Forum ouvrier

Numéro 47 - 7 juillet 2020

Opposition au recours accru du gouvernement aux pouvoirs arbitraires


Le projet de loi 61 du gouvernement du Québec

Les travailleurs s'opposent à l'utilisation de la pandémie et de la relance de l'économie pour renforcer les pouvoirs arbitraires de l'État - Pierre Chénier
Les traits régressifs du projet de loi 61

Augmentation des accidents dans la construction impliquant l'opération de grues
La formation professionnelle obligatoire des grutiers doit être rétablie maintenant!

L'occupation historique des camionneurs à Washington
Quelle est la suite des choses pour les camionneurs et l'industrie du camionnage? - Normand Chouinard


Le projet de loi 61 du gouvernement du Québec

Les travailleurs s'opposent à l'utilisation de la pandémie et de la relance de l'économie pour renforcer les pouvoirs arbitraires de l'État


Des travailleurs de la santé manifestent devant le bureau du premier ministre Legault à Québec, le 19 mai 2020, pour dénoncer l'utilisation de pouvoirs arbitraires pour attaquer leurs droits durant la pandémie de la COVID-19.

Le 3 juin, le gouvernement Legault a déposé le projet de loi 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19[1]. Le but déclaré du projet de loi est d'atténuer les conséquences de l'état d'urgence sanitaire en accélérant la construction de 202 projets publics d'infrastructure, tels les écoles, les résidences pour personnes âgées, les routes et le transport en commun pendant une période de deux ans. Le projet de loi donne l'option au gouvernement de décréter que d'autres projets publics ou privés soient couverts par celui-ci. Selon le premier ministre François Legault, les pouvoirs conférés par le projet de loi, qui ont été largement dénoncés comme étant arbitraires, sont essentiels à la relance de l'économie après des semaines de fermeture imposées en raison de la pandémie.

Pris dans son ensemble, le projet de loi est une vaste tentative de renforcer les pouvoirs arbitraires de l'État et de priver encore plus les travailleurs et le peuple de toute voix sur les affaires qui les concernent en utilisant la pandémie et la relance de l'économie comme prétexte. Il prive aussi encore plus l'Assemblée nationale et ses membres de tout pouvoir législatif, en concentrant tout pouvoir décisionnel entre les mains des ministres pour servir des intérêts privés étroits. Le projet de loi 61 confère au gouvernement le pouvoir d'étendre l'état d'urgence sanitaire sans égard à ce que prescrit la Loi sur la santé publique et sans examen de la part du public et même des membres de l'Assemblée nationale.

L'arrêté ministériel par lequel a été décrété l'état d'urgence sanitaire le 13 mars a donné le pouvoir arbitraire à l'exécutif gouvernemental d'annuler toutes les ententes négociées avec les travailleurs de la santé et des services sociaux. L'exécutif a utilisé ce pouvoir pour changer unilatéralement les conditions de travail dans le secteur de la santé et des services sociaux. L'extension de ce pouvoir arbitraire pour une période indéfinie est une attaque grave contre les travailleurs et leurs droits qui ne doit pas passer !

En plus de l'attaque contre les travailleurs du secteur public, le projet de loi 61 donne tout pouvoir à l'exécutif gouvernemental d'annuler et d'enfreindre les lois et la réglementation existantes sous prétexte d'accélérer la relance de l'économie. Le projet de loi 61 permet à l'exécutif gouvernemental d'annuler les clauses de la Loi sur la santé publique, de la Loi sur la qualité de l'environnement, de la Loi sur l'expropriation et de la Loi sur les contrats des organismes publics, et accorde l'immunité face à toute poursuite contre les ministres du gouvernement et de toute autre personne qui a recours à cette loi.

Le projet de loi 61 confère à l'exécutif gouvernemental le pouvoir d'éliminer comme bon lui semble la réglementation environnementale, la réglementation concernant l'expropriation des personnes au nom des projets économiques et la réglementation qui concerne l'octroi des contrats publics à des entreprises privées pour la construction des projets d'infrastructure, tout en accordant l'immunité face à toute poursuite pour tout méfait. On ne doit pas permettre cet accaparement d'un plus grand pouvoir exécutif.

