18 avril 2019
Changements
réglementaires dans la formation
des grutiers du Québec
Le rapport du
comité d'experts ne respecte pas les revendications de
sécurité de ceux qui font le travail
- Pierre
Chénier -
Manifestation des grutiers contre les changements à la
réglementation sur leur formation à Montréal,
le 5 mai 2018
Secteur
public
au
Nouveau-Brunswick
• Les travailleurs intensifient la lutte pour
des conditions de travail et des salaires adéquats
• Entrevue
- Simon Ouellette, directeur des communications, bureau des Maritimes
du Syndicat canadien de la fonction publique
Lettre à la
rédaction
• Objet: l'histoire d'Alcoa
Changements réglementaires dans la
formation des grutiers du Québec
- Pierre Chénier -
En avril 2018, le gouvernement du Québec a
décrété de façon unilatérale une
nouvelle réglementation qui gouverne la formation des grutiers
du Québec. Cette décision a renversé les normes et
la formation établies que les nouveaux grutiers doivent suivre
pour garantir leur sécurité et celle des autres
travailleurs de la construction et du
public. Le gouvernement a imposé cette décision en
dépit de la vaste opposition qui existe contre cette
réglementation, en particulier celle des grutiers
eux-mêmes et de leur syndicat.
|
Lors des audiences publiques qui ont été
tenues sur les changements proposés, les travailleurs de la
construction et leurs syndicats ont pris une position très
ferme, décrivant les changements comme étant non
sécuritaires et en violation de la norme Z 150 de
l'Association canadienne de normalisation, à laquelle les
grutiers du Québec sont
assujettis. Cette norme spécifie les exigences relatives aux
grues mobiles de manière à protéger la
sécurité des travailleurs et du public.
Ces changements ont été faits à la requête
de la Commission de la construction du Québec (CCQ), l'agence de
l'État financée par lui qui supervise les métiers
et les travailleurs de la construction au bénéfice
des plus grandes entreprises de la construction. Les entreprises se
sont plaintes d'une pénurie de grutiers et ont demandé
que la réglementation relative à la formation soit
abaissée afin de créer un plus large bassin de grutiers
disponibles, sans égard à leur formation et à leur
compétence réelle en ce qui concerne le métier.
Le gouvernement refuse d'écouter les grutiers et
leur syndicat et insiste pour que les changements soient mis en oeuvre.
Les grutiers et leur syndicat ont mené une lutte
déterminée contre cette réglementation, notamment
en refusant de se présenter au travail pendant toute une semaine
en juin dernier. Ils ont dénoncé le gouvernement pour
avoir
imposé ces changements qui s'attaquent à des
méthodes de formation bien établies qui visent à
garantir la sécurité de tous sur les chantiers de
construction, y compris du public.
Les grutiers ont mis de l'avant deux revendications
principales : que la nouvelle réglementation soit
retirée et que la formation professionnelle obligatoire des
grutiers soit maintenue, et qu'une table de concertation soit
créée qui comprend toutes les parties concernées,
dont les enseignants, pour étudier les problèmes relatifs
au secteur des
grutiers et à la sécurité sur les chantiers de
construction.
Le gouvernement a plutôt choisi de mettre sur pied ce qu'il a
appelé un comité d'experts indépendants sur les
changements réglementaires à la formation des grutiers.
Le rapport du comité, qui a été publié
à la fin du mois de mars, ne part pas du besoin d'une formation
qui garantisse la
sécurité.
Il part de la prémisse d'une pénurie de main-d'oeuvre
qualifiée, soit le même prétexte qui est
utilisé par l'industrie de la construction et le gouvernement
pour abaisser les normes de formation et de sécurité.
