Numéro 58 - 16 septembre 2020

Discussion sur l'économie

La théorie monétaire moderne:
du keynésianisme réchauffé

Des archives du Marxiste-Léniniste
Évoquer le fantôme keynésien pour faire dérailler le mouvement ouvrier

- K.C. Adams -

Keynes dans ses propres mots



Discussion sur l'économie

La théorie monétaire moderne:
du keynésianisme réchauffé

LML présente une critique de la théorie monétaire moderne (TMM) telle qu'énoncée dans l'article « Déficits budgétaires, théorie monétaire moderne et politiques économiques progressistes » de Andrew Jackson (14 juillet 2020). Andrew Jackson est l'ancien économiste principal du Congrès du travail du Canada et le conseiller politique principal de l'Institut Broadbent.

La TMM est aujourd'hui un sujet en vogue, car on cherche des arguments pour appuyer les changements de politique budgétaire pour sauver les riches de la crise qui résulte de la baisse tendancielle du taux de profit.

La critique présente des extraits choisis de l'article de Jackson sur la « théorie monétaire moderne » avec des commentaires entre parenthèses doubles. L'article au complet (en anglais) est disponible ici.

***

La TMM est une appellation un peu impropre. Loin d'être « moderne », elle s'inspire largement des théories monétaires développées dans les années 1930 par John Maynard Keynes, et depuis lors, par les économistes keynésiens de gauche qui rejettent l'orthodoxie autour des finances et l'idée que les budgets gouvernementaux devraient (presque) toujours être équilibrés, que les déficits sont un frein à l'investissement privé qui devrait être le moteur de l'économie, que la politique monétaire (variations des taux d'intérêt) par opposition aux politiques budgétaires (variations des dépenses publiques) devrait être le principal outil des politiques pour gérer les fluctuations de l'économie et que l'investissement privé est plus productif que les dépenses publiques.

La proposition centrale de la TMM est qu'un État qui contrôle sa propre monnaie peut facilement financer les déficits budgétaires (résultant d'augmentations des dépenses ou de réductions d'impôts) à un coût faible ou nul par la création monétaire et le financement direct des dépenses du gouvernement par la banque centrale.

((La « proposition centrale » élimine tous les pays sauf les plus puissants de toute considération. Même ceux qui n'ont pas leur propre monnaie dans une monnaie commune telle que la zone euro sont traités de manière inégale. Comparons la situation de la Grèce avec celle de l'Allemagne ou de la France. La Grèce n'a pas été en mesure de « financer facilement les déficits budgétaires » en utilisant l'euro et a terriblement souffert. La Grèce est sous la domination des grandes puissances européennes et de l'impérialisme américain. Elle n'a pas la possibilité d'agir indépendamment selon ses propres intérêts.

Même un grand pays développé comme l'Argentine avec sa propre monnaie est constamment attaqué, car son énorme dette publique est libellée en devises étrangères (principalement le dollar américain, mais aussi l'euro et le yen).

La « proposition centrale » ignore le monde réel de l'hégémonie du dollar américain soutenue par les forces armées des États-Unis, qui donne à l'impérialisme américain une arme puissante pour amener les autres sous son contrôle.))

Contrairement aux ménages ou aux entreprises, les gouvernements qui disposent de leur propre monnaie et de leur propre banque centrale ne peuvent jamais faire faillite, car ils peuvent toujours créer de l'argent pour financer les déficits ou rembourser les dettes.

((Une telle déclaration est habitée par l'idéalisme, à la limite du mysticisme. Cela évoque l'idée que quelque chose qui n'est pas produit peut être consommé. Sans les travailleurs qui produisent une nouvelle valeur en tant que biens et services, le pays n'a pas de nouvelle valeur à consommer à moins qu'il ne vole les autres. Le concept selon lequel « une banque centrale ne peut jamais faire faillite parce qu'elle peut toujours créer de l'argent pour financer les déficits ou pour rembourser les dettes » nie la réalité selon laquelle le facteur humain, la classe ouvrière, doit intervenir et agir sur les moyens de production si un bien ou service doit être produit et consommé. Comment une nation ou un peuple organise-t-il cette réalité et dans quel but sont des enjeux cruciaux.

L'argent peut représenter un produit social qui a été produit. Il peut représenter une production potentielle, mais le potentiel doit devenir réel sinon la relation s'effondre.

Des affirmations telles que « ne peuvent jamais faire faillite » sont utilisées comme une diversion pour empêcher les gens de faire face aux problèmes tels qu'ils se posent.))

La seule véritable contrainte aux dépenses publiques des pays ayant une souveraineté monétaire est la capacité de production réelle. Trop de financement déficitaire cumulé par des dépenses publiques ou des réductions des impôts dans une économie de plein emploi augmentera l'inflation.

((Aucune économie impérialiste n'a jamais atteint le « plein emploi ». Le plus près qu'un pays impérialiste se soit approché du plein emploi c'est par la mobilisation militaire totale pour mener une grande guerre. Dans ce cas, un grand nombre de travailleurs ne sont pas engagés dans la création d'un produit social, mais dans sa destruction par la guerre et beaucoup de ceux qui travaillent produisent du matériel de guerre.

Selon les impérialistes, le plein emploi donnerait trop de pouvoir à la classe ouvrière qui serait alors en position d'accroître ses réclamations sur la valeur nouvelle qu'elle produit. Le plein emploi détruirait le marché du travail impérialiste ou du moins le rendrait impuissant à contrôler la classe ouvrière.

De plus, la « souveraineté monétaire » ne peut exister qu'à l'intérieur d'un pays souverain. Aucun pays, y compris le Canada, dans le système impérialiste d'États sous contrôle des États-Unis n'est indépendant ou souverain. Ce manque de souveraineté inclut le manque de contrôle sur sa masse monétaire ou sa devise.

Ces expressions « plein emploi » et « souveraineté monétaire » sont brandis pour émousser l'esprit et le rendre incapable d'analyser les conditions concrètes.))

Le Canada et de nombreux autres pays ont de la monnaie « fiduciaire » qui peut être créée par les banques centrales « d'un simple coup de crayon ».

((Oui, le Canada a une monnaie fiduciaire, mais cette devise fiduciaire sert les oligarques mondiaux au pouvoir. Si cela sert les oligarques de créer de l'argent « d'un simple coup de crayon », ils le feront, comme Trudeau l'a démontré avec son déficit de plus de 350 milliards de dollars pour l'exercice financier en cours.))

Les banques centrales peuvent et développent la base monétaire.

((La banque centrale des États-Unis, la Réserve fédérale américaine, est un cartel de banques privées qui agit sous leurs ordres. La banque centrale du Canada est une institution de l'État sous le contrôle des oligarques avec des dirigeants soigneusement choisis pour servir leurs intérêts privés et payer les riches.))

En temps normal, la plus grande partie de la nouvelle monnaie est créée par le système bancaire privé sous forme de prêts plutôt que directement par la banque centrale pour financer les opérations du gouvernement.

((Les crises économiques récurrentes pourraient également être qualifiées de « normales », car elles surviennent normalement avec régularité. Pendant une crise, les oligarques qui rivalisent sont à couteaux tirés avec encore plus de férocité que d'habitude, et les prêts et emprunts « normaux » sont gelés. La banque centrale intervient avec des « liquidités » « d'un simple coup de crayon » pour sauver la situation des oligarques, du moins ceux qui sont les mieux placés pour traverser la tempête ou même augmenter leur force et leur richesse comme l'ont fait certains oligarques pendant cette crise, c'est-à-dire la « sale douzaine » - les 12 individus très riches aux États-Unis qui ont augmenté leur richesse personnelle de plusieurs fois pendant la pandémie.

La TMM conteste à juste titre l'idée orthodoxe selon laquelle les budgets gouvernementaux devraient être équilibrés et que les déficits ne devraient être encourus que pour lutter contre de profondes dépressions lorsque les taux d'intérêt bas ne fonctionnent plus. Comme l'a soutenu Keynes dans les années 30, les déficits n'évinceront pas l'épargne et l'investissement privé si l'économie fonctionne en dessous de sa capacité.

((Pourquoi un Canadien devrait-il se préoccuper d'évincer l'investissement privé, même dans le meilleur des cas ? Quel problème de société a résolu l'investissement privé ? A-t-il résolu la question du logement, notamment l'itinérance, la pauvreté, les inégalités, etc. ? A-t-il résolu la question de la guerre et de la paix ? Si les problèmes doivent être résolus, alors le peuple doit avoir le contrôle, le pouvoir et les moyens de le faire et, sous l'impérialisme, cela signifie revendiquer ce qui appartient de plein droit au peuple, même si cela veut dire de prendre la place de l'épargne et des investissements privés des oligarques.

Pour la classe ouvrière, cela signifie résoudre le problème de son rapport social oppresseur et inégal avec ceux qui achètent sa capacité de travail et créer un nouveau rapport social entre les travailleurs eux-mêmes. Cela signifie prendre part à une nouvelle direction prosociale de l'économie et s'engager dans le renouveau démocratique où les membres du corps politique sont vraiment égaux et peuvent exercer un contrôle sur les affaires économiques, politiques et sociales qui touchent leur vie.))

