Numéro 31 - 19 novembre 2019

D'importants anniversaires


Trente ans après la chute du mur de Berlin

L'exigence des peuples d'exercer un contrôle sur leur vie
est plus grande que jamais
- Pauline Easton -


134e anniversaire de la pendaison de Louis Riel

Jour d'infâmie dans l'histoire du Canada

La pendaison de Louis Riel et les excuses libérales



Trente ans après la chute du mur de Berlin

L'exigence des peuples d'exercer un contrôle
sur leur vie est plus grande que jamais


À Berlin le jour de la chute du mur, le 9 novembre 1989

Le 9 novembre 2019 marquait le 30e anniversaire de la chute du mur de Berlin. En 1989, la chute du mur de Berlin a été l'un d'une série d'événements qui a captivé l'imagination du monde entier. Cette année-là, il y a eu d'abord en Pologne l'accord entre le gouvernement et le syndicat anticommuniste Solidarnosc. Puis, en novembre, le mur de Berlin a été démoli et en décembre, en Roumanie, Nicolae Ceausescu et sa femme ont été brutalement exécutés. Au cours des deux années qui ont suivi, l'Union soviétique s'est effondrée et la carte du monde a été transformée.

En 1990, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), les États-Unis et le Canada ont adopté la Charte de Paris pour une nouvelle Europe dans laquelle ils déclaraient que les valeurs communes étaient la seule démocratie qu'ils accepteraient dans la nouvelle situation. Désormais, tout pays qui n'adopterait pas une économie de marché, un système multipartite et la définition impérialiste américaine des droits de l'homme devait être la cible d'un « changement de régime ». Sur cette base, les forces contre-révolutionnaires ont établi des systèmes politiques dans lesquels les capitalistes triomphants ont mis au gouvernement des « radicaux » et des « conservateurs », tandis que la politique anti-ouvrière et antipeuple restait la même. Des « révolutions de couleur » ont été lancées, suivies d'une agression militaire quand elles échouaient à provoquer les changements que les forces contre-révolutionnaires exigeaient.

De l'euphorie, de l'euphorie et encore plus d'euphorie était l'ordre du jour de la bourgeoisie il y a trente ans. Tout sera remis sur la bonne voie. Une campagne d'une ampleur sans précédent a été lancée contre le communisme.

Mais l'euphorie qui a accompagné la chute du mur de Berlin s'est vite évaporée et la classe ouvrière tant dans les pays d'Europe de l'Est que dans ceux d'Europe occidentale et dans le monde entier a pu voir que les changements qui ont eu lieu n'ont pas favorisé les travailleurs.

En l'espace de cinq ans, le résultat a été la guerre en Bosnie, l'invasion de la Tchétchénie par la Russie, les revendications de la Géorgie sur l'Abkhazie, le conflit entre Arméniens et Azéris à propos du Haut-Karabagh, le chômage massif ainsi que l'accumulation de la pauvreté à un pôle et de la richesse à l'autre.


Manifestation contre la guerre de l'OTAN dirigée par les États-Unis contre la Yougoslavie, Ottawa, 17 avril 1999

Au cours de ces trente années écoulées depuis la chute du mur de Berlin, la prétendue libération de l'Europe de l'Est et l'effondrement de l'Union soviétique, le repli de la révolution a ouvert la voie au déferlement de l'offensive antisociale néolibérale. Pour soutenir leur effort de domination mondiale, les États-Unis ont augmenté le nombre de pays membres de l'alliance militaire de l'OTAN et élargi sa portée au-delà des frontières de l'Atlantique Nord. Avec l'aide de ses alliés de l'OTAN, les États-Unis ont lancé de multiples guerres d'agression et d'occupation, causant des centaines et des milliers de morts et de la destruction.  Au nom de la guerre au terrorisme, le changement de régime, la destruction et l'état d'exception sont présentés comme la « nouvelle normalité ».