Une crise comme la pandémie ne doit pas être utilisée pour attaquer le peuple, violer ses droits et l'exclure de manière encore plus violente du pouvoir décisionnel. Les travailleurs doivent examiner cette situation et intensifier leur lutte pour s'investir du pouvoir pour que les problèmes causés par la pandémie puissent être résolus en leur faveur, pas en faveur des riches. La pandémie est une nouvelle preuve de la nécessité d'une nouvelle direction de l'économie, une direction qui est décidée par le peuple et qui est sous son contrôle.

Les travailleurs et le peuple demandent que ce projet de loi régressif soit retiré immédiatement. Ceux qui ont présenté ce projet de loi antiouvrier et antisocial et qui insistent pour le faire adopter afin de fournir à l'exécutif gouvernemental des pouvoirs arbitraires encore plus grands doivent être déclarés inaptes à gouverner et démis de leurs fonctions.

La manoeuvre du gouvernement du Québec pour faire adopter
le projet de loi 61

Le projet de loi 61 a été présenté le 3 juin, 9 jours seulement avant le jour officiel de l'ajournement des travaux de l'Assemblée nationale pour l'été. Le premier ministre François Legault, Christian Dubé, alors président du Conseil du trésor, et d'autres porte-paroles du cabinet ont demandé avec arrogance qu'il soit adopté à toute vapeur avant l'ajournement.

Bien que le gouvernement Legault soit majoritaire à l'Assemblée nationale, le consentement unanime des trois partis de l'opposition et des députés indépendants de l'Assemblée nationale était requis pour que le principe de la loi soit adopté, ce qui permet de le traiter en comité et de passer aux lectures subséquentes. Il existe une règle de procédure de l'Assemblée nationale en vertu de laquelle le consentement unanime des députés est requis pour l'adoption du principe d'un projet de loi lorsque celui-ci est présenté après la mi-mai avant l'ajournement pour l'été.

Dans un effort pour obtenir le consentement unanime des membres de l'Assemblée nationale, le gouvernement Legault a présenté 18 amendements la veille de l'ajournement. La tentative de Legault d'« adoucir » le projet de loi n'a pas réussi à obtenir le consentement unanime des députés pour l'adoption de son principe. L'opposition populaire au projet de loi était si forte que, selon plusieurs commentateurs, il aurait été suicidaire pour les autres partis et membres de l'Assemblée nationale de se plier à cette manoeuvre du gouvernement Legault. Il est probable que lorsque l'Assemblée nationale reprendra ses travaux en septembre le gouvernement Legault utilisera sa majorité pour faire adopter le projet de loi, en dépit de l'opposition croissante du peuple.

Note

1. Le 21 juin, le premier ministre du Québec, François Legault, a remanié son cabinet, utilisant encore une fois la pandémie comme prétexte pour intensifier l'offensive antisociale contre le peuple. Pour en savoir plus, lisez « La démagogie éhontée du gouvernement Legault » - LML numéro 44, le 4 juillet 2020

(LML numéro 44, 4 juillet 2020. Photos : FIQ, FTQ, J-F Couto)

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Les traits régressifs du projet de loi 61

Avec le projet de loi 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19, le gouvernement veut se donner le pouvoir exécutif de violer et outrepasser les lois existantes afin d'accélérer la construction de 202 projets publics d'infrastructure, comme les écoles, les résidences pour personnes âgées, les projets routiers et le transport en commun pendant une période de deux ans. Le projet de loi permet à l'exécutif gouvernemental Legault d'ajouter d'autres projets publics ou privés à ceux qui sont couverts par la loi. Le projet de loi comprend des traits régressifs que plusieurs ont dénoncés comme étant arbitraires, comme le maintien du pouvoir de priver les travailleurs du secteur public de leur droit à des conditions de travail qu'ils jugent acceptables et qui sont inscrites dans des conventions collectives négociées.