Les investissements publics financés par les déficits et la dette peuvent créer une économie et des infrastructures plus robustes, ce qui laisse aux générations futures davantage de richesses et plus d'opportunités.

((Mais sous le contrôle impérialiste, « une économie et des infrastructures publiques robustes » deviennent une cible de choix pour la privatisation, en particulier lorsque les autres occasions d'investissement privé se font rares, que le taux de profit a diminué avec la productivité et que les stratagèmes pour payer les riches qui font appel aux fonds publics sont devenus une « nécessité » pour tout investissement privé de toute taille.))

Keynes, contrairement à l'aile « keynésienne bâtarde » de l'économie traditionnelle, attendait avec impatience le jour où l'économie serait mue par des investissements publics productifs sans que l'État n'ait besoin d'emprunter aux rentiers qui vivent des revenus d'intérêts.

((De toute évidence, les keynésiens ne sont pas d'accord entre eux sur la question de savoir si Keynes attendait avec impatience un tel jour ou peut-être que c'était simplement de la propagande pour tromper les crédules. Une économie « mue par des investissements publics productifs » devrait être sous le contrôle des producteurs réels et capable de se défendre contre les maraudeurs impérialistes sinon elle ne durerait pas longtemps. Beaucoup en Amérique latine et dans les Caraïbes rêvent d'une économie « mue par des investissements publics productifs », mais sont confrontés à la dure réalité de se défendre contre l'agression impérialiste pour que leur rêve devienne réalité.

L'autre aspect de cela est le fait que l'économie impérialiste est depuis longtemps reconnue comme ayant sombré dans le parasitisme et la putréfaction. L'économie est plus caractérisée par des investissements improductifs et la guerre qu'autre chose. L'auteur le reconnaît lui-même lorsqu'il parle des liquidités supplémentaires obtenues par les impérialistes grâce aux réductions d'impôts et à d'autres stratagèmes pour payer les riches qui sont utilisées de manière improductive tels que les rachats d'actions à la bourse et l'augmentation des dividendes.

Certaines personnes refusent de voir le monde tel qu'il est parce qu'elles ne veulent pas faire face à la nécessité d'une nouvelle direction et participer à l'élaboration de ce à quoi cette direction ressemblera ou devrait être, ce qui signifie affronter les impérialistes et faire face à leur colère et à leurs contre-attaques.))

Les idées clés de la TMM ne sont pas tant modernes qu'un retour au Keynes radical et à la tradition keynésienne de gauche.

Les deux soutiennent que la politique conventionnelle aboutit à des économies qui fonctionnent bien en dessous de leur capacité la plupart du temps, et tous deux rejettent l'opinion générale selon laquelle la macro-économie devrait être principalement gérée par une politique monétaire plutôt que budgétaire.

Aujourd'hui ... la Banque du Canada imprime des milliards de dollars pour acheter des obligations gouvernementales afin de faire baisser les taux d'intérêt.

Pour la première fois, ils sont allés au-delà de « l'assouplissement quantitatif » - l'achat d'obligations gouvernementales sur les marchés secondaires pour abaisser les taux d'intérêt - pour acheter directement des obligations gouvernementales.

Ils appuient les dépenses déficitaires massives des gouvernements fédéral et provinciaux. La Banque n'approuve peut-être pas ouvertement la TMM en soi, mais elle agit sur cette base et démontre que l'État peut en effet toujours payer pour ce qui doit être fait.

Tous les types d'économistes et de décideurs orthodoxes ont temporairement admis qu'une augmentation massive des dépenses publiques peut et doit être entreprise sans augmenter les impôts et presque sans tenir compte du déficit et de la dette.

La question clé est de savoir combien de temps cela peut durer.

((Pourquoi est-ce que ça doit être la question clé ? La question clé ne devrait-elle pas être qui contrôle l'économie, dans l'intérêt de qui et dans quel but ? Les impérialistes sont désespérés à sauver leur peau et dépensent des sommes énormes à faire cela. Déjà les groupes de réflexion et les médias impérialistes sont devenus les prophètes du malheur quant aux augmentations d'impôts à venir et les privations à imposer au peuple.

Pourquoi ne pas simplement admettre que la crise a accru les efforts de tous les oligopoles dans les cartels et les coalitions pour tout contrôler, à commencer par les institutions étatiques de chaque pays et leurs gouvernements ? Ils feront tout pour protéger leurs intérêts privés.

Ils s'entre-déchirent sur la façon de procéder, le plus décidément ou le plus ouvertement aux États-Unis, ainsi qu'à l'échelle internationale avec la Chine et la Russie. Comment les impérialistes et les centres établis font-ils face aux nouveaux venus et aux concurrents qui se multiplient en Asie et dans une moindre mesure en Russie ? La guerre mondiale est un grave danger si les peuples ne mettent pas sur pied des gouvernements antiguerre. Refuser de reconnaître les dangers n'aide pas le peuple à s'organiser pour défendre les droits de tous et de toute, à humaniser l'environnement naturel et social et faire du Canada une zone de paix.))

Stephanie Kelton [la principale économiste/professeur américaine qui fait la promotion de la TMM, ou plutôt promue en tant que telle, était une conseillère de Bernie Sanders et fait maintenant partie de l'entourage de Biden - note de la rédaction du LML] demande des niveaux beaucoup plus élevés d'investissement et de dépenses publiques pour faire face à un large éventail de maux sociaux, financés directement par la banque centrale, sur une base d'urgence continue plutôt que ponctuelle. Tout cela a naturellement séduit les progressistes.

Tant que nous avons une faible inflation et un ralentissement économique, il est peu probable que la Banque du Canada change de cap et soutienne des dépenses gouvernementales massives pour faire face à la crise.

Elle donnera à la politique budgétaire la latitude nécessaire pour stimuler la relance en pleine reconnaissance du fait que même des taux d'intérêt proches de zéro ne suffisent pas pour faire face à la crise. Mais, dans l'état actuel des choses, elle contrôle toujours fondamentalement la politique monétaire.

La TMM n'a rien à dire sur ce sujet, rappelant simplement que les gouvernements peuvent fixer le taux d'intérêt. Cela soulève la question de savoir qui contrôle réellement les taux d'intérêt et dans l'intérêt de qui.

En remontant au moins aux années 1970, la Banque du Canada ... a généralement choisi d'accepter un certain ralentissement de l'économie afin de discipliner les travailleurs et maintenir une inflation faible et stable.

((Dire que la Banque du Canada a de manière générale choisi d'accepter un certain ralentissement de l'économie est vraiment une description complaisante du chômage, de l'insécurité, de la pauvreté, de la guerre, du refus de s'attaquer aux problèmes sociaux et de les résoudre et des attaques directes de l'offensive antisociale contre des droits des travailleurs. Le mouvement de la classe ouvrière est depuis longtemps en recul sous les coups des attaques contre les droits des travailleurs, les pensions et les autres programmes sociaux, la détérioration des conditions de travail due au travail contractuel, au travail à temps partiel et maintenant au secteur de l'économie à la tâche, à la privatisation, à l'expansion de l'économie de guerre et à la multiplication des stratagèmes pour payer les riches, à la destruction de tout semblant d'indépendance des pays avec les accords de libre-échange et la mondialisation impérialiste ainsi qu'à l'intégration des organes/structures et réglementations de l'État à ceux de l'économie de guerre et de la sécurité intérieure des États-Unis.))

La pensée conventionnelle a mis l'accent sur la fixation de taux d'intérêt bas dans une économie qui fonctionne en dessous de ses capacités, comme cela a été le cas lors de la lente reprise après la crise financière mondiale.

Mais cela, comme le soutient Kelton, a grugé les dépenses publiques tout en alimentant la croissance destructrice et insoutenable de l'endettement des ménages et des entreprises, et en alimentant l'inflation des prix des actifs qui a considérablement accru les inégalités des revenus et de la richesse.

((Note : L'économie impérialiste décrit l'inflation des prix des actifs comme une hausse du prix des actifs par rapport aux biens de consommation et aux services. Les actifs typiques sont les instruments financiers comme les obligations, les actions et leurs produits financiers dérivés, ainsi que les biens immobiliers et les moyens de production, en particulier les matières premières ou les produits de base, comme les impérialistes aiment les appeler. Tous ces actifs sont achetés et vendus à plusieurs reprises. Il s'agit d'un échange continu de valeur déjà produite, et dans de nombreux cas, comme pour les contrats à terme de marchandises et le marché boursier, sans aucune production. Cela pourrait être qualifié de valeur fictive. L'économie impérialiste ne se préoccupe pas de sa santé économique globale, mais seulement de la santé des concurrents individuels qui détiennent le pouvoir. Les crises économiques sont récurrentes parce que le facteur humain/conscience sociale et le but de répondre aux besoins du peuple et de la société sont empêchés de jouer leur rôle décisif et nécessaire.))