La situation à laquelle font face les grutiers du Québec
illustre bien comment ce qui est qualifié de comité
d'experts est établi afin
d'écarter la revendication des travailleurs pour la mise en
oeuvre
d'une réglementation qui prescrit une formation en
sécurité adéquate. Le comité a
été établi pour contourner le fait que les
travailleurs n'acceptaient pas des normes inférieures
inadéquates et que ce problème est si sérieux
qu'ils ont refusé de travailler pendant une semaine
entière pour
défendre le régime de formation adéquat. Cela
montre que ce qu'on appelle aujourd'hui des comités d'experts ne
sont pas dignes de confiance parce que l'objectif politique ternit
l'intégrité de l'expertise à laquelle on fait
appel pour se prononcer sur le processus.
On ne doit pas permettre au gouvernement d'agir à
l'encontre des souhaits de ceux qui sont engagés dans le travail
de construction. Les grutiers et les autres travailleurs de la
construction et leurs organisations doivent être au centre de la
prise des décisions quand il est question de la
sécurité et d'autres préoccupations qui concernent
leur
industrie.[1]
Le rapport du comité d'experts
Le rapport du comité d'experts
indépendants, nommé par le gouvernement du Québec
pour étudier du point de vue de la sécurité la
nouvelle réglementation relative à la formation des
grutiers, a été rendu public à la fin du mois de
mars. Cette nouvelle réglementation a été
décrétée par le gouvernement du Québec,
à la requête de la
Commission de la construction du Québec (CCQ) en
avril 2018, sans l'approbation des grutiers qui s'y sont
d'ailleurs massivement et publiquement opposés.[2] Le comité lui-même a
été mis sur pied par le gouvernement dans la
foulée de la lutte des grutiers pour faire retirer cette
nouvelle
réglementation.
Dans son rapport, le comité d'experts ne
mentionne pas qu'aux audiences publiques qu'il a tenues en 2018,
presque tous les intervenants ont pris parti fermement contre cette
nouvelle réglementation, la qualifiant de non sécuritaire
et de violation de la norme canadienne Z 150 de l'Association
canadienne de normalisation, à
laquelle les grutiers du Québec sont assujettis. Cette norme
spécifie les exigences de sécurité relatives aux
grues mobiles de manière à protéger la
sécurité des travailleurs et du public.
Le rapport du comité d'experts ne reconnaît
pas le besoin d'une réglementation obligatoire et applicable en
ce qui concerne la formation des grutiers.
Cette réglementation doit s'appuyer sur une loi pour que la
sécurité de la personne et d'un chantier de
construction soit garantie. Au lieu de cela, en parlant de «
principes directeurs » qui servent de cadre de
référence à son analyse et à ses
recommandations, le comité justifie sa recommandation que le
Diplôme d'études professionnelles (DEP), qui a
été la norme requise pour les grutiers, devienne une
« référence » plutôt qu'une
exigence.
Par exemple, le comité mentionne que les grues
sont des machines complexes qu'il est essentiel de bien comprendre. Il
ajoute que la conduite sécuritaire de ces machines complexes
requiert la maîtrise de connaissances de base théoriques
et pratiques. Comment un nouveau grutier va-t-il acquérir les
connaissances et la maîtrise sans la formation
technique et l'éducation pratique directe que le DEP lui
fournit ?
Selon le comité, le DEP ne doit plus être
obligatoire mais doit devenir optionnel pour les nouveaux grutiers, ce
qui est exactement ce que veut le gouvernement. Le cours devient une
soi-disant référence en ce qui concerne la connaissance
fondamentale requise pour le métier. Il demeure la « voie
privilégiée » d'accès au certificat de
compétence-apprenti-grutier mais n'est pas une exigence.
Dans un langage contourné qu'on associe
habituellement aux petits caractères à la fin des
contrats, le
rapport mentionne que « peu importe la voie d'accès
à l'apprentissage empruntée, les apprentis grutiers
qui se présentent à l'examen de qualification de
compagnon devraient avoir suivi
un parcours professionnel leur ayant permis d'acquérir des
connaissances, une expérience et des habiletés
comparables ». (Notre souligné) C'est comme
si
on disait que « peu importe la voie d'accès »
qui est suivie pour devenir charpentier, électricien,
médecin ou ingénieur, vous devriez « avoir suivi un
parcours professionnel
vous ayant permis d'acquérir des connaissances, une
expérience et des habiletés comparables ».
