9 mai 2019
Lockout à
la fonderie de Glencore
à Belledune au Nouveau-Brunswick
La lutte contre
les demandes de concessions antiouvrières de
Glencore se
poursuit
• C'est notre
tour — Pas de concessions!
• Résistance aux actions arrogantes de
Glencore
À la
défense des droits des travailleurs
• Sit-ins et occupations des travailleurs
des foyers de soins au
Nouveau-Brunswick
100e anniversaire de
la grève générale d'Halifax
• Une tradition militante de luttes
ouvrières dans les provinces de
l'Atlantique - Tony
Seed
Lockout à la fonderie de Glencore
à Belledune au Nouveau-Brunswick
Le 8 mai, cela faisait deux semaines que
les travailleurs de la fonderie Brunswick de Glencore, à
Belledune, au Nouveau-Brunswick, ont été mis en lockout.
Les 281 travailleurs de la production et de l'entretien, membres
de la section locale 7085 du Syndicat des Métallos, sont
unis dans l'action pour défendre
leurs droits contre la demande de concessions antiouvrières du
géant minier et métallurgique Glencore.
Comme c'est maintenant devenu un geste routinier de la
part des oligopoles mondiaux comme Glencore pour démontrer leur
arrogance et leur refus de négocier, Glencore a mis les
travailleurs en lockout avant que leur grève ne débute,
telle qu'annoncée, en début de soirée, sous
prétexte d'assurer la sécurité des installations.
En décrétant
soudainement un lockout jamais annoncé, Glencore a montré
qu'il se préparait depuis longtemps à attaquer les
travailleurs. Le 24 avril, le jour même où il a mis
les travailleurs en lockout, le monopole mondial a demandé une
ordonnance de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick, qu'il a
obtenue le 26 avril. Celle-ci limite
le nombre de piqueteurs à six à l'entrée ou
à la sortie de la fonderie et dans tout autre lieu
géographique au Nouveau-Brunswick où Glencore exerce ses
activités. Le tribunal a également ordonné aux
travailleurs de n'exercer aucune entrave aux mouvements des
employés, des clients, des fournisseurs et d'autres personnes
qui entrent à l'usine ou en
sortent, et de ne pas les « harceler », interdisant
même de les photographier. Glencore a obtenu peu après une
autre ordonnance qui déclare « illégal »
tout geste des piqueteurs pour masquer leur identité, y compris
en se couvrant le visage.
Le monopole mondial a aussi démontré son
refus de négocier et son intention de provoquer un lockout
ou une grève en organisant d'avance « des équipes
de sécurité » en cas de grève dont on
dit qu'elles sont logées dans des hôtels luxueux et
pourvues de véhicules pour la durée du conflit. Le
monopole a également engagé de la
main-d'oeuvre scab au Québec pour conduire les camions qui
amènent le concentré de minerai à la fonderie.
Ces préparations délibérées
ne sont pas le signe d'une compagnie qui a l'intention de
négocier une convention collective que les travailleurs jugent
acceptable. Ce monopole mondial, qui jouit de l'appui de l'État
et utilise sa grande richesse sociale et son vaste pouvoir, sort ses
crocs et montre sa haine des travailleurs avec cette tentative
d'imposer son diktat et d'abaisser leurs conditions de travail et de
vie.
Les travailleurs en lockout de la fonderie de Belledune
au Nouveau-Brunswick ne sont pas
intimidés par les actions de Glencore. Ils ont inscrit sur leur
site Web le mot d'ordre
« C'est notre tour — Pas de concessions ». Ils
demandent aux travailleurs de se rallier à leur juste cause. Ils
disent qu'ils ont déjà fait d'énormes concessions
lors des trois dernières conventions, en particulier celle
de 2014 juste
après que l'empire Glencore ait pris le contrôle des mains
des anciens propriétaires, Xstrata. Les travailleurs disent que
le pouvoir mondial augmenté de Glencore et les concessions
qu'ils ont acceptées à contre-coeur lors des conventions
précédentes, ont enhardi les oligarques qui en demandent
toujours plus des travailleurs et cherchent à briser le
syndicat, à étouffer leur voix et à imposer un
climat de travail ouvertement hostile aux travailleurs et en
particulier à leur santé et leur sécurité.
« Glencore n'a pas
répondu aux années de sacrifices faits par les
travailleurs et leurs familles en agissant avec nous de bonne foi, que
ce soit à la table de négociation ou à l'endroit
de travail », a dit Bart Dempsey, le président de la
section locale 7085 du Syndicat des Métallos. «
Pendant des années, nos membres ont accepté des
concessions et ont travaillé avec Glencore pour faire de la
fonderie une réussite. La réponse de Glencore a
été une culture de gestion qui est devenue toujours plus
hostile à ses travailleurs et, bien sûr, des demandes de
plus de concessions », a-t-il ajouté.
