Keynes dans ses propres mots

Nous pouvons dénoter une tendance de pensée et de conception du monde dans les citations choisies qui suivent, suivies de commentaires entre doubles parenthèses. Mises à part les citations, la pratique de Keynes est celle d'un capitaliste financier et théoricien pour l'impérialisme et pour la préservation du droit de monopole et du droit de l'impérialisme de dominer mondialement et avec impunité la classe ouvrière et les peuples opprimés.

L'expérience directe a enseigné à la classe ouvrière qu'au cours du XXe siècle, il a été impossible pour un anticommuniste avoué comme Keynes de faire une contribution positive au domaine de la politique et de la politique sociale. Une personne non intéressée à s'unir aux communistes, une personne remplie de mépris et de haine envers la classe ouvrière, ne pouvait contribuer de façon positive à la vie politique, sociale et culturelle. En ce qui concerne Keynes, non seulement n'était-il pas intéressé à s'unir aux communistes, mais leur défaite était sa mission. Il est devenu l'idole du Parti travailliste dont la mission était de s'assurer que la classe ouvrière de Grande-Bretagne reste sous l'emprise d'une classe dominante déterminée à préserver ses sphères d'intérêt et d'influence et à vaincre la voie de la Révolution d'Octobre.

Des prises de position foncièrement racistes envers les autres, une haine du communisme et de la classe ouvrière, faisaient en sorte que des individus comme Keynes ne pouvaient faire aucune contribution au bien-être du peuple ou à l'intérêt général de la société. L'anticommunisme et le racisme sont des prises de position d'un égocentrique qui place ses préjugés et ses désirs personnels, ainsi que les intérêts étroits des riches et des privilégiés et du statu quo au-dessus des droits de tous, de leurs collectifs et des intérêts généraux de la société, en particulier au-dessus de la nécessité du changement.

Ces citations choisies provenant de ses écrits traitent surtout de ses opinions politiques. Souvent des citations isolées ne suffisent pas à faire ressortir une tendance, mais en ce qui concerne Keynes, il en ressort clairement un anticommunisme, un mépris pour la classe ouvrière et une opposition à la participation active et consciente du peuple au gouvernement, ainsi qu'un racisme non dissimulé envers toute personne n'étant pas européenne et étant perçue comme inférieure, ainsi qu'envers certains Européens.

Rappelons-nous que ces citations de Keynes proviennent d'une époque de divisions de classes très prononcées en Grande-Bretagne et à l'échelle internationale, alors qu'une patrie socialiste de la classe ouvrière fut créée en Russie en 1917, que la révolte grondait au sein des peuples des colonies, que la crise économique des années trente s'approfondissait et que se créait le Front uni international contre le fascisme. Keynes fut à tout moment au service de l'Empire britannique et de l'impérialisme tout au cours de cette période tumultueuse et fut bien récompensé pour ses services à la classe dominante.

Après la Première Guerre mondiale et la Révolution socialiste et la création de la Russie soviétique puis de l'Union soviétique en tant que patrie du prolétariat international, l'impérialisme centré en Europe, aux États-Unis et au Japon exigea de nouveaux arrangements afin de maintenir la classe ouvrière dans l'oppression, l'Union soviétique encerclée et isolée, les colonies écrasées et la classe capitaliste monopoliste au pouvoir et ses monopoles défendus et libres d'étendre leurs empires. La situation était tout à fait nouvelle pour la classe capitaliste.

Une tendance émergeante favorisa le fascisme avec sa politique de « la nation une et indivisible », de suppression ouverte du mouvement ouvrier, de dépenses publiques dans le but de militariser la société, de poursuivre l'édification de l'empire de façon agressive et expansionniste, de confronter les puissances impérialistes dominantes et de se rediviser le monde.

Une autre tendance était la social-démocratie adoptée en tant que variante du libéralisme dans le but d'enrôler les travailleurs en appui à leur propre classe capitaliste au pouvoir au moyen de dépenses publiques consacrées à des projets d'État grandioses. Ces dépenses publiques étaient aussi consacrées aux préparatifs de guerre visant à défendre les colonies déjà en sa possession et pour influencer les puissances impérialistes plus faibles ou en développement telles que l'Allemagne et le Japon pour qu'elles respectent le statu quo en ce qui concerne la division du monde.