Les entreprises ont emprunté à de faibles taux pour accélérer des activités improductives comme le rachat d'actions et l'augmentation des dividendes.

La TMM souligne à juste titre que la priorité doit être donnée à la politique budgétaire plutôt qu'à la politique monétaire, sans pour autant adopter une position unique sur les dépenses des gouvernements.

Des défenseurs, comme Stephanie Kelton, sont généralement favorables à une forte augmentation des investissements publics - économie verte, éducation, infrastructures, etc., ainsi qu'une garantie d'emploi fédérale.

Ces défenseurs soutiennent également que si l'inflation devenait un problème, elle pourrait être combattue par des augmentations d'impôts sélectives sur les ménages et les entreprises, par opposition à une augmentation des taux d'intérêt qui limiterait l'investissement public et ferait augmenter les coûts connexes liés à la dette publique.

((La dette publique est contractée auprès d'investisseurs privés et, dans le cas des États-Unis, auprès de nombreux investisseurs étrangers. La dette publique des États-Unis est unique puisqu'ils peuvent emprunter pour payer ce qu'ils ont déjà emprunté et plus encore, comme pour ses forces armées, en raison de leur domination mondiale. Les pays et les peuples hésitent à défier l'autorité américaine parce que les États-Unis détruiront tout ce qu'ils ne peuvent pas contrôler.

Les emprunts que fait le gouvernement à lui-même existent en même temps que les emprunts du gouvernement à des intérêts privés. Un moratoire sur le service de la dette publique envers les prêteurs privés, l'examen de sa légitimité et l'interdiction de tout futur emprunt de ce type serait une réforme positive, mais pour mettre en oeuvre et défendre une telle réforme le peuple doit être organisé et mobilisé.))

Stephanie Kelton soutient que le soutien à la TMM devrait exister dans tout l'éventail politique, mais elle néglige le rôle des intérêts réels.

Les banques veulent conserver leur rôle central dans la création monétaire.

La TMM tend également à minimiser les contraintes structurelles réelles sur la politique macro-économique du gouvernement dans le contexte des flux de capitaux internationaux.

((« Les flux de capitaux internationaux ! » - Une manière plutôt polie de désigner l'impérialisme et la violence des intérêts privés des oligarques qui parcourent le monde à la recherche de profits maximums et d'endroits à piller. Les impérialistes n'ont aucun sens de la responsabilité sociale car cela interférerait avec leur objectif de profit maximum privé. Les pays sous la domination de l'impérialisme n'ont pas d'économies qui se développent dans tous les secteurs et qui suffisent à leurs besoins dans le cadre de projets d'édification nationale. Le pays dominé doit offrir aux impérialistes quelque chose comme certaines matières premières ou la capacité de travail bon marché de sa classe ouvrière. Dès que quelque chose perturbe négativement le rendement des investissements, les impérialistes détruisent tout et abandonnent le peuple ou attaquent ceux qu'ils accusent d'être des trouble-fêtes.))

La TMM affirme que les gouvernements peuvent contrôler le taux d'intérêt par l'intermédiaire de la banque centrale. C'est vrai dans un premier temps, mais c'est très problématique dans un monde de mobilité des capitaux si les investisseurs craignent une trop forte inflation ou une dévaluation de la monnaie.

La Banque du Canada peut garder des taux d'intérêt bas, mais elle fait face à la possibilité d'une fuite des capitaux nationaux et étrangers, ce qui ferait baisser le taux de change et alimenterait l'inflation.

((Ces commentaires signifient que les politiques fiscales ou même les politiques gouvernementales globales ne peuvent empêcher la « fuite des capitaux » si les impérialistes sentent que leurs intérêts sont menacés. Cela signifie que la question centrale est celle du contrôle. Qui contrôle l'économie et dans l'intérêt de qui ? Pour contrôler l'économie, la classe ouvrière doit contrôler la politique, car la politique est l'expression concentrée de l'économie. Pour contrôler la fuite des capitaux, il faut contrôler l'économie dans l'intérêt public et contrôler la valeur qui entre et sort de l'économie. Cela signifie renforcer l'indépendance et l'autonomie de l'économie par une reproduction élargie. Cela exige de contrôler la valeur nouvelle et la manière dont elle est distribuée. Cela exige le renouveau démocratique et que les travailleurs se saisissent du pouvoir de décision politique, sinon les impérialistes continueront à dominer.))

Ce point est écarté par les défenseurs de la TMM, qui parlent principalement des États-Unis, qui contrôlent la monnaie de réserve mondiale et se trouvent donc dans une situation unique.

De nombreuses banques centrales étrangères de pays excédentaires tels que la Chine et le Japon possèdent d'énormes réserves d'obligations américaines qu'elles hésiteraient à vendre rapidement car cela ferait augmenter leur propre taux de change, entraînerait d'importantes pertes d'actifs papier et provoquerait une perturbation majeure du système financier mondial....

La capacité des marchés obligataires à punir les petits pays où les niveaux d'endettement public sont élevés et qui ont une inflation menaçante ne peut être écartée.

((L'exemple de l'Argentine vient à l'esprit. Une grande partie de l'énorme dette publique de ce pays est en devises étrangères (dollar américain, euro et yen), contrairement au Canada où seul un faible pourcentage est en devises étrangères. Mais la dette publique du Canada est principalement détenue par des « investisseurs institutionnels » qui sont liés à l'impérialisme américain. Le Canada est tout aussi vulnérable à la « punition » par les marchés obligataires si le gouvernement fait quoi que ce soit qui contrarie les impérialistes. Cette possibilité ne peut être écartée ou ignorée et doit être prise en compte politiquement. Le peuple doit être mobilisé politiquement et organisé pour lutter pour défendre ses intérêts, sinon rien ne changera et les impérialistes continueront à nous entraîner tous, privés de conscience, vers le désastre.))

Keynes soutenait que les pays ne pouvaient contrôler les taux d'intérêt que si les devises étaient réglementées et que s'il y avait des contrôles de la circulation de capitaux internationaux.

((Qui contrôle ces flux à partir d'où et vers où ? L'investissement international des richesses accumulées est primordial pour l'impérialisme et il est inséparable de sa soif de matières premières bon marché, de travailleurs à exploiter et d'endroits à piller et à contrôler. Lorsque la jeune Union soviétique a coupé un cinquième du monde des investissements et du pillage impérialistes, cela a gravement affaibli l'impérialisme et a été la raison principale pour laquelle l'impérialisme était déterminé à détruire l'Union soviétique par la guerre et la subversion.

Le contrôle des flux de capitaux internationaux est une illusion sans une bataille politique résolue menée par un peuple organisé et politiquement conscient, déterminé à diriger l'économie d'une manière nouvelle qui le favorise et qui contribue à l'édification de la nation et du nouveau.))

Le démantèlement des accords de Bretton Woods de l'après-guerre avait pour but de préparer le terrain pour le passage d'économies contrôlées au niveau national à un monde de flux de capitaux internationaux qui assujettissent les gouvernements.

((Exactement, et cela est devenu l'hégémonie mondiale du dollar américain et sa position en tant que monnaie de réserve impérialiste que les membres du système d'États contrôlé par l'impérialisme américain étaient obligés d'acheter et de garder en réserve. L'hégémonie du dollar est un facteur important qui favorise la mondialisation sous contrôle des États-Unis et leur contrôle du système financier international, ce qui leur permet d'imposer des sanctions et des blocus et de punir quiconque ose résister à la domination américaine.))

La TMM a raison d'affirmer que tant que l'économie fonctionne en dessous de son potentiel, nous pouvons et devons accuser d'importants déficits pour combler le fossé et répondre aux priorités des politiques publiques comme le besoin de logements abordables, le développement des soins de santé publics et la création d'une économie verte.

((L'auteur utilise l'expression « en dessous de son potentiel ». Quel est le potentiel de l'économie impérialiste ? Le potentiel se trouve dans l'économie moderne socialisée de la grande production industrielle, mais le contrôle impérialiste avec ses cartels et ses coalitions la découpe en intérêts privés étroits et concurrents. Les individus et les groupes privés concurrents, obsédés par la recherche du profit maximum pour eux-mêmes, sont tout à fait capables de s'entredéchirer et de tout détruire pour servir leurs intérêts privés étroits. Le potentiel ne peut devenir réel sans que l'économie soit sous le contrôle des producteurs réels, la classe ouvrière, avec un nouveau but de se constituer en la nation afin qu'elle serve le peuple et la société.))

Ces déficits auront le plus d'impact en termes sociaux et économiques s'ils sont utilisés pour financer des investissements publics bien choisis, par opposition à des réductions d'impôts. L'inflation ne posera probablement pas de problème.

((Pourquoi l'inflation ne posera probablement pas de problème ? Parce que la classe ouvrière a été battue et sa force organisationnelle détruite. L'inflation des prix est une arme pour contrer les augmentations de salaires et réduire les réclamations des travailleurs sur le produit social qu'ils produisent. Les prix ne sont pas stables, ils sont sous le contrôle des oligarques et au service de leurs intérêts. On peut dire avec certitude qu'alors que la classe ouvrière commence à se réorganiser, à se redresser et à revendiquer ce qui lui appartient de droit, les impérialistes riposteront par l'inflation des prix et d'autres moyens pour combattre toute augmentation importante des salaires, comme ils l'ont fait dans les années 1970.

