Forum ouvrier

18 avril 2019

Changements réglementaires dans la formation
des grutiers du Québec

Le rapport du comité d'experts ne respecte pas les revendications de sécurité de ceux qui font le travail


Manifestation des grutiers contre les changements à la réglementation sur leur formation à Montréal, le 5 mai 2018

Secteur public au Nouveau-Brunswick
Les travailleurs intensifient la lutte pour des conditions de travail et des salaires adéquats
Entrevue - Simon Ouellette, directeur des communications, bureau des Maritimes du Syndicat canadien de la fonction publique

Lettre à la rédaction
Objet: l'histoire d'Alcoa


Changements réglementaires dans la formation des grutiers du Québec

Le rapport du comité d'experts ne respecte pas les revendications de sécurité de ceux qui font le travail

En avril 2018, le gouvernement du Québec a décrété de façon unilatérale une nouvelle réglementation qui gouverne la formation des grutiers du Québec. Cette décision a renversé les normes et la formation établies que les nouveaux grutiers doivent suivre pour garantir leur sécurité et celle des autres travailleurs de la construction et du public. Le gouvernement a imposé cette décision en dépit de la vaste opposition qui existe contre cette réglementation, en particulier celle des grutiers eux-mêmes et de leur syndicat.

Lors des audiences publiques qui ont été tenues sur les changements proposés, les travailleurs de la construction et leurs syndicats ont pris une position très ferme, décrivant les changements comme étant non sécuritaires et en violation de la norme Z 150 de l'Association canadienne de normalisation, à laquelle les grutiers du Québec sont assujettis. Cette norme spécifie les exigences relatives aux grues mobiles de manière à protéger la sécurité des travailleurs et du public.

Ces changements ont été faits à la requête de la Commission de la construction du Québec (CCQ), l'agence de l'État financée par lui qui supervise les métiers et les travailleurs de la construction au bénéfice des plus grandes entreprises de la construction. Les entreprises se sont plaintes d'une pénurie de grutiers et ont demandé que la réglementation relative à la formation soit abaissée afin de créer un plus large bassin de grutiers disponibles, sans égard à leur formation et à leur compétence réelle en ce qui concerne le métier.

Le gouvernement refuse d'écouter les grutiers et leur syndicat et insiste pour que les changements soient mis en oeuvre. Les grutiers et leur syndicat ont mené une lutte déterminée contre cette réglementation, notamment en refusant de se présenter au travail pendant toute une semaine en juin dernier. Ils ont dénoncé le gouvernement pour avoir imposé ces changements qui s'attaquent à des méthodes de formation bien établies qui visent à garantir la sécurité de tous sur les chantiers de construction, y compris du public.

Les grutiers ont mis de l'avant deux revendications principales : que la nouvelle réglementation soit retirée et que la formation professionnelle obligatoire des grutiers soit maintenue, et qu'une table de concertation soit créée qui comprend toutes les parties concernées, dont les enseignants, pour étudier les problèmes relatifs au secteur des grutiers et à la sécurité sur les chantiers de construction.

Le gouvernement a plutôt choisi de mettre sur pied ce qu'il a appelé un comité d'experts indépendants sur les changements réglementaires à la formation des grutiers. Le rapport du comité, qui a été publié à la fin du mois de mars, ne part pas du besoin d'une formation qui garantisse la sécurité. Il part de la prémisse d'une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, soit le même prétexte qui est utilisé par l'industrie de la construction et le gouvernement pour abaisser les normes de formation et de sécurité.

La situation à laquelle font face les grutiers du Québec illustre bien comment ce qui est qualifié de comité d'experts est établi afin d'écarter la revendication des travailleurs pour la mise en oeuvre d'une réglementation qui prescrit une formation en sécurité adéquate. Le comité a été établi pour contourner le fait que les travailleurs n'acceptaient pas des normes inférieures inadéquates et que ce problème est si sérieux qu'ils ont refusé de travailler pendant une semaine entière pour défendre le régime de formation adéquat. Cela montre que ce qu'on appelle aujourd'hui des comités d'experts ne sont pas dignes de confiance parce que l'objectif politique ternit l'intégrité de l'expertise à laquelle on fait appel pour se prononcer sur le processus.