Sur le front économique, ces luttes pour de nouveaux arrangements s'entremêlaient à des politiques de même nature consistant à utiliser le trésor public pour financer des mesures de stimulation afin de protéger les grandes entreprises des ravages de la crise économique. Tous les pays impérialistes se sont mis à se servir des fonds publics pour sauver les grandes entreprises et leurs monopoles. Franklin Delano Roosevelt aux États-Unis a utilisé des mesures de stimulation, y inclus le Tennessee Valley Authority, qui ont été ressorties des vieux tiroirs en 2009-2010 avec le sauvetage Bush/Obama des grandes entreprises financières et des monopoles de l'automobile, entre autres.
En Allemagne des années trente, des mesures de stimulation basées sur l'utilisation des fonds publics furent incorporées au programme des Socialistes nationaux du Parti nazi de Hitler dans le but de défendre des monopoles particuliers tels que Krupp et Siemens AG, construire des grands projets d'État et réarmer le pays sur la base des fonds publics ainsi que de fonds empruntés au capital financier étasunien.

Les théories économiques de Keynes prônant le recours aux dépenses publiques pendant un ralentissement dans le cycle économique étaient utiles et donnaient une crédibilité intellectuelle à ces États impérialistes dominants qui suivaient une voie libérale ainsi qu'aux États suivant une voie fasciste et agressive. C'est sans surprise que Keynes trouva sa place dans les deux camps impérialistes puisque la réalité du capitalisme monopoliste est telle que les politiques d'État ne sont pas fondées sur des principes, mais bien sur les besoins pragmatiques du moment.

Dans la période de l'avant et de l'après Deuxième Guerre mondiale, les États capitalistes monopolistes étaient tantôt ouvertement fascistes, tantôt des conciliateurs libéraux avec le fascisme, selon leurs intérêts personnels immédiats. Nous trouvons un exemple frappant de ce phénomène pendant la Deuxième Guerre mondiale impliquant les États-Unis, la Grande-Bretagne et les autres États impérialistes qui étaient à ce moment-là des alliés de l'Union soviétique dans la guerre mondiale pour vaincre l'Axe impérialiste agressive dirigée par l'Allemagne et le Japon. En 1944, alors que la guerre était à son apogée, ces États impérialistes ont forgé l'entente monétaire internationale fasciste de Bretton-Woods en tant que pierre angulaire pour imposer l'impérialisme étasunien en tant qu'unique superpuissance et se servir de leur puissance financière et militaire unie pour perpétuer leur système colonial sous de nouveaux arrangements dans l'éventualité que l'Allemagne et le Japon seraient vaincus.

Un aspect important de Bretton-Woods était de resserrer l'encerclement de leur alliée, l'Union soviétique, afin d'affaiblir et d'éventuellement détruire la patrie de la classe ouvrière. Keynes fut un des principaux architectes de ce nouvel arrangement financier international du capital financier, qui donna lieu au Fonds monétaire international ainsi qu'au précurseur de la Banque mondiale et à l'usure légalisée en tant que forme pour soutirer un tribut des pays capitalistes plus faibles ou en développement.

Citations de Keynes

Opinions sur le communisme, la classe ouvrière et le Capital de Marx :

Ces citations sont tirées des articles parus dans le New Statesman (reproduits dans une brochure intitulée Short View of Russia parue chez Hogarth Press en 1925 et dans Essais de persuasion paru chez Gallimard en 1933.)

« Comme toutes les religions nouvelles, le léninisme tient sa puissance, non de la masse, mais d'une petite minorité d'adeptes enthousiastes récemment convertis, dont le zèle et le fanatisme décuplent les forces, si bien que chacun d'eux égale plusieurs indifférents. »

