Discussion sur l'économie
La théorie monétaire moderne: du keynésianisme réchauffé
- K.C. Adams -
LML présente une critique de la
théorie monétaire moderne (TMM) telle qu'énoncée
dans l'article « Déficits budgétaires, théorie
monétaire moderne et politiques économiques
progressistes » de Andrew Jackson (14
juillet 2020). Andrew Jackson est l'ancien
économiste principal du Congrès du travail du
Canada et le conseiller politique principal de
l'Institut Broadbent.
La TMM est aujourd'hui un sujet en vogue, car on
cherche des arguments pour appuyer les changements
de politique budgétaire pour sauver les riches de
la crise qui résulte de la baisse tendancielle du
taux de profit.
La critique présente des extraits choisis de
l'article de Jackson sur la « théorie monétaire
moderne » avec des commentaires entre
parenthèses doubles. L'article au complet (en
anglais) est disponible ici.
***
La TMM est une appellation un peu impropre.
Loin d'être « moderne », elle s'inspire
largement des théories monétaires développées
dans les années 1930 par John Maynard
Keynes, et depuis lors, par les économistes
keynésiens de gauche qui rejettent l'orthodoxie
autour des finances et l'idée que les budgets
gouvernementaux devraient (presque) toujours
être équilibrés, que les déficits sont un frein
à l'investissement privé qui devrait être le
moteur de l'économie, que la politique monétaire
(variations des taux d'intérêt) par opposition
aux politiques budgétaires (variations des
dépenses publiques) devrait être le principal
outil des politiques pour gérer les fluctuations
de l'économie et que l'investissement privé est
plus productif que les dépenses publiques.
La proposition centrale de la TMM est qu'un
État qui contrôle sa propre monnaie peut
facilement financer les déficits budgétaires
(résultant d'augmentations des dépenses ou de
réductions d'impôts) à un coût faible ou nul par
la création monétaire et le financement direct
des dépenses du gouvernement par la banque
centrale.
((La « proposition centrale » élimine tous
les pays sauf les plus puissants de toute
considération. Même ceux qui n'ont pas leur propre
monnaie dans une monnaie commune telle que la zone
euro sont traités de manière inégale. Comparons la
situation de la Grèce avec celle de l'Allemagne ou
de la France. La Grèce n'a pas été en mesure de «
financer facilement les déficits
budgétaires » en utilisant l'euro et a
terriblement souffert. La Grèce est sous la
domination des grandes puissances européennes et
de l'impérialisme américain. Elle n'a pas la
possibilité d'agir indépendamment selon ses
propres intérêts.
Même un grand pays développé comme l'Argentine
avec sa propre monnaie est constamment attaqué,
car son énorme dette publique est libellée en
devises étrangères (principalement le dollar
américain, mais aussi l'euro et le yen).
La « proposition centrale » ignore le monde
réel de l'hégémonie du dollar américain soutenue
par les forces armées des États-Unis, qui donne à
l'impérialisme américain une arme puissante pour
amener les autres sous son contrôle.))
Contrairement aux ménages ou aux entreprises,
les gouvernements qui disposent de leur propre
monnaie et de leur propre banque centrale ne
peuvent jamais faire faillite, car ils peuvent
toujours créer de l'argent pour financer les
déficits ou rembourser les dettes.
((Une telle déclaration est habitée par
l'idéalisme, à la limite du mysticisme. Cela
évoque l'idée que quelque chose qui n'est pas
produit peut être consommé. Sans les travailleurs
qui produisent une nouvelle valeur en tant que
biens et services, le pays n'a pas de nouvelle
valeur à consommer à moins qu'il ne vole les
autres. Le concept selon lequel « une banque
centrale ne peut jamais faire faillite parce
qu'elle peut toujours créer de l'argent pour
financer les déficits ou pour rembourser les
dettes » nie la réalité selon laquelle le
facteur humain, la classe ouvrière, doit
intervenir et agir sur les moyens de production si
un bien ou service doit être produit et consommé.
Comment une nation ou un peuple organise-t-il
cette réalité et dans quel but sont des enjeux
cruciaux.
L'argent peut représenter un produit social qui a
été produit. Il peut représenter une production
potentielle, mais le potentiel doit devenir réel
sinon la relation s'effondre.