Est-ce qu'on peut considérer le comité
d'experts comme
étant sérieux en matière de
sécurité ?
Le comité est censé traiter de
sérieuses préoccupations de sécurité qui
remontent à loin. Comment les gens, et en particulier les
travailleurs de la construction, peuvent-ils prendre au sérieux
les mots vagues du comité ? Ses principes directeurs
manquent de consistance et de fermeté. Ils sont
détachés de la situation concrète à
laquelle
les grutiers, les travailleurs de la construction et le public font
face. C'est suite à des années d'accidents
désastreux qu'une formation professionnelle obligatoire pour les
grutiers a été introduite. Est-ce que les travailleurs et
le public seront plus en sécurité si le DEP n'est plus
obligatoire mais est réduit à une «
référence », quelque chose
qu'on pourra ressortir des tiroirs de temps en temps pour masquer la
réalité du manque de formation ?
On est censé oublier
que le DEP a été créé
précisément à cause des nombreux
décès qui frappaient le métier. La
formation obligatoire, donnée par des instructeurs
compétents, a réussi à réduire le nombre de
morts et d'accidents qui se sont produits dans le métier depuis
son adoption il y a plus de 20 ans. Pourquoi le comité
écrit-il une
chose comme « peu importe la voie d'accès à
l'apprentissage empruntée » ? Se pourrait-il que
la forme pratique d'accès à l'apprentissage, le
Diplôme d'études professionnelles, était et est
toujours la voie à suivre pour éviter les morts et les
accidents associés à la conduite des grues mobiles, mais
que quelque chose d'autre motive son
remplacement, comme l'hystérie de la CCQ au sujet d'une «
pénurie de main-d'oeuvre » ?
Le comité tire la conclusion que le programme de
formation donné par les entreprises, qui a été
décrété par le gouvernement du Québec et la
CCQ pour remplacer le DEP obligatoire, est «
insuffisant » du
point de vue apprentissage et notions de base que les nouveaux
travailleurs doivent acquérir pour assurer la conduite
sécuritaire d'une grue. Demande-t-il alors que le DEP doit
être maintenu en tant que la voie
éprouvée obligatoire à suivre ? Non, il
propose une
modification faiblarde au programme proposé par le gouvernement,
conformément à ses propres considérations
faiblardes.
Ce programme comprendrait une formation initiale de
trois semaines en centre de formation professionnelle. Le comité
recommande aussi que toute nouvelle inscription au programme de
formation en entreprise soit suspendue jusqu'à ce que cette
formation initiale soit mise en oeuvre.
Le comité part du point de vue que la nouvelle
réglementation est là pour rester. Il recommande que,
pour émousser l'opposition, une modification soit incluse pour
que les experts aient l'air d'être sérieux en ce qui
concerne la sécurité. La seule chose que le comité
prend au sérieux, c'est de trouver une façon de mettre en
oeuvre le diktat du
gouvernement et de la CCQ et de saper toute opposition et toute
discussion sérieuse sur ce qu'il faut faire pour réduire
le nombre inacceptable de décès et de blessures dans le
secteur de la construction.
Qu'y a-t-il derrière la décision du
gouvernement
et de son comité d'experts ?
En ce qui concerne une pénurie de main-d' oeuvre,
les travailleurs de la construction ont démontré
qu'environ 14 % des travailleurs quittent le secteur par
année tant les conditions, notamment de sécurité,
sont inacceptables. Le gouvernement et la CCQ ne veulent pas faire
enquête sur pourquoi les travailleurs quittent le
secteur et pourquoi le nombre des décès et des accidents
est si élevé. Tout ce qu'ils veulent, c'est affaiblir les
conditions d'entrée dans le métier afin que de nouvelles
personnes soient disponibles, sans que leur compétence soit
garantie.