Dans tous les pays prétendument démocratiques où règne l'oligarchie financière internationale, les travailleurs sont soumis aux pires traitements par les monopoles, les oligopoles et les gouvernements que ceux-ci contrôlent. Cette offensive contre la classe ouvrière, contre le mouvement communiste et ouvrier, contre les larges masses populaires d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et des Caraïbes, est facilitée par la désinformation de l'État, de ses organes et de tous ceux qui cherchent à conserver des positions de pouvoir et de privilèges dans l'ordre capitaliste mondial.

Aujourd'hui, l'oligarchie financière internationale a usurpé les pouvoirs des États nationaux pour imposer des intérêts privés supranationaux étroits. Elle gouverne avec des cartels et des coalitions déguisés en gouvernements. Plus elle usurpe le pouvoir et essaie d'établir son hégémonie sur ses rivaux tout en contrôlant le peuple, plus elle gouverne en recourant à des pouvoirs d'exception au nom de la sécurité nationale et de l'intérêt national, plus vaines sont ses tentatives de manipuler les élections pour éviter les guerres civiles qui font rage dans ses propres rangs et plus il est clair que leur pouvoir est superflu. Il faut des institutions modernes pour réaliser les aspirations des peuples d'humaniser l'environnement naturel et social et de vivre dans la paix.

Il y a trente ans, la bourgeoisie, l'impérialisme et la réaction mondiale ont manipulé le mécontentement général des peuples contre le pseudo-socialisme dans l'ancienne Union soviétique et les démocraties populaires d'Europe de l'Est pour installer un système capitaliste. Aujourd'hui, le mécontentement des masses du monde entier contre l'ordre capitaliste néolibéral est tel que la bourgeoisie, l'impérialisme et la réaction mondiale font encore une fois tout en leur pouvoir pour manipuler le mécontentement afin de sauver leurs institutions démocratiques libérales en faillite pour conjurer les conséquences de l'anarchie qui existe et qu'ils ne peuvent contrôler.

Une fois de plus, les reportages des médias qui parlent de l'importance de la chute du mur de Berlin ont pour but de noyer toute discussion sur les problèmes réels qui exigent des solutions réelles. La nécessité du renouveau démocratique est oubliée dans un faux débat qui juxtapose l'interprétation dogmatique du socialisme et l'interprétation dogmatique du capitalisme. Cela ne fait que souligner l'absurdité et la superficialité du discours de la bourgeoisie. Cela met en évidence son arrogance et sa déconnexion des problèmes réels qui ont nécessité des solutions il y a trente ans et auxquels il faut s'attaquer encore aujourd'hui plus que jamais. Il ne peut en être autrement, car ce qui est célébré au nom de la « liberté » et de la « démocratie », c'est l'usurpation du mouvement des travailleurs et des peuples pour exercer un contrôle sur leur vie.

La promesse de « liberté » s'est transformée en guerres d'occupation et d'agression menées par les impérialistes américains et leurs alliés de l'OTAN avec d'autres grandes puissances. Elle prend la forme de sanctions meurtrières, de mise en cage d'enfants, de la violence contre les femmes et les familles, des meurtres brutaux des peuples autochtones comme nous le voyons en Bolivie, de la traite des êtres humains comme main-d'oeuvre à bon marché et d'un nouvel ordre mondial où les prérogatives sont utilisées pour imposer des arrangements qui n'ont pas le consentement des peuples. L'intérêt national et la sécurité nationale sont invoqués pour justifier le pillage, l'exploitation et la criminalisation accrues. Le discours politique rationnel qui unifie le corps politique et ouvre la voie au progrès est absent parce que les partis politiques sont devenus un système de partis cartellisés sans membres, les assemblées législatives ne sont plus des véhicules généralement considérés comme exprimant la souveraineté nationale et les organes politiques sont détruits au nom de grands idéaux. Le résultat, c'est l'anarchie, la violence et la marginalisation accrue des citoyens du processus décisionnel.

Les seules réussites, nous dit-on, sont celles d'une poignée de milliardaires qui, en fait, ne sont que des exemples de la tendance que les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Les gens de l'ancienne Allemagne de l'Est disent ouvertement que la liberté qu'ils ont obtenue est « la liberté d'acheter des biens de consommation » alors que leur désir profond d'exercer un contrôle sur leur vie est plus lointain que jamais et que l'Allemagne unifiée, qui rivalise avec la France et la Grande-Bretagne, est devenue, avec les États-Unis, le principal concurrent pour la domination de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie.