On ne doit pas permettre au gouvernement d'agir à l'encontre des souhaits de ceux qui sont engagés dans le travail de construction. Les grutiers et les autres travailleurs de la construction et leurs organisations doivent être au centre de la prise des décisions quand il est question de la sécurité et d'autres préoccupations qui concernent leur industrie.[1]

Le rapport du comité d'experts

Le rapport du comité d'experts indépendants, nommé par le gouvernement du Québec pour étudier du point de vue de la sécurité la nouvelle réglementation relative à la formation des grutiers, a été rendu public à la fin du mois de mars. Cette nouvelle réglementation a été décrétée par le gouvernement du Québec, à la requête de la Commission de la construction du Québec (CCQ) en avril 2018, sans l'approbation des grutiers qui s'y sont d'ailleurs massivement et publiquement opposés.[2] Le comité lui-même a été mis sur pied par le gouvernement dans la foulée de la lutte des grutiers pour faire retirer cette nouvelle réglementation.

Dans son rapport, le comité d'experts ne mentionne pas qu'aux audiences publiques qu'il a tenues en 2018, presque tous les intervenants ont pris parti fermement contre cette nouvelle réglementation, la qualifiant de non sécuritaire et de violation de la norme canadienne Z 150 de l'Association canadienne de normalisation, à laquelle les grutiers du Québec sont assujettis. Cette norme spécifie les exigences de sécurité relatives aux grues mobiles de manière à protéger la sécurité des travailleurs et du public.

Le rapport du comité d'experts ne reconnaît pas le besoin d'une réglementation obligatoire et applicable en ce qui concerne la formation des grutiers. Cette réglementation doit s'appuyer sur une loi pour que la sécurité de la personne et d'un chantier de construction soit garantie. Au lieu de cela, en parlant de « principes directeurs » qui servent de cadre de référence à son analyse et à ses recommandations, le comité justifie sa recommandation que le Diplôme d'études professionnelles (DEP), qui a été la norme requise pour les grutiers, devienne une « référence » plutôt qu'une exigence.

Par exemple, le comité mentionne que les grues sont des machines complexes qu'il est essentiel de bien comprendre. Il ajoute que la conduite sécuritaire de ces machines complexes requiert la maîtrise de connaissances de base théoriques et pratiques. Comment un nouveau grutier va-t-il acquérir les connaissances et la maîtrise sans la formation technique et l'éducation pratique directe que le DEP lui fournit ?

Selon le comité, le DEP ne doit plus être obligatoire mais doit devenir optionnel pour les nouveaux grutiers, ce qui est exactement ce que veut le gouvernement. Le cours devient une soi-disant référence en ce qui concerne la connaissance fondamentale requise pour le métier. Il demeure la « voie privilégiée » d'accès au certificat de compétence-apprenti-grutier mais n'est pas une exigence.

Dans un langage contourné qu'on associe habituellement aux petits caractères à la fin des contrats, le rapport mentionne que « peu importe la voie d'accès à l'apprentissage empruntée, les apprentis grutiers qui se présentent à l'examen de qualification de compagnon devraient avoir suivi un parcours professionnel leur ayant permis d'acquérir des connaissances, une expérience et des habiletés comparables ».  (Notre souligné) C'est comme si on disait que « peu importe la voie d'accès » qui est suivie pour devenir charpentier, électricien, médecin ou ingénieur, vous devriez « avoir suivi un parcours professionnel vous ayant permis d'acquérir des connaissances, une expérience et des habiletés comparables ».

Est-ce qu'on peut considérer le comité d'experts comme
étant sérieux en matière de sécurité ?

Le comité est censé traiter de sérieuses préoccupations de sécurité qui remontent à loin. Comment les gens, et en particulier les travailleurs de la construction, peuvent-ils prendre au sérieux les mots vagues du comité ? Ses principes directeurs manquent de consistance et de fermeté. Ils sont détachés de la situation concrète à laquelle les grutiers, les travailleurs de la construction et le public font face. C'est suite à des années d'accidents désastreux qu'une formation professionnelle obligatoire pour les grutiers a été introduite. Est-ce que les travailleurs et le public seront plus en sécurité si le DEP n'est plus obligatoire mais est réduit à une « référence », quelque chose qu'on pourra ressortir des tiroirs de temps en temps pour masquer la réalité du manque de formation ?