Violation de la Loi sur la qualité de l'environnement

L'article 15 du projet de loi prévoit que le gouvernement peut, par décret exécutif, déclarer que des clauses de la Loi sur la qualité de l'environnement ne s'appliquent pas à certains projets. Le projet de loi 61 donne à l'exécutif gouvernemental le pouvoir de décréter l'accélération de la construction de certains projets et de les couvrir d'une réglementation qui remplace celle qu'on retrouve dans la Loi sur la qualité de l'environnement. En vertu de ce pouvoir, la réglementation décrétée par l'exécutif gouvernemental devient loi, selon le bon vouloir de l'autorité. Cela veut dire que le gouvernement peut créer des clauses de remplacement comme bon lui semble, probablement pour accommoder de puissants intérêts privés, et outrepasser et enfreindre des clauses de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Violation de la Loi sur l'expropriation

Dans les cas de l'expropriation de la propriété d'individus pour laisser le champ libre aux projets économiques, l'autorité exécutive habilitée par le projet de loi 61 peut déclarer illégale toute contestation juridique de la part des expropriés en vertu de la Loi sur l'expropriation. Selon le gouvernement, ce pouvoir arbitraire de nier les droits, en violation des lois existantes, est une chose nécessaire à l'accélération des projets économiques, ce qui est un argument faux et pragmatique.

Violation de la Loi sur les contrats des organismes publics

En ce qui concerne l'octroi des contrats publics, le projet de loi prescrit que le gouvernement peut, par réglementation ou sur recommandation du Conseil du trésor, déterminer des conditions qui enfreignent la Loi sur les contrats des organismes publics. Cela peut vouloir dire l'élimination des appels d'offres afin de faciliter l'octroi de contrats à des monopoles spécifiques par décret exécutif. Ce pouvoir exécutif arbitraire n'est pas nouveau en soi. Il existe déjà et a souvent été utilisé. Ce qui est nouveau c'est qu'un projet de loi décrète maintenant que ce pouvoir exécutif est au-dessus de la réglementation existante.

Cette clause a causé un émoi particulier ramenant à la mémoire la corruption hideuse sous la forme d'octroi de contrats publics à des entreprises privées en échange de financement des partis politiques. En réponse, le gouvernement a maintenant déclaré que le pouvoir de restreindre les appels publics d'offres s'appliquera seulement aux projets gérés par des organismes municipaux.

Prolongement de l'urgence sanitaire pour une période indéfinie

Entre autres choses, la déclaration d'une urgence sanitaire du 13 mars 2020 a donné le pouvoir à l'exécutif gouvernemental d'annuler toutes les ententes négociées avec les travailleurs de la santé et des services sociaux afin de changer unilatéralement leurs conditions de travail. Cette attaque contre les droits des travailleurs a été fermement condamnée.

Le projet de loi 61 comprend une clause qui prévoit que l'état d'urgence sanitaire et ses pouvoirs antiouvriers sont étendus pour une période indéfinie. Cela contrevient à la Loi sur la santé publique en vertu de laquelle l'urgence sanitaire a été déclarée. Selon cette loi, l'état d'urgence sanitaire est en vigueur pendant un maximum de dix jours. Le gouvernement doit alors renouveler l'état d'urgence tous les dix jours aussi longtemps qu'il juge l'urgence nécessaire, ou tous les 30 jours s'il cherche le consentement de l'Assemblée nationale. Le gouvernement a proposé un amendement au projet de loi dans lequel l'état d'urgence et ses attaques arbitraires contre les travailleurs du secteur public sont maintenus jusqu'en octobre 2020 et plus longtemps si nécessaire.

Immunité gouvernementale face aux poursuites

Comme ce fut le cas avec le décret de l'état d'urgence sanitaire et les pouvoirs qu'il confère, tout ce projet de loi est conçu pour fournir une immunité totale à l'exécutif gouvernemental. Le préambule du projet de loi dit : « Le projet de loi prévoit une immunité de poursuite judiciaire pour le gouvernement, un ministre, un organisme public ou toute autre personne qui accomplit de bonne foi un acte dans l'exercice de pouvoirs que le projet de loi introduit ou dans l'exécution de mesures prises en vertu de ceux-ci. »

Tout ceci crée une situation très dangereuse pour le peuple et la société québécoise. La pandémie et l'état d'urgence sanitaire, et maintenant la relance de l'économie sont utilisés pour concentrer encore davantage le pouvoir politique en un nombre toujours plus restreint de mains qui sont entièrement subordonnées aux intérêts privés étroits. Par exemple, avec ce projet de loi, le gouvernement peut décider que la formation sécuritaire et les normes et règlements de sécurité sur les chantiers de construction nuisent à l'atténuation des conséquences de la pandémie et à la relance de l'économie. Le fait d'enchâsser ces pratiques régressives dans la loi et de couvrir d'immunité ceux qui les mettent en application est une sérieuse source de préoccupation pour le peuple.

