La pendaison de Louis Riel et les excuses libérales


Commémoration annuelle de Louis Riel sur sa tombe par la Fédération métisse du Manitoba à l'anniversaire de sa mort le 16 novembre 2018 (Fédération métisse du Manitoba)

Le 16 novembre 2019 est le 134e anniversaire de la lâche pendaison en 1885 du grand dirigeant du peuple métis Louis Riel, dans ce qu'on appelle aujourd'hui le Manitoba, la patrie de la nation métisse. D'une part, la nation métisse luttait dans cette région pour sa propre souveraineté contre la Compagnie de la Baie d'Hudson qui imposait son autorité sur tous les territoires des peuples autochtones. De l'autre, selon la vision de John A. Macdonald, cette région était primordiale pour que le Canada se développe d'un océan à l'autre. La région devait servir de passage à la colonisation de l'Ouest et de plaque tournante au chemin de fer transcontinental. Les « pères de la Confédération » ont créé la Police montée du Nord-Ouest, qui deviendra la GRC, pour réprimer la nation dirigée par Louis Riel, faisant du Manitoba la province à qui on attribue l'honneur douteux d'avoir contribué à la consolidation des forces « de la loi et de l'ordre » au Canada.

Durant la semaine du 9 au 13 décembre 1996, le parlement fédéral a débattu du projet de loi privé C-297 qui demande la révocation du verdict de culpabilité prononcé contre Louis Riel qui fut pendu pour « trahison » à la suite de l'écrasement en 1885 de la rébellion du Nord-Ouest.

La loi d'initiative parlementaire, présentée par la député Suzanne Tremblay (Bloc Québécois : Rimouski-Témiscouata) le 21 octobre 1996, a été rejetée par une faible majorité. Suzanne Tremblay avait présenté un projet de loi semblable en novembre 1994, mais il avait été également rejeté. En fait, en décembre 1996, il s'agissait de la septième fois depuis 1983 qu'un tel projet de loi était présenté au parlement puis rejeté.

Lorsqu'il a été rejeté la septième fois, la plupart des députés libéraux ont voté contre le projet de loi. Pas un seul membre du Cabinet n'a voté en faveur du projet de loi et plusieurs ministres libéraux connus se seraient précipités vers les escaliers afin d'éviter que leur vote soit enregistré. Se trouvaient parmi les opposants au projet de loi un grand nombre de députés libéraux du Manitoba. Lorsqu'on a demandé à l'un d'eux, John Harvard (Winnipeg-St-James), pourquoi il avait voté contre la mesure, en dépit d'un appui quasi universel parmi les Manitobains, celui-ci a affirmé que c'était parce que le Bloc Québécois avait un « ordre du jour caché » et qu'il comptait se servir du projet de loi pour susciter de l'appui au « séparatisme ». Il a aussi prétendu que le gouvernement libéral comptait présenter à nouveau le projet de loi lors de la première session, et que Louis Riel y serait clairement identifié comme « Père de la Confédération » et défenseur de l'unité canadienne.

LML avait écrit à ce moment-là :

« Louis Riel ne fut pas un 'père de la confédération'. Bien au contraire, il a passé sa vie à combattre la Confédération et les tentatives de l'État canadien d'éliminer la nation métisse et les droits ancestraux des peuples autochtones. Dans les conditions historiques de l'époque, il a combattu pour la souveraineté des peuples et pour l'unité des Métis, des peuples autochtones et des habitants contre l'État colonial anglo-canadien. Il fut à la tête des populations de l'ouest dans leur lutte pour établir leur propre État qui défendrait leurs intérêts contre les visées expansionnistes à la fois du Canada et des États-Unis. Prétendre que Louis Riel fut un combattant pour la Confédération ou une quelconque 'unité canadienne' abstraite, c'est déformer l'histoire et nier complètement la contribution de Riel aux luttes des Métis et des autres peuples autochtones pour leurs droits.

« Il est on ne peut plus étrange de vouloir appeler Louis Riel un 'père fondateur' quand celui-ci a été pendu par les 'pères fondateurs' et leurs descendants ! Les tentatives dégoûtantes du gouvernement libéral de défendre le legs colonial de l'État canadien, de justifier l'assassinat de Riel et la dévastation de la nation métisse sous prétexte que quelqu'un d'autre à un 'ordre du jour caché' prouvent que ce gouvernement est incapable de se réconcilier avec les meilleurs accomplissements du dix-neuvième siècle, sans parler de vouloir conduire le Canada dans le vingt-et-unième siècle. »

Les déclarations de 1996-1997 au sujet de Louis Riel montrent clairement que c'était bel et bien les libéraux de Chrétien qui avaient un ordre du jour caché. LML avait souligné à cette époque que le Parti libéral tentait de se distancer de l'édification d'empire qui à ses yeux n'était pas « politiquement acceptable » tout en défendant la politique du pouvoir colonial. La politique libérale n'est aucunement différente aujourd'hui avec Justin Trudeau. Encore aujourd'hui, les libéraux ne peuvent envisager le monde moderne du renouveau démocratique. Au Canada, leurs belles paroles au sujet de la réconciliation et de la restauration des relations de nation à nation visent à dissimuler le maintien des relations coloniales enchâssées dans une constitution qui n'investit pas les citoyens du pouvoir souverain. Ces relations coloniales sont au coeur des actes de racisme haineux commis par le Canada pour déposséder les Premières Nations au pays et à l'étranger, comme ses tentatives de renverser l'État plurinational de Bolivie où le premier président autochtone avait rétabli la dignité des peuples autochtones après des centaines d'années de discrimination et d'oppression sous l'égide de lois racistes dites Lois sur les Indiens.

(Archives CRHB)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 31 - 19 novembre 2019

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