Le contrôle des prix dans l'intérêt du peuple peut être réalisé par le contrôle public du marché de gros et l'imposition aux principaux secteurs et producteurs d'une formule moderne qui détermine les prix de production des biens et des services. Une formule moderne stipulera un taux de profit moyen et une valeur reproduite suffisante pour répondre aux besoins des travailleurs et de la société. À cela s'ajoute toutes les grandes entreprises qui paient intégralement les infrastructures qu'elles consomment dans le cadre de leurs activités (transports en commun, routes, ponts, électricité, eau, voirie, etc.))

Nous pouvons avoir d'importants déficits budgétaires en ce moment, mais pas indéfiniment, sans changements majeurs de la politique budgétaire et monétaire et de l'orientation politique. À plus long terme, nous ne pouvons pas avoir tout ce que nous voulons simplement en imprimant de l'argent.

((Nous ne pouvons pas avoir tout ce que nous voulons quand nous, les travailleurs, n'avons pas le contrôle des affaires économiques, politiques et sociales du pays).

Si nous voulons une augmentation permanente des dépenses publiques, nous devons également augmenter les impôts.

((Qu'est-il arrivé à la déclaration sur l'importance des fonds publics provenant des entreprises publiques ? L'entreprise publique est la seule source sûre de revenus publics. À cela, il faut ajouter le contrôle public du marché de gros et des prix de production régis par une formule moderne qui garantit un certain niveau de valeur reproduite individuelle et sociale (salaires, avantages et programmes sociaux au service de la population). Cela exige un contrôle politique résolu de l'économie par les travailleurs. Les impérialistes retournent toujours aux attaques contre le peuple par le biais des impôts, notamment les impôts sur les particuliers, qu'ils qualifient parfois même de progressistes.))

Si nous voulons beaucoup plus d'investissements publics, nous devrons également donner moins de priorité à la consommation privée, en particulier la consommation de luxe des riches.

((Le problème n'est pas la consommation privée, mais l'expropriation privée de la valeur nouvelle (le profit) qui vient du contrôle privé de l'économie socialisée. Les producteurs réels, la classe ouvrière, doivent mettre en avant leur but pour que l'économie soit au service du peuple et de l'édification nationale, et exercer un contrôle sur l'économie afin que leur but soit atteint.))

Si nous voulons un plus grand contrôle de notre économie, nous devons affronter le pouvoir des intérêts financiers privés.

((Comment y parvenir n'est pas discuté. Cela nécessite la construction d'un parti politique qui organise le mouvement ouvrier pour qu'il s'engage dans sa propre édification de la nation basée sur le renouveau démocratique. En se constituant en la nation, la classe ouvrière doit prendre des mesures pratiques pour prendre le contrôle de l'économie et du pays.))

La TMM, basée sur l'héritage théorique de l'économie keynésienne de gauche, nous offre une voie pour aller de l'avant, mais elle ne nous libère pas des contraintes très réelles du capitalisme.

((La voie pour aller de l'avant est celle de la libération des contraintes de l'impérialisme. Sans se libérer des contraintes de l'impérialisme, il est impossible d'aller de l'avant, il n'y a dans ce cas que les objectifs de politique vides et les paroles réchauffées de l'économie keynésienne. Même lorsqu'elles ont été créées, les politiques de l'économie keynésienne avaient comme objectif d'empêcher la classe ouvrière de se libérer des contraintes de l'impérialisme imposées à l'organisation, à la pensée et à la théorie. Aujourd'hui, elles sont promues comme une soi-disant « Troisième Voie », déjà discréditée, qui propose que le « 1 % » peut être amené à partager sa richesse avec les « 99 % » afin de renouveler le capitalisme pour le faire fonctionner. C'est le miracle que le nouveau discours du Trône et la nouvelle ministre des finances s'engagent à réaliser. Ce n'est rien d'autre qu'une promesse en l'air pour cacher les stratagèmes pour payer les riches et duper les naïfs. Leur problème est que les seuls naïfs de nos jours sont les plus hauts échelons des syndicats d'affaire qui, à cause de leurs propres intérêts privés étroits, sont tout aussi déconnectés de la réalité que le gouvernement et ses ministres avec lesquels ils espèrent rallier la classe ouvrière.))

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Des archives du Marxiste-Léniniste

Évoquer le fantôme keynésien pour faire dérailler le mouvement ouvrier

Certains ont pris l'habitude de ressusciter sporadiquement le fantôme keynésien comme moyen de détourner le mouvement ouvrier de l'analyse concrète des conditions concrètes. Il n'est pas rare d'entendre dire que la façon de régler la présente crise économique est d'exercer « des mesures keynésiennes afin de stimuler l'emploi et de solidifier le marché domestique ». Cette ordonnance se veut une alternative aux mesures néolibérales, comme si deux choix s'offraient aux peuples du monde.

À quoi cela rime-t-il en pratique ? Une formule existe-t-elle qui serait l'équivalent des « mesures keynésiennes » ? Pourquoi les mesures keynésiennes prises lors de la crise économique des années trente conviendraient-elles aujourd'hui ? De telles mesures, quelles que soient les prétentions qui s'y rattachent, ne sont pas le produit d'une analyse concrète de la situation de quelque pays que ce soit ou d'un programme axé sur l'être humain émanant de la réalité de la lutte de classe telle qu'elle se manifeste aujourd'hui.

Le néolibéralisme mondial d'aujourd'hui, avec ses méthodes électroniques et autres pour contrôler des économies entières sous l'égide de l'hégémonie militaire et économique des États-Unis, n'est pas la réalité des années trente. Aussi, présenter des « mesures keynésiennes » en tant que solution ne tient pas compte de l'application concrète de ces mesures dans les années trente et de ce qu'elles ont atteint comme objectif. Elles n'ont certainement pas mis fin à la crise, ni ont-elles empêché les grandes puissances de l'Europe, les États-Unis et le Japon de se préparer pour la guerre pour le repartage du monde.

Le fait que les néolibéraux, en commençant dans les années soixante-dix, ont attaqué les dépenses publiques pour les mégaprojets et les programmes sociaux, dépenses qu'ils identifiaient aux mesures keynésiennes, ne clarifie en rien ce que seraient ces mesures dans les circonstances actuelles et ne leur prête aucune crédibilité en tant que programme d'action axé sur l'être humain qui pourrait être d'une utilité quelconque pour le peuple dans les circonstances actuelles. Pour certains commentateurs, le Troubled Asset Relief Program (TARP) de Bush/Obama et son sauvetage du secteur financier étaient une mesure keynésienne. D'autres contestent cette assertion. D'autres individus aux États-Unis soulèvent le besoin d'un « keynésianisme militaire », c'est-à-dire, un programme par lequel on engloutirait des fonds dans les préparatifs de guerre, dans la militarisation de la vie sociale et culturelle ainsi que dans la guerre elle-même. En ce sens, nous retrouvons ce phénomène de « keynésianisme militaire » au Canada où tous les aspects de la vie sont en train d'être militarisés en tant que prix parmi tant d'autres à payer pour l'annexion toujours plus approfondie du Canada à l'Empire étasunien.

Pour l'économie des États-Unis, alors qu'une grande partie de ce qu'on appelle le complexe militaire s'étend sur plusieurs États, les dépenses publiques pour les préparatifs de guerre et pour la guerre elle-même stimulent en effet « l'emploi » et « solidifient le marché domestique ». Les défenseurs de « mesures keynésiennes » approuvent-ils les dépenses publiques pour la guerre en tant que programme positif ? Certains économistes prétendent que les dépenses militaires sont keynésiennes, mais que les dépenses faites ailleurs que dans le secteur militaire seraient deux fois plus efficaces. Une grande partie du matériel de guerre ne circule pas en tant que moyens de production ou de consommation au sein de l'économie intérieure, surtout lorsqu'il s'agit de guerres prédatrices dans des pays pauvres tels que l'Irak et l'Afghanistan où les dépenses sont concentrées dans le domaine militaire.

Lorsqu'on pense à Keynes et à son ascension à l'éminence, il faut se rappeler que les dépenses publiques de toutes sortes en quantités significatives sont une caractéristique du capitalisme monopoliste, qui venait de voir le jour au tournant du siècle au moment où Keynes était formé en tant qu'intellectuel à la défense de l'Empire britannique. Les dépenses publiques n'étaient pas une caractéristique du capitalisme naissant du XIXe siècle.