(LML numéro 44, 4 juillet 2020)

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Augmentation des accidents dans la construction impliquant l'opération de grues

La formation professionnelle obligatoire des grutiers doit être rétablie maintenant!


Manifestation des grutiers à Montréal, le 5 mai 2018, pour réclamer le rétablissement du
diplôme d'études professionnelles obligatoire pour les grutiers

Les grutiers du Québec rapportent que les accidents impliquant l'opération de grues sont en augmentation au Québec. Depuis septembre 2019, il y a eu 10 accidents déclarés et, selon l'Union des opérateurs grutiers, sept d'entre eux impliquent des opérateurs qui n'ont pas suivi le diplôme d'études professionnelles (DEP) de 870 heures ou terminé une formation équivalente par reconnaissance des acquis [reconnaissance d'acquis et de compétences qui tient lieu de formation professionnelle]. L'accident le plus récent s'est produit en juin à l'Assomption, où un opérateur de machinerie lourde, sans formation de grutier, a laissé tomber une charge sur trois travailleurs alors qu'il opérait un camion-flèche sur le chantier du pont de la route 341. Les trois travailleurs ont été blessés dont un, gravement. Plusieurs de ces accidents impliquent des camions-flèches d'une capacité maximale de 30 tonnes qui sont de petites grues utilisées entre autres pour du transport de matériaux et d'équipement et qui sont les grues qui versent le plus facilement. C'est pourtant pour la conduite de ces grues que le gouvernement et la Commission de la construction du Québec (CCQ) ont introduit un cours de 80 heures seulement, en remplacement de la formation professionnelle de 870 heures. On en voit le résultat aujourd'hui.

Le gouvernement et la CCQ ont mis de l'avant les arguments les plus sans principe, pragmatiques, laissant entendre qu'il n'est pas besoin d'être grutier qualifié pour opérer un camion-flèche, et que le syndicat cherche juste à maintenir son monopole et son contrôle sur le métier pour des motifs égoïstes en exigeant une formation professionnelle obligatoire adéquate pour la conduite de ces grues. Ce sont le gouvernement et la CCQ qui sont animés de l'objectif de servir le profit privé étroit au détriment de la sécurité des travailleurs et du public. Les grutiers défendent la sécurité de tous.

Le diplôme d'études professionnelles obligatoire a été justement instauré en 1997 pour réduire les morts et les accidents impliquant l'opération de grues. Les décès ont été réduits de 66 % depuis son instauration. On semble revenir à cette situation d'avant le DEP en fait de dangers, et les travailleurs de la construction intensifient leur lutte contre ces mesures régressives et le refus des autorités d'assumer leur responsabilité sociale.

Dans une entrevue avec Forum ouvrier, le directeur de l'Union des opérateurs grutiers, Evans Dupuis, a dit que si la situation perdure, des décès surviendront à cause de l'abaissement de la formation des grutiers. Ceci, dans un secteur, la construction qui est déjà au premier rang des décès de tous les secteurs de l'économie au Québec.

« Il faut que le ministre du Travail intervienne pour revoir la réglementation dans le métier de grutier ainsi que l'activité camion-flèche, a-t-il dit. On voit ce qui arrive quand le camion-flèche est conduit par des gars qui n'ont aucune compétence pour le faire. On se fait dire que ce n'est pas vraiment dangereux d'opérer un camion-flèche, que c'est juste une petite grue, mais à l'Assomption on est venu à un cheveu de tuer quelqu'un avec un camion flèche de 30 tonnes. En plus, on assiste de plus en plus à des accidents majeurs avec renversement de grues et des gens blessés. On est rendu à 10 accidents en 9 mois. Habituellement, on a 3 ou 4 accidents par année. Tout ça est relié directement à la baisse de la formation des grutiers ».

Evans a aussi évoqué le projet de loi 61 sur la relance de l'économie que le gouvernement a déposé au début juin et son impact notamment sur la santé et la sécurité des travailleurs et du public.