Le président de la section locale a dit à Forum
ouvrier que les travailleurs ont appris qu'ils ne peuvent
absolument pas remettre leur santé et leur
sécurité entre les mains de Glencore. Cela a
été démontré une fois de plus par la
demande de la compagnie de transformer la position à temps plein
du représentant syndical à la
santé/sécurité
en une position à temps partiel et de lui enlever son bureau
à la fonderie où il rencontre les travailleurs.
Les travailleurs rejettent les propos offensants de la
compagnie voulant qu'en refusant de faire d'autres concessions ils sont
« déconnectés du marché mondial dans lequel
la fonderie essaie de survivre ». Les travailleurs savent
par expérience que les concessions imposées par la
compagnie ont aggravé tous les aspects de la vie à
l'usine et
à la retraite et qu'elles ont aiguisé l'appétit de
la compagnie pour plus de concessions. En plus, déclarent les
travailleurs, ceux-ci n'ont aucun contrôle sur le marché
mondial, sur sa concurrence insensée anti-peuple et sur les
aventures des oligopoles visant à réaliser leur objectif
de profit privé étroit. Les objectif et les gestes
anti-peuple des oligopoles
mondiaux comme Alcoa, GM et Glencore n'ont rien à voir avec la
création de prospérité pour quelque nation que ce
soit. Ils ne font qu'enrichir ceux dont les arnaques sans scrupules
sont victorieuses à court terme et qui ont ensuite besoin d'une
autre arnaque pour « rester en affaires ». Les travailleurs
ne
peuvent absolument pas faire reposer leurs aspirations, leurs actions
et leurs revendications pour la sécurité et ce qui leur
appartient de droit sur l'anarchie et la violence qui accompagnent la
concurrence
mondiale des oligopoles. Le refus de négocier de Glencore est
lui-même une forme de violence. Avec la connivence des tribunaux
et des autres institutions de l'État de même que des
gouvernements, ces intérêts privés étroits
extorquent ce qu'ils veulent sans égard aux vies de ceux dont
ils menacent la sécurité. La cause des travailleurs est
juste et mérite l'appui de tous les Canadiens.
Des Métallos de Glencore se sont rendus à
l'Assemblée générale annuelle
de Glencore
en Suisse, le 9 mai 2019, pour
protester contre les
attaques contre leurs droits.
Les travailleurs de la fonderie de Glencore ont
donné un avis, bien à l'avance, annonçant qu'ils
allaient se mettre en grève à la défense de leurs
droits en début de soirée le 24 avril. Lorsqu'ils se
sont présentés au travail le matin du 24, ils ont
été mis en lockout sans aucun préavis par
Glencore.
La compagnie les a simplement
empêchés d'entrer dans l'usine sans en avoir fait
l'annonce officielle. Elle a ainsi démontré qu'elle
refuse de négocier.
Le refus de négocier et le déclenchement
d'un lockout lorsque les travailleurs rejettent le diktat des monopoles
mondiaux sont devenus une tactique fréquemment utilisée
pour attaquer les droits de la classe ouvrière. Les empires
privés mondiaux comme Glencore ont recours aux lockouts et aux
attaques de l'État, comme les injonctions des
tribunaux, pour criminaliser et intimider les travailleurs et tenter de
leur faire abandonner la défense de leurs droits et de leur
bien-être au travail et à la retraite. Ils veulent qu'ils
abandonnent leur réclamation à ce qu'ils produisent et
qui leur appartient de droit.
Les travailleurs de la
fonderie de Belledune, comme les autres travailleurs tels ceux d'ABI au
Québec qui organisent une grande marche de solidarité
à Trois-Rivières le 25 mai, font face à ces
empires privés qui sont appuyés par l'État. Les
travailleurs réalisent qu'ils ne sont pas seuls ou isolés
ou dépourvus d'options pour mener leur
lutte. Ils organisent des actions communes et s'appuient sur les
Canadiens pour faire jouer la force du nombre et former l'opinion
publique et la solidarité dont ils ont besoin pour confronter
ces brigands internationaux et leurs représentants politiques
dans les
gouvernements.
Le 9 mai, une délégation de
travailleurs de Glencore s'est rendue à Zoug, en Suisse,
à l'occasion de l'assemblée générale
annuelle de la compagnie. La délégation s'est jointe aux
représentants d'IndustriALL Global Union, auquel le Syndicat des
Métallos est affilié. Ensemble, les syndicats expriment
leur opposition au diktat
antiouvrier du monopole mondial et bâtissent leur unité
entre travailleurs. Ils vont aussi participer à
l'assemblée
générale annuelle pour protester contre les attaques de
la compagnie
contre leur santé, leur sécurité et leurs droits
et faire pression sur les dirigeants
internationaux de Glencore pour qu'ils prennent position en faveur
d'une convention collective négociée que les travailleurs
jugent acceptable.