Trente ans après la chute du mur de Berlin, toute l'euphorie autour de la chute du communisme et de la victoire du capitalisme a disparu. Pour détourner l'attention de l'état du monde capitaliste-impérialiste, l'élite dirigeante, en plus d'assimiler le pseudo-socialisme au communisme, attaque l'idéologie communiste comme étant une idéologie de haine qui pousse à la violence. Pour empêcher les gens de s'exprimer par peur des représailles, la propagande est toujours fondée sur la perspective de la guerre froide selon laquelle « l'économie de marché » et le pluralisme idéologique et politique sont supérieurs au communisme. Quelle est la réalité à l'échelle mondiale ? Qu'est-ce que cette réalité nous dit ? Que faut-il faire pour résoudre les graves problèmes auxquels font face les sociétés et l'humanité ?

La réalité est que partout dans le monde, les gens exigent des changements ; une désaffection générale existe partout. Quel est le contenu du renouveau démocratique qui est l'exigence fondamentale des peuples et quelle forme doit-il prendre ?

Le but de la propagande de l'échec du communisme est d'encourager les gens à se ranger soit du côté de ceux qui disent que le communisme est mauvais, soit du côté de ceux qui prétendent que les institutions démocratiques libérales peuvent fonctionner sans corruption. Comme c'est le cas dans toutes les autres sphères, une diversion est créée entre deux faux contraires.

L'humanité a appris de la période très tumultueuse qu'elle a traversée que les problèmes auxquels elle fait face ne sont pas une question de lutte entre les dogmes. Il s'agit de savoir ce qui se passe dans ce monde. Quel est le stade de son développement et que faut-il faire ?

Le renouveau démocratique est le contenu principal de cette période. Il surpasse toutes les autres considérations et est l'étendard qui amène de nouvelles forces au centre de l'histoire. Des millions et des millions de personnes ont une expérience directe de leurs conditions de vie et de travail et elles perçoivent leur réalité non pas à travers le prisme des dogmes mais par leur activité pratique.

La diversion de la « victoire de la démocratie » sur le « communisme » a été utilisée il y a trente ans pour créer l'euphorie et aujourd'hui elle sert à maintenir les anciennes forces et les vieux contenus au pouvoir même si dans les conditions d'aujourd'hui il n'y a pas de place pour ces anciennes formes et ces vieux contenus. Depuis 1989, des gouvernements dits « radicaux », « conservateurs », « de droite », « de gauche » et « centristes » ont tout fait pour saboter le renouveau démocratique et jeter leur peuple droit dans les bras des plus grands ennemis du monde.

La nouvelle période qui a été irrésistiblement inaugurée par les changements qui se sont produits en succession rapide il y a trente ans a montré qu'aucune force ne pouvait continuer à agir de l'ancienne manière. Les conditions ont dépassé la nécessité d'anciennes formes qui ont disparu, alors que de nouvelles formes n'ont pas encore vu le jour. Les nouvelles conditions engendrent un ordre du jour indépendant de la volonté de quiconque, sous la forme de la revendication des peuples d'exercer un contrôle sur leur vie en tant que peuples et en tant qu'individus et sur leur destin en tant que nations. C'est la lutte pour le droit d'être des individus, des collectifs, des sociétés et de nations entières, y compris celui des États-nations opprimés, que nous voyons aujourd'hui. Depuis 1989, la conscience des peuples du monde rejette toutes ces mesures qui forcent les gens à se débrouiller seuls, rejette l'exclusion du peuple du processus de prise de décision et la suppression du droit des nations à l'autodétermination.

C'est le renouveau démocratique qui est à l'ordre du jour des peuples du monde. C'est l'exigence de millions et de millions de personnes dans le monde entier, dans les pays en développement mais aussi et surtout dans les soi-disant économies avancées qui sont plongées dans la crise et où le poids des vieux arrangements épuise l'être humain comme jamais auparavant.

Pour humaniser l'environnement naturel et social!
Tout en oeuvre pour le renouveau démocratique !