« Le projet de loi 61 donnerait tous les pouvoirs au gouvernement de tout modifier et de se couvrir d'immunité au nom de la relance de l'économie. Le gouvernement veut se donner les pleins pouvoirs pour modifier tout ce qu'il veut sans consulter et sans respecter ses propres règles. Au nom de combler les pénuries de main-d'oeuvre, il veut permettre aux gens de travailler sans formation ce qui va mettre tout le monde en danger. Ils veulent prendre des décisions tout seuls sans écouter personne. Cela va avoir un impact majeur sur la santé et la sécurité des travailleurs. »

Forum ouvrier se joint à tous les travailleurs pour exiger que le gouvernement rétablisse immédiatement la formation professionnelle obligatoire des grutiers.

(Photos : FTQ Construction)

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L'occupation historique des camionneurs à Washington

Quelle est la suite des choses pour les camionneurs
et l'industrie du camionnage?

Plus de trois mois se sont écoulés depuis le début de la pandémie et beaucoup d'eau a coulé sous les ponts en ce qui concerne les travailleurs du transport routier aux États-Unis et au Canada. En mettant de l'avant des revendications immédiates pour des conditions de travail salubres et sécuritaires pour l'exécution de leur travail dès le début du confinement, ils ont montré qu'ils veulent avoir leur mot à dire sur leur vie et sur leur métier. Les revendications des camionneurs pour garantir un protocole sanitaire effectif pour le transport routier durant la pandémie ont été animées par un grand sentiment de solidarité et d'unité du mouvement des camionneurs pour l'affirmation de leurs droits et pour la reconnaissance de leur métier. Cette résistance active des travailleurs du transport routier a même obligé certains membres de l'élite dirigeante à réagir. Ces membres de l'élite se sont mis à clamer que nous sommes un service essentiel et que le travail des camionneurs est important pour garantir la chaîne d'approvisionnement. Les travailleurs du transport routier se sont sentis fiers et dignes que leur rôle dans l'économie soit finalement reconnu à sa juste valeur. Ceci a donné confiance que les choses pouvaient changer en leur faveur.

Lorsque les prix du transport se sont mis à dégringoler pendant le gros du confinement, un vaste mouvement de résistance organisé s'est affirmé aux États-Unis pour empêcher que le fardeau de la crise soit mis sur le dos des camionneurs indépendants et indirectement sur l'ensemble des chauffeurs. Dans plusieurs États américains, des rassemblements ont eu lieu pour exiger de nouveaux arrangements, notamment une réglementation pour légiférer sur le pourcentage perçu par les grands courtiers en transport sur le prix offert pour un voyage par camion lourd. Ce mouvement s'est cristallisé par l'occupation devant la Maison-Blanche de plus de 350 camionneurs de partout aux États-Unis, toutes origines nationales confondues, pendant 21 jours. 

D'autres occupations semblables ont eu lieu près des différents capitoles dans d'autres États. Pendant cette période de 21 jours, les camionneurs présents ont appris à s'organiser pour que tous aient de la nourriture et se sentent en sécurité. Des BBQ étaient organisés sur les trottoirs et des équipements sanitaires avaient été loués. Il y avait des allées et venues de plusieurs camions provenant d'un peu partout aux États-Unis. Certains restaient une journée, deux jours, une semaine, d'autres sont demeurés sur place pendant les 21 jours de l'occupation. Bref, une atmosphère de camaraderie comme on n'en pas vue depuis longtemps parmi les travailleurs du transport routier y régnait.


Occupation de 21 jours des camionneurs devant la Maison-Blanche au mois de mai 2020

La principale demande des camionneurs était d'avoir une rencontre avec des membres du gouvernement central pour discuter de la question du déséquilibre dans la répartition des revenus dans l'industrie du camionnage. Les chauffeurs présents étaient très actifs pour se faire entendre, se promenant dans la capitale des États-Unis en klaxonnant, en discutant avec les gens, etc. Ils ont même, à une occasion, perturbé une conférence de presse quotidienne du président Trump sur la situation de la COVID-19 en klaxonnant pour attirer l'attention des politiciens et journalistes présents. Trump, comme à son habitude, a utilisé cette occasion pour se faire valoir en disant que les klaxons étaient en son appui et que les camionneurs partout aux États-Unis étaient de son côté. Il a totalement esquivé la lutte que mènent les camionneurs pour leurs droits. Quelques jours plus tard, l'administration Trump organisait à grands coups de fanfare une conférence de presse dans laquelle il y avait un grand camion de 53 pieds de la compagnie FedEx et où Trump a remercié les camionneurs pour le travail qu'ils faisaient durant cette période. Encore une fois, rien de concret sur les revendications des camionneurs réunis à une centaine de mètres de la Maison-Blanche.