On est censé oublier que le DEP a été créé précisément à cause des nombreux décès qui frappaient le métier. La formation obligatoire, donnée par des instructeurs compétents, a réussi à réduire le nombre de morts et d'accidents qui se sont produits dans le métier depuis son adoption il y a plus de 20 ans. Pourquoi le comité écrit-il une chose comme « peu importe la voie d'accès à l'apprentissage empruntée » ? Se pourrait-il que la forme pratique d'accès à l'apprentissage, le Diplôme d'études professionnelles, était et est toujours la voie à suivre pour éviter les morts et les accidents associés à la conduite des grues mobiles, mais que quelque chose d'autre motive son remplacement, comme l'hystérie de la CCQ au sujet d'une « pénurie de main-d'oeuvre » ?

Le comité tire la conclusion que le programme de formation donné par les entreprises, qui a été décrété par le gouvernement du Québec et la CCQ pour remplacer le DEP obligatoire, est « insuffisant » du point de vue apprentissage et notions de base que les nouveaux travailleurs doivent acquérir pour assurer la conduite sécuritaire d'une grue. Demande-t-il alors que le DEP doit être maintenu en tant que la voie éprouvée obligatoire à suivre ? Non, il propose une modification faiblarde au programme proposé par le gouvernement, conformément à ses propres considérations faiblardes.

Ce programme comprendrait une formation initiale de trois semaines en centre de formation professionnelle. Le comité recommande aussi que toute nouvelle inscription au programme de formation en entreprise soit suspendue jusqu'à ce que cette formation initiale soit mise en oeuvre.

Le comité part du point de vue que la nouvelle réglementation est là pour rester. Il recommande que, pour émousser l'opposition, une modification soit incluse pour que les experts aient l'air d'être sérieux en ce qui concerne la sécurité. La seule chose que le comité prend au sérieux, c'est de trouver une façon de mettre en oeuvre le diktat du gouvernement et de la CCQ et de saper toute opposition et toute discussion sérieuse sur ce qu'il faut faire pour réduire le nombre inacceptable de décès et de blessures dans le secteur de la construction.

Qu'y a-t-il derrière la décision du gouvernement
et de son comité d'experts ?

En ce qui concerne une pénurie de main-d' oeuvre, les travailleurs de la construction ont démontré qu'environ 14 % des travailleurs quittent le secteur par année tant les conditions, notamment de sécurité, sont inacceptables. Le gouvernement et la CCQ ne veulent pas faire enquête sur pourquoi les travailleurs quittent le secteur et pourquoi le nombre des décès et des accidents est si élevé. Tout ce qu'ils veulent, c'est affaiblir les conditions d'entrée dans le métier afin que de nouvelles personnes soient disponibles, sans que leur compétence soit garantie.

Le rapport du comité ne part pas du point de vue d'assurer la sécurité des travailleurs et du public comme la priorité qui prime sur tout le reste. Le comité ne commence pas en mobilisant les travailleurs eux-mêmes et leurs organisations pour reconnaître les problèmes qui existent et examiner comment améliorer les conditions. Le comité est imprégné du pragmatisme de ceux qui possèdent le pouvoir économique et politique. Ce pragmatisme fait passer leur profit d'entreprise avant les principes. Ce pragmatisme ne comprend pas les droits inaliénables des travailleurs de la construction, dont leur droit à des conditions de travail et de vie qu'ils jugent acceptables et à des conditions dans le secteur de la construction qui sont acceptables à une société civilisée.

Les travailleurs doivent intensifier leur appui à la lutte des grutiers pour garantir la sécurité de tous, en opposition à l'intransigeance et à l'arrogance du gouvernement et aux grands intérêts d'affaires qu'il sert.