Sit-ins et occupations des travailleurs
des foyers de soins
au Nouveau-Brunswick
Le 4 mai 2019, les dirigeants du Conseil des syndicats des
foyers de
soins du Nouveau-Brunswick ont mis fin à leur occupation du
bureau de
Fredericton de la ministre du Développement social de la
province et
ont continué de demander la satisfaction de leurs revendications
en
organisant des sit-ins dans les bureaux de
circonscription d'autres ministres.
Les travailleurs des foyers de soins au
Nouveau-Brunswick intensifient leurs actions pour obtenir les salaires
nécessaires pour contrer leur appauvrissement croissant et
retenir et attirer des travailleurs dans le secteur. Ils ont
rejeté le soi-disant mandat que le gouvernement provincial a
décrété visant à ce que les institutions
publiques
maintiennent les augmentations salariales à 1 % ou
moins par année.
Le gouvernement conservateur a maintenu le mandat
antitravailleur du gouvernement libéral précédent.
Les travailleurs des foyers de soins rejettent cette mesure et sont
déterminés à s'unir dans l'action pour briser ce
mandat. Le gouvernement provincial s'est engagé dans une
propagande rétrograde et provocatrice qui propage le mensonge
néolibéral selon lequel les travailleurs des foyers et
tous les travailleurs du secteur public représentent un
coût pour la province qui doit être réduit. Le
gouvernement refuse de reconnaître que ces travailleurs sont un
élément essentiel de l'humanisation de la
société et qu'ils contribuent une précieuse valeur
à l'économie.
Les dirigeants du conseil occupent le bureau de
la ministre du Développement social
le 1er mai 2019.
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Jour et nuit, du 1er au 4 mai, des membres de
l'exécutif du Conseil des syndicats des foyers de soins du
Nouveau-Brunswick ont occupé le bureau de Fredericton de la
ministre du Développement social de la province. Les agents de
sécurité ont empêché les médias
d'entrer dans l'édifice pour qu'ils puissent parler avec les
membres
du Conseil. Des points de presse ont donc eu lieu à partir des
fenêtres.
Entre autres choses, les travailleurs qui occupaient le
bureau demandaient de parler, ne serait-ce que par
téléphone, au premier ministre ou à la ministre
afin de réaffirmer la position des travailleurs à la
défense de leur droit d'améliorer leurs salaires et leurs
conditions de travail, une position qu'ils n'ont pas l'intention
d'abandonner. Ils ont aussi
demandé un exemplaire de la nouvelle offre que le gouvernement
prétend avoir préparée, et qui bonifierait l'offre
précédente que les travailleurs ont fermement
rejetée. Cet échange n'a jamais eu lieu.
La ministre a publiquement dénoncé
l'occupation comme étant une tactique d' «
intimidation ». Elle n'a rien dit sur la situation et ne
s'est pas excusée d'avoir imposé ce mandat du
gouvernement et d'avoir eu recours aux pouvoirs de police pour
intimider les travailleurs du secteur public, et n'a évidemment
pas parlé d'y renoncer.
Un autre objectif de l'occupation était de
dénoncer la saga judiciaire sans fin organisée par
l'État contre les travailleurs et leur droit de grève. On
empêche les travailleurs d'exercer leur droit de cesser le
travail en appui à leurs justes revendications. La
négation du droit des travailleurs d'entreprendre des moyens de
pressions est aussi une façon de
retarder la solution des problèmes auxquels sont
confrontés les travailleurs et les personnes vivant dans les
foyers.
Le plus récent développement de cette saga
judiciaire est une décision de la Cour d'appel du
Nouveau-Brunswick. La Cour s'est rangée du côté de
la province en rejetant une décision d'une cour
inférieure qui avait rejeté l'ordonnance initiale du
tribunal qui niait aux travailleurs leur droit de grève. La juge
avait estimé que l'ordonnance punitive
allait causer un tort irréparable aux travailleurs. Le
gouvernement a immédiatement interjeté appel et a
réussi à faire entériner son diktat
antitravailleur.
Une autre démarche juridique est l'examen de la
constitutionnalité de la Loi sur les services essentiels dans
les foyers de soins, qui doit être entendu le 24 mai. [1] Les
travailleurs des foyers n'ont pas le droit de faire la grève
jusqu'à que cet examen soit complété. Les graves
problèmes auxquels ils sont confrontés demeurent
non résolus.