((Une notion farfelue s'il en est une. « Une petite minorité d'adeptes enthousiastes » n'auraient pas été en mesure de renverser un pouvoir impérialiste tel que la Russie si la multitude de travailleurs et de paysans n'avait pas été préparée subjectivement et organisationnellement pour s'engager dans une lutte révolutionnaire héroïque pour vaincre leurs oppresseurs. Keynes ne fait ici qu'exprimer son mépris pour le peuple et l'incapacité de celui-ci, selon Keynes, de s'engager dans une lutte révolutionnaire pour faire évoluer la société vers une alternative au capitalisme, alternative axée sur l'être humain. Il n'a que haine pour quiconque ne partage pas sa conception du monde. Pour lui, la perspective de la classe ouvrière sur l'économie, la politique et la culture en général est nécessairement dogmatique et intolérante du fait qu'elle est si diamétralement opposée à sa conception du monde capitaliste qui, dans son esprit, bénéficie d'un caractère sacré légué par une longue lignée de traditions anglaises et qui, par conséquent, ne peut être que le seul et véritable mode de pensée.))

« Comment puis-je admettre une doctrine qui érige en Bible, en le soustrayant à toute critique, un volume d'économie politique périmé, qui non seulement est faux d'un point de vue scientifique, mais encore ne comporte aucun intérêt, aucune application possible dans le monde actuel. Comment puis-je me rallier à une doctrine qui, préférant la vase aux poissons, exalte un prolétariat grossier aux dépens de la bourgeoisie et d'un intellectualisme qui, quels que soient leurs torts, demeurent un des plus précieux apanages de la vie humaine et portent, en eux la graine de tout progrès humain ? Quand bien même nous aspirerions à une religion, comment trouverions-nous celle-ci dans les turpitudes des bibliothèques rouges ? Un fils cultivé, intelligent et bien élevé de l'Europe occidentale peut malaisément trouver là à réaliser son idéal, à moins d'être passé d'abord par de telles souffrances et un tel état de conversion que plus rien ne subsiste de sa table de valeurs premières. »

((Ce « prolétariat grossier » est précisément l'aspect émergeant de la grande contradiction du monde capitaliste. Keynes est horrifié à l'idée que la négation du « prolétariat grossier, préférant la vase aux poissons », sera à son tour niée même dans son Angleterre si douce et qu'il perdra son pouvoir, sa richesse et son privilège à ceux-là mêmes — et Keynes ici peine à dire le mot sans y attribuer une obscénité — aux travailleurs qui créent la richesse qui est le fondement de son style de vie intellectuel somptueux à servir les monopoles et l'Empire britannique.))

Keynes tient des propos racistes et antisémites lorsqu'il tente d'« expliquer » la personnalité des peuples de l'Union soviétique :

« Cet état d'oppression ne saurait être mieux indiqué. Il tient en partie, cela ne fait aucun doute, à la Révolution rouge [...]. Il tient peut-être aussi en partie à une certaine bestialité inhérente au caractère russe — ou aux caractères russe et juif mélangés, comme ils le sont à présent. »

((La combinaison du bolchevisme et du judaïsme en tant que caractéristiques propres aux « bêtes » qui pouvaient détruire la civilisation européenne était une thématique commune aux fascistes hitlériens de cette époque. Keynes approfondit ce concept raciste lorsqu'il prétend que la menace à la civilisation européenne provient d'un amalgame de « bestialité inhérente au caractère russe » et de judaïsme. Cette propagande entretenue par l'intelligentsia britannique faisait partie de la pression exercée sur l'impérialisme allemand pour qu'il prenne l'Union soviétique d'assaut, ce qu'il fera en 1941.

((Les intellectuels britanniques tels que Keynes n'ont jamais reconnu le rôle qu'ils ont joué à préparer l'opinion publique européenne pour qu'elle encourage les Nazis allemands, jusqu'à acclamer leur guerre meurtrière menée contre les peuples de l'Union soviétique et qui a mené à la destruction et à la mort sans précédent. Ils regrettent seulement que l'invasion n'a pas eu lieu avant le Pacte de non-agression de 1939 entre l'Allemagne et l'Union des Républiques socialistes soviétiques, ce qui fut un facteur qui retarda l'assaut jusqu'en 1941.

((L'habitude qu'a Keynes de ne pas discuter, mais de simplement attaquer et de prêter à ses adversaires ses propres défauts est caractéristique de la conception du monde fasciste et du rabaissement du niveau de la culture politique sous le capitalisme monopoliste, contrairement à la préoccupation de faire progresser la science au XIXe siècle. C'est le retour à l'obscurantisme et à l'absolutisme médiévaux sous prétexte d'être les plus avancés et les plus érudits.))