Notes

1. Pour des reportages sur la lutte des grutiers à la défense de leurs droits et de la sécurité de tous, lire :
- « Les travailleurs demandent que le rapport du comité sur la sécurité des grutiers soit publié », Forum ouvrier, le 7 mars 2019
- « Les grutiers, leurs alliés et des experts disent tous Non ! à la nouvelle règlementation irresponsable », Forum ouvrier, le 24 janvier 2019
- « La logique et les actions intéressées et tordues des gouvernants », Pierre Chénier, Forum ouvrier, le 19 juillet 2018
- « Développements récents dans la lutte des grutiers du Québec pour leurs droits », Forum ouvrier, le 3 juillet 2018

2. Cette nouvelle réglementation a aboli le caractère obligatoire du Diplôme d'études professionnelles (DEP) de 870 heures de formation en institution professionnelle pour devenir grutier. Le DEP est maintenant facultatif. Une nouvelle formation de 150 heures fournie directement sur les chantiers et sous la responsabilité des entreprises a été introduite. La CCQ et le gouvernement ont aussi remplacé le diplôme par un cours de 80 heures pour les camions-flèches d'une capacité maximale de 30 tonnes. C'est justement ce type de grues qui versent le plus et qui causent le plus de dommages.

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Secteur public au Nouveau-Brunswick

Les travailleurs intensifient la lutte pour des conditions de travail et des salaires adéquats

Le 12 avril, plus de 500 travailleurs et travailleuses des foyers de soins et d'autres secteurs des services publics du Nouveau-Brunswick ont manifesté devant des édifices gouvernementaux à Fredericton pour demander des conditions de travail et des salaires qui sont acceptables pour eux. La manifestation faisait suite à de nombreuses actions menées ces derniers mois devant les bureaux de circonscription des députés du Parti progressiste-conservateur au pouvoir. Selon le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), la lutte de ses 4 000 membres dans les foyers de soins pour aînés vise des augmentations de salaire qui soient bien au-dessus de la hausse du coût de la vie. Le syndicat dit que cela va améliorer les conditions de vie des travailleurs et permettre d'attirer et de retenir le personnel dans leur secteur qui en a énormément besoin.

Mettre fin au mandat !

La manifestation faisait partie de la campagne du SCFP, « Mettre fin au mandat ». Ce mot d'ordre de « Mettre fin au mandat » est la bannière de résistance des travailleurs du secteur public à la défense de leurs droits. Les travailleurs sont déterminés à mettre fin au mandat du gouvernement progressiste-conservateur, que le gouvernement libéral précédent a aussi appliqué, d'imposer aux travailleurs du secteur public des augmentations de salaire d'environ 1 % par année, ce qui est bien en dessous du coût de la vie. Selon les travailleurs, ce mandat nie leur droit d'avoir un salaire qui leur est acceptable. Dans le secteur des foyers de soins, de meilleurs salaires et conditions de travail sont nécessaires pour retenir les travailleurs et augmenter le niveau de soins d'un grand nombre d'aînés de la province.

Le gouvernement a utilisé diverses tactiques pour briser la lutte des travailleurs du secteur public, ayant recours aux lois et aux tribunaux par exemple pour priver les employés des foyers de soins de leur droit de faire la grève pour défendre leurs revendications. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a fait de la propagande pour dénigrer les employés des foyers de soins en les dépeignant comme un coût pour le trésor public, dont le travail ne produit aucune valeur et ne contribue pas à humaniser la société. Cette attaque contre les travailleurs du secteur public est un effort pour jeter les bases de la criminalisation de leur lutte pour défendre leurs droits.

En lançant l'accusation scandaleuse que les travailleurs du secteur public coûtent de l'argent au public et ne produisent rien, le gouvernement affirme que leurs salaires et leurs avantages sociaux doivent être réduits sinon le trésor public sera privé de fonds pour attirer les investissements privés des oligarques financiers au moyen de stratagèmes pour payer les riches. L'attraction de l'investissement privé des riches à l'échelle mondiale est présentée comme la seule voie vers l'avant pour la province et la définition même de l'économie, qui n'est même pas sujette à discussion ou à débat selon l'élite dirigeante.

Le gouvernement agit de manière fourbe en affirmant que les salaires et les avantages sociaux des travailleurs des foyers de soins pèsent sur les ressources de la province ; en même temps, lorsque les travailleurs luttent pour des salaires et des avantages sociaux qu'ils jugent acceptables, leur travail devient tout à coup essentiel et les lois et les tribunaux sont utilisés pour leur interdire de faire la grève. Selon le premier ministre, les travailleurs des foyers de soins sont indispensables uniquement quand il est question de briser leur lutte pour leurs droits et pour le droit des personnes âgées à des conditions et à des soins adéquats. Le gouvernement ne considère pas que leur travail est essentiel quand il est temps d'offrir aux travailleurs des foyers de soins des salaires et des conditions de travail acceptables pour eux-mêmes et qui reconnaissent la valeur essentielle qu'ils apportent à la province par leur travail difficile, qui consiste à prendre soin de certaines des personnes les plus vulnérables de la société.