Les travailleurs en ont plus qu'assez de ces
procédures judiciaires qui n'en finissent plus. Ils ont
clairement exprimé depuis
longtemps que ce qu'ils veulent ce sont des négociations pendant
lesquelles leurs revendications et préoccupations sont entendues
et qu'on
témoigne du respect pour le travail qu'ils font. Leur objectif
est d'en arriver à des conditions de travail et des
salaires qui leur sont acceptables et de trouver des vraies solutions
aux vrais problèmes qui existent dans le secteur. Leur objectif
n'est pas de faire la grève. Par contre, ils doivent être
en mesure de retirer leur capacité de travail si la situation
l'exige pour qu'ils puissent faire valoir leurs revendications. Ils ont
même proposé au gouvernement le
recours à l'arbitrage exécutoire pour régler le
conflit. De façon provocatrice, le gouvernement a dit qu'il
était d'accord avec l'arbitrage exécutoire à
condition que l'arbitre s'en tienne au diktat de 1 %
imposé aux augmentations salariales, ce qui est contraire
à l'objectif même de l'arbitrage.
Le 4 mai, les membres de l'exécutif du
Conseil ont décidé de mettre fin à leur occupation
du bureau du ministre et de se tourner vers des actions
régionales de sit-ins d'une journée dans les bureaux de
circonscription des ministres du cabinet. Les travailleurs des
résidences ont organisé des actions dans huit bureaux de
ministres dans des
villes partout au Nouveau-Brunswick le lundi 6 mai, le jour de la
semaine où les ministres sont censés être dans leur
bureau pour rencontrer leurs électeurs. Certains ministres ont
quitté leur bureau avant les sit-ins pour éviter d'avoir
à faire aux travailleurs et d'autres ont tout simplement
fermé leur bureau pour la journée. D'une façon ou
d'une autre, les travailleurs ont saisi l'occasion pour dénoncer
les attaques du gouvernement contre les travailleurs du secteur public
et les travailleurs des foyers de soins en particulier.
Les 4 100 travailleurs des foyers de soins
tentent de négocier une convention collective depuis 2016. Des
négociations sont prévues le 11 mai et les
travailleurs exigent que des progrès soient faits dans
l'obtention de salaires et de conditions de travail qui leur sont
acceptables et pour l'humanisation du secteur afin qu'il
réponde aux besoins des personnes dont ils prennent soin.
Des travailleurs participent à des actions
devant les bureaux de circonscription
de huit ministres du cabinet, le 6 mai 2019.
Note
1. À la fin de 2018,
la
Commission du Travail et de l'Emploi du Nouveau-Brunswick a
statué que la Loi sur les
services essentiels dans les foyers de
soins violait le droit à la négociation
collective des
employés. Selon le jugement de la commission, la
désignation de soins essentiels en cas de
grève ne s'appliquait pas aux foyers de soins. Le gouvernement
est alors intervenu pour demander une révision judiciaire de
cette décision, une cause qui n'a pas encore été
entendue.
(Photos: SCFP
Nouveau-Brunswick, G. Ross)
100e anniversaire de la grève
générale d'Halifax
- Tony Seed -
Ce Premier Mai, journée internationale de la
classe ouvrière, était le 100e anniversaire de la
grève générale de 1919 à Halifax. Les
événements de 1919 à Halifax et les
événements subséquents doivent être
examinés à la lumière du contexte des
développements sur les plans régional, national et
international et de l'activité
de la classe ouvrière.
Entre 1916 et 1925, les Maritimes ont connu
des niveaux d'activité gréviste sans
précédent. Il est significatif que cette vague n'ait pas
été confinée aux communautés
minières de charbon de la région. Le militantisme
économique s'est souvent traduit en action politique. Les
mineurs des comtés du Cap-Breton, de Cumberland et de
Pictou, les métallos de Sydney et les travailleurs industriels
d'Amherst et de New Glascow ont participé à une vague de
radicalisme qui a touché tout le pays. En mars 1919, une
« grande assemblée de masse » à Sydney a
appuyé une résolution de l'organisateur de la
Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse C.C.
Dane appelant à
une grève de tous les travailleurs de Nouvelle-Écosse si
le gouvernement provincial refusait de passer une loi sur la
journée de travail de huit heures.[1]
La grève générale de Halifax
La grève générale d'Halifax
s'opposait à la
réalisation des profits de guerre et à la surexploitation
des métiers de la construction dans le sillage de l'explosion
d'Halifax du 6 décembre 1917.
Les données officielles, que plusieurs soupçonnent
d'être en deçà du nombre réel, font
état de 1 963 résidents qui auraient
été tués dans l'explosion,
de 9 000 blessés et de 199 personnes qui auraient
perdu la vie, ce qui représente plus d'un cinquième de la
population totale de moins de 50 000 personnes. Cinq mille
d'entre elles étaient des soldats et des marins, sans parler des
convalescents qui se remettaient dans des hôpitaux militaires des
blessures qu'ils avaient
subies en Europe. Entre 20 000 et 25 000
Haligoniens sont devenus des itinérants entièrement
démunis, parmi lesquels on comptait 10 000 enfants.