Deux événements d'importance capitale ont marqué la conscience de tous les intellectuels des deux premières décennies du XXe siècle : la Première Guerre mondiale et la Grande révolution socialiste d'octobre en Russie. Tous les intellectuels de cette époque, et Keynes en était un, étaient le produit d'une nouvelle époque qui avait pris le monde d'assaut avec tumulte : l'ère de l'impérialisme et de la révolution prolétarienne. Keynes, dans sa vie personnelle et publique, en est venu à défendre ouvertement le capitalisme monopoliste et à s'opposer à ce que la classe ouvrière n'accède au pouvoir politique. Ses capacités intellectuelles étaient grandement appréciées de l'élite dominante en Angleterre et il en fut grandement récompensé. Le capitalisme monopoliste présentait de nouveaux problèmes à la classe au pouvoir et Keynes a offert un guide théorique pour la résolution de ces problèmes. L'arrivée au pouvoir des monopoles signifiait que l'État capitaliste lui-même avait subi de profonds changements. Les coûts associés à la Première Guerre mondiale ont mené à de nouvelles formes de taxation dont la plus importante fut l'impôt sur le revenu. Avec l'impôt sur le revenu, l'État impérialiste se vit attribuer des montants faramineux provenant des fonds publics. Comment utiliser ces fonds publics pour défendre le système capitaliste monopoliste et pour assister des monopoles particuliers à vaincre leurs compétiteurs sur le marché mondial, et qui allait exercer le contrôle de ces fonds, devenaient des questions pratiques et théoriques pour l'élite dominante dont Keynes était un membre de prestige.

Keynes n'était pas qu'un ardent promoteur et théoricien du système capitaliste et de l'Empire britannique, il était aussi un participant actif dans la frénésie du marché boursier des années vingt. Il a d'ailleurs perdu des sommes importantes lors de l'effondrement du marché boursier de 1929-1930. Cependant, il a tout récupéré et davantage à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Lorsque le premier baron Keynes est décédé, sa fortune personnelle était de 16,5 millions $.

Les dépenses publiques massives afin d'assister certains monopoles ou certains secteurs et de façon plus générale pour empêcher le système de s'effondrer ou d'être pris en charge par la classe ouvrière par la révolution est une caractéristique du capitalisme monopoliste. Peu de littérature académique était disponible dans les premières années du capitalisme monopoliste pour appuyer une telle activité et lui donner une orientation théorique. Keynes, ainsi que d'autres intellectuels, ont offert une orientation pratique et théorique à l'État au cours d'une période de crise économique et d'insurrection révolutionnaire mondiale au sein de l'Empire britannique et ailleurs dans le monde.

Les oeuvres théoriques de Keynes ont beaucoup servi à proposer un État libéral d'assistance sociale, mais aussi un État fasciste militarisé selon les conditions et les besoins de la bourgeoisie impérialiste en question. Des théoriciens du socialisme national allemand au sein du Parti nazi de Hitler se sont servis de la promotion des dépenses publiques par Keynes pour trouver la justification théorique nécessaire pour l'utilisation des fonds publics afin de venir en aide à certains monopoles et pour soutenir financièrement le réarmement de l'Allemagne. Ce sont ces mêmes théories qui aujourd'hui sous-tendent les argumentations à l'effet que les travailleurs et le peuple en général devraient se rallier derrière leurs propres monopoles pour que ceux-ci deviennent concurrentiels et pour qu'ils réussissent sur le marché mondial. De façon similaire, on apprend aux gens la politique d'une nation qui consiste à se rallier derrière les bâtisseurs d'empires des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de la France ou du Japon. En Europe, ses théories servirent à mousser le socialisme européen (en opposition au « despotisme oriental ») ainsi que l'exceptionnalisme étasunien en Amérique du nord. Les deux prétendent que les contradictions qui se résolvent par la révolution dirigée par la classe ouvrière ne sont pas inhérentes au capitalisme monopoliste.

Keynes fut l'un des principaux intellectuels éminents qui, en 1944, ont contribué à l'implantation du système monétaire international de Bretton-Woods, système que l'impérialisme étasunien a imposé aux alliés et aux colonies avec l'appui tacite sinon entier de la Grande-Bretagne. Les accords de Bretton-Woods ont créé le Fonds monétaire international ainsi que l'organisme précurseur de la Banque mondiale. Surtout, Bretton-Woods a créé les conditions institutionnelles pour imposer l'hégémonie financière des États-Unis sur le monde capitaliste et pour le système moderne d'usure internationale qui devait tenir les anciennes colonies dans un état d'endettement perpétuel face aux États impérialistes. Bretton-Woods était le signal de la fin de l'édification nationale au sein des pays capitalistes et le début d'un système impérialiste d'États dominé d'abord par deux superpuissances et aujourd'hui par une seule superpuissance qui cherche la domination à elle seule. Il a permis aux États-Unis, et ce même avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, de diriger le monde impérialiste dans l'encerclement et dans la destruction de l'Union soviétique ainsi que de ses alliés à l'échelle internationale et de transformer l'ancienne domination coloniale des pays en développement en un pouvoir et en une domination impérialistes. Il a préparé les conditions économiques pour le chantage nucléaire contre les peuples du monde et pour l'ensemble des guerres prédatrices des États-Unis contre la Corée, le Vietnam et d'autres qui se poursuivent aujourd'hui avec la guerre et l'occupation de l'Afghanistan et de l'Irak, les blocus économiques contre Cuba, la République populaire démocratique de Corée, le Zimbabwe et autres, les menaces d'agression contre la RPDC, l'Iran, le Liban, la Somalie, le Soudan, la Syrie, le Venezuela et plusieurs autres pays qui aspirent à l'indépendance, ainsi que le maintien de centaines de bases militaires partout dans le monde.

Keynes est devenu un éminent économiste du vingtième siècle entièrement éduqué et imprégné de l'expérience directe du capitalisme monopoliste et servant ses besoins. Par conséquent, ses idées sont imprégnées de la nécessité de servir les monopoles à l'ère de l'impérialisme et de la révolution prolétarienne. Ces idées se démarquent nettement des idées défendues par les économistes du XIXe siècle, cette période du capitalisme naissant, qui s'engageaient dans des discussions avec Karl Marx et son analyse concrète du capitalisme. Keynes, lui, a tout simplement rejeté la politique économique de Marx et n'a pas cherché à expliquer ses différends. Son rôle était de servir le capitalisme monopoliste et de nier la nécessité de faire passer le capitalisme au socialisme pour résoudre les contradictions fondamentales du système capitaliste, un système qui a outrepassé son rôle transitoire qui consistait à transformer la petite production de l'époque médiévale en production industrielle de masse. Keynes n'avait que mépris pour la classe ouvrière qu'il pensait impuissante à se diriger ou à diriger la société. En ce sens, d'un point de vue politique, il était farouchement opposé à tout concept et pratique de la démocratie selon lesquels le peuple participe directement à la gouvernance. Ce mépris pour le peuple et pour la démocratie lui fut inculqué à Eton et à Cambridge ou il fut constamment louangé comme étant brillant et supérieur à tous les autres êtres humains et digne de richesse, de prestige, de puissance et de privilège. Le système éducationnel britannique n'accepte pas que les travailleurs soient en mesure de penser de façon à se gouverner eux-mêmes, à gérer la société et son économie socialisée, et à résoudre ses contradictions. Ce qui veut dire que toute tentative ou discussion visant à l'édification nationale dirigée par la classe ouvrière, qui investit le peuple de sa souveraineté et place au centre le facteur humain/conscience sociale, est dénoncée et ridiculisée par l'élite dirigeante de la Grande-Bretagne et des États-Unis et par toutes leurs institutions.

(Originalement publié en décembre 2010)

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Keynes dans ses propres mots

Nous pouvons dénoter une tendance de pensée et de conception du monde dans les citations choisies qui suivent, suivies de commentaires entre doubles parenthèses. Mises à part les citations, la pratique de Keynes est celle d'un capitaliste financier et théoricien pour l'impérialisme et pour la préservation du droit de monopole et du droit de l'impérialisme de dominer mondialement et avec impunité la classe ouvrière et les peuples opprimés.

L'expérience directe a enseigné à la classe ouvrière qu'au cours du XXe siècle, il a été impossible pour un anticommuniste avoué comme Keynes de faire une contribution positive au domaine de la politique et de la politique sociale. Une personne non intéressée à s'unir aux communistes, une personne remplie de mépris et de haine envers la classe ouvrière, ne pouvait contribuer de façon positive à la vie politique, sociale et culturelle. En ce qui concerne Keynes, non seulement n'était-il pas intéressé à s'unir aux communistes, mais leur défaite était sa mission. Il est devenu l'idole du Parti travailliste dont la mission était de s'assurer que la classe ouvrière de Grande-Bretagne reste sous l'emprise d'une classe dominante déterminée à préserver ses sphères d'intérêt et d'influence et à vaincre la voie de la Révolution d'Octobre.

Des prises de position foncièrement racistes envers les autres, une haine du communisme et de la classe ouvrière, faisaient en sorte que des individus comme Keynes ne pouvaient faire aucune contribution au bien-être du peuple ou à l'intérêt général de la société. L'anticommunisme et le racisme sont des prises de position d'un égocentrique qui place ses préjugés et ses désirs personnels, ainsi que les intérêts étroits des riches et des privilégiés et du statu quo au-dessus des droits de tous, de leurs collectifs et des intérêts généraux de la société, en particulier au-dessus de la nécessité du changement.