« Le léninisme est un mélange de deux choses que les Européens, depuis quelques siècles, ont coutume de ranger dans deux compartiments différents de l'âme — la religion et les affaires. La religion nous choque parce qu'elle est nouvelle, et nous méprisons ses affaires parce qu'elles sont inféodées à la — religion (au lieu que ce soit le contraire), ce qui les rend nettement infructueuses. »

((Mis à part cette expression de mépris pour le léninisme, comment Keynes explique-t-il que l'Église catholique romaine a été pendant des siècles le plus grand propriétaire foncier, participant aux affaires européennes et grand défenseur du pillage à l'étranger ? La réformation protestante a joué un rôle intégral dans la préparation des conditions subjectives pour la victoire du capitalisme sur les relations de propriété médiévales.

Le léninisme avait démasqué l'hypocrisie de l'Église, surtout en Russie où elle avait travaillé main dans la main avec les exploiteurs et les tyrans médiévaux les plus diaboliques.))

Poursuivant sa critique de la Russie révolutionnaire, Keynes écrit :

« Je suis prêt à renoncer au confort et à mes habitudes ; mais je ne puis m'accommoder d'un dogme qui s'embarrasse peu de la liberté et de la sécurité de la vie normale, qui a recours à toutes les armes de la persécution, de la destruction et de la lutte internationale. Comment puis-je admirer une politique qui se définit par les millions qu'elle dépense pour entretenir des espions dans chaque foyer et fomenter des troubles à l'étranger ? »

((Commentaire intéressant s'il en est un étant donné que l'ambition de devenir riche et libre du travail pénible du quotidien est la bible de la bourgeoisie. Et comment les propriétaires du capital ont-ils maintenu l'oppression de la classe ouvrière sinon en graissant la patte des dirigeants ouvriers avec les superprofits provenant de l'exploitation des pays opprimés ? La subversion idéologique est l'essence même de la suppression de la révolution prolétarienne en Grande-Bretagne et en tout autre pays capitaliste monopoliste. Keynes est en soi un excellent spécimen d'un agent provenant des couches moyennes et bien endoctriné par les propriétaires du capital.

((L'hypocrisie de Keynes est sans bornes. On a fait des espions britanniques des célébrités dans les films et dans la culture populaire, mais lorsque la classe ouvrière fait connaître son point de vue au moyen de ses propres outils de propagande et de discussion dans des familles ordinaires, elle « entretient des espions dans chaque foyer et fomente des troubles à l'étranger ». Et le fait d'exprimer une solidarité sociale à l'étranger pour les droits des peuples combattant les empires britanniques et étasuniens devient « fomenter des troubles à l'étranger ».

((D'abord, premier baron Keynes, « fomenter des conflits à l'étranger » s'appelle l'internationalisme prolétarien et la classe ouvrière ne recule pas devant sa responsabilité d'appuyer tous ceux qui s'efforcent de se libérer de l'oppression impérialiste et de faire avancer leurs sociétés vers l'émancipation de la classe ouvrière.

((L'infiltration d'espions et d'agents capitalistes des mouvements des peuples, ce qui était la spécialité de la police tsariste, est devenue une institution signée CIA, Homeland Security, M15, M16 et Service canadien du renseignement de sécurité, mais aussi diverses agences non gouvernementales (ONG) et certaines organisations syndicales et de charité qui empêchent sciemment le peuple de s'organiser pour trouver des solutions qui sont dans son intérêt et pour résoudre les contradictions de ses sociétés, en particulier son exploitation par les empires impérialistes.))

« Je puis ne pas demeurer insensible à ce que je crois être la justice et le bon sens ; mais la lutte des classes me trouvera du côté de la bourgeoisie instruite. »

((Les travailleurs et leurs alliés feraient bien de se rappeler cet « aveu » de Keynes lorsqu'ils entendront ou liront son nom. La « justice et le bon sens » et les principes sont rapidement « infiltrés » par les politiques pragmatiques de la « bourgeoisie instruite » menant la « lutte des classe » contre un « prolétariat grossier ».))