Le rapport du comité ne part pas du point de vue
d'assurer la sécurité des travailleurs et du public comme
la priorité qui prime sur tout le reste. Le comité ne
commence pas en mobilisant les travailleurs eux-mêmes et leurs
organisations pour reconnaître les problèmes qui existent
et examiner comment améliorer les conditions. Le comité
est
imprégné du pragmatisme de ceux qui possèdent le
pouvoir économique et politique. Ce pragmatisme fait passer leur
profit d'entreprise avant les principes. Ce pragmatisme ne comprend pas
les droits inaliénables des travailleurs de la construction,
dont leur droit à des conditions de travail et de vie qu'ils
jugent acceptables et à des conditions dans
le secteur de la construction qui sont acceptables à une
société civilisée.
Les travailleurs doivent intensifier leur appui à
la lutte des grutiers pour garantir la sécurité de tous,
en opposition à l'intransigeance et à l'arrogance du
gouvernement et aux grands intérêts d'affaires qu'il sert.
Notes
1. Pour des reportages sur la lutte
des grutiers à la défense de leurs droits et de la
sécurité de tous, lire :
- « Les
travailleurs demandent que le rapport du comité sur la
sécurité des grutiers soit publié »,
Forum ouvrier, le 7 mars 2019
- « Les
grutiers, leurs alliés et des experts disent tous Non !
à la nouvelle règlementation
irresponsable », Forum ouvrier, le 24
janvier 2019
- « La
logique
et
les
actions
intéressées et tordues des
gouvernants », Pierre Chénier, Forum ouvrier,
le 19
juillet 2018
- « Développements
récents
dans
la
lutte
des grutiers du Québec pour leurs
droits », Forum ouvrier, le 3
juillet 2018
2. Cette nouvelle
réglementation a aboli le caractère obligatoire du
Diplôme d'études professionnelles (DEP) de 870 heures
de formation en institution professionnelle pour devenir grutier. Le
DEP est maintenant facultatif. Une nouvelle formation de 150
heures fournie directement sur les chantiers et sous la
responsabilité des entreprises a été introduite.
La CCQ et le gouvernement ont aussi remplacé le diplôme
par un cours de 80 heures pour les camions-flèches d'une
capacité maximale de 30 tonnes. C'est justement ce type de
grues qui versent le plus et qui causent le plus de dommages.
Secteur public au Nouveau-Brunswick
Le 12 avril, plus de 500 travailleurs et
travailleuses des foyers de soins et d'autres secteurs des services
publics du Nouveau-Brunswick ont manifesté devant des
édifices gouvernementaux à Fredericton pour demander des
conditions de travail et des salaires qui sont acceptables pour eux. La
manifestation faisait suite à de
nombreuses actions menées ces derniers mois devant les bureaux
de circonscription des députés du Parti
progressiste-conservateur au pouvoir. Selon le Syndicat canadien de la
fonction publique (SCFP), la lutte de ses 4 000 membres dans
les foyers de soins pour aînés vise des augmentations de
salaire qui soient bien au-dessus de la hausse
du coût de la vie. Le syndicat dit que cela va améliorer
les conditions de vie des travailleurs et permettre d'attirer et de
retenir le personnel dans leur secteur qui en a
énormément besoin.
Mettre fin au mandat !
La manifestation faisait partie de la campagne du SCFP,
« Mettre fin au mandat ». Ce mot d'ordre de «
Mettre fin au mandat » est la bannière de
résistance des travailleurs du secteur public à la
défense de leurs droits. Les travailleurs sont
déterminés à mettre fin au mandat du
gouvernement progressiste-conservateur, que le gouvernement
libéral précédent a aussi appliqué,
d'imposer aux travailleurs du secteur public des augmentations de
salaire d'environ 1 % par année, ce qui est bien en
dessous du coût de la vie. Selon les travailleurs, ce mandat nie
leur droit d'avoir un salaire qui leur est acceptable. Dans
le secteur des foyers de soins, de meilleurs salaires et conditions de
travail sont nécessaires pour retenir les travailleurs et
augmenter le niveau de soins d'un grand nombre d'aînés de
la
province.