Ces citations choisies provenant de ses écrits traitent surtout de ses opinions politiques. Souvent des citations isolées ne suffisent pas à faire ressortir une tendance, mais en ce qui concerne Keynes, il en ressort clairement un anticommunisme, un mépris pour la classe ouvrière et une opposition à la participation active et consciente du peuple au gouvernement, ainsi qu'un racisme non dissimulé envers toute personne n'étant pas européenne et étant perçue comme inférieure, ainsi qu'envers certains Européens.

Rappelons-nous que ces citations de Keynes proviennent d'une époque de divisions de classes très prononcées en Grande-Bretagne et à l'échelle internationale, alors qu'une patrie socialiste de la classe ouvrière fut créée en Russie en 1917, que la révolte grondait au sein des peuples des colonies, que la crise économique des années trente s'approfondissait et que se créait le Front uni international contre le fascisme. Keynes fut à tout moment au service de l'Empire britannique et de l'impérialisme tout au cours de cette période tumultueuse et fut bien récompensé pour ses services à la classe dominante.

Après la Première Guerre mondiale et la Révolution socialiste et la création de la Russie soviétique puis de l'Union soviétique en tant que patrie du prolétariat international, l'impérialisme centré en Europe, aux États-Unis et au Japon exigea de nouveaux arrangements afin de maintenir la classe ouvrière dans l'oppression, l'Union soviétique encerclée et isolée, les colonies écrasées et la classe capitaliste monopoliste au pouvoir et ses monopoles défendus et libres d'étendre leurs empires. La situation était tout à fait nouvelle pour la classe capitaliste.

Une tendance émergeante favorisa le fascisme avec sa politique de « la nation une et indivisible », de suppression ouverte du mouvement ouvrier, de dépenses publiques dans le but de militariser la société, de poursuivre l'édification de l'empire de façon agressive et expansionniste, de confronter les puissances impérialistes dominantes et de se rediviser le monde.

Une autre tendance était la social-démocratie adoptée en tant que variante du libéralisme dans le but d'enrôler les travailleurs en appui à leur propre classe capitaliste au pouvoir au moyen de dépenses publiques consacrées à des projets d'État grandioses. Ces dépenses publiques étaient aussi consacrées aux préparatifs de guerre visant à défendre les colonies déjà en sa possession et pour influencer les puissances impérialistes plus faibles ou en développement telles que l'Allemagne et le Japon pour qu'elles respectent le statu quo en ce qui concerne la division du monde.

Sur le front économique, ces luttes pour de nouveaux arrangements s'entremêlaient à des politiques de même nature consistant à utiliser le trésor public pour financer des mesures de stimulation afin de protéger les grandes entreprises des ravages de la crise économique. Tous les pays impérialistes se sont mis à se servir des fonds publics pour sauver les grandes entreprises et leurs monopoles. Franklin Delano Roosevelt aux États-Unis a utilisé des mesures de stimulation, y inclus le Tennessee Valley Authority, qui ont été ressorties des vieux tiroirs en 2009-2010 avec le sauvetage Bush/Obama des grandes entreprises financières et des monopoles de l'automobile, entre autres.
En Allemagne des années trente, des mesures de stimulation basées sur l'utilisation des fonds publics furent incorporées au programme des Socialistes nationaux du Parti nazi de Hitler dans le but de défendre des monopoles particuliers tels que Krupp et Siemens AG, construire des grands projets d'État et réarmer le pays sur la base des fonds publics ainsi que de fonds empruntés au capital financier étasunien.

Les théories économiques de Keynes prônant le recours aux dépenses publiques pendant un ralentissement dans le cycle économique étaient utiles et donnaient une crédibilité intellectuelle à ces États impérialistes dominants qui suivaient une voie libérale ainsi qu'aux États suivant une voie fasciste et agressive. C'est sans surprise que Keynes trouva sa place dans les deux camps impérialistes puisque la réalité du capitalisme monopoliste est telle que les politiques d'État ne sont pas fondées sur des principes, mais bien sur les besoins pragmatiques du moment.

Dans la période de l'avant et de l'après Deuxième Guerre mondiale, les États capitalistes monopolistes étaient tantôt ouvertement fascistes, tantôt des conciliateurs libéraux avec le fascisme, selon leurs intérêts personnels immédiats. Nous trouvons un exemple frappant de ce phénomène pendant la Deuxième Guerre mondiale impliquant les États-Unis, la Grande-Bretagne et les autres États impérialistes qui étaient à ce moment-là des alliés de l'Union soviétique dans la guerre mondiale pour vaincre l'Axe impérialiste agressive dirigée par l'Allemagne et le Japon. En 1944, alors que la guerre était à son apogée, ces États impérialistes ont forgé l'entente monétaire internationale fasciste de Bretton-Woods en tant que pierre angulaire pour imposer l'impérialisme étasunien en tant qu'unique superpuissance et se servir de leur puissance financière et militaire unie pour perpétuer leur système colonial sous de nouveaux arrangements dans l'éventualité que l'Allemagne et le Japon seraient vaincus.

Un aspect important de Bretton-Woods était de resserrer l'encerclement de leur alliée, l'Union soviétique, afin d'affaiblir et d'éventuellement détruire la patrie de la classe ouvrière. Keynes fut un des principaux architectes de ce nouvel arrangement financier international du capital financier, qui donna lieu au Fonds monétaire international ainsi qu'au précurseur de la Banque mondiale et à l'usure légalisée en tant que forme pour soutirer un tribut des pays capitalistes plus faibles ou en développement.

Citations de Keynes

Opinions sur le communisme, la classe ouvrière et le Capital de Marx :

Ces citations sont tirées des articles parus dans le New Statesman (reproduits dans une brochure intitulée Short View of Russia parue chez Hogarth Press en 1925 et dans Essais de persuasion paru chez Gallimard en 1933.)

« Comme toutes les religions nouvelles, le léninisme tient sa puissance, non de la masse, mais d'une petite minorité d'adeptes enthousiastes récemment convertis, dont le zèle et le fanatisme décuplent les forces, si bien que chacun d'eux égale plusieurs indifférents. »

((Une notion farfelue s'il en est une. « Une petite minorité d'adeptes enthousiastes » n'auraient pas été en mesure de renverser un pouvoir impérialiste tel que la Russie si la multitude de travailleurs et de paysans n'avait pas été préparée subjectivement et organisationnellement pour s'engager dans une lutte révolutionnaire héroïque pour vaincre leurs oppresseurs. Keynes ne fait ici qu'exprimer son mépris pour le peuple et l'incapacité de celui-ci, selon Keynes, de s'engager dans une lutte révolutionnaire pour faire évoluer la société vers une alternative au capitalisme, alternative axée sur l'être humain. Il n'a que haine pour quiconque ne partage pas sa conception du monde. Pour lui, la perspective de la classe ouvrière sur l'économie, la politique et la culture en général est nécessairement dogmatique et intolérante du fait qu'elle est si diamétralement opposée à sa conception du monde capitaliste qui, dans son esprit, bénéficie d'un caractère sacré légué par une longue lignée de traditions anglaises et qui, par conséquent, ne peut être que le seul et véritable mode de pensée.))

« Comment puis-je admettre une doctrine qui érige en Bible, en le soustrayant à toute critique, un volume d'économie politique périmé, qui non seulement est faux d'un point de vue scientifique, mais encore ne comporte aucun intérêt, aucune application possible dans le monde actuel. Comment puis-je me rallier à une doctrine qui, préférant la vase aux poissons, exalte un prolétariat grossier aux dépens de la bourgeoisie et d'un intellectualisme qui, quels que soient leurs torts, demeurent un des plus précieux apanages de la vie humaine et portent, en eux la graine de tout progrès humain ? Quand bien même nous aspirerions à une religion, comment trouverions-nous celle-ci dans les turpitudes des bibliothèques rouges ? Un fils cultivé, intelligent et bien élevé de l'Europe occidentale peut malaisément trouver là à réaliser son idéal, à moins d'être passé d'abord par de telles souffrances et un tel état de conversion que plus rien ne subsiste de sa table de valeurs premières. »

((Ce « prolétariat grossier » est précisément l'aspect émergeant de la grande contradiction du monde capitaliste. Keynes est horrifié à l'idée que la négation du « prolétariat grossier, préférant la vase aux poissons », sera à son tour niée même dans son Angleterre si douce et qu'il perdra son pouvoir, sa richesse et son privilège à ceux-là mêmes — et Keynes ici peine à dire le mot sans y attribuer une obscénité — aux travailleurs qui créent la richesse qui est le fondement de son style de vie intellectuel somptueux à servir les monopoles et l'Empire britannique.))