Appui à l'eugénisme

Keynes était un fervent défenseur de l'eugénisme, ayant servi en tant que directeur de la Société britannique d'eugénisme de 1937 à 1944. En 1946 même, au seuil de sa mort, il a déclaré que l'eugénisme était « la branche de la sociologie la plus importante, la plus significative et, devrais- je ajouter, la plus authentique aujourd'hui ». (Citation provenant de : « Opening remarks : The Galton Lecture (1946) ». Eugenics Review 38(1) : 39-40.)

((Il ne s'agit pas ici d'une opinion reposant sur une simple curiosité ou sur l'ignorance. Il s'agit d'une participation active dans le mouvement pour le fascisme européen. Pendant la période qui précéda la Deuxième Guerre mondiale, appuyer l'eugénisme voulait dire appuyer spécifiquement le nazisme. L'eugénisme était présentée en tant que « l'étude et la pratique de la reproduction sélective telle qu'appliquée aux humains », dans le but avoué d'améliorer l'espèce en opposition à l'avancement de la société en changeant les conditions sociales et en réglant les contradictions de classe.

L'eugénisme est une forme de politique d'une nation. L'élite au pouvoir détermine qui est digne de constituer la nation sur la base de critères ethniques, religieux, politiques, physiques et intellectuels. Tout critère non conforme est exclu sinon exterminé, comme cela devint la politique en Allemagne nazi. Aussi, aujourd'hui, l'exigence est telle que tous ceux qui ne prêtent pas allégeance aux « valeurs » dites américaines, canadiennes, britanniques, civilisées, etc., sont passibles de mort civile, ce qui revient à dire qu'ils n'ont pas de droits civils.

Pendant les années trente, l'eugénisme était associée plus intimement aux nazis allemands et à leur programme politique de purger l'Allemagne de toutes personnes dites indésirables. Tout « être humain imparfait » tels que les communistes, les juifs, les roms, les Slaves, les gais, les individus ayant une imperfection physique ou mentale, ou tout individu ayant des valeurs ou une conscience en contradiction avec le Parti nazi de Hitler devait être déporté ou exterminé. Les intellectuels libéraux britanniques et autres, de par leur conciliation envers l'idéologie fasciste telle que le racisme, l'anticommunisme et l'eugénisme, doivent être tenus responsables pour le rôle qu'ils ont joué dans la préparation des conditions subjectives pour les meurtres de masse dans les camps de concentration, pour les crimes de guerre commis par l'appareil militaire allemand à l'étranger ainsi que pour toutes les atrocités nazies.))

Citation provenant de « La fin du Laissez-faire » (1926)

« Le socialisme marxien doit servir de signal aux historiens de l'Opinion — comment une doctrine si illogique et sans relief peut-elle avoir exercé une influence si puissante et si prolongée sur l'esprit des hommes, et par eux, sur les événements de l'histoire ? »

((La classe ouvrière n'a pas développé son idéologie dans le but de divertir l'élite intellectuelle britannique. Le but de l'idéologie est de guider la classe ouvrière pour qu'elle se constitue en tant que la nation pour investir le peuple de sa souveraineté et ouvrir la voie vers l'émancipation complète de la classe ouvrière et l'élimination de la société de classe.))

Citations provenant de « Essays in Biography » (1933)

« J'ai tenté au moyen d'un certain détail de mettre en relief la solidarité et la continuité historiques de la Grande intelligentsia de la Grande-Bretagne, qui est le fondement de notre pensée depuis deux centenaires et demi, lorsque Locke, dans son Essai sur l'entendement humain, a écrit le premier livre anglais moderne. J'énumère ci-dessous les nombreux descendants de Sir George Villiers. Je ressens aussi une grande fierté de me réclamer de la trempe spirituelle de la filière Locke et de cette longue lignée anglaise, qui lie sur le plan intellectuel et humain les uns aux autres, et dont les noms sont énumérés dans la deuxième partie. Sans être le plus sage, Locke était néanmoins le plus véridique des hommes. Sans être le plus affable, il était néanmoins le plus singulier et le plus attachant. Sans être le plus pratique, il possédait néanmoins une conscience sociale des plus pures. Sans posséder un génie artistique élevé, il possédait néanmoins un esprit ayant réalisé les exploits les plus solides et les plus sincères dans un grand nombre de champs parcourus par l'esprit humain. »

((Cette citation faisant l'éloge des Anglais décédés, Locke, Villiers et autres dans la longue lignée anglaise, est suivie de façon inexplicable par une attaque contre les communistes et le respect qu'ils portent à leurs héros, dirigeants et idéologues.))

