134e anniversaire de la pendaison
de Louis Riel
Jour d'infâmie dans l'histoire du Canada
Le leader métis Louis Riel (au centre) entouré de
conseillers de l'Assemblée législative métisse
d'Assiniboia.
Le 16 novembre 1885, le pouvoir
colonial britannique a pendu le grand dirigeant
métis Louis Riel. Ce dernier avait été trouvé
coupable de haute trahison après la défaite des
Métis à la bataille de Batoche en mai de la même
année. L'exécution de Louis Riel était une façon
de frapper la conscience de la nation métisse,
mais le pouvoir colonial ne parvint pas à mettre
fin à sa lutte pour ses droits et sa dignité en
tant que nation. La lutte des Métis pour affirmer
leur droit d'être et assumer la direction de leurs
affaires politiques continue à ce jour.
Les deux grands soulèvements de la rivière Rouge
(1869-1870) et du Nord-Ouest (1885) ne sont pas
des événements isolés. Ils ont eu lieu à une
époque où les nations autochtones et la nation du
Québec cherchaient à s'affirmer, une époque
d'effervescence révolutionnaire en Europe. Ils
traduisent une réponse au projet colonial
britannique qui cherchait à reproduire l'État
britannique en Amérique du Nord et à tenir en
échec les aspirations légitimes des nations qui
composent le Canada.
L'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867
et l'achat des Terres de Rupert de la Compagnie de
la Baie d'Hudson par le gouvernement canadien
en 1869-1870, juxtaposés au déclin de
l'économie métisse traditionnelle fondée sur la
chasse du bison, ont contraint les Métis à se
doter d'un rapport de force avec les autorités
coloniales et à négocier l'entrée du Manitoba dans
la Confédération grâce à la mise sur pied
d'une Assemblée législative. L'esprit qui anime
Riel et les membres du gouvernement provisoire à
cette époque est contenu dans la Déclaration
des habitants de la Terre de Rupert et du
Nord-Ouest qui affirme la souveraineté des
Métis sur leurs terres. Ces derniers refusent
également de reconnaître l'autorité du Canada, «
[...] qui prétend avoir le droit de venir nous
imposer une forme de gouvernement encore plus
contraire à nos droits et à nos intérêts ».
Alors que la Loi du Manitoba est votée
au parlement fédéral en mai 1870, Riel est
contraint à s'enfuir aux États-Unis. Le
gouvernement ne tardera pas à vouloir affirmer sa
souveraineté sur son nouveau territoire comme en
font foi l'expédition militaire de Wolseley (1870)
et la création de la Police montée du Nord-Ouest
(1873) et de l'Indian Act (1876).
Avec la politique nationale qu'il promeut à partir
de 1878, John A. Macdonald se fait le
champion de la colonisation de l'Ouest et du
développement de l'agriculture. Avec l'aide des
Oblats, les autorités chercheront à sédentariser
et à forcer les Métis à adopter le mode de vie
agricole. Face à ce cadre contraignant et sous la
force des spéculateurs, certains Métis vendirent
les terres qui leur avaient été octroyées pour
aller s'établir en Saskatchewan.
C'est aussi l'époque où les nationalismes
s'expriment au Canada. L'épisode du Manitoba fit
prendre conscience aux Québécois de la fragilité
de la situation des Métis ; l'abolition de
l'enseignement en français au Nouveau-Brunswick
en 1871, celui du besoin d'organisation. Les
sociétés nationales, telles que les Sociétés
Saint-Jean-Baptiste, se répandent à travers le
continent en raison des vagues migratoires partant
de la vallée du Saint-Laurent. La Convention
nationale de Montréal en 1874 et les fêtes de
la Saint-Jean-Baptiste à Québec en 1880 et à
Windsor en 1883 rassemblent des délégations
de toute l'Amérique française afin de démontrer
avec force la vitalité de la « famille
canadienne-française ». Les Acadiens tiennent
leur première Convention en 1881 où ils se
dotent d'une célébration et d'une doctrine
nationale.
Victoire des Métis à la bataille de Fish Creek le
24 avril 1885. Lithographie de Fred Curzon.
Les chefs métis, sous l'influence du clergé, ne
vont pas à contrecourant. Dès les lendemains de la
Résistance de la rivière Rouge, est fondée à
Saint-Boniface la Société Saint-Jean-Baptiste du
Manitoba. Son vice-président n'est nul autre que
Louis Riel. Cette association regroupe à ses
débuts autant les Canadiens français que les Métis
francophones.
Toutefois, conscients de leur identité distincte,
les chefs métis vont façonner leur nationalisme.
Louis Riel en viendra à articuler un nationalisme
proprement métis, doté d'une fête et de symboles
nationaux propres. Ce processus culminera avec la
création à Batoche en septembre 1884 de
l'Association nationale des Métis afin de
promouvoir le développement de leur conscience
politique.
Les Métis prennent les armes encore une fois
durant la rébellion du Nord-Ouest de 1885. Du
9 au 12 mai 1885, 250 Métis
affrontent vaillamment 916 soldats des Forces
canadiennes à Batoche mais sont vaincus et Riel se
rend.
Macdonald et son cabinet adoptent la ligne dure à
l'endroit de Riel et de ses compagnons. Louis Riel
est jugé à Régina en juillet 1885. Le procès
dure cinq jours. Le jury le reconnaît coupable
le 31 juillet, après seulement une demi-heure
de délibérations, mais demande la clémence. Or, le
juge Hugh Richardson qui préside au procès le
condamne à mort. De septembre 1885 à
octobre 1886, plusieurs de ses camarades,
tous autochtones, seront condamnés au même sort.
Louis Riel s'adresse au jury au tribunal de
Régina, juillet 1885.
Si les temps ont changé, l'État canadien a tout
de même hérité du pouvoir colonial et persiste à
vouloir nier la nation métisse, les nations
autochtones et la nation du Québec. La fière
histoire de la lutte des Métis pour affirmer leurs
droits en tant que nation n'est pas que pour les
bouquins qui amassent la poussière, elle continue
d'éclairer le présent. La lutte pour l'affirmation
des droits qui appartiennent à tous du fait qu'ils
sont humains est précisément la lutte pour des
arrangements modernes centrés sur l'être humain.
La vie de Louis Riel représente la lutte pour la
reconnaissance des droits sur une base moderne.
La vie de Louis Riel est d'autant plus pertinente
aujourd'hui que l'État canadien se lance dans une
nouvelle offensive pour nier les droits des Métis,
des Premières Nations et de la nation du Québec,
de même que les droits des travailleurs, des
femmes, des jeunes, des minorités nationales et de
tous les collectifs de la société, tout cela au
nom de la sécurité, de l'équilibre, de l'austérité
et d'autres faux idéaux.
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 31 - 19 novembre 2019
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134e anniversaire de la pendaison
De Louis Riel: Jour d'infâmie dans l'histoire du Canada
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