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick refuse de reconnaître que les services publics constituent un secteur crucial d'une économie moderne, que les travailleurs du secteur public créent une immense valeur pour l'économie et contribuent grandement à humaniser la société. Par contre, les travailleurs reconnaissent la valeur que les travailleurs du secteur public créent et exigent qu'elle soit réalisée par d'autres secteurs de l'économie et restituée aux institutions qui fournissent ces services publics essentiels.

Les travailleurs du secteur public refusent d'accepter les attaques du gouvernement et le fait qu'on les criminalise. Ils intensifient leur lutte pour ce qui leur appartient de droit et pour des conditions de travail modernes qui leur permettent de fournir les services que les gens doivent recevoir et que la société exige. Tous les travailleurs doivent les appuyer dans cette lutte importante.

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Entrevue

Le 7 mars dernier, les travailleurs et travailleuses des foyers de soins du Nouveau-Brunswick ont pris un vote de grève à 94 % pour appuyer leurs revendications de salaires et de conditions de travail qu'ils jugent acceptables. Plutôt que de répondre d'une manière positive et respectueuse, le gouvernement a demandé et obtenu une ordonnance de la Cour du Banc de la reine pour attaquer le droit des travailleurs de faire la grève à la défense de leurs revendications. La veille du déclenchement de la grève par les 4 100 travailleurs qui devait avoir lieu le 10 mars, la cour a émis une ordonnance qui privait les travailleurs de leur droit de grève pendant 10 jours.

À la fin de 2018, la Commission du Travail et de l'Emploi du Nouveau-Brunswick a statué que la Loi sur les services essentiels dans les foyers de soins violait le droit à la négociation collective des employés. Selon le jugement de la commission, la désignation de soins essentiels en cas de grève ne s'appliquait pas aux foyers de soins. Le gouvernement est alors intervenu pour demander une révision judiciaire de cette décision, une cause qui sera entendue par la Cour du Banc de la Reine.

Forum ouvrier a interviewé Simon Ouellette, directeur des communications au bureau des Maritimes du SCFP, pour se renseigner sur la situation à laquelle ces travailleurs font face.

***


Forum ouvrier : Quels sont les derniers développements depuis que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a demandé et obtenu une ordonnance de la cour pour vous empêcher d'aller en grève ?

Simon Ouellette : Le gouvernement essaie par tous les moyens d'ajouter des délais à notre possibilité d'exercer notre droit de grève. Nous retournons en cour le 17 avril pour traiter de l'appel que le gouvernement a interjeté sur la question de l'ordonnance. On se souvient qu'il y a eu une ordonnance de la cour obtenue par le gouvernement le 9 mars, nous interdisant de faire la grève pendant dix jours. Suite à cela, le gouvernement a demandé une deuxième ordonnance prolongée pour maintenir cette interdiction. Le syndicat a contesté cette demande et une juge s'est alors penchée à la fois sur la demande d'ordonnance prolongée et sur l'ordonnance iniitale. Elle a dit dit que ni l'une ni l'autre n'était acceptable. Elle a dit que l'ordonnance initiale avait causé un tort irréparable aux travailleurs et que prolonger l'ordonnance serait leur causer un autre tort. Elle a statué que les travailleurs devraient avoir un droit de grève complet jusqu'à ce que la révision judiciaire sur la constitutionnalité de la Loi sur les services essentiels dans les foyers de soins soit complétée. Il s'agit d'un autre processus juridique qui est mené de manière parallèle au premier sur l'ordonnance. La juge a statué qu'en attendant que cette question soit résolue, on nous reconnaîtrait un droit de grève ordinaire en vertu de la Loi sur les relations industrielles qui est la loi en vigueur pour tout le secteur privé. Les foyers de soins sont considérés commé appartenant au secteur privé, donc cette loi s'appliquerait à eux. Le gouvernement a immédiatement fait appel du jugement, et c'est cet appel qui va être entendu cette semaine.