(Photos : LML, La planète s'invite)

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134e anniversaire de la pendaison de Louis Riel

Jour d'infâmie dans l'histoire du Canada


Le leader métis Louis Riel (au centre) entouré de conseillers de l'Assemblée législative métisse d'Assiniboia.

Le 16 novembre 1885, le pouvoir colonial britannique a pendu le grand dirigeant métis Louis Riel. Ce dernier avait été trouvé coupable de haute trahison après la défaite des Métis à la bataille de Batoche en mai de la même année. L'exécution de Louis Riel était une façon de frapper la conscience de la nation métisse, mais le pouvoir colonial ne parvint pas à mettre fin à sa lutte pour ses droits et sa dignité en tant que nation. La lutte des Métis pour affirmer leur droit d'être et assumer la direction de leurs affaires politiques continue à ce jour.

Les deux grands soulèvements de la rivière Rouge (1869-1870) et du Nord-Ouest (1885) ne sont pas des événements isolés. Ils ont eu lieu à une époque où les nations autochtones et la nation du Québec cherchaient à s'affirmer, une époque d'effervescence révolutionnaire en Europe. Ils traduisent une réponse au projet colonial britannique qui cherchait à reproduire l'État britannique en Amérique du Nord et à tenir en échec les aspirations légitimes des nations qui composent le Canada.

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 et l'achat des Terres de Rupert de la Compagnie de la Baie d'Hudson par le gouvernement canadien en 1869-1870, juxtaposés au déclin de l'économie métisse traditionnelle fondée sur la chasse du bison, ont contraint les Métis à se doter d'un rapport de force avec les autorités coloniales et à négocier l'entrée du Manitoba dans la Confédération grâce à la mise sur pied d'une Assemblée législative. L'esprit qui anime Riel et les membres du gouvernement provisoire à cette époque est contenu dans la Déclaration des habitants de la Terre de Rupert et du Nord-Ouest qui affirme la souveraineté des Métis sur leurs terres. Ces derniers refusent également de reconnaître l'autorité du Canada, « [...] qui prétend avoir le droit de venir nous imposer une forme de gouvernement encore plus contraire à nos droits et à nos intérêts ».

Alors que la Loi du Manitoba est votée au parlement fédéral en mai 1870, Riel est contraint à s'enfuir aux États-Unis. Le gouvernement ne tardera pas à vouloir affirmer sa souveraineté sur son nouveau territoire comme en font foi l'expédition militaire de Wolseley (1870) et la création de la Police montée du Nord-Ouest (1873) et de l'Indian Act (1876). Avec la politique nationale qu'il promeut à partir de 1878, John A. Macdonald se fait le champion de la colonisation de l'Ouest et du développement de l'agriculture. Avec l'aide des Oblats, les autorités chercheront à sédentariser et à forcer les Métis à adopter le mode de vie agricole. Face à ce cadre contraignant et sous la force des spéculateurs, certains Métis vendirent les terres qui leur avaient été octroyées pour aller s'établir en Saskatchewan.

C'est aussi l'époque où les nationalismes s'expriment au Canada. L'épisode du Manitoba fit prendre conscience aux Québécois de la fragilité de la situation des Métis ; l'abolition de l'enseignement en français au Nouveau-Brunswick en 1871, celui du besoin d'organisation. Les sociétés nationales, telles que les Sociétés Saint-Jean-Baptiste, se répandent à travers le continent en raison des vagues migratoires partant de la vallée du Saint-Laurent. La Convention nationale de Montréal en 1874 et les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste à Québec en 1880 et à Windsor en 1883 rassemblent des délégations de toute l'Amérique française afin de démontrer avec force la vitalité de la « famille canadienne-française ». Les Acadiens tiennent leur première Convention en 1881 où ils se dotent d'une célébration et d'une doctrine nationale.


Victoire des Métis à la bataille de Fish Creek le 24 avril 1885. Lithographie de Fred Curzon.