Les comptes rendus de l'explosion tendent à nier
le lien de causalité entre ce désastre et l'exploitation
accentuée de la classe ouvrière, son appauvrissement et
la résistance qu'elle menait. Par exemple, sous prétexte
de traiter des conséquences de l'explosion, les riches ont
recruté du travail migrant non qualifié, venu notamment
de Chine, pour
remplacer les débardeurs tombés et maintenir Halifax
comme un port de guerre, abaisser les salaires, briser la
solidarité entre les travailleurs et mettre fin aux ateliers
syndicaux fermés. En février 1918, un journal
ouvrier de l'Ontario, le Industrial Banner, a parlé
d'un groupe de manoeuvres chinois qui étaient morts gelés
en route vers
Halifax et a critiqué l'injustice d'employer de la main-d'oeuvre
étrangère alors qu'« il ne se passe presque pas une
journée sans qu'on apprenne que des hommes et des femmes ont
été informés que leurs services ne seraient plus
requis ».
Se remettant du désastre, les travailleurs
d'Halifax se sont soulevés contre les injustices, la
confiscation de terres urbaines et la collecte de profits par des
hommes de propriété sans scrupules à même la
misère qui prévalait à la suite de l'explosion.
Ceci a mené à une grève générale de
plus de 1 100 travailleurs des métiers de la
construction qui a été déclenchée à
l'occasion du Premier Mai 1919.
Elle a été appelée la «
Grande grève », et elle est la plus grande
grève de l'histoire d'Halifax. En plus d'être la
journée internationale d'unité et de solidarité de
la classe ouvrière, le Premier Mai était aussi la date
traditionnelle où les nouvelles échelles de salaires
étaient établies à Halifax.
Une impulsion au développement de la presse
ouvrière
Le 9 mai 1919, sous l'égide du
Conseil des métiers et du travail d'Halifax, les travailleurs
d'Halifax ont commencé à publier un journal hebdomadaire,
qui portait le titre significatif de The Citizen, « capable
de
présenter
la
cause
de
la
classe ouvrière au
public ». On lisait ceci sur sa page
couverture :
« C'est une chose regrettable et grave, mais il
semble malheureusement vrai que les grands journaux quotidiens du
Canada et en fait, la presse en général, ont
entièrement cessé de défendre les
intérêts du peuple. Ils semblent s'être liés
aux grands intérêts. Ils sont devenus les promoteurs de
mesures et de doctrines qui, dans d'autres pays, ont
produit la domination militaire et politique et la subversion des
droits du peuple.
« Le mouvement ouvrier, au cours de sa longue
lutte pour la reconnaissance de ses droits, a toujours pris fermement
position pour la liberté de parole et d'action pour toutes les
classes. La classe capitaliste ne peut pas prétendre qu'elle le
fait elle aussi. En fait, le seul espoir de la restauration de la
liberté de parole et d'action dans ce pays réside
dans le mouvement ouvrier. Tous ceux qui croient dans la liberté
de parole devraient donc appuyer le mouvement ouvrier. »
Le Citizen faisait la promotion des «
principes de l'action politique indépendante ». Le
Parti travailliste d'Halifax a été revitalisé par
le Conseil des métiers et du travail d'Halifax, qui s'adressait
à « tous les travailleurs, organisés ou non
organisés, manuels ou intellectuels, sans égard à
la race, au sexe, aux croyances et à la
vocation ». Le 27 juillet 1920, le Parti
travailliste indépendant, en alliance avec les Fermiers unis de
Nouvelle-Écosse, a gagné le plus grand appui
électoral de tout parti de gauche dans l'histoire des Maritimes,
remportant 11 sièges, dont 5 représentés par
des travailleurs. Le Cap-Breton a lui-même fourni quatre
députés
ouvriers à Halifax qui ont eux aussi remporté la plus
forte majorité.
La grève d'Amherst
Le 20 mai 1919, le syndicat industriel
organisé à l'échelle locale, l'indépendante
Fédération du travail d'Amherst, a appelé à
la « grève générale » du
mouvement syndical de la ville, en partie en appui aux travailleurs de
la compagnie Canadian Car and Foundry qui avait refusé la
parité avec sa branche de Montréal
et, en partie en appui aux revendications de la journée de
travail de huit heures, de la reconnaissance syndicale et de
l'amélioration des conditions de travail dans les usines
individuelles. Sauf deux exceptions, cette grève de trois
semaines a mobilisé 4 000 travailleurs de toutes les
industries principales de la ville : les fonderies,
les travaux d'ingénierie, les usines de textile, de souliers et
de bagages, les usines de l'industrie du bois et même le garage
local. La Fédération du travail d'Amherst a écrit
que Nolan Eilly « a dirigé toutes les négociations
avec les différentes compagnies et a organisé des
rassemblements quotidiens à des fins d'information et
d'agitation. Lors de
ces réunions, les dirigeants ouvriers locaux ont promu la One
Big Union (OBU) comme la seule organisation ayant la force et la
détermination pour confronter le capitalisme sur les enjeux
locaux et nationaux. »[2]
En mai 1919 également, plus
de 15 000 travailleurs des pâtes et papiers du Canada
et des États-Unis, qui produisaient 60 % de tout le
papier journal, ont fait la grève contre une coupure de salaire
de 30 %.