La situation est très judiciarisée en ce moment et la question des droits constitutionnels des travailleurs est comme suspendue. Il me semble que tout délai dans la justice est un déni de justice. Notre situation est très judiciarisée alors qu'on parle ici de droits fondamentaux. Le droit de grève est un droit constitutionnel protégé par l'article 2 sur le droit d'association de la Charte canadienne des droits et libertés, et cependant les gouvernements s'essaient à chaque fois de mettre en place une nouvelle loi qui vient nier ce droit. Celle-ci pourra être éventuellement renversée par la cour mais cela prend des années et pendant ce temps les travailleurs sont privés d'une nouvelle convention collective. Ce sont des années pendant lesquelles on n'améliore pas les conditions de travail pour ces gens-là qui oeuvrent dans le système. Ce sont des gens qui vont peut-être prendre leur retraite et qui ne verront peut-être même pas la fin de ce règlement-là.

Dans ces conditions, notre syndicat a dit que si vous nous avez enlevé le droit légal de faire la grève, et qu'on sera pris pendant un bon moment devant les tribunaux, alors allons chercher l'arbitrage exécutoire. Nous avons demandé l'arbitrage exécutoire comme une sorte de moyen compensatoire pour débloquer la situation. Le gouvernement provincial a dit non. Il a dit qu'on pourrait faire un arbitrage, mais avec restriction. La restriction est qu'il ne pourrait pas y avoir de hausse salariale de plus de 1 %. Nous ne sommes pas plus avancés avec un arbitrage exécutoire s'il comprend cette restriction imposée par le gouvernement. Nous sommes confiants qu'un arbitre qui serait impartial serait capable de voir l'injustice qui existe dans les foyers de soins, qu'il serait capable de dire que 1 % d'augmentation est en dessous de la hausse du coût de la vie . Le gouvernement s'acharne à dire que l'augmentation salariale doit être de 1 % par année pour un contrat de 4 ans. Notre revendication est que la hausse salariale soit au moins au-dessus de la hausse du coût de la vie. L'objectif salarial est de faire des gains salariaux et non de reculer. C'est essentiel pour la rétention et l'attraction du personnel.

Chaque semaine perdue est un tort causé aux travailleurs. On parle d'un contrat de quatre ans et cela fait déjà près de 30 mois qu'on négocie. La convention est terminée depuis octobre 2016.

FO : Lors de la manifestation du 12 avril, il y avait aussi des infirmières, des paramédics et d'autres travailleurs et travailleuses du secteur public. Qu'est-ce qu'ils exprimaient par leur participation ?

SO : Tout le monde est en solidarité avec cette cause. Dans ces actions, ce sont surtout des gens en ce moment qui sont représentés par le SCFP. Il y a une grande solidarité à l'intérieur du syndicat. En même temps, nous invitons tous les travailleurs à participer. Les travailleurs comprennent que si on donne la claque à un, le gouvernement va vouloir faire la même chose à tout le monde. Si le gouvernement est capable de refuser à des femmes et des hommes qui prennent soin des personnes les plus vulnérables une hausse de salaire qui va au-delà du coût de la vie, il peut faire la même chose à tous les travailleurs et à toutes les travailleuses du secteur public. Si le gouvernement peut tenir la ligne dure contre le personnel soignant, il ne va pas agir différemment envers le reste du personnel du secteur public.

Les travailleurs des foyers de soins recommandent au ministre de marcher un kilomètre et demi avec leurs chaussures usées par la surcharge de travail.

En ce moment, les négociations sont au point mort. Le gouvernement progressiste-conservateur, comme le gouvernement libéral précédent, met de l'avant une vision classique néolibérale et un programme d'austérité habituel, avec des compressions salariales et un sous-financement chronique du secteur public en vue d'une privatisation éventuelle à plus long terme. On peut voir que depuis la crise de 2008 il n'y a pas eu de reprise économique au niveau du pouvoir d'achat des gens du Nouveau-Brunswick. Le gouvernement provincial voit ses revenus faiblir, voit l'investissement du secteur privé faiblir. Le gouvernement a une vision réductrice de ce qui fait tourner l'économie du Nouveau-Brunswick. Dans sa tête, c'est l'investissement privé qui compte, c'est tout. Sa logique est que si l'investissement privé a chuté, il faut couper dans les dépenses publiques.