Le gouvernement a
utilisé diverses tactiques pour briser la lutte des travailleurs
du secteur public, ayant recours aux lois et aux tribunaux par exemple
pour priver les employés des foyers de soins de leur droit de
faire la grève pour défendre leurs revendications. Le
gouvernement du Nouveau-Brunswick a fait de la propagande pour
dénigrer les
employés des foyers de soins en les dépeignant comme un
coût pour le trésor public, dont le travail ne produit
aucune valeur et ne contribue pas à humaniser la
société. Cette attaque contre les travailleurs du secteur
public est un effort pour jeter les bases de la criminalisation de leur
lutte pour défendre leurs droits.
En lançant l'accusation scandaleuse que les
travailleurs du secteur public coûtent de l'argent au public et
ne produisent rien, le gouvernement affirme que leurs salaires et leurs
avantages sociaux doivent être réduits sinon le
trésor
public sera privé de fonds pour attirer les investissements
privés des oligarques financiers au moyen de stratagèmes
pour
payer les riches. L'attraction de l'investissement privé des
riches à l'échelle mondiale est présentée
comme la seule voie vers l'avant pour la province et la
définition même de l'économie, qui n'est même
pas sujette à discussion ou à débat selon
l'élite dirigeante.
Le gouvernement agit de manière fourbe en
affirmant que les salaires et les avantages sociaux des travailleurs
des foyers
de soins pèsent sur les ressources de la province ; en
même temps, lorsque les travailleurs luttent pour des salaires et
des avantages sociaux qu'ils jugent acceptables, leur travail devient
tout à coup essentiel et les lois et les
tribunaux sont utilisés pour leur interdire de faire la
grève. Selon le premier ministre, les travailleurs des foyers de
soins sont indispensables uniquement quand il est question de briser
leur lutte pour leurs droits et pour le droit des personnes
âgées à des conditions et à des soins
adéquats. Le gouvernement ne considère pas que leur
travail est
essentiel quand il est temps d'offrir aux travailleurs des foyers de
soins des salaires et des conditions de travail acceptables pour
eux-mêmes et qui reconnaissent la valeur essentielle qu'ils
apportent à la province par leur travail difficile, qui consiste
à prendre soin de certaines des personnes les plus
vulnérables de la société.
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick refuse de
reconnaître que les services publics constituent un secteur
crucial d'une économie moderne, que les travailleurs du secteur
public créent une immense valeur pour l'économie et
contribuent grandement à humaniser la société. Par
contre, les travailleurs reconnaissent la valeur que les travailleurs
du secteur public créent et exigent qu'elle soit
réalisée par d'autres secteurs de l'économie et
restituée aux institutions qui fournissent ces services publics
essentiels.
Les travailleurs du secteur public refusent d'accepter
les attaques du gouvernement et le fait qu'on les criminalise. Ils
intensifient leur lutte pour ce qui leur appartient de droit et pour
des conditions de travail modernes qui leur permettent de fournir les
services que les gens doivent recevoir et que la société
exige. Tous les travailleurs doivent les
appuyer dans cette lutte importante.
- Simon Ouellette, directeur des
communications, bureau des Maritimes du
Syndicat canadien de la fonction publique -
Le 7 mars dernier, les travailleurs et
travailleuses des foyers
de soins du Nouveau-Brunswick ont pris un vote de grève
à 94 % pour
appuyer leurs revendications de salaires et de conditions de travail
qu'ils jugent acceptables. Plutôt que de répondre d'une
manière
positive et respectueuse, le gouvernement a demandé et
obtenu une ordonnance de la Cour du Banc de la reine pour attaquer le
droit des travailleurs de faire la grève à la
défense de leurs
revendications. La veille du déclenchement de la grève
par les 4 100
travailleurs qui devait avoir lieu le 10 mars, la cour a
émis une
ordonnance qui privait les travailleurs de leur droit de grève
pendant 10 jours.