Les chefs métis, sous l'influence du clergé, ne vont pas à contrecourant. Dès les lendemains de la Résistance de la rivière Rouge, est fondée à Saint-Boniface la Société Saint-Jean-Baptiste du Manitoba. Son vice-président n'est nul autre que Louis Riel. Cette association regroupe à ses débuts autant les Canadiens français que les Métis francophones.

Toutefois, conscients de leur identité distincte, les chefs métis vont façonner leur nationalisme. Louis Riel en viendra à articuler un nationalisme proprement métis, doté d'une fête et de symboles nationaux propres. Ce processus culminera avec la création à Batoche en septembre 1884 de l'Association nationale des Métis afin de promouvoir le développement de leur conscience politique.

Les Métis prennent les armes encore une fois durant la rébellion du Nord-Ouest de 1885. Du 9 au 12 mai 1885, 250 Métis affrontent vaillamment 916 soldats des Forces canadiennes à Batoche mais sont vaincus et Riel se rend.

Macdonald et son cabinet adoptent la ligne dure à l'endroit de Riel et de ses compagnons. Louis Riel est jugé à Régina en juillet 1885. Le procès dure cinq jours. Le jury le reconnaît coupable le 31 juillet, après seulement une demi-heure de délibérations, mais demande la clémence. Or, le juge Hugh Richardson qui préside au procès le condamne à mort. De septembre 1885 à octobre 1886, plusieurs de ses camarades, tous autochtones, seront condamnés au même sort.


Louis Riel s'adresse au jury au tribunal de Régina, juillet 1885.

Si les temps ont changé, l'État canadien a tout de même hérité du pouvoir colonial et persiste à vouloir nier la nation métisse, les nations autochtones et la nation du Québec. La fière histoire de la lutte des Métis pour affirmer leurs droits en tant que nation n'est pas que pour les bouquins qui amassent la poussière, elle continue d'éclairer le présent. La lutte pour l'affirmation des droits qui appartiennent à tous du fait qu'ils sont humains est précisément la lutte pour des arrangements modernes centrés sur l'être humain. La vie de Louis Riel représente la lutte pour la reconnaissance des droits sur une base moderne.

La vie de Louis Riel est d'autant plus pertinente aujourd'hui que l'État canadien se lance dans une nouvelle offensive pour nier les droits des Métis, des Premières Nations et de la nation du Québec, de même que les droits des travailleurs, des femmes, des jeunes, des minorités nationales et de tous les collectifs de la société, tout cela au nom de la sécurité, de l'équilibre, de l'austérité et d'autres faux idéaux.

(Basé sur un article de Marc-André Gagnon paru dans Chantier politique en novembre 2013)

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La pendaison de Louis Riel et les excuses libérales


Commémoration annuelle de Louis Riel sur sa tombe par la Fédération métisse du Manitoba à l'anniversaire de sa mort le 16 novembre 2018 (Fédération métisse du Manitoba)

Le 16 novembre 2019 est le 134e anniversaire de la lâche pendaison en 1885 du grand dirigeant du peuple métis Louis Riel, dans ce qu'on appelle aujourd'hui le Manitoba, la patrie de la nation métisse. D'une part, la nation métisse luttait dans cette région pour sa propre souveraineté contre la Compagnie de la Baie d'Hudson qui imposait son autorité sur tous les territoires des peuples autochtones. De l'autre, selon la vision de John A. Macdonald, cette région était primordiale pour que le Canada se développe d'un océan à l'autre. La région devait servir de passage à la colonisation de l'Ouest et de plaque tournante au chemin de fer transcontinental. Les « pères de la Confédération » ont créé la Police montée du Nord-Ouest, qui deviendra la GRC, pour réprimer la nation dirigée par Louis Riel, faisant du Manitoba la province à qui on attribue l'honneur douteux d'avoir contribué à la consolidation des forces « de la loi et de l'ordre » au Canada.

Durant la semaine du 9 au 13 décembre 1996, le parlement fédéral a débattu du projet de loi privé C-297 qui demande la révocation du verdict de culpabilité prononcé contre Louis Riel qui fut pendu pour « trahison » à la suite de l'écrasement en 1885 de la rébellion du Nord-Ouest.