C'est un mandat que le gouvernement s'est donné à l'interne, que les négociations avec les infirmières, les chauffeurs d'autobus, les employés d'hôpitaux, etc, doivent tourner autour du 1 %.

Nous espérons que la situation va débloquer. Nous voulons retrouver le droit de grève. En même temps, il n'y a personne qui veut une grève dans les foyers de soins. Nous ne voulons pas de grève mais un contrat acceptable, avec des conditions de travail justes et stables afin d'avoir le personnel qu'il faut pour prendre soin des gens. Le gouvernement a beau faire l'autruche et vouloir tenir la ligne dure sur les salaires, cela ne fera pas disparaître son problème de rétention du personnel.

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Lettre à la rédaction

Objet: l'histoire d'Alcoa

Cher Forum ouvrier,

Une affiche produite par Alcoa en 1943

J'ai lu avec intérêt les articles récents sur la lutte des travailleurs d'ABI à Bécancour, au Québec, contre le propriétaire de l'entreprise, Alcoa, et les autres activités antiouvrières qu'Alcoa a entreprises ailleurs dans son empire mondial. Il est instructif de regarder l'histoire d'Alcoa, où l'on voit qu'elle a toujours agi pour servir des intérêts privés, voire réactionnaires, étroits, au détriment du bien-être des travailleurs. Confrontés à un tel monopole sans principes, les travailleurs doivent rester convaincus de la justesse de leur cause et du fait qu'ils doivent compter sur eux-mêmes et sur le soutien croissant des travailleurs du Canada et du monde entier pour que leur lutte l'emporte.

La création en 1889 de la Pittsburgh Reduction Company (PRC) par Hunt, Clapp et Davis pour raffiner le minerai d'aluminium selon la méthode de Charles Hall, un nouveau procédé de réduction d'aluminium, a été principalement financée par les Mellon, une famille ultra-riche. Le banquier Andrew Mellon était le secrétaire au Trésor américain. Parmi les investissements lucratifs de la famille Mellon, il y avait Gulf Oil ainsi que US Steel et Westinghouse.

En 1907, la PRC a été rebaptisée l'Aluminium Corporation of America (Alcoa). L'Alcan a été créée par la PRC (Alcoa) en 1902 à Shawinigan, au Québec, et portait alors le nom de Northern Aluminium Company qui entendait exploiter le vaste potentiel des ressources hydroélectriques du Québec. Un membre de la famille Davis a été nommé PDG des deux compagnies, Alcoa et Alcan, exposant ainsi le lien entre les deux, un fait qu'ont nié les deux compagnies afin d'éviter d'être accusées de transgresser les lois anti-monopoles.

Les investissements des Mellon dans les deux compagnies ont donné à la famille — ainsi qu'aux Davis - le contrôle d'Alcoa et d'Alcan, et, à toutes fins pratiques, le monopole de la production d'aluminium. Ce contrôle a servi au cours des années à consolider la domination sur toute l'industrie de l'aluminium et à générer d'énormes profits. La fortune des Mellon a continué d'accroître jusqu'à ce jour et lorsque Arthur Vining Davis est mort, il était le troisième homme le plus riche en Amérique.

Alcoa fut l'un des monopoles américains à avoir collaboré avec l'Allemagne nazie. Avec son monopole de l'aluminium, avant et après la Deuxième Guerre mondiale, Alcoa a veillé à ce que l'Allemagne nazie ait un approvisionnement illimité d'aluminium pour la fabrication de ses armements, les avions par exemple, tandis que l'Amérique souffrait de pénuries massives. En juin 1941, Harold Ickes, le secrétaire de l'Intérieur des États-Unis, a déclaré : « Si l'Amérique perd cette guerre, elle pourra remercier l'Aluminium Corporation of America. »

Au cours des années, Alcoa/Alcan n'a eu qu'un seul rival digne de ce nom dans le domaine du raffinement de l'aluminium, et c'est Reynolds Aluminium, créé en 1910 par la famille de Reynolds Tobacco. Alcoa a acquis Reynolds en l'an 2000. En 2007, le monopole Rio Tinto, contrôlé par les Rothschild, a acquis l'Alcan suite à une entente d'une valeur de 38 milliards de dollars US.

Un lecteur d'Edmonton

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