La grève des chantiers navals d'Halifax
Les travailleurs des chantiers navals d'Halifax et les
mineurs de charbon et les travailleurs de l'acier du Cap-Breton ont
développé de hauts niveaux de lutte contre les
propriétaires privés britanniques qui régnaient in
absentia.
Une grève encore plus grande des travailleurs des
chantiers
navals a éclaté en juin 1920. Les chantiers
étaient maintenant la propriété de la British
Empire Steel Corporation (BESCO) nouvellement formée qui
était le plus grand consortium industriel du Canada. À
l'époque, l'aciérie de Sydney était la plus grande
du Canada. Le Cap-Breton produisait 45 % de toute la
production canadienne de charbon.[3]
Concentrée aux Halifax Shipyards Limited, la
grève a affecté huit compagnies, environ 2 000
travailleurs, et a duré 52 jours réguliers de
travail. Avec son total de 104 000 jours-personnes perdus,
elle a représenté 12 % du total des
journées de grève au Canada pendant l'année 1920.
Cette grève est demeurée la plus grande
grève manufacturière à se tenir dans une seule
communauté de travailleurs industriels jusqu'après la
Deuxième Guerre mondiale.
La grève de l'Union typographique internationale, qui a
duré de mai 1921 à août 1924, et visait
à établir la journée de travail de 8 heures,
a
été la plus
grande grève de travailleurs qualifiés.
Le Citizen, le 4 juin 1920 et
le 18 juin 1920. Cliquer sur les images pour les agrandir.
La résistance au Cap-Breton
Dans les années 1920, le
déploiement du pouvoir de l'État contre la classe
ouvrière est devenu un trait régulier des grèves
au Cap-Breton. Les collectifs des travailleurs de l'acier, des mineurs
de charbon, dont plusieurs étaient de langue gaélique, et
la communauté noire de Whitney Pier, d'origine
africaine/caribéenne étaient tous
en action.
En août 1922, les mineurs de charbon ont
déclenché une grève qui a mis de l'avant la
résolution suivante :
« Nous proclamons ouvertement au monde entier que
nous luttons pour le renversement complet du système capitaliste
et du capitalisme, de manière pacifique si possible, par la
force s'il le faut ; et nous appelons tous les travailleurs, tous
les soldats et tous les policiers ordinaires à se joindre
à nous pour libérer le travail. » [4]
Les 12 000 mineurs de charbon ont
résisté contre une coupure d'un tiers de leur salaire
imposée par la BESCO par une grande grève qui a
utilisé des tactiques nouvelles : la réduction de la
production d'un tiers et la mise en oeuvre d'une grève
à 100 % où tous les travailleurs ont
quitté les mines. Ottawa a
transformé le Cap-Breton en un camp armé, y
déployant un tiers de l'armée canadienne. Ottawa a
déployé 4 000 membres du Régiment royal
canadien équipés de 18 canons de campagne pour
maintenir l'« ordre » autour des installations de
BESCO. La Marine britannique a déployé un navire de
guerre à partir des eaux de
Terre-Neuve pour réprimer la lutte militante des travailleurs
pour s'organiser dans le syndicat de leur choix. Les
représentants de la Nouvelle-Écosse ont
réclamé 2 000 soldats de plus, des navires de
guerre britanniques qui se trouvaient alors dans les eaux de
Terre-Neuve et un escadron d'avions. Un commandant militaire a
même
réclamé des frappes aériennes. Le comté de
Cap-Breton a été déclaré district policier,
doté d'une force policière de 1 000 hommes.[5]
Les Royal Canadian Dragoons occupent le Cap-Breton
en 1922.