La loi d'initiative parlementaire, présentée par la député Suzanne Tremblay (Bloc Québécois : Rimouski-Témiscouata) le 21 octobre 1996, a été rejetée par une faible majorité. Suzanne Tremblay avait présenté un projet de loi semblable en novembre 1994, mais il avait été également rejeté. En fait, en décembre 1996, il s'agissait de la septième fois depuis 1983 qu'un tel projet de loi était présenté au parlement puis rejeté.

Lorsqu'il a été rejeté la septième fois, la plupart des députés libéraux ont voté contre le projet de loi. Pas un seul membre du Cabinet n'a voté en faveur du projet de loi et plusieurs ministres libéraux connus se seraient précipités vers les escaliers afin d'éviter que leur vote soit enregistré. Se trouvaient parmi les opposants au projet de loi un grand nombre de députés libéraux du Manitoba. Lorsqu'on a demandé à l'un d'eux, John Harvard (Winnipeg-St-James), pourquoi il avait voté contre la mesure, en dépit d'un appui quasi universel parmi les Manitobains, celui-ci a affirmé que c'était parce que le Bloc Québécois avait un « ordre du jour caché » et qu'il comptait se servir du projet de loi pour susciter de l'appui au « séparatisme ». Il a aussi prétendu que le gouvernement libéral comptait présenter à nouveau le projet de loi lors de la première session, et que Louis Riel y serait clairement identifié comme « Père de la Confédération » et défenseur de l'unité canadienne.

LML avait écrit à ce moment-là :

« Louis Riel ne fut pas un 'père de la confédération'. Bien au contraire, il a passé sa vie à combattre la Confédération et les tentatives de l'État canadien d'éliminer la nation métisse et les droits ancestraux des peuples autochtones. Dans les conditions historiques de l'époque, il a combattu pour la souveraineté des peuples et pour l'unité des Métis, des peuples autochtones et des habitants contre l'État colonial anglo-canadien. Il fut à la tête des populations de l'ouest dans leur lutte pour établir leur propre État qui défendrait leurs intérêts contre les visées expansionnistes à la fois du Canada et des États-Unis. Prétendre que Louis Riel fut un combattant pour la Confédération ou une quelconque 'unité canadienne' abstraite, c'est déformer l'histoire et nier complètement la contribution de Riel aux luttes des Métis et des autres peuples autochtones pour leurs droits.

« Il est on ne peut plus étrange de vouloir appeler Louis Riel un 'père fondateur' quand celui-ci a été pendu par les 'pères fondateurs' et leurs descendants ! Les tentatives dégoûtantes du gouvernement libéral de défendre le legs colonial de l'État canadien, de justifier l'assassinat de Riel et la dévastation de la nation métisse sous prétexte que quelqu'un d'autre à un 'ordre du jour caché' prouvent que ce gouvernement est incapable de se réconcilier avec les meilleurs accomplissements du dix-neuvième siècle, sans parler de vouloir conduire le Canada dans le vingt-et-unième siècle. »

Les déclarations de 1996-1997 au sujet de Louis Riel montrent clairement que c'était bel et bien les libéraux de Chrétien qui avaient un ordre du jour caché. LML avait souligné à cette époque que le Parti libéral tentait de se distancer de l'édification d'empire qui à ses yeux n'était pas « politiquement acceptable » tout en défendant la politique du pouvoir colonial. La politique libérale n'est aucunement différente aujourd'hui avec Justin Trudeau. Encore aujourd'hui, les libéraux ne peuvent envisager le monde moderne du renouveau démocratique. Au Canada, leurs belles paroles au sujet de la réconciliation et de la restauration des relations de nation à nation visent à dissimuler le maintien des relations coloniales enchâssées dans une constitution qui n'investit pas les citoyens du pouvoir souverain. Ces relations coloniales sont au coeur des actes de racisme haineux commis par le Canada pour déposséder les Premières Nations au pays et à l'étranger, comme ses tentatives de renverser l'État plurinational de Bolivie où le premier président autochtone avait rétabli la dignité des peuples autochtones après des centaines d'années de discrimination et d'oppression sous l'égide de lois racistes dites Lois sur les Indiens.

(Archives CRHB)

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