Keynes tient des propos racistes et antisémites lorsqu'il tente d'« expliquer » la personnalité des peuples de l'Union soviétique :

« Cet état d'oppression ne saurait être mieux indiqué. Il tient en partie, cela ne fait aucun doute, à la Révolution rouge [...]. Il tient peut-être aussi en partie à une certaine bestialité inhérente au caractère russe — ou aux caractères russe et juif mélangés, comme ils le sont à présent. »

((La combinaison du bolchevisme et du judaïsme en tant que caractéristiques propres aux « bêtes » qui pouvaient détruire la civilisation européenne était une thématique commune aux fascistes hitlériens de cette époque. Keynes approfondit ce concept raciste lorsqu'il prétend que la menace à la civilisation européenne provient d'un amalgame de « bestialité inhérente au caractère russe » et de judaïsme. Cette propagande entretenue par l'intelligentsia britannique faisait partie de la pression exercée sur l'impérialisme allemand pour qu'il prenne l'Union soviétique d'assaut, ce qu'il fera en 1941.

((Les intellectuels britanniques tels que Keynes n'ont jamais reconnu le rôle qu'ils ont joué à préparer l'opinion publique européenne pour qu'elle encourage les Nazis allemands, jusqu'à acclamer leur guerre meurtrière menée contre les peuples de l'Union soviétique et qui a mené à la destruction et à la mort sans précédent. Ils regrettent seulement que l'invasion n'a pas eu lieu avant le Pacte de non-agression de 1939 entre l'Allemagne et l'Union des Républiques socialistes soviétiques, ce qui fut un facteur qui retarda l'assaut jusqu'en 1941.

((L'habitude qu'a Keynes de ne pas discuter, mais de simplement attaquer et de prêter à ses adversaires ses propres défauts est caractéristique de la conception du monde fasciste et du rabaissement du niveau de la culture politique sous le capitalisme monopoliste, contrairement à la préoccupation de faire progresser la science au XIXe siècle. C'est le retour à l'obscurantisme et à l'absolutisme médiévaux sous prétexte d'être les plus avancés et les plus érudits.))

« Le léninisme est un mélange de deux choses que les Européens, depuis quelques siècles, ont coutume de ranger dans deux compartiments différents de l'âme — la religion et les affaires. La religion nous choque parce qu'elle est nouvelle, et nous méprisons ses affaires parce qu'elles sont inféodées à la — religion (au lieu que ce soit le contraire), ce qui les rend nettement infructueuses. »

((Mis à part cette expression de mépris pour le léninisme, comment Keynes explique-t-il que l'Église catholique romaine a été pendant des siècles le plus grand propriétaire foncier, participant aux affaires européennes et grand défenseur du pillage à l'étranger ? La réformation protestante a joué un rôle intégral dans la préparation des conditions subjectives pour la victoire du capitalisme sur les relations de propriété médiévales.

Le léninisme avait démasqué l'hypocrisie de l'Église, surtout en Russie où elle avait travaillé main dans la main avec les exploiteurs et les tyrans médiévaux les plus diaboliques.))

Poursuivant sa critique de la Russie révolutionnaire, Keynes écrit :

« Je suis prêt à renoncer au confort et à mes habitudes ; mais je ne puis m'accommoder d'un dogme qui s'embarrasse peu de la liberté et de la sécurité de la vie normale, qui a recours à toutes les armes de la persécution, de la destruction et de la lutte internationale. Comment puis-je admirer une politique qui se définit par les millions qu'elle dépense pour entretenir des espions dans chaque foyer et fomenter des troubles à l'étranger ? »

((Commentaire intéressant s'il en est un étant donné que l'ambition de devenir riche et libre du travail pénible du quotidien est la bible de la bourgeoisie. Et comment les propriétaires du capital ont-ils maintenu l'oppression de la classe ouvrière sinon en graissant la patte des dirigeants ouvriers avec les superprofits provenant de l'exploitation des pays opprimés ? La subversion idéologique est l'essence même de la suppression de la révolution prolétarienne en Grande-Bretagne et en tout autre pays capitaliste monopoliste. Keynes est en soi un excellent spécimen d'un agent provenant des couches moyennes et bien endoctriné par les propriétaires du capital.

((L'hypocrisie de Keynes est sans bornes. On a fait des espions britanniques des célébrités dans les films et dans la culture populaire, mais lorsque la classe ouvrière fait connaître son point de vue au moyen de ses propres outils de propagande et de discussion dans des familles ordinaires, elle « entretient des espions dans chaque foyer et fomente des troubles à l'étranger ». Et le fait d'exprimer une solidarité sociale à l'étranger pour les droits des peuples combattant les empires britanniques et étasuniens devient « fomenter des troubles à l'étranger ».

((D'abord, premier baron Keynes, « fomenter des conflits à l'étranger » s'appelle l'internationalisme prolétarien et la classe ouvrière ne recule pas devant sa responsabilité d'appuyer tous ceux qui s'efforcent de se libérer de l'oppression impérialiste et de faire avancer leurs sociétés vers l'émancipation de la classe ouvrière.

((L'infiltration d'espions et d'agents capitalistes des mouvements des peuples, ce qui était la spécialité de la police tsariste, est devenue une institution signée CIA, Homeland Security, M15, M16 et Service canadien du renseignement de sécurité, mais aussi diverses agences non gouvernementales (ONG) et certaines organisations syndicales et de charité qui empêchent sciemment le peuple de s'organiser pour trouver des solutions qui sont dans son intérêt et pour résoudre les contradictions de ses sociétés, en particulier son exploitation par les empires impérialistes.))

« Je puis ne pas demeurer insensible à ce que je crois être la justice et le bon sens ; mais la lutte des classes me trouvera du côté de la bourgeoisie instruite. »

((Les travailleurs et leurs alliés feraient bien de se rappeler cet « aveu » de Keynes lorsqu'ils entendront ou liront son nom. La « justice et le bon sens » et les principes sont rapidement « infiltrés » par les politiques pragmatiques de la « bourgeoisie instruite » menant la « lutte des classe » contre un « prolétariat grossier ».))

Appui à l'eugénisme

Keynes était un fervent défenseur de l'eugénisme, ayant servi en tant que directeur de la Société britannique d'eugénisme de 1937 à 1944. En 1946 même, au seuil de sa mort, il a déclaré que l'eugénisme était « la branche de la sociologie la plus importante, la plus significative et, devrais- je ajouter, la plus authentique aujourd'hui ». (Citation provenant de : « Opening remarks : The Galton Lecture (1946) ». Eugenics Review 38(1) : 39-40.)

((Il ne s'agit pas ici d'une opinion reposant sur une simple curiosité ou sur l'ignorance. Il s'agit d'une participation active dans le mouvement pour le fascisme européen. Pendant la période qui précéda la Deuxième Guerre mondiale, appuyer l'eugénisme voulait dire appuyer spécifiquement le nazisme. L'eugénisme était présentée en tant que « l'étude et la pratique de la reproduction sélective telle qu'appliquée aux humains », dans le but avoué d'améliorer l'espèce en opposition à l'avancement de la société en changeant les conditions sociales et en réglant les contradictions de classe.

L'eugénisme est une forme de politique d'une nation. L'élite au pouvoir détermine qui est digne de constituer la nation sur la base de critères ethniques, religieux, politiques, physiques et intellectuels. Tout critère non conforme est exclu sinon exterminé, comme cela devint la politique en Allemagne nazi. Aussi, aujourd'hui, l'exigence est telle que tous ceux qui ne prêtent pas allégeance aux « valeurs » dites américaines, canadiennes, britanniques, civilisées, etc., sont passibles de mort civile, ce qui revient à dire qu'ils n'ont pas de droits civils.

Pendant les années trente, l'eugénisme était associée plus intimement aux nazis allemands et à leur programme politique de purger l'Allemagne de toutes personnes dites indésirables. Tout « être humain imparfait » tels que les communistes, les juifs, les roms, les Slaves, les gais, les individus ayant une imperfection physique ou mentale, ou tout individu ayant des valeurs ou une conscience en contradiction avec le Parti nazi de Hitler devait être déporté ou exterminé. Les intellectuels libéraux britanniques et autres, de par leur conciliation envers l'idéologie fasciste telle que le racisme, l'anticommunisme et l'eugénisme, doivent être tenus responsables pour le rôle qu'ils ont joué dans la préparation des conditions subjectives pour les meurtres de masse dans les camps de concentration, pour les crimes de guerre commis par l'appareil militaire allemand à l'étranger ainsi que pour toutes les atrocités nazies.))

Citation provenant de « La fin du Laissez-faire » (1926)

« Le socialisme marxien doit servir de signal aux historiens de l'Opinion — comment une doctrine si illogique et sans relief peut-elle avoir exercé une influence si puissante et si prolongée sur l'esprit des hommes, et par eux, sur les événements de l'histoire ? »

((La classe ouvrière n'a pas développé son idéologie dans le but de divertir l'élite intellectuelle britannique. Le but de l'idéologie est de guider la classe ouvrière pour qu'elle se constitue en tant que la nation pour investir le peuple de sa souveraineté et ouvrir la voie vers l'émancipation complète de la classe ouvrière et l'élimination de la société de classe.))