En 1923, le « Red Flag »,
écrit par l'Irlandais James Connelly, a été
chanté lors de la première Parade du Premier Mai du
Cap-Breton, à Glace Bay. James B. McLachlan, le dirigeant de
masse des mineurs de charbon du Cap-Breton, était aussi un
membre du Parti communiste nouvellement formé et un des
principaux dirigeants ouvriers canadiens. Il a décrit la Parade
du Premier Mai en ces termes :
« Le Premier Mai a été
célébré à Glace Bay cette année pour
la première fois. Quatre mille travailleurs, lucides et
triomphants, ont participé à la parade avec drapeaux et
bannières. Une pluie glaciale est tombée pendant toute la
journée, mais la pluie et le froid n'ont pas réussi
à refroidir l'esprit magnifique de ces marcheurs et de ces
marcheuses. [...] Avec chants et discours et des salutations pleines de
camaraderie, ces quatre mille hommes et femmes ont passé huit
heures glorieusement libres, loin des yeux du patron et de son emploi
accablant qui fournit à peine le pain à eux-mêmes
et à leurs enfants. Une journée glorieuse qui fait
circuler votre sang plus vite et avec plus de
chaleur et vous fournit l'espoir exaltant d'une vie nouvelle où
tous les jours de l'année appartiennent aux travailleurs et
où les mots honnis de 'maître et de patron' et tout ce
qu'ils représentent seront bannis de cette terre. En ce Premier
Mai, nous avons oublié les barrières du nationalisme qui
sont érigées par ceux qui sont maîtres du pain et
avons
transmis des paroles de salutations fraternelles aux travailleurs
combattants de chaque pays. Les travailleurs de ce territoire sont nos
camarades et nos frères, et les capitalistes de ce territoire
nos ennemis brigands. La solidarité entière des premiers
est notre espoir, l'extermination complète des seconds notre
objectif. Vive le Premier Mai !
Vive la solidarité des travailleurs du monde ![6]
En juin 1923, les mineurs de charbon ont fait une
grève de solidarité avec les métallos de Sydney
qui luttaient pour la reconnaissance de leur syndicat.
Le 30 juin, le premier des nombreux trains remplis de soldats a
été envoyé à Sydney, comprenant notamment
une gondole blindée remplie de sacs de sable et de
mitraillettes. La
police provinciale (l'« Armée d'Armstrong ») a
été envoyée une fois de plus au Cap-Breton et
s'est déchaînée sur le chemin Victoria le 1er
juillet, assaillant les résidents alors qu'ils sortaient de
l'église pour retourner chez eux. Des troupes
fédérales se sont jointes à eux. Ces
événements sont connus comme le tristement
célèbre «
Peterloo » ou « Dimanche sanglant » du
Cap-Breton.
J.B. McLachlan a fait circuler un message appelant les
autres syndicats à faire la grève en appui. Il a
qualifié le gouvernement de Nouvelle-Écosse de «
seul responsable et coupable » de l'attaque, et a
appelé ses frères et soeurs syndicalistes à
« étendre la lutte contre (le premier ministre) Armstrong
à toutes les mines de
Nouvelle-Écosse ». Les mineurs ont alors fermé
les mines du Cap-Breton et des Maritimes, et le district 18 en
Alberta a aussi fait la grève en appui aux travailleurs de
l'acier pour dénoncer le recours renouvelé à la
force armée dans cette zone industrielle. De nombreux mineurs
qui avaient participé à la guerre, qui s'était
terminée à
peine cinq avant la grève, étaient prêts à
combattre un ennemi qu'ils considéraient aussi menaçant
pour leur survie que celui qu'ils avaient affronté dans ce
« No-Man's Land » en Europe.
Glace Bay a refusé de défrayer les
coûts de cette force militaire comme le prescrivait la Loi
sur la milice. « Les plus grosses villes minières
n'étaient plus des villes de compagnies ; elles avaient
élu des candidats ouvriers, qui étaient mobilisés
dans des disputes avec la compagnie de charbon sur les taxes, les
évaluations et les
services et qui appuyaient le syndicat en temps de crise. » [7]
Dan Livingstone, surnommé le «
rouge », qui était le président des mineurs,
et J.B. McLachlan, le secrétaire-trésorier[8], ont été
arrêtés et mis en prison. « Fighting
Jim » (Jim le combattant), comme la presse l'appelait, a
été déclaré coupable en
décembre 1923 de trois chefs d'accusation
forgés de sédition, incitation publique illégale
au désordre et promotion de la haine du gouvernement, et mis en
prison pendant deux ans au pénitencier Dorchester pour des
articles parus dans le Maritime Labour Herald dont il
était le rédacteur en chef. Ce fut essentiellement un
simulacre de procès. Le procureur général Walter
J. O'Hearn,
qui dirigeait la poursuite, a insisté pour que le procès
ait lieu à Halifax par crainte que des jurés du
Cap-Breton acquittent quelqu'un qui avait eu le courage d'adopter leur
cause. Dans ses instructions au jury, le juge Humphrey Mellish de la
Cour suprême, lui-même un ex-avocat des compagnies de
charbon, pouvait à peine cacher son dédain de
McLachlan et des idéaux marxistes qu'il professait. L'historien
du droit Barry Cahill a qualifié le procès de «
déni de justice flagrant ».