Des affirmations telles que « ne peuvent jamais
faire faillite » sont utilisées comme une
diversion pour empêcher les gens de faire face aux
problèmes tels qu'ils se posent.))
La seule véritable contrainte aux dépenses
publiques des pays ayant une souveraineté
monétaire est la capacité de production réelle.
Trop de financement déficitaire cumulé par des
dépenses publiques ou des réductions des impôts
dans une économie de plein emploi augmentera
l'inflation.
((Aucune économie impérialiste n'a jamais atteint
le « plein emploi ». Le plus près qu'un pays
impérialiste se soit approché du plein emploi
c'est par la mobilisation militaire totale pour
mener une grande guerre. Dans ce cas, un grand
nombre de travailleurs ne sont pas engagés dans la
création d'un produit social, mais dans sa
destruction par la guerre et beaucoup de ceux qui
travaillent produisent du matériel de guerre.
Selon les impérialistes, le plein emploi
donnerait trop de pouvoir à la classe ouvrière qui
serait alors en position d'accroître ses
réclamations sur la valeur nouvelle qu'elle
produit. Le plein emploi détruirait le marché du
travail impérialiste ou du moins le rendrait
impuissant à contrôler la classe ouvrière.
De plus, la « souveraineté monétaire » ne
peut exister qu'à l'intérieur d'un pays souverain.
Aucun pays, y compris le Canada, dans le système
impérialiste d'États sous contrôle des États-Unis
n'est indépendant ou souverain. Ce manque de
souveraineté inclut le manque de contrôle sur sa
masse monétaire ou sa devise.
Ces expressions « plein emploi » et «
souveraineté monétaire » sont brandis pour
émousser l'esprit et le rendre incapable
d'analyser les conditions concrètes.))
Le Canada et de nombreux autres pays ont de la
monnaie « fiduciaire » qui peut être créée
par les banques centrales « d'un simple coup de
crayon ».
((Oui, le Canada a une monnaie fiduciaire, mais
cette devise fiduciaire sert les oligarques
mondiaux au pouvoir. Si cela sert les oligarques
de créer de l'argent « d'un simple coup de
crayon », ils le feront, comme Trudeau l'a
démontré avec son déficit de plus de 350
milliards de dollars pour l'exercice financier en
cours.))
Les banques centrales peuvent et développent la
base monétaire.
((La banque centrale des États-Unis, la Réserve
fédérale américaine, est un cartel de banques
privées qui agit sous leurs ordres. La banque
centrale du Canada est une institution de l'État
sous le contrôle des oligarques avec des
dirigeants soigneusement choisis pour servir leurs
intérêts privés et payer les riches.))
En temps normal, la plus grande partie de la
nouvelle monnaie est créée par le système
bancaire privé sous forme de prêts plutôt que
directement par la banque centrale pour financer
les opérations du gouvernement.
((Les crises économiques récurrentes pourraient
également être qualifiées de « normales »,
car elles surviennent normalement avec régularité.
Pendant une crise, les oligarques qui rivalisent
sont à couteaux tirés avec encore plus de férocité
que d'habitude, et les prêts et emprunts «
normaux » sont gelés. La banque centrale
intervient avec des « liquidités » « d'un
simple coup de crayon » pour sauver la
situation des oligarques, du moins ceux qui sont
les mieux placés pour traverser la tempête ou même
augmenter leur force et leur richesse comme l'ont
fait certains oligarques pendant cette crise,
c'est-à-dire la « sale douzaine » -
les 12 individus très riches aux États-Unis
qui ont augmenté leur richesse personnelle de
plusieurs fois pendant la pandémie.
La TMM conteste à juste titre l'idée orthodoxe
selon laquelle les budgets gouvernementaux
devraient être équilibrés et que les déficits ne
devraient être encourus que pour lutter contre
de profondes dépressions lorsque les taux
d'intérêt bas ne fonctionnent plus. Comme l'a
soutenu Keynes dans les années 30, les
déficits n'évinceront pas l'épargne et
l'investissement privé si l'économie fonctionne
en dessous de sa capacité.
((Pourquoi un Canadien devrait-il se préoccuper
d'évincer l'investissement privé, même dans le
meilleur des cas ? Quel problème de société a
résolu l'investissement privé ? A-t-il résolu
la question du logement, notamment l'itinérance,
la pauvreté, les inégalités, etc. ? A-t-il
résolu la question de la guerre et de la
paix ? Si les problèmes doivent être résolus,
alors le peuple doit avoir le contrôle, le pouvoir
et les moyens de le faire et, sous l'impérialisme,
cela signifie revendiquer ce qui appartient de
plein droit au peuple, même si cela veut dire de
prendre la place de l'épargne et des
investissements privés des oligarques.
Pour la classe ouvrière, cela signifie résoudre
le problème de son rapport social oppresseur et
inégal avec ceux qui achètent sa capacité de
travail et créer un nouveau rapport social entre
les travailleurs eux-mêmes. Cela signifie prendre
part à une nouvelle direction prosociale de
l'économie et s'engager dans le renouveau
démocratique où les membres du corps politique
sont vraiment égaux et peuvent exercer un contrôle
sur les affaires économiques, politiques et
sociales qui touchent leur vie.))
Les investissements publics financés par les
déficits et la dette peuvent créer une économie
et des infrastructures plus robustes, ce qui
laisse aux générations futures davantage de
richesses et plus d'opportunités.
((Mais sous le contrôle impérialiste, « une
économie et des infrastructures publiques
robustes » deviennent une cible de choix pour
la privatisation, en particulier lorsque les
autres occasions d'investissement privé se font
rares, que le taux de profit a diminué avec la
productivité et que les stratagèmes pour payer les
riches qui font appel aux fonds publics sont
devenus une « nécessité » pour tout
investissement privé de toute taille.))
Keynes, contrairement à l'aile « keynésienne
bâtarde » de l'économie traditionnelle,
attendait avec impatience le jour où l'économie
serait mue par des investissements publics
productifs sans que l'État n'ait besoin
d'emprunter aux rentiers qui vivent des revenus
d'intérêts.
((De toute évidence, les keynésiens ne sont pas
d'accord entre eux sur la question de savoir si
Keynes attendait avec impatience un tel jour ou
peut-être que c'était simplement de la propagande
pour tromper les crédules. Une économie « mue par
des investissements publics productifs »
devrait être sous le contrôle des producteurs
réels et capable de se défendre contre les
maraudeurs impérialistes sinon elle ne durerait
pas longtemps. Beaucoup en Amérique latine et dans
les Caraïbes rêvent d'une économie « mue par des
investissements publics productifs », mais
sont confrontés à la dure réalité de se défendre
contre l'agression impérialiste pour que leur rêve
devienne réalité.
L'autre aspect de cela est le fait que l'économie
impérialiste est depuis longtemps reconnue comme
ayant sombré dans le parasitisme et la
putréfaction. L'économie est plus caractérisée par
des investissements improductifs et la guerre
qu'autre chose. L'auteur le reconnaît lui-même
lorsqu'il parle des liquidités supplémentaires
obtenues par les impérialistes grâce aux
réductions d'impôts et à d'autres stratagèmes pour
payer les riches qui sont utilisées de manière
improductive tels que les rachats d'actions à la
bourse et l'augmentation des dividendes.
Certaines personnes refusent de voir le monde tel
qu'il est parce qu'elles ne veulent pas faire face
à la nécessité d'une nouvelle direction et
participer à l'élaboration de ce à quoi cette
direction ressemblera ou devrait être, ce qui
signifie affronter les impérialistes et faire face
à leur colère et à leurs contre-attaques.))
Les idées clés de la TMM ne sont pas tant
modernes qu'un retour au Keynes radical et à la
tradition keynésienne de gauche.
Les deux soutiennent que la politique
conventionnelle aboutit à des économies qui
fonctionnent bien en dessous de leur capacité la
plupart du temps, et tous deux rejettent
l'opinion générale selon laquelle la
macro-économie devrait être principalement gérée
par une politique monétaire plutôt que
budgétaire.
Aujourd'hui ... la Banque du Canada imprime des
milliards de dollars pour acheter des
obligations gouvernementales afin de faire
baisser les taux d'intérêt.