« Tous partis politiques confondus trouvent leur origine dans les idées du passé et non dans des idées nouvelles — et cela est évident lorsqu'il s'agit des marxistes. »

((Comment peut-on trouver des origines dans des idées nouvelles ? Il s'agit de développer les idées qui correspondent aux conditions d'aujourd'hui, ce qui requiert une analyse concrète des conditions concrètes. Les personnalités modernes ne rejettent pas leurs origines qu'ils retracent dans les luttes et les théories de la classe ouvrière partout où le peuple a fait une contribution, y inclus la pensée ancienne de civilisations passées. Les personnalités modernes ne sont pas d'une telle arrogance qu'elles prétendent pouvoir définir le présent sans le passé qu'on trouve dans les luttes et la pensée d'individus qui les ont précédées et qui ont fait progresser la civilisation vers ce qu'elle est aujourd'hui. Il ne s'agit pas, par contre, de s'attarder au passé et sur l'ancienne pensée dans le but de les transformer en dogme ou en icône, mais de transformer les conditions sociales du présent et de donner naissance à une pensée nouvelle.

C'est ce que Lénine a fait en créant le parti léniniste de type nouveau, lequel était qualitativement différent des organisations ouvrières créées par Karl Marx et Friedrich Engels au cours du dix-neuvième siècle. Et c'est ce qu'ont fait Hardial Bains et d'autres dans les conditions de trahison de la voie léniniste établie par la Révolution d'octobre. Et il en va ainsi du PCC(M-L) et des autres partis communistes révolutionnaires qui se renouvellent constamment afin d'affronter comme il se doit les conditions contemporaines qui sont, elles aussi, en état constant de changement, de développement et de mouvement.))

Citation provenant de Théorie générale de l'emploi, l'intérêt et la monnaie (1935)

« L'essentiel de l'oeuvre de Gesell est écrit en termes pausés et scientifiques, bien qu'elle soit imprégnée d'un dévouement plus passionné et plus émotionnel envers la justice sociale qu'on ne prête généralement à un académicien. Je crois que l'avenir saura bénéficier davantage de l'esprit de Gesell que de celui de Marx. »

((On peut trouver à Wikipédia la note suivante sur Silvio Gesell (1862-1930), pour qui Keynes entretenait une admiration sans bornes : « Gesell fondait ses pensées économiques sur l'intérêt personnel des individus. Pour lui, c'était une motivation naturelle et saine pour agir, qui permet à l'individu de viser à satisfaire à ses besoins et d'être productif. Le système économique doit faire justice à cette précondition, sans quoi le système serait inévitablement un échec. C'est pourquoi Gesell disait de la proposition de son système économique qu'il était 'naturel'. Cette prise de position le plaça diamétralement en opposition à Karl Marx, qui demandait un changement dans les conditions sociales.))

« Tenant compte du facteur égoïste, Gesell prônait une compétition équitable en affaires y incluant des chances égales pour tous, c'est-à-dire, la fin de tous privilèges légaux et héréditaires. »

((Cette admiration de la part de Keynes pour Gesell reflète la contradiction des économistes de l'époque du capitalisme naissant qui avaient toujours un attachement à la période précédente. Cette contradiction fut résolue par le néolibéralisme, qui reconnaît l'entière adhésion au droit de monopole sur le droit public et la fin de toutes illusions qu'un individu pourrait entretenir sur un retour possible ou même désirable du capitalisme prémonopoliste.))

Citation provenant de John Kenneth Galbraith, The Age of Uncertainty

« Keynes n'a jamais cherché à transformer le monde, ni fut-il poussé par une quelconque insatisfaction ou par un mécontentement personnels. Marx a proclamé que la bourgeoisie paierait pour la pauvreté et les furoncles qu'elle lui faisait souffrir. Keynes n'a connu ni la pauvreté ni les furoncles. Pour lui, le monde était excellent. » (Chapitre 7, p. 198)

((Pour un marxiste, dont Marx était le premier mais non pas le dernier, le monde existe sur une base objective et subjective tel quel, ni plus ni moins. Les marxistes, de même que les non marxistes, naissent dans un monde qui n'est pas de leur cru. Les marxistes acceptent le monde tel qu'il est, analysent ses contradictions et se mettent en action avec d'autres pour le changer.