À la fin de 2018, la Commission du
Travail et de l'Emploi du
Nouveau-Brunswick a statué que la Loi sur les services
essentiels dans
les foyers de soins violait le droit à la négociation
collective des
employés. Selon le jugement de la commission, la
désignation de soins
essentiels en cas de grève ne s'appliquait pas aux foyers de
soins. Le gouvernement est alors intervenu pour demander une
révision
judiciaire de cette décision, une cause qui sera entendue par la
Cour
du Banc de la Reine.
Forum ouvrier a interviewé Simon Ouellette,
directeur des
communications au bureau des Maritimes du SCFP, pour se renseigner sur
la situation à laquelle ces travailleurs font face.
***
Forum ouvrier : Quels sont les
derniers développements depuis que le gouvernement du
Nouveau-Brunswick a demandé et obtenu une ordonnance de la cour
pour vous empêcher d'aller en grève ?
Simon Ouellette : Le
gouvernement essaie par tous les moyens d'ajouter des délais
à notre possibilité d'exercer notre droit de
grève. Nous retournons en cour le 17 avril pour traiter de
l'appel que le gouvernement a interjeté sur la question de
l'ordonnance. On se souvient qu'il y a eu une ordonnance de la cour
obtenue par le gouvernement le 9 mars, nous interdisant de faire
la grève pendant dix jours. Suite à cela, le gouvernement
a demandé une deuxième ordonnance prolongée pour
maintenir cette interdiction. Le syndicat a contesté cette
demande et une juge s'est alors penchée à la fois sur
la demande d'ordonnance prolongée et sur
l'ordonnance iniitale. Elle a dit dit que ni l'une ni l'autre
n'était acceptable. Elle a dit que l'ordonnance initiale avait
causé un tort irréparable aux travailleurs et que
prolonger l'ordonnance serait leur causer un autre tort. Elle a
statué que les travailleurs devraient avoir un droit de
grève complet jusqu'à ce que la révision
judiciaire sur la
constitutionnalité de la Loi sur les services essentiels
dans les foyers de soins soit complétée. Il s'agit
d'un autre processus juridique qui est mené de manière
parallèle au premier sur l'ordonnance. La juge a statué
qu'en attendant que cette question soit résolue, on nous
reconnaîtrait un droit de grève ordinaire en vertu de la Loi
sur
les
relations
industrielles qui est la loi en vigueur pour tout le
secteur privé. Les foyers de soins sont considérés
commé appartenant au secteur privé, donc cette loi
s'appliquerait à eux. Le gouvernement a immédiatement
fait appel du jugement, et c'est cet appel qui va être entendu
cette semaine.
La situation est
très judiciarisée en ce moment et la question des droits
constitutionnels des travailleurs est comme suspendue. Il me semble que
tout délai dans la justice est un déni de justice. Notre
situation est très judiciarisée alors qu'on parle ici de
droits fondamentaux. Le droit de grève est un droit
constitutionnel protégé par
l'article 2 sur le droit d'association de la Charte canadienne
des droits et libertés, et cependant les gouvernements
s'essaient à chaque fois de mettre en place une nouvelle loi qui
vient nier ce droit. Celle-ci pourra être éventuellement
renversée par la cour mais cela prend des années et
pendant ce temps les travailleurs sont privés d'une
nouvelle convention collective. Ce sont des années pendant
lesquelles on n'améliore pas les conditions de travail pour ces
gens-là qui oeuvrent dans le système. Ce sont des gens
qui vont peut-être prendre leur retraite et qui ne verront
peut-être même pas la fin de ce règlement-là.