Citations provenant de « Essays in Biography » (1933)

« J'ai tenté au moyen d'un certain détail de mettre en relief la solidarité et la continuité historiques de la Grande intelligentsia de la Grande-Bretagne, qui est le fondement de notre pensée depuis deux centenaires et demi, lorsque Locke, dans son Essai sur l'entendement humain, a écrit le premier livre anglais moderne. J'énumère ci-dessous les nombreux descendants de Sir George Villiers. Je ressens aussi une grande fierté de me réclamer de la trempe spirituelle de la filière Locke et de cette longue lignée anglaise, qui lie sur le plan intellectuel et humain les uns aux autres, et dont les noms sont énumérés dans la deuxième partie. Sans être le plus sage, Locke était néanmoins le plus véridique des hommes. Sans être le plus affable, il était néanmoins le plus singulier et le plus attachant. Sans être le plus pratique, il possédait néanmoins une conscience sociale des plus pures. Sans posséder un génie artistique élevé, il possédait néanmoins un esprit ayant réalisé les exploits les plus solides et les plus sincères dans un grand nombre de champs parcourus par l'esprit humain. »

((Cette citation faisant l'éloge des Anglais décédés, Locke, Villiers et autres dans la longue lignée anglaise, est suivie de façon inexplicable par une attaque contre les communistes et le respect qu'ils portent à leurs héros, dirigeants et idéologues.))

« Tous partis politiques confondus trouvent leur origine dans les idées du passé et non dans des idées nouvelles — et cela est évident lorsqu'il s'agit des marxistes. »

((Comment peut-on trouver des origines dans des idées nouvelles ? Il s'agit de développer les idées qui correspondent aux conditions d'aujourd'hui, ce qui requiert une analyse concrète des conditions concrètes. Les personnalités modernes ne rejettent pas leurs origines qu'ils retracent dans les luttes et les théories de la classe ouvrière partout où le peuple a fait une contribution, y inclus la pensée ancienne de civilisations passées. Les personnalités modernes ne sont pas d'une telle arrogance qu'elles prétendent pouvoir définir le présent sans le passé qu'on trouve dans les luttes et la pensée d'individus qui les ont précédées et qui ont fait progresser la civilisation vers ce qu'elle est aujourd'hui. Il ne s'agit pas, par contre, de s'attarder au passé et sur l'ancienne pensée dans le but de les transformer en dogme ou en icône, mais de transformer les conditions sociales du présent et de donner naissance à une pensée nouvelle.

C'est ce que Lénine a fait en créant le parti léniniste de type nouveau, lequel était qualitativement différent des organisations ouvrières créées par Karl Marx et Friedrich Engels au cours du dix-neuvième siècle. Et c'est ce qu'ont fait Hardial Bains et d'autres dans les conditions de trahison de la voie léniniste établie par la Révolution d'octobre. Et il en va ainsi du PCC(M-L) et des autres partis communistes révolutionnaires qui se renouvellent constamment afin d'affronter comme il se doit les conditions contemporaines qui sont, elles aussi, en état constant de changement, de développement et de mouvement.))

Citation provenant de Théorie générale de l'emploi, l'intérêt et la monnaie (1935)

« L'essentiel de l'oeuvre de Gesell est écrit en termes pausés et scientifiques, bien qu'elle soit imprégnée d'un dévouement plus passionné et plus émotionnel envers la justice sociale qu'on ne prête généralement à un académicien. Je crois que l'avenir saura bénéficier davantage de l'esprit de Gesell que de celui de Marx. »

((On peut trouver à Wikipédia la note suivante sur Silvio Gesell (1862-1930), pour qui Keynes entretenait une admiration sans bornes : « Gesell fondait ses pensées économiques sur l'intérêt personnel des individus. Pour lui, c'était une motivation naturelle et saine pour agir, qui permet à l'individu de viser à satisfaire à ses besoins et d'être productif. Le système économique doit faire justice à cette précondition, sans quoi le système serait inévitablement un échec. C'est pourquoi Gesell disait de la proposition de son système économique qu'il était 'naturel'. Cette prise de position le plaça diamétralement en opposition à Karl Marx, qui demandait un changement dans les conditions sociales.))

« Tenant compte du facteur égoïste, Gesell prônait une compétition équitable en affaires y incluant des chances égales pour tous, c'est-à-dire, la fin de tous privilèges légaux et héréditaires. »

((Cette admiration de la part de Keynes pour Gesell reflète la contradiction des économistes de l'époque du capitalisme naissant qui avaient toujours un attachement à la période précédente. Cette contradiction fut résolue par le néolibéralisme, qui reconnaît l'entière adhésion au droit de monopole sur le droit public et la fin de toutes illusions qu'un individu pourrait entretenir sur un retour possible ou même désirable du capitalisme prémonopoliste.))

Citation provenant de John Kenneth Galbraith, The Age of Uncertainty

« Keynes n'a jamais cherché à transformer le monde, ni fut-il poussé par une quelconque insatisfaction ou par un mécontentement personnels. Marx a proclamé que la bourgeoisie paierait pour la pauvreté et les furoncles qu'elle lui faisait souffrir. Keynes n'a connu ni la pauvreté ni les furoncles. Pour lui, le monde était excellent. » (Chapitre 7, p. 198)

((Pour un marxiste, dont Marx était le premier mais non pas le dernier, le monde existe sur une base objective et subjective tel quel, ni plus ni moins. Les marxistes, de même que les non marxistes, naissent dans un monde qui n'est pas de leur cru. Les marxistes acceptent le monde tel qu'il est, analysent ses contradictions et se mettent en action avec d'autres pour le changer.

En grande partie, l'insatisfaction et le mécontentement éprouvés par la classe ouvrière viennent d'un sentiment d'impuissance. Dès que les travailleurs refusent d'être des victimes et des spectateurs face à leur propre mauvais traitement et condition de classe, et qu'ils s'unissent et s'organisent avec d'autres de leur classe pour changer les conditions sociales, l'insatisfaction et le mécontentement qu'ils ont pu ressentir sont submergés par un esprit de solidarité sociale et par la conviction que les travailleurs et leurs alliés s'organisent et marchent de l'avant pour résoudre les problèmes du monde réel, les problèmes qui sont à la base de leur insatisfaction et de leur mécontentement. La solidarité sociale est le produit de l'unité d'action pour une même cause. Elle inspire même les gens les plus opprimés à être courageux face à leurs difficultés. Les personnalités modernes voient les problèmes qui existent avec affection malgré les « furoncles », parce qu'on peut s'y attaquer avec un programme établi par soi-même. Ce programme est, à son tour, l'affirmation du facteur humain/conscience sociale, de la vie elle-même.))

Wikipédia écrit : « Le Groupe de Bloomsbury était un groupe d'écrivains, d'intellectuels et d'artistes qui ont tenu des discussions informelles à Bloomsbury (au centre de Londres) tout au long du vingtième siècle... Leur oeuvre a profondément influencé la littérature, l'esthétique, la critique, l'économie ainsi que les attitudes modernes envers le féminisme, le pacifisme et la sexualité. Ses membres les plus connus étaient Virginia Woolf, John Maynard Keynes, E.M. Forster et Lytton Strachey. »

Quentin Bell, dans son livre, Virginia Woolf, une biographie (Hogarth Press, 1972, p.177), cite Keynes. Le biographe, Bell, fait part d'une anecdote impliquant Virginia Woolf, Keynes et T.S. Eliot, qui discutaient de religion lors d'un souper, dans le contexte de leur lutte contre la moralité victorienne de l'époque.

« À la fin du dit souper, un incident rappela à Keynes 'son thème préféré', et il a fait un commentaire à l'effet que 'la jeunesse n'avait aucune religion sauf le communisme et qu'aucune religion aurait été préférable'. Le marxisme 'était fondé sur rien de moins qu'un malentendu de Ricardo', et qu'éventuellement, lui, Keynes, 'traiterait une fois pour toutes de la question des marxistes et d'autres économistes, afin de résoudre les problèmes économiques que leurs théories allaient sans doute occasionner ».

((Les problèmes économiques que les marxistes menacent d'occasionner sont ceux selon lesquels les véritables producteurs réaffirment leur droit de contrôler la direction de l'économie. Ils sont parfaitement capables de trouver leur chemin à travers les difficultés occasionnées par leurs affirmations en tant que véritables producteurs. En partie, cela veut dire qu'ils devront rejeter la thèse de Keynes et d'autres intellectuels centrés sur le capital à l'effet que les travailleurs sont un coût de production ; ils devront être les premiers à réclamer le produit social en tant que véritables producteurs ainsi que la satisfaction des réclamations de la société par le biais du gouvernement avant celles des propriétaires du capital et de leurs serviteurs ; ils devront graduellement éliminer les réclamations du capital une fois pour toutes. Les travailleurs acceptent avec sérénité le défi de surmonter les difficultés que ces mesures pourraient occasionner. Essayer de les impressionner en brandissant le fantôme de Keynes ne les fera pas dérailler.))

Note

Une brève biographie de John Maynard Keynes (1883-1946) est disponible sur Wikipédia et on y trouve certains détails concernant ses origines de classe, son éducation et sa vie publique au service de l'Empire britannique.

(Originalement publié en décembre 2010)

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