Pour la première fois, ils sont allés au-delà
de « l'assouplissement quantitatif » -
l'achat d'obligations gouvernementales sur les
marchés secondaires pour abaisser les taux
d'intérêt - pour acheter directement des
obligations gouvernementales.
Ils appuient les dépenses déficitaires massives
des gouvernements fédéral et provinciaux. La
Banque n'approuve peut-être pas ouvertement la
TMM en soi, mais elle agit sur cette base et
démontre que l'État peut en effet toujours payer
pour ce qui doit être fait.
Tous les types d'économistes et de décideurs
orthodoxes ont temporairement admis qu'une
augmentation massive des dépenses publiques peut
et doit être entreprise sans augmenter les
impôts et presque sans tenir compte du déficit
et de la dette.
La question clé est de savoir combien de temps
cela peut durer.
((Pourquoi est-ce que ça doit être la question
clé ? La question clé ne devrait-elle pas
être qui contrôle l'économie, dans l'intérêt de
qui et dans quel but ? Les impérialistes sont
désespérés à sauver leur peau et dépensent des
sommes énormes à faire cela. Déjà les groupes de
réflexion et les médias impérialistes sont devenus
les prophètes du malheur quant aux augmentations
d'impôts à venir et les privations à imposer au
peuple.
Pourquoi ne pas simplement admettre que la crise
a accru les efforts de tous les oligopoles dans
les cartels et les coalitions pour tout contrôler,
à commencer par les institutions étatiques de
chaque pays et leurs gouvernements ? Ils
feront tout pour protéger leurs intérêts privés.
Ils s'entre-déchirent sur la façon de procéder,
le plus décidément ou le plus ouvertement aux
États-Unis, ainsi qu'à l'échelle internationale
avec la Chine et la Russie. Comment les
impérialistes et les centres établis font-ils face
aux nouveaux venus et aux concurrents qui se
multiplient en Asie et dans une moindre mesure en
Russie ? La guerre mondiale est un grave
danger si les peuples ne mettent pas sur pied des
gouvernements antiguerre. Refuser de reconnaître
les dangers n'aide pas le peuple à s'organiser
pour défendre les droits de tous et de toute, à
humaniser l'environnement naturel et social et
faire du Canada une zone de paix.))
Stephanie Kelton [la principale
économiste/professeur américaine qui fait la
promotion de la TMM, ou plutôt promue en tant
que telle, était une conseillère de Bernie
Sanders et fait maintenant partie de
l'entourage de Biden - note de la rédaction du
LML] demande des niveaux beaucoup plus
élevés d'investissement et de dépenses publiques
pour faire face à un large éventail de maux
sociaux, financés directement par la banque
centrale, sur une base d'urgence continue plutôt
que ponctuelle. Tout cela a naturellement séduit
les progressistes.
Tant que nous avons une faible inflation et un
ralentissement économique, il est peu probable
que la Banque du Canada change de cap et
soutienne des dépenses gouvernementales massives
pour faire face à la crise.
Elle donnera à la politique budgétaire la
latitude nécessaire pour stimuler la relance en
pleine reconnaissance du fait que même des taux
d'intérêt proches de zéro ne suffisent pas pour
faire face à la crise. Mais, dans l'état actuel
des choses, elle contrôle toujours
fondamentalement la politique monétaire.
La TMM n'a rien à dire sur ce sujet, rappelant
simplement que les gouvernements peuvent fixer
le taux d'intérêt. Cela soulève la question de
savoir qui contrôle réellement les taux
d'intérêt et dans l'intérêt de qui.
En remontant au moins aux années 1970, la
Banque du Canada ... a généralement choisi
d'accepter un certain ralentissement de
l'économie afin de discipliner les travailleurs
et maintenir une inflation faible et stable.