Puis vint le jour ou « deux représentants » des camionneurs dont l'un d'eux s'affichait ouvertement comme un « Trumpster » ont été autorisés à rencontrer des membres de l'administration Trump. La rencontre s'est soldée par la promesse d'une révision du règlement sur les heures de conduite, mais absolument rien sur la question de réglementer le pourcentage des courtiers en transport. Là-dessus, ils se sont fait dire que le gouvernement ne peut pas légiférer parce que les États-Unis sont un pays de libre marché et que ce sont les lois du libre marché qui fixent les prix. Les deux « représentants » sont sortis de la rencontre en clamant qu'une bataille avait été gagnée, exaltant le Président Trump et disant qu'ils remerciaient « Dieu » qu'enfin les camionneurs avaient un président qui est de leur côté. Un « deal » derrière les portes closes de la Maison-Blanche venait d'être scellé. C'est dans un sentiment d'amertume et d'insatisfaction, un sentiment que quelque chose leur a échappé, que l'occupation des camionneurs a pris fin, et que ceux-ci, peu à peu, sont retournés chez eux.

Les semaines qui ont suivi cette mobilisation historique pour les travailleurs du transport routier américains n'ont vu aucune remontée des taux dans la fixation des prix ni aucune modification dans le pourcentage perçu par les courtiers. Des centaines de milliers de camionneurs indépendants sont encore pris à la gorge par des prix trop bas qui mettent leur situation financière en péril.

Cette situation, bien que difficile et compliquée, n'empêche pas les camionneurs de poursuivre la lutte. Le problème n'ayant pas été résolu, ils exigent toujours une solution. La discussion se poursuit via les réseaux sociaux et d'autres médias créés par eux, notamment les camionneurs d'origines pendjabie, latino-américaine et autres.

La suite des choses on la connaît. Le mouvement de résistance organisée contre le racisme d'État aux États-Unis s'est affirmé et est devenu un enjeu politique central, non seulement pour le peuple américain, mais pour les peuples du monde entier. Dans les premiers jours suivant la mort de Georges Floyd, les médias monopolisés ont créé une fausse impression sur des incidents lors desquels des camionneurs ont été pris au milieu de manifestations, déclarant que des camionneurs avaient été attaqués par des « émeutiers ».

Récemment, des propositions surgies d'on ne sait où sur le droit des camionneurs de porter une arme pour se protéger contre d'éventuelles agressions ont fait le tour des États-Unis et se sont même retrouvées sur les sites de camionneurs au Canada.

Le mouvement des travailleurs du transport routier aux États-Unis ne se laissera pas diviser par des provocations aussi grossières. Les camionneurs font face à la discrimination raciale et économique au sein de l'industrie du camionnage qui les met en compétition les uns avec les autres. En particulier, les camionneurs immigrants de toutes origines font les frais d'être de la main-d'oeuvre bon marché pour les grandes compagnies de transport et les grands monopoles manufacturiers et de distribution, et sont soumis quotidiennement au racisme organisé de l'État. Ils sont partie intégrante de la bataille pour mettre fin à cet état d'apartheid au sein de la classe ouvrière qui vise à les diviser et à abaisser constamment leurs conditions de travail.

Mais dans le contexte actuel de diversion, d'infamie et de mensonges et de coups montés des cercles dirigeants impérialistes contre le mouvement, la tâche la plus complexe est de garder le cap sur les demandes initiales pour la défense des intérêts fondamentaux des camionneurs. Des arrangements permanents qui vont garantir la stabilité de l'industrie du camionnage et respecter intégralement les droits des camionneurs sont toujours à l'ordre du jour. Ils doivent poursuivre sur la voie indépendante qu'ils ont empruntée et ne jamais devenir une réserve politique électorale pour une clique ou une autre des élites dirigeantes qui se déchirent pour accaparer le pouvoir suprême et les entraîner dans leurs querelles.

L'esprit d'unité, de solidarité et du sens de l'organisation durement acquis durant ces dernières semaines est le nouveau jalon pour l'établissement d'arrangements politiques qui leur sont favorables dans l'industrie du camionnage. Cet esprit doit être défendu fermement dans la situation actuelle.

(Photos : FO, C. Lee, R. Hernandez, FTQ)

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