté, ce qui permet de le traiter
en comité et de
passer aux lectures subséquentes. Il existe une
règle de procédure de
l'Assemblée nationale en vertu de laquelle le
consentement unanime des
députés est requis pour l'adoption du principe
d'un projet de loi
lorsque celui-ci est présenté après la mi-mai
avant l'ajournement pour
l'été.
Dans un effort pour obtenir le consentement
unanime des
membres de l'Assemblée nationale, le gouvernement
Legault a
présenté 18 amendements la veille de
l'ajournement. La tentative
de Legault d'« adoucir » le projet de loi n'a
pas réussi à obtenir
le consentement unanime des députés pour
l'adoption de son principe.
L'opposition populaire au projet de loi était si
forte que, selon
plusieurs commentateurs, il aurait été suicidaire
pour les autres
partis et membres de l'Assemblée nationale de se
plier à cette
manoeuvre du gouvernement Legault. Il est probable
que lorsque
l'Assemblée nationale reprendra ses travaux en
septembre le
gouvernement Legault utilisera sa majorité pour
faire adopter le projet
de loi, en dépit de l'opposition croissante du
peuple.
Note
1. Le 21 juin, le
premier
ministre du Québec, François Legault, a remanié
son cabinet, utilisant
encore une fois la pandémie comme prétexte pour
intensifier l'offensive
antisociale contre le peuple. Pour en savoir plus,
lisez «
La démagogie
éhontée du gouvernement Legault » - LML
numéro 44,
le 4 juillet 2020
Avec le projet de loi 61, Loi visant la
relance de l'économie du Québec et l'atténuation
des conséquences de
l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13
mars 2020 en raison
de la pandémie de la COVID-19, le
gouvernement veut se donner le
pouvoir exécutif de violer et outrepasser les lois
existantes afin
d'accélérer la construction de 202 projets
publics
d'infrastructure, comme les écoles, les résidences
pour personnes
âgées, les projets routiers et le transport en
commun pendant une
période de deux ans. Le projet de loi permet à
l'exécutif
gouvernemental Legault d'ajouter d'autres projets
publics ou privés à
ceux qui sont couverts par la loi. Le projet de
loi comprend des traits
régressifs que plusieurs ont dénoncés comme étant
arbitraires, comme le
maintien du pouvoir de priver les travailleurs du
secteur public de
leur droit à des conditions de travail qu'ils
jugent acceptables et qui
sont inscrites dans des conventions collectives
négociées.
Violation de la Loi sur la qualité de
l'environnement
L'article 15 du projet de loi prévoit que le
gouvernement peut, par décret exécutif, déclarer
que des clauses de la Loi
sur la qualité de l'environnement ne
s'appliquent pas à certains
projets. Le projet de loi 61 donne à
l'exécutif gouvernemental le
pouvoir de décréter l'accélération de la
construction de certains
projets et de les couvrir d'une réglementation qui
remplace celle qu'on
retrouve dans la Loi sur la qualité de
l'environnement. En
vertu de ce pouvoir, la réglementation décrétée
par l'exécutif
gouvernemental devient loi, selon le bon vouloir
de l'autorité. Cela
veut dire que le gouvernement peut créer des
clauses de remplacement
comme bon lui semble, probablement pour accommoder
de puissants
intérêts privés, et outrepasser et enfreindre des
clauses de la Loi
sur la qualité de l'environnement.
Violation de la Loi sur l'expropriation
Dans les cas de l'expropriation de la propriété
d'individus pour laisser le champ libre aux
projets économiques,
l'autorité exécutive habilitée par le projet de
loi 61 peut
déclarer illégale toute contestation juridique de
la part des
expropriés en vertu de la Loi sur
l'expropriation. Selon le
gouvernement, ce pouvoir arbitraire de nier les
droits, en violation
des lois existantes, est une chose nécessaire à
l'accélération des
projets économiques, ce qui est un argument faux
et pragmatique.
Violation de la Loi sur les contrats des
organismes
publics
En ce qui concerne l'octroi des contrats publics,
le
projet de loi prescrit que le gouvernement peut,
par réglementation ou
sur recommandation du Conseil du trésor,
déterminer des conditions qui
enfreignent la Loi sur les contrats des
organismes publics.