((Dire que la Banque du Canada a de manière
générale choisi d'accepter un certain
ralentissement de l'économie est vraiment une
description complaisante du chômage, de
l'insécurité, de la pauvreté, de la guerre, du
refus de s'attaquer aux problèmes sociaux et de
les résoudre et des attaques directes de
l'offensive antisociale contre des droits des
travailleurs. Le mouvement de la classe ouvrière
est depuis longtemps en recul sous les coups des
attaques contre les droits des travailleurs, les
pensions et les autres programmes sociaux, la
détérioration des conditions de travail due au
travail contractuel, au travail à temps partiel et
maintenant au secteur de l'économie à la tâche, à
la privatisation, à l'expansion de l'économie de
guerre et à la multiplication des stratagèmes pour
payer les riches, à la destruction de tout
semblant d'indépendance des pays avec les accords
de libre-échange et la mondialisation impérialiste
ainsi qu'à l'intégration des organes/structures et
réglementations de l'État à ceux de l'économie de
guerre et de la sécurité intérieure des
États-Unis.))
La pensée conventionnelle a mis l'accent sur la
fixation de taux d'intérêt bas dans une économie
qui fonctionne en dessous de ses capacités,
comme cela a été le cas lors de la lente reprise
après la crise financière mondiale.
Mais cela, comme le soutient Kelton, a grugé
les dépenses publiques tout en alimentant la
croissance destructrice et insoutenable de
l'endettement des ménages et des entreprises, et
en alimentant l'inflation des prix des actifs
qui a considérablement accru les inégalités des
revenus et de la richesse.
((Note : L'économie impérialiste décrit
l'inflation des prix des actifs comme une hausse
du prix des actifs par rapport aux biens de
consommation et aux services. Les actifs typiques
sont les instruments financiers comme les
obligations, les actions et leurs produits
financiers dérivés, ainsi que les biens
immobiliers et les moyens de production, en
particulier les matières premières ou les produits
de base, comme les impérialistes aiment les
appeler. Tous ces actifs sont achetés et vendus à
plusieurs reprises. Il s'agit d'un échange continu
de valeur déjà produite, et dans de nombreux cas,
comme pour les contrats à terme de marchandises et
le marché boursier, sans aucune production. Cela
pourrait être qualifié de valeur fictive.
L'économie impérialiste ne se préoccupe pas de sa
santé économique globale, mais seulement de la
santé des concurrents individuels qui détiennent
le pouvoir. Les crises économiques sont
récurrentes parce que le facteur humain/conscience
sociale et le but de répondre aux besoins du
peuple et de la société sont empêchés de jouer
leur rôle décisif et nécessaire.))
Les entreprises ont emprunté à de faibles taux
pour accélérer des activités improductives comme
le rachat d'actions et l'augmentation des
dividendes.
La TMM souligne à juste titre que la priorité
doit être donnée à la politique budgétaire
plutôt qu'à la politique monétaire, sans pour
autant adopter une position unique sur les
dépenses des gouvernements.
Des défenseurs, comme Stephanie Kelton, sont
généralement favorables à une forte augmentation
des investissements publics - économie verte,
éducation, infrastructures, etc., ainsi qu'une
garantie d'emploi fédérale.
Ces défenseurs soutiennent également que si
l'inflation devenait un problème, elle pourrait
être combattue par des augmentations d'impôts
sélectives sur les ménages et les entreprises,
par opposition à une augmentation des taux
d'intérêt qui limiterait l'investissement public
et ferait augmenter les coûts connexes liés à la
dette publique.
((La dette publique est contractée auprès
d'investisseurs privés et, dans le cas des
États-Unis, auprès de nombreux investisseurs
étrangers. La dette publique des États-Unis est
unique puisqu'ils peuvent emprunter pour payer ce
qu'ils ont déjà emprunté et plus encore, comme
pour ses forces armées, en raison de leur
domination mondiale. Les pays et les peuples
hésitent à défier l'autorité américaine parce que
les États-Unis détruiront tout ce qu'ils ne
peuvent pas contrôler.
Les emprunts que fait le gouvernement à lui-même
existent en même temps que les emprunts du
gouvernement à des intérêts privés. Un moratoire
sur le service de la dette publique envers les
prêteurs privés, l'examen de sa légitimité et
l'interdiction de tout futur emprunt de ce type
serait une réforme positive, mais pour mettre en
oeuvre et défendre une telle réforme le peuple
doit être organisé et mobilisé.))
Stephanie Kelton soutient que le soutien à la
TMM devrait exister dans tout l'éventail
politique, mais elle néglige le rôle des
intérêts réels.
Les banques veulent conserver leur rôle central
dans la création monétaire.