En grande partie, l'insatisfaction et le mécontentement éprouvés par la classe ouvrière viennent d'un sentiment d'impuissance. Dès que les travailleurs refusent d'être des victimes et des spectateurs face à leur propre mauvais traitement et condition de classe, et qu'ils s'unissent et s'organisent avec d'autres de leur classe pour changer les conditions sociales, l'insatisfaction et le mécontentement qu'ils ont pu ressentir sont submergés par un esprit de solidarité sociale et par la conviction que les travailleurs et leurs alliés s'organisent et marchent de l'avant pour résoudre les problèmes du monde réel, les problèmes qui sont à la base de leur insatisfaction et de leur mécontentement. La solidarité sociale est le produit de l'unité d'action pour une même cause. Elle inspire même les gens les plus opprimés à être courageux face à leurs difficultés. Les personnalités modernes voient les problèmes qui existent avec affection malgré les « furoncles », parce qu'on peut s'y attaquer avec un programme établi par soi-même. Ce programme est, à son tour, l'affirmation du facteur humain/conscience sociale, de la vie elle-même.))

Wikipédia écrit : « Le Groupe de Bloomsbury était un groupe d'écrivains, d'intellectuels et d'artistes qui ont tenu des discussions informelles à Bloomsbury (au centre de Londres) tout au long du vingtième siècle... Leur oeuvre a profondément influencé la littérature, l'esthétique, la critique, l'économie ainsi que les attitudes modernes envers le féminisme, le pacifisme et la sexualité. Ses membres les plus connus étaient Virginia Woolf, John Maynard Keynes, E.M. Forster et Lytton Strachey. »

Quentin Bell, dans son livre, Virginia Woolf, une biographie (Hogarth Press, 1972, p.177), cite Keynes. Le biographe, Bell, fait part d'une anecdote impliquant Virginia Woolf, Keynes et T.S. Eliot, qui discutaient de religion lors d'un souper, dans le contexte de leur lutte contre la moralité victorienne de l'époque.

« À la fin du dit souper, un incident rappela à Keynes 'son thème préféré', et il a fait un commentaire à l'effet que 'la jeunesse n'avait aucune religion sauf le communisme et qu'aucune religion aurait été préférable'. Le marxisme 'était fondé sur rien de moins qu'un malentendu de Ricardo', et qu'éventuellement, lui, Keynes, 'traiterait une fois pour toutes de la question des marxistes et d'autres économistes, afin de résoudre les problèmes économiques que leurs théories allaient sans doute occasionner ».

((Les problèmes économiques que les marxistes menacent d'occasionner sont ceux selon lesquels les véritables producteurs réaffirment leur droit de contrôler la direction de l'économie. Ils sont parfaitement capables de trouver leur chemin à travers les difficultés occasionnées par leurs affirmations en tant que véritables producteurs. En partie, cela veut dire qu'ils devront rejeter la thèse de Keynes et d'autres intellectuels centrés sur le capital à l'effet que les travailleurs sont un coût de production ; ils devront être les premiers à réclamer le produit social en tant que véritables producteurs ainsi que la satisfaction des réclamations de la société par le biais du gouvernement avant celles des propriétaires du capital et de leurs serviteurs ; ils devront graduellement éliminer les réclamations du capital une fois pour toutes. Les travailleurs acceptent avec sérénité le défi de surmonter les difficultés que ces mesures pourraient occasionner. Essayer de les impressionner en brandissant le fantôme de Keynes ne les fera pas dérailler.))

Note

Une brève biographie de John Maynard Keynes (1883-1946) est disponible sur Wikipédia et on y trouve certains détails concernant ses origines de classe, son éducation et sa vie publique au service de l'Empire britannique.

(Originalement publié en décembre 2010)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 58 - 16 septembre 2020

Lien de l'article:
Keynes dans ses propres mots


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca