Les travailleurs de la fonderie Brunswick s’opposent aux demandes de concessions de Glencore
– Entrevue avec Bart Dempsey, président de la section locale 7085 du Syndicat des Métallos –
Les travailleurs de la fonderie de Glencore à Belledune, au Nouveau-Brunswick, entament maintenant leur sixième mois de lockout. La compagnie a mis les travailleurs en lockout le matin du 24 avril, alors qu’ils se préparaient à déclencher la grève en début de soirée le même jour pour faire échec aux demandes de concessions. La compagnie a obtenu des ordonnances de la cour qui limitent grandement la capacité de tenir des lignes de piquetage solides. Depuis le début du lockout, Glencore a recours à des scabs pour faire fonctionner l’usine. Les travailleurs continuent de réclamer des négociations et de s’opposer au diktat et de demander que Glencore retire ses demandes de concessions. Voici le texte d’une entrevue avec Bart Dempsey, le président de la section locale 7085 du Syndicat des Métallos, qui représente les travailleurs de la fonderie.
Le Renouveau : Peux-tu nous dire combien de personnes travaillent à la fonderie et qu’est-ce qui est produit ?
Bart Dempsey : Il y a 281 travailleurs à la fonderie. C’est une fonderie de plomb et nos membres travaillent avec des métaux en fusion, du plomb, du cuivre, du zinc et de l’argent. La fonderie, qui fonctionne 24 heures par jour, comprend une usine d’acide, un haut fourneau, une usine d’agglomération et une raffinerie.
LR : Les travailleurs de la raffinerie sont en lockout depuis le 24 avril. Quels sont les enjeux principaux et les derniers développements ?
BD : L’enjeu principal est la demande de la compagnie d’éliminer deux positions syndicales à temps plein qui sont présentement payées par la compagnie. La question en jeu est la représentation de nos travailleurs, leur voix, que la compagnie veut éliminer. (Voir l’article ci-dessous sur les demandes de concessions de Glencore.)
Nous avons tenu des négociations anticipées à la requête de la compagnie en avril 2018. À ce moment-là, aucune de ces concessions, sur le régime de retraite, les deux positions syndicales, et le régime de retraite n’était sur la table. Une fois que nous avons montré notre désaccord avec l’offre de la compagnie en 2018, elle nous a frappés avec ces concessions. Essentiellement, la compagnie veut en finir avec la représentation syndicale. Elle dit qu’elle ne veut pas éliminer la représentation, qu’elle veut simplement cesser de payer pour les bureaux des deux représentants syndicaux. Ce n’est pas possible de représenter les travailleurs sans avoir des bureaux dans l’usine.
Nous avons participé à des élections anticipées en 2018 mais elles n’ont rien donné. Nous avons tenu des négociations régulières en janvier 2019. Nous avons négocié pendant environ 30 jours, et quand nous avons abordé les questions monétaires, un médiateur a été nommé. La compagnie n’a pas cessé depuis d’essayer d’éliminer nos bureaux payés par elle ; elle veut éliminer le programme de retraite anticipée ; elle veut attaquer l’ancienneté en ce qui concerne les vacances. Alors que près de 75 % de nos travailleurs ont maintenant un nouveau régime de retraite, la compagnie ne leur offre rien. Nous avons par la suite négocié pendant environ 30 jours et rencontré le médiateur deux fois, mais rien n’a bougé.
À la demande du médiateur, nous avons présenté une nouvelle offre il y a environ un mois de cela. Nous en avons retiré certaines revendications visant à améliorer nos conditions. Par contre, nous avons maintenu dans cette offre tout ce que nous sommes déterminés à préserver.
Le 18 septembre, la compagnie nous a fait une nouvelle offre. Cette offre maintient la demande d’éliminer les deux bureaux syndicaux et de limiter la représentation syndicale. La compagnie a fait quelques changements sur la question du régime de retraite et de la retraite anticipée, mais elle le fait dans le but de nous faire accepter en contrepartie ses demandes sur les bureaux et la représentation syndicale, ce que les travailleurs rejettent toujours. Selon Glencore, nous devons faire notre travail syndical en dehors des heures de travail. L’enjeu central demeure la tentative de briser le syndicat. Nous avons tenu une assemblée générale des membres le 20 septembre. Nous avons 281 membres, et une grande partie d’entre eux sont allés trouver de l’emploi ailleurs. Nous étions tout de même 160 personnes à l’assemblée, ce qui est très bon compte tenu des circonstances. Nous avons demandé à nos membres s’ils voulaient tenir un vote sur la nouvelle offre. Ils ont voté à 150 contre 10 pour ne pas voter sur l’offre. En fait, nous avons voté sur cette même offre trois fois et à chaque fois elle a été rejetée massivement.
À la suite de ce vote, nous avons présenté à la compagnie la même offre que nous avions présentée il y a environ un mois. Nous attendons la réponse de la compagnie.
LR : Les travailleurs de la fonderie et leurs alliés ont organisé plusieurs actions pour dénoncer le lockout de Glencore.
BD : Oui, nous avons organisé au moins trois lignes de piquetage d’information devant les entreprises qui envoient des scabs travailler à la fonderie depuis le début du lockout. Nous avons organisé un rassemblement et nous avons beaucoup apprécié qu’une section locale nous ait donné 10 000 $ pour que nous puissions acheter des fournitures scolaires aux enfants et fournir des certificats-cadeaux pour acheter des fournitures. Nous avons reçu beaucoup d’appui et nous en sommes très reconnaissants, et l’appui continue d’affluer. Chaque semaine, nous recevons de l’appui des différentes sections locales.
LR : Vous recevez aussi beaucoup d’appui de la communauté.
BD : En effet. De nombreux magasins de la communauté ont mis des affiches dans leurs vitrines demandant la fin du lockout. Ils se prononcent contre le lockout. Des stations de radio nous ont contactés et nous avons fait passer des annonces dans les stations de radio qui expliquent notre situation. Nous recevons beaucoup d’appui et nous en sommes très heureux.
Belledune est une petite communauté située près de la Baie des Chaleurs. La fonderie de Glencore est très probablement le plus gros employeur de la région, avec Énergie NB.
Nous sommes une petite communauté. Tout le monde se connaît. Nos travailleurs proviennent d’un rayon qui va de l’ensemble de la Péninsule acadienne à Edmundston. Tout le monde est au courant de ce qui se passe.
C’est comme à chaque dispute. Il y a toujours des gens qui vous appuient et d’autres non. Nous tenons à dire que nous ne nous battons pas pour de l’argent. L’argent n’a jamais été un enjeu dans ce conflit.
Les enjeux principaux sont la santé et la sécurité des travailleurs et de la communauté et la représentation syndicale.
En ce moment, la compagnie essaie de faire fonctionner la fonderie avec des scabs et c’est le chaos total. Vous pouvez voir le smog qui s’échappe de l’usine. Ce ne sont pas les bonnes personnes qui font fonctionner la fonderie. Cela cause une augmentation de pollution qui ne devrait pas exister. La compagnie doit régler le conflit. Elle doit le résoudre, pour que nous puissions retourner au travail.
LR : Veux-tu dire quelque chose en conclusion ?
BD : Dès le début, nous savions que Glencore nous rendrait la vie difficile. Nous nous sommes préparés à tenir aussi longtemps que prévu. Nous voulons retourner au travail, mais la santé et la sécurité doivent avoir leur place dans la fonderie. Nos travailleurs doivent être représentés. Nous devons préserver le programme de retraite anticipée. Chaque fois que nous disons que la compagnie essaie de nous enlever les bureaux syndicaux à la fonderie, elle dit que nous sommes la seule usine du Nouveau-Brunswick qui en possède. Peut-être, mais il n’y a pas d’autre fonderie de plomb au Nouveau-Brunswick. Dans une fonderie de plomb, nous travaillons constamment avec des produits cancérigènes, des produits chimiques et des réactifs. La santé et la sécurité doivent avoir leur place à la fonderie.
Je tiens à vous remercier de votre appui. Je vous souhaite bonne chance dans les élections, dans le travail que vous faites. Nous allons rester en contact et vous garder informés de ce qui se passe.
LR : Merci beaucoup. Tout le succès possible dans votre lutte, qui est notre lutte à tous.
Note
Pour plus d’information sur la lutte des travailleurs de la fonderie Glencore, voir les articles suivants de Forum ouvrier :
« Grève à la fonderie Brunswick de Glencore-Les travailleurs défendent leurs droits et dignité » – Forum ouvrier, le 2 mai 2019
« La lutte contre les demandes de concessions antiouvrières de Glencore se poursuit » – Forum ouvrier, le 2 mai 2019
« Les travailleurs exigent le retrait des demandes irresponsables de concessions »- Forum ouvrier, le 16 mai 2019
« Vigoureux rassemblement de masse des Métallos et de leurs alliés en appui aux travailleurs de Glencore à Belledune » –Forum ouvrier, le 6 juin 2019
(Photo: USW District 6)