Cela peut vouloir dire l'élimination des appels
d'offres afin de
faciliter l'octroi de contrats à des monopoles
spécifiques par décret
exécutif. Ce pouvoir exécutif arbitraire n'est pas
nouveau en soi. Il
existe déjà et a souvent été utilisé. Ce qui est
nouveau c'est qu'un
projet de loi décrète maintenant que ce pouvoir
exécutif est au-dessus
de la réglementation existante.
Cette clause a causé un émoi particulier
ramenant à la
mémoire la corruption hideuse sous la forme
d'octroi de contrats
publics à des entreprises privées en échange de
financement des partis
politiques. En réponse, le gouvernement a
maintenant déclaré que le
pouvoir de restreindre les appels publics d'offres
s'appliquera
seulement aux projets gérés par des organismes
municipaux.
Prolongement de l'urgence sanitaire pour une
période
indéfinie
Entre autres choses, la déclaration d'une urgence
sanitaire du 13 mars 2020 a donné le
pouvoir à l'exécutif
gouvernemental d'annuler toutes les ententes
négociées avec les
travailleurs de la santé et des services sociaux
afin de changer
unilatéralement leurs conditions de travail. Cette
attaque contre les
droits des travailleurs a été fermement condamnée.
Le projet de loi 61 comprend une clause qui
prévoit que l'état d'urgence sanitaire et ses
pouvoirs antiouvriers
sont étendus pour une période indéfinie. Cela
contrevient à la Loi
sur la santé publique en vertu de laquelle
l'urgence sanitaire a
été déclarée. Selon cette loi, l'état d'urgence
sanitaire est en
vigueur pendant un maximum de dix jours. Le
gouvernement doit alors
renouveler l'état d'urgence tous les dix jours
aussi longtemps qu'il
juge l'urgence nécessaire, ou tous les 30 jours
s'il cherche le
consentement de l'Assemblée nationale. Le
gouvernement a proposé un
amendement au projet de loi dans lequel l'état
d'urgence et ses
attaques arbitraires contre les travailleurs du
secteur public sont
maintenus jusqu'en octobre 2020 et plus
longtemps si nécessaire.
Immunité gouvernementale face aux poursuites
Comme ce fut le cas avec le décret de l'état
d'urgence
sanitaire et les pouvoirs qu'il confère, tout ce
projet de loi est
conçu pour fournir une immunité totale à
l'exécutif gouvernemental. Le
préambule du projet de loi dit : « Le projet
de loi prévoit une
immunité de poursuite judiciaire pour le
gouvernement, un ministre, un
organisme public ou toute autre personne qui
accomplit de bonne foi un
acte dans l'exercice de pouvoirs que le projet de
loi introduit ou dans
l'exécution de mesures prises en vertu de
ceux-ci. »
Tout ceci crée une situation très dangereuse
pour le
peuple et la société québécoise. La pandémie et
l'état d'urgence
sanitaire, et maintenant la relance de l'économie
sont utilisés pour
concentrer encore davantage le pouvoir politique
en un nombre toujours
plus restreint de mains qui sont entièrement
subordonnées aux intérêts
privés étroits. Par exemple, avec ce projet de
loi, le gouvernement
peut décider que la formation sécuritaire et les
normes et règlements
de sécurité sur les chantiers de construction
nuisent à l'atténuation
des conséquences de la pandémie et à la relance de
l'économie. Le fait
d'enchâsser ces pratiques régressives dans la loi
et de couvrir
d'immunité ceux qui les mettent en application est
une sérieuse source
de préoccupation pour le peuple.
(LML numéro 44, 4 juillet
2020)
Augmentation des accidents dans la
construction impliquant l'opération de grues
Manifestation des grutiers à Montréal, le 5 mai
2018, pour réclamer le
rétablissement du
diplôme d'études professionnelles obligatoire
pour les grutiers
Les grutiers du Québec rapportent que les
accidents
impliquant l'opération de grues sont en
augmentation au Québec. Depuis
septembre 2019, il y a eu 10 accidents
déclarés et, selon
l'Union des opérateurs grutiers, sept d'entre eux
impliquent des
opérateurs qui n'ont pas suivi le diplôme d'études
professionnelles
(DEP) de 870 heures ou terminé une formation
équivalente par
reconnaissance des acquis [reconnaissance d'acquis
et de compétences
qui tient lieu de formation professionnelle].