Les avocats de McLachlan ont réussi à
faire retirer un chef d'accusation en procédure d'appel, celui
d'avoir publié du matériel séditieux à
Halifax, car il avait été révélé
lors du procès que c'était un représentant de la
BESCO qui avait divulgué le message aux journaux de Halifax. Il
a été condamné à deux ans de prison et
libéré sur parole après
moins de cinq mois en prison. Sa mort, en 1937, alors qu'il
était dans la soixantaine avancée, a été
attribuée à une maladie pulmonaire qu'il avait
contractée dans les cellules humides du pénitencier
Dorchester.
Notes
1. Ernest R. Forbes, «
The Maritime Rights Movement, 1919-1927 » , p. 41.
2. Reilly, J. Nolan. « The
General Strike in Amherst, Nova Scotia, 1919 ». Article
dans Acadiensis, Vol.IX, No.2, printemps 1980,
pp. 56-77.
3. Roy Wolvin et un cadre des
anciens associés de Beaverbrook ont combiné Nova Scotia
Steel et Coal, Dominion Coal, Dominion Iron and Steel, Dominion Steel,
un chantier naval d'Halilfax, et plusieurs autres compagnies pour
former BESCO. Ce type de monopoles a été
créé par la fusion du capital industriel et du
capital bancaire. Ils ont acquis un très grand pouvoir
individuel, mais, par-delà leur pouvoir privé, ils ont
bénéficié du plein poids de l'État canadien
et de toutes ses ressources militaires, juridiques, financières
et autres dans leur lutte contre la classe ouvrière. La
période de l'après-Première Guerre mondiale a
été marquée par la capacité productive
excédentaire. BESCO était déterminée
à sauver des coûts en coupant les salaires ; les
travailleurs, les producteurs de la richesse, étaient
déterminés à résister. Le monopole s'est
finalement effondré alors qu'il essayait d'arracher toujours
plus de concessions aux travailleurs.
Lire aussi, « Labourism and Economic Action :
The Halifax Shipyards Strike of 1920, » de Suzanne
Morton, Labour/Le Travail, Volume 22 / Volume 22e (1988).
4. Mellor, « United We
Stand, Divided We Fall : A Study of Cape Breton
Unionism », 1971, p. 14.
5. Dans son ouvrage « A Boy
Who Went to War », Tom Doucette écrit que «
BESCO possédait les maisons et les baraques (pour les hommes
seuls), les magasins, l'hôpital, et tous les services publics,
même les rues de la ville. Il existait peu de
propriétés privées individuelles des
propriétés. Le gérant général de
BESCO vivait dans un manoir en bois qui rappelait le sud des
États-Unis. La compagnie l'a construit sur une rue
entière surplombant la rue principale. Sa vie et son aisance
étaient à l'image de ce que son nom évoquait de
militaire : un général. » Les gens
mouraient de malnutrition.
Taux
de
mortalité
infantile
|
1921 |
1922 |
Taux national
|
88,1
|
86,8
|
Mines de Sydney
|
140,0
|
156,3
|
New Waterford
|
148,1
|
159,4
|
Sydney
|
175,9
|
175,8
|
Glace Gay
|
305,9
|
250,0
|
6. Maritime Labour Herald, 5
mai 1923
p.1.
7. Dawn Fraser, « Echoes
From Labour's War » p.19.
8. James B. McLachlan, un mineur
de charbon d'origine irlando-écossaise, remettait en question
les vieilles façons du syndicalisme et promouvait les liens les
plus étroits possible et une unité croissante des
opprimés de toutes nationalités. Il disait que sans une
telle unité, une lutte victorieuse contre l'oppression
générale
était impossible. Les vieux syndicats de métiers
bâtis autour de métiers individuels et isolés des
autres membres de la classe ouvrière ne correspondaient pas aux
demandes de l'époque. En rejetant également le
syndicalisme de compagnie, McLachlan a revendiqué et mis en
pratique un syndicalisme de masse qui cherchait à mobiliser tous
les
mineurs sans égard à la nationalité, au statut
d'immigrant, au racisme organisé par l'État, à
l'éducation, au métier spécifique et à tout
autre aspect qui entrave le travail d'organisation et de construction
de l'unité des travailleurs en tant que travailleurs.
Pour de plus amples informations sur le procès de
J.B. McLachlan's trial, lire : David Frank, J.B.
McLachlan : A Biography (Toronto : James Lorimer &
Company, 1999), chapitre 8 ; Barry Cahill, « Howe
(1835), Dixon (1920) and McLachlan (1923) : Comparative
Perspectives on the Legal
History of Sedition », Journal de droit de
l'Université du Nouveau-Brunswick, vol. 45 (1996),
pp. 281-307.
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)
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