Dans ces conditions, notre syndicat a dit que si vous
nous avez enlevé le droit légal de faire la grève,
et qu'on sera pris pendant un bon moment devant les tribunaux, alors
allons chercher l'arbitrage exécutoire. Nous avons
demandé l'arbitrage exécutoire comme une sorte de moyen
compensatoire pour débloquer la situation. Le gouvernement
provincial a dit non. Il a dit qu'on pourrait faire un arbitrage, mais
avec restriction. La restriction est qu'il ne pourrait pas y avoir de
hausse salariale de plus de 1 %. Nous ne sommes pas plus
avancés avec un arbitrage exécutoire s'il comprend cette
restriction imposée par le gouvernement. Nous sommes confiants
qu'un arbitre qui
serait impartial serait capable de voir l'injustice qui existe dans les
foyers de soins, qu'il serait capable de dire que 1 %
d'augmentation est en dessous de la hausse du coût de la vie . Le
gouvernement s'acharne à dire que l'augmentation salariale doit
être de 1 % par année pour un contrat de 4
ans. Notre
revendication est que la hausse salariale soit au moins au-dessus de la
hausse du coût de la vie. L'objectif salarial est de faire des
gains salariaux et non de reculer. C'est essentiel pour la
rétention et l'attraction du personnel.
Chaque semaine perdue est un tort causé aux
travailleurs. On parle d'un contrat de quatre ans et cela fait
déjà près de 30 mois qu'on négocie. La
convention est terminée depuis octobre 2016.
FO : Lors de la manifestation
du 12 avril, il y avait aussi des infirmières, des
paramédics et d'autres travailleurs et travailleuses du secteur
public. Qu'est-ce qu'ils exprimaient par leur participation ?
SO : Tout le monde est en
solidarité avec cette cause. Dans ces actions, ce sont surtout
des gens en ce moment qui sont représentés par le SCFP.
Il y a une grande solidarité à l'intérieur du
syndicat. En même temps, nous invitons tous les travailleurs
à participer. Les travailleurs comprennent que si on donne la
claque à
un, le gouvernement va vouloir faire la même chose à tout
le monde. Si le gouvernement est capable de refuser à des femmes
et des hommes qui prennent soin des personnes les plus
vulnérables une hausse de salaire qui va au-delà du
coût de la vie, il peut faire la même chose à tous
les travailleurs et à toutes les travailleuses du secteur
public. Si
le gouvernement peut tenir la ligne dure contre le personnel soignant,
il ne va pas agir différemment envers le reste du personnel du
secteur
public.
Les travailleurs des foyers de soins
recommandent au ministre de
marcher un kilomètre et demi avec leurs chaussures usées
par la surcharge de travail.
|
En ce moment, les négociations sont au point
mort. Le gouvernement progressiste-conservateur, comme le gouvernement
libéral précédent, met de l'avant une vision
classique néolibérale et un programme
d'austérité habituel, avec des compressions salariales et
un sous-financement chronique du secteur public en vue d'une
privatisation
éventuelle à plus long terme. On peut voir que depuis la
crise de 2008 il n'y a pas eu de reprise économique au
niveau du pouvoir d'achat des gens du Nouveau-Brunswick. Le
gouvernement provincial voit ses revenus faiblir, voit l'investissement
du secteur privé faiblir. Le gouvernement a une vision
réductrice de ce qui fait tourner
l'économie du Nouveau-Brunswick. Dans sa tête, c'est
l'investissement privé qui compte, c'est tout. Sa logique est
que si l'investissement privé a chuté, il faut couper
dans les dépenses publiques.
C'est un mandat que le gouvernement s'est donné
à l'interne, que les négociations avec les
infirmières, les chauffeurs d'autobus, les employés
d'hôpitaux, etc, doivent tourner autour du 1 %.