La TMM tend également à minimiser les
contraintes structurelles réelles sur la
politique macro-économique du gouvernement dans
le contexte des flux de capitaux internationaux.
((« Les flux de capitaux
internationaux ! » - Une manière plutôt
polie de désigner l'impérialisme et la violence
des intérêts privés des oligarques qui parcourent
le monde à la recherche de profits maximums et
d'endroits à piller. Les impérialistes n'ont aucun
sens de la responsabilité sociale car cela
interférerait avec leur objectif de profit maximum
privé. Les pays sous la domination de
l'impérialisme n'ont pas d'économies qui se
développent dans tous les secteurs et qui
suffisent à leurs besoins dans le cadre de projets
d'édification nationale. Le pays dominé doit
offrir aux impérialistes quelque chose comme
certaines matières premières ou la capacité de
travail bon marché de sa classe ouvrière. Dès que
quelque chose perturbe négativement le rendement
des investissements, les impérialistes détruisent
tout et abandonnent le peuple ou attaquent ceux
qu'ils accusent d'être des trouble-fêtes.))
La TMM affirme que les gouvernements peuvent
contrôler le taux d'intérêt par l'intermédiaire
de la banque centrale. C'est vrai dans un
premier temps, mais c'est très problématique
dans un monde de mobilité des capitaux si les
investisseurs craignent une trop forte inflation
ou une dévaluation de la monnaie.
La Banque du Canada peut garder des taux
d'intérêt bas, mais elle fait face à la
possibilité d'une fuite des capitaux nationaux
et étrangers, ce qui ferait baisser le taux de
change et alimenterait l'inflation.
((Ces commentaires signifient que les politiques
fiscales ou même les politiques gouvernementales
globales ne peuvent empêcher la « fuite des
capitaux » si les impérialistes sentent que
leurs intérêts sont menacés. Cela signifie que la
question centrale est celle du contrôle. Qui
contrôle l'économie et dans l'intérêt de
qui ? Pour contrôler l'économie, la classe
ouvrière doit contrôler la politique, car la
politique est l'expression concentrée de
l'économie. Pour contrôler la fuite des capitaux,
il faut contrôler l'économie dans l'intérêt public
et contrôler la valeur qui entre et sort de
l'économie. Cela signifie renforcer l'indépendance
et l'autonomie de l'économie par une reproduction
élargie. Cela exige de contrôler la valeur
nouvelle et la manière dont elle est distribuée.
Cela exige le renouveau démocratique et que les
travailleurs se saisissent du pouvoir de décision
politique, sinon les impérialistes continueront à
dominer.))
Ce point est écarté par les défenseurs de la
TMM, qui parlent principalement des États-Unis,
qui contrôlent la monnaie de réserve mondiale et
se trouvent donc dans une situation unique.
De nombreuses banques centrales étrangères de
pays excédentaires tels que la Chine et le Japon
possèdent d'énormes réserves d'obligations
américaines qu'elles hésiteraient à vendre
rapidement car cela ferait augmenter leur propre
taux de change, entraînerait d'importantes
pertes d'actifs papier et provoquerait une
perturbation majeure du système financier
mondial....
La capacité des marchés obligataires à punir
les petits pays où les niveaux d'endettement
public sont élevés et qui ont une inflation
menaçante ne peut être écartée.
((L'exemple de l'Argentine vient à l'esprit. Une
grande partie de l'énorme dette publique de ce
pays est en devises étrangères (dollar américain,
euro et yen), contrairement au Canada où seul un
faible pourcentage est en devises étrangères. Mais
la dette publique du Canada est principalement
détenue par des « investisseurs
institutionnels » qui sont liés à
l'impérialisme américain. Le Canada est tout aussi
vulnérable à la « punition » par les marchés
obligataires si le gouvernement fait quoi que ce
soit qui contrarie les impérialistes. Cette
possibilité ne peut être écartée ou ignorée et
doit être prise en compte politiquement. Le peuple
doit être mobilisé politiquement et organisé pour
lutter pour défendre ses intérêts, sinon rien ne
changera et les impérialistes continueront à nous
entraîner tous, privés de conscience, vers le
désastre.))