L'accident le plus récent
s'est produit en juin à l'Assomption, où un
opérateur de machinerie
lourde, sans formation de grutier, a laissé tomber
une charge sur trois
travailleurs alors qu'il opérait un camion-flèche
sur le chantier du
pont de la route 341. Les trois travailleurs
ont été blessés dont
un, gravement. Plusieurs de ces accidents
impliquent des
camions-flèches d'une capacité maximale de 30
tonnes qui sont de
petites grues utilisées entre autres pour du
transport de matériaux et
d'équipement et qui sont les grues qui versent le
plus facilement.
C'est pourtant pour la conduite de ces grues que
le gouvernement et la
Commission de la construction du Québec (CCQ) ont
introduit un cours
de 80 heures seulement, en remplacement de la
formation
professionnelle de 870 heures. On en voit le
résultat aujourd'hui.
Le
gouvernement et la CCQ ont mis de l'avant les
arguments les plus sans
principe, pragmatiques, laissant entendre qu'il
n'est pas besoin d'être
grutier qualifié pour opérer un camion-flèche, et
que le syndicat
cherche juste à maintenir son monopole et son
contrôle sur le métier
pour des motifs égoïstes en exigeant une formation
professionnelle
obligatoire adéquate pour la conduite de ces
grues. Ce sont le
gouvernement et la CCQ qui sont animés de
l'objectif de servir le
profit privé étroit au détriment de la sécurité
des travailleurs et du
public. Les grutiers défendent la sécurité de
tous.
Le diplôme d'études professionnelles obligatoire
a été
justement instauré en 1997 pour réduire les
morts et les accidents
impliquant l'opération de grues. Les décès ont été
réduits
de 66 % depuis son instauration. On
semble revenir à cette
situation d'avant le DEP en fait de dangers, et
les travailleurs de la
construction intensifient leur lutte contre ces
mesures régressives et
le refus des autorités d'assumer leur
responsabilité sociale.
Dans une entrevue avec Forum ouvrier, le
directeur de l'Union des opérateurs grutiers,
Evans Dupuis, a dit que
si la situation perdure, des décès surviendront à
cause de
l'abaissement de la formation des grutiers. Ceci,
dans un secteur, la
construction qui est déjà au premier rang des
décès de tous les
secteurs de l'économie au Québec.
« Il faut que le ministre du Travail intervienne
pour
revoir la réglementation dans le métier de grutier
ainsi que l'activité
camion-flèche, a-t-il dit. On voit ce qui arrive
quand le camion-flèche
est conduit par des gars qui n'ont aucune
compétence pour le faire. On
se fait dire que ce n'est pas vraiment dangereux
d'opérer un
camion-flèche, que c'est juste une petite grue,
mais à l'Assomption on
est venu à un cheveu de tuer quelqu'un avec un
camion flèche de 30
tonnes. En plus, on assiste de plus en plus à des
accidents majeurs
avec renversement de grues et des gens blessés. On
est rendu à 10
accidents en 9 mois. Habituellement, on a 3
ou 4 accidents
par année. Tout ça est relié directement à la
baisse de la formation
des grutiers ».
Evans a aussi évoqué le projet de loi 61 sur la
relance
de l'économie que le gouvernement a déposé au
début juin et son impact
notamment sur la santé et la sécurité des
travailleurs et du public.
« Le projet de loi 61 donnerait tous les
pouvoirs
au gouvernement de tout modifier et de se couvrir
d'immunité au nom de
la relance de l'économie. Le gouvernement veut se
donner les pleins
pouvoirs pour modifier tout ce qu'il veut sans
consulter et sans
respecter ses propres règles. Au nom de combler
les pénuries de
main-d'oeuvre, il veut permettre aux gens de
travailler sans formation
ce qui va mettre tout le monde en danger. Ils
veulent prendre des
décisions tout seuls sans écouter personne. Cela
va avoir un impact
majeur sur la santé et la sécurité des
travailleurs. »
Forum ouvrier se joint à tous les
travailleurs
pour exiger que le gouvernement rétablisse
immédiatement la formation
professionnelle obligatoire des grutiers.
(Photos : FTQ Construction)
L'occupation historique des
camionneurs à
Washington
- Normand Chouinard -
Plus
de trois mois se sont écoulés depuis le début de
la pandémie et
beaucoup d'eau a coulé sous les ponts en ce qui
concerne les
travailleurs du transport routier aux États-Unis
et au Canada. En
mettant de l'avant des revendications immédiates
pour des conditions de
travail salubres et sécuritaires pour l'exécution
de leur travail dès
le début du confinement, ils ont montré qu'ils
veulent avoir leur mot à
dire sur leur vie et sur leur métier. Les
revendications des
camionneurs pour garantir un protocole sanitaire
effectif pour le
transport routier durant la pandémie ont été
animées par un grand
sentiment de solidarité et d'unité du mouvement
des camionneurs pour
l'affirmation de leurs droits et pour la
reconnaissance de leur métier.
Cette résistance active des travailleurs du
transport routier a même
obligé certains membres de l'élite dirigeante à
réagir. Ces membres de
l'élite se sont mis à clamer que nous sommes un
service essentiel et
que le travail des camionneurs est important pour
garantir la chaîne
d'approvisionnement. Les travailleurs du transport
routier se sont
sentis fiers et dignes que leur rôle dans
l'économie soit finalement
reconnu à sa juste valeur. Ceci a donné confiance
que les choses
pouvaient changer en leur faveur.
Lorsque les prix du transport se sont mis à
dégringoler
pendant le gros du confinement, un vaste mouvement
de résistance
organisé s'est affirmé aux États-Unis pour
empêcher que le fardeau de
la crise soit mis sur le dos des camionneurs
indépendants et
indirectement sur l'ensemble des chauffeurs. Dans
plusieurs États
américains, des rassemblements ont eu lieu pour
exiger de nouveaux
arrangements, notamment une réglementation pour
légiférer sur le
pourcentage perçu par les grands courtiers en
transport sur le prix
offert pour un voyage par camion lourd. Ce
mouvement s'est cristallisé
par l'occupation devant la Maison-Blanche de plus
de 350
camionneurs de partout aux États-Unis, toutes
origines nationales
confondues, pendant 21 jours.
D'autres occupations semblables ont eu lieu
près
des différents capitoles dans d'autres États.
Pendant cette période
de 21 jours, les camionneurs présents ont
appris à s'organiser
pour que tous aient de la nourriture et se sentent
en sécurité. Des BBQ
étaient organisés sur les trottoirs et des
équipements sanitaires
avaient été loués. Il y avait des allées et venues
de plusieurs camions
provenant d'un peu partout aux États-Unis.
Certains restaient une
journée, deux jours, une semaine, d'autres sont
demeurés sur place
pendant les 21 jours de l'occupation. Bref,
une atmosphère de
camaraderie comme on n'en pas vue depuis longtemps
parmi les
travailleurs du transport routier y régnait.
Occupation de 21 jours des camionneurs devant
la Maison-Blanche au
mois de mai 2020
La principale demande des camionneurs était
d'avoir une
rencontre avec des membres du gouvernement central
pour discuter de la
question du déséquilibre dans la répartition des
revenus dans
l'industrie du camionnage. Les chauffeurs présents
étaient très actifs
pour se faire entendre, se promenant dans la
capitale des États-Unis en
klaxonnant, en discutant avec les gens, etc. Ils
ont même, à une
occasion, perturbé une conférence de presse
quotidienne du président
Trump sur la situation de la COVID-19 en
klaxonnant pour attirer
l'attention des politiciens et journalistes
présents. Trump, comme à
son habitude, a utilisé cette occasion pour se
faire valoir en disant
que les klaxons étaient en son appui et que les
camionneurs partout aux
États-Unis étaient de son côté. Il a totalement
esquivé la lutte que
mènent les camionneurs pour leurs droits. Quelques
jours plus tard,
l'administration Trump organisait à grands coups
de fanfare une
conférence de presse dans laquelle il y avait un
grand camion
de 53 pieds de la compagnie FedEx et où Trump
a remercié les
camionneurs pour le travail qu'ils faisaient
durant cette période.
Encore une fois, rien de concret sur les
revendications des camionneurs
réunis à une centaine de mètres de la
Maison-Blanche.
Puis
vint le jour ou « deux représentants » des
camionneurs dont l'un
d'eux s'affichait ouvertement comme un «
Trumpster » ont été
autorisés à rencontrer des membres de
l'administration Trump. La
rencontre s'est soldée par la promesse d'une
révision du règlement
sur les heures de conduite, mais absolument rien
sur la question de
réglementer le pourcentage des courtiers en
transport. Là-dessus, ils
se sont fait dire que le gouvernement ne peut pas
légiférer parce que
les États-Unis sont un pays de libre marché et que
ce sont les lois du
libre marché qui fixent les prix. Les deux «
représentants » sont
sortis de la rencontre en clamant qu'une bataille
avait été gagnée,
exaltant le Président Trump et disant qu'ils
remerciaient « Dieu »
qu'enfin les camionneurs avaient un président qui
est de leur côté. Un
« deal » derrière les portes closes de la
Maison-Blanche venait
d'être scellé. C'est dans un sentiment d'amertume
et d'insatisfaction,
un sentiment que quelque chose leur a échappé, que
l'occupation des
camionneurs a pris fin, et que ceux-ci, peu à peu,
sont retournés chez
eux.
Les semaines qui ont suivi cette mobilisation
historique
pour les travailleurs du transport routier
américains n'ont vu aucune
remontée des taux dans la fixation des prix ni
aucune modification dans
le pourcentage perçu par les courtiers. Des
centaines de milliers de
camionneurs indépendants sont encore pris à la
gorge par des prix trop
bas qui mettent leur situation financière en
péril.
Cette situation, bien que difficile et
compliquée,
n'empêche pas les camionneurs de poursuivre la
lutte. Le problème
n'ayant pas été résolu, ils exigent toujours une
solution. La
discussion se poursuit via les réseaux sociaux et
d'autres médias créés
par eux, notamment les camionneurs d'origines
pendjabie,
latino-américaine et autres.
La
suite des choses on la connaît. Le mouvement de
résistance organisée
contre le racisme d'État aux États-Unis s'est
affirmé et est devenu un
enjeu politique central, non seulement pour le
peuple américain, mais
pour les peuples du monde entier. Dans les
premiers jours suivant la
mort de Georges Floyd, les médias monopolisés ont
créé une fausse
impression sur des incidents lors desquels des
camionneurs ont été pris
au milieu de manifestations, déclarant que des
camionneurs avaient été
attaqués par des « émeutiers ».
Récemment, des propositions surgies d'on ne sait
où sur
le droit des camionneurs de porter une arme pour
se protéger contre
d'éventuelles agressions ont fait le tour des
États-Unis et se sont
même retrouvées sur les sites de camionneurs au
Canada.
Le mouvement des travailleurs du transport
routier aux
États-Unis ne se laissera pas diviser par des
provocations aussi
grossières. Les camionneurs font face à la
discrimination raciale et
économique au sein de l'industrie du camionnage
qui les met en
compétition les uns avec les autres. En
particulier, les camionneurs
immigrants de toutes origines font les frais
d'être de la main-d'oeuvre
bon marché pour les grandes compagnies de
transport et les grands
monopoles manufacturiers et de distribution, et
sont soumis
quotidiennement au racisme organisé de l'État. Ils
sont partie
intégrante de la bataille pour mettre fin à cet
état d'apartheid au
sein de la classe ouvrière qui vise à les diviser
et à abaisser
constamment leurs conditions de travail.
Mais dans le contexte actuel de diversion,
d'infamie et
de mensonges et de coups montés des cercles
dirigeants impérialistes
contre le mouvement, la tâche la plus complexe est
de garder le cap sur
les demandes initiales pour la défense des
intérêts fondamentaux des
camionneurs. Des arrangements permanents qui vont
garantir la stabilité
de l'industrie du camionnage et respecter
intégralement les droits des
camionneurs sont toujours à l'ordre du jour. Ils
doivent poursuivre sur
la voie indépendante qu'ils ont empruntée et ne
jamais devenir une
réserve politique électorale pour une clique ou
une autre des élites
dirigeantes qui se déchirent pour accaparer le
pouvoir suprême et les
entraîner dans leurs querelles.
L'esprit d'unité, de solidarité et du sens de
l'organisation durement acquis durant ces
dernières semaines est le
nouveau jalon pour l'établissement d'arrangements
politiques qui leur
sont favorables dans l'industrie du camionnage.
Cet esprit doit être
défendu fermement dans la situation actuelle.
(Photos : FO, C. Lee, R.
Hernandez, FTQ)
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