Nous espérons que la situation va
débloquer. Nous voulons retrouver le droit de grève. En
même temps, il n'y a personne qui veut une grève dans les
foyers de soins. Nous ne voulons pas de grève mais un contrat
acceptable, avec des conditions de travail justes et stables afin
d'avoir le personnel qu'il faut pour prendre soin des gens. Le
gouvernement a beau faire l'autruche et vouloir tenir la ligne dure sur
les salaires, cela ne fera pas disparaître son problème de
rétention du personnel.
Lettre à la rédaction
Cher Forum ouvrier,
Une affiche produite par Alcoa en 1943
|
J'ai lu avec intérêt les articles
récents sur la lutte des travailleurs d'ABI à
Bécancour, au Québec, contre le propriétaire de
l'entreprise, Alcoa, et les autres activités
antiouvrières qu'Alcoa a entreprises ailleurs dans son empire
mondial. Il est instructif de regarder l'histoire d'Alcoa, où
l'on voit qu'elle a toujours agi pour servir des intérêts
privés,
voire réactionnaires, étroits, au détriment du
bien-être des travailleurs. Confrontés à un tel
monopole sans principes, les travailleurs doivent rester convaincus de
la justesse de leur cause et du fait qu'ils doivent compter sur
eux-mêmes et sur le soutien croissant des travailleurs du Canada
et du monde entier pour que leur lutte l'emporte.
La création en 1889 de la Pittsburgh
Reduction Company (PRC) par Hunt, Clapp et Davis pour raffiner le
minerai d'aluminium selon la méthode de Charles Hall, un nouveau
procédé de réduction d'aluminium, a
été principalement financée par les Mellon, une
famille ultra-riche. Le banquier Andrew Mellon était le
secrétaire au Trésor américain. Parmi les
investissements
lucratifs de la famille Mellon, il y avait Gulf Oil ainsi que US Steel
et Westinghouse.
En 1907, la PRC a été
rebaptisée l'Aluminium Corporation of America (Alcoa). L'Alcan a
été créée par la PRC (Alcoa) en 1902
à Shawinigan, au Québec, et portait alors le nom de
Northern Aluminium Company qui entendait exploiter le vaste potentiel
des ressources hydroélectriques du Québec. Un membre de
la famille Davis a
été nommé PDG des deux compagnies, Alcoa et Alcan,
exposant ainsi le lien entre les deux,
un fait qu'ont nié les deux compagnies afin d'éviter
d'être accusées de transgresser les lois anti-monopoles.
Les investissements des Mellon dans les deux compagnies
ont donné à la famille — ainsi qu'aux Davis - le
contrôle d'Alcoa et d'Alcan, et, à toutes fins pratiques,
le monopole de la production d'aluminium. Ce contrôle a servi au
cours des années à consolider la domination sur toute
l'industrie de l'aluminium et à générer
d'énormes profits. La
fortune des Mellon a continué d'accroître jusqu'à
ce jour et lorsque Arthur Vining Davis est mort, il était le
troisième homme le plus riche en Amérique.
Alcoa fut l'un des monopoles américains à
avoir collaboré avec l'Allemagne nazie. Avec son monopole de
l'aluminium, avant et après la Deuxième Guerre mondiale,
Alcoa a veillé à ce que l'Allemagne nazie ait un
approvisionnement illimité d'aluminium pour la fabrication de
ses armements, les avions par exemple, tandis que l'Amérique
souffrait de pénuries massives. En juin 1941, Harold Ickes, le
secrétaire de l'Intérieur des États-Unis, a
déclaré : « Si l'Amérique perd cette
guerre, elle pourra remercier l'Aluminium Corporation of
America. »
Au cours des années, Alcoa/Alcan n'a eu qu'un
seul rival digne de ce nom dans le domaine du raffinement de
l'aluminium, et c'est Reynolds Aluminium, créé
en 1910 par la famille de Reynolds Tobacco. Alcoa a acquis
Reynolds en l'an 2000. En 2007, le monopole Rio Tinto,
contrôlé par les Rothschild, a acquis l'Alcan
suite à une entente d'une valeur de 38 milliards de dollars
US.
Un lecteur d'Edmonton
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