Keynes soutenait que les pays ne pouvaient
contrôler les taux d'intérêt que si les devises
étaient réglementées et que s'il y avait des
contrôles de la circulation de capitaux
internationaux.
((Qui contrôle ces flux à partir d'où et vers
où ? L'investissement international des
richesses accumulées est primordial pour
l'impérialisme et il est inséparable de sa soif de
matières premières bon marché, de travailleurs à
exploiter et d'endroits à piller et à contrôler.
Lorsque la jeune Union soviétique a coupé un
cinquième du monde des investissements et du
pillage impérialistes, cela a gravement affaibli
l'impérialisme et a été la raison principale pour
laquelle l'impérialisme était déterminé à détruire
l'Union soviétique par la guerre et la subversion.
Le contrôle des flux de capitaux internationaux
est une illusion sans une bataille politique
résolue menée par un peuple organisé et
politiquement conscient, déterminé à diriger
l'économie d'une manière nouvelle qui le favorise
et qui contribue à l'édification de la nation et
du nouveau.))
Le démantèlement des accords de Bretton Woods
de l'après-guerre avait pour but de préparer le
terrain pour le passage d'économies contrôlées
au niveau national à un monde de flux de
capitaux internationaux qui assujettissent les
gouvernements.
((Exactement, et cela est devenu l'hégémonie
mondiale du dollar américain et sa position en
tant que monnaie de réserve impérialiste que les
membres du système d'États contrôlé par
l'impérialisme américain étaient obligés d'acheter
et de garder en réserve. L'hégémonie du dollar est
un facteur important qui favorise la
mondialisation sous contrôle des États-Unis et
leur contrôle du système financier international,
ce qui leur permet d'imposer des sanctions et des
blocus et de punir quiconque ose résister à la
domination américaine.))
La TMM a raison d'affirmer que tant que
l'économie fonctionne en dessous de son
potentiel, nous pouvons et devons accuser
d'importants déficits pour combler le fossé et
répondre aux priorités des politiques publiques
comme le besoin de logements abordables, le
développement des soins de santé publics et la
création d'une économie verte.
((L'auteur utilise l'expression « en dessous de
son potentiel ». Quel est le potentiel de
l'économie impérialiste ? Le potentiel se
trouve dans l'économie moderne socialisée de la
grande production industrielle, mais le contrôle
impérialiste avec ses cartels et ses coalitions la
découpe en intérêts privés étroits et concurrents.
Les individus et les groupes privés concurrents,
obsédés par la recherche du profit maximum pour
eux-mêmes, sont tout à fait capables
de s'entredéchirer et de tout détruire pour
servir leurs intérêts privés étroits. Le potentiel
ne peut devenir réel sans que l'économie soit sous
le contrôle des producteurs réels, la classe
ouvrière, avec un nouveau but de se constituer en
la nation afin qu'elle serve le peuple et la
société.))
Ces déficits auront le plus d'impact en termes
sociaux et économiques s'ils sont utilisés pour
financer des investissements publics bien
choisis, par opposition à des réductions
d'impôts. L'inflation ne posera probablement pas
de problème.
((Pourquoi l'inflation ne posera probablement pas
de problème ? Parce que la classe ouvrière a
été battue et sa force organisationnelle détruite.
L'inflation des prix est une arme pour contrer les
augmentations de salaires et réduire les
réclamations des travailleurs sur le produit
social qu'ils produisent. Les prix ne sont pas
stables, ils sont sous le contrôle des oligarques
et au service de leurs intérêts. On peut dire avec
certitude qu'alors que la classe ouvrière commence
à se réorganiser, à se redresser et à revendiquer
ce qui lui appartient de droit, les impérialistes
riposteront par l'inflation des prix et d'autres
moyens pour combattre toute augmentation
importante des salaires, comme ils l'ont fait dans
les années 1970.
Le contrôle des prix dans l'intérêt du peuple
peut être réalisé par le contrôle public du marché
de gros et l'imposition aux principaux secteurs et
producteurs d'une formule moderne qui détermine
les prix de production des biens et des services.
Une formule moderne stipulera un taux de profit
moyen et une valeur reproduite suffisante pour
répondre aux besoins des travailleurs et de la
société. À cela s'ajoute toutes les grandes
entreprises qui paient intégralement les
infrastructures qu'elles consomment dans le cadre
de leurs activités (transports en commun, routes,
ponts, électricité, eau, voirie, etc.))
Nous pouvons avoir d'importants déficits
budgétaires en ce moment, mais pas indéfiniment,
sans changements majeurs de la politique
budgétaire et monétaire et de l'orientation
politique. À plus long terme, nous ne pouvons
pas avoir tout ce que nous voulons simplement en
imprimant de l'argent.
((Nous ne pouvons pas avoir tout ce que nous
voulons quand nous, les travailleurs, n'avons pas
le contrôle des affaires économiques, politiques
et sociales du pays).
Si nous voulons une augmentation permanente des
dépenses publiques, nous devons également
augmenter les impôts.
((Qu'est-il arrivé à la déclaration sur
l'importance des fonds publics provenant des
entreprises publiques ? L'entreprise publique
est la seule source sûre de revenus publics. À
cela, il faut ajouter le contrôle public du marché
de gros et des prix de production régis par une
formule moderne qui garantit un certain niveau de
valeur reproduite individuelle et sociale
(salaires, avantages et programmes sociaux au
service de la population). Cela exige un contrôle
politique résolu de l'économie par les
travailleurs. Les impérialistes retournent
toujours aux attaques contre le peuple par le
biais des impôts, notamment les impôts sur les
particuliers, qu'ils qualifient parfois même de
progressistes.))
Si nous voulons beaucoup plus d'investissements
publics, nous devrons également donner moins de
priorité à la consommation privée, en
particulier la consommation de luxe des riches.
((Le problème n'est pas la consommation privée,
mais l'expropriation privée de la valeur nouvelle
(le profit) qui vient du contrôle privé de
l'économie socialisée. Les producteurs réels, la
classe ouvrière, doivent mettre en avant leur but
pour que l'économie soit au service du peuple et
de l'édification nationale, et exercer un contrôle
sur l'économie afin que leur but soit atteint.))
Si nous voulons un plus grand contrôle de notre
économie, nous devons affronter le pouvoir des
intérêts financiers privés.
((Comment y parvenir n'est pas discuté. Cela
nécessite la construction d'un parti politique qui
organise le mouvement ouvrier pour qu'il s'engage
dans sa propre édification de la nation basée sur
le renouveau démocratique. En se constituant en la
nation, la classe ouvrière doit prendre des
mesures pratiques pour prendre le contrôle de
l'économie et du pays.))
La TMM, basée sur l'héritage théorique de
l'économie keynésienne de gauche, nous offre une
voie pour aller de l'avant, mais elle ne nous
libère pas des contraintes très réelles du
capitalisme.
((La voie pour aller de l'avant est celle de la
libération des contraintes de l'impérialisme. Sans
se libérer des contraintes de l'impérialisme, il
est impossible d'aller de l'avant, il n'y a dans
ce cas que les objectifs de politique vides et les
paroles réchauffées de l'économie keynésienne.
Même lorsqu'elles ont été créées, les politiques
de l'économie keynésienne avaient comme objectif
d'empêcher la classe ouvrière de se libérer des
contraintes de l'impérialisme imposées à
l'organisation, à la pensée et à la théorie.
Aujourd'hui, elles sont promues comme une
soi-disant « Troisième Voie », déjà
discréditée, qui propose que le
« 1 % » peut être amené à partager
sa richesse avec les « 99 % » afin
de renouveler le capitalisme pour le faire
fonctionner. C'est le miracle que le nouveau
discours du Trône et la nouvelle ministre des
finances s'engagent à réaliser. Ce n'est rien
d'autre qu'une promesse en l'air pour cacher les
stratagèmes pour payer les riches et duper les
naïfs. Leur problème est que les seuls naïfs de
nos jours sont les plus hauts échelons des
syndicats d'affaire qui, à cause de leurs propres
intérêts privés étroits, sont tout aussi
déconnectés de la réalité que le gouvernement et
ses ministres avec lesquels ils espèrent rallier
la classe ouvrière.))
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 58 - 16 septembre 2020
Lien de l'article:
Discussion sur l'économie: La théorie monétaire moderne: du keynésianisme réchauffé - K.C. Adams
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