Trente ans après la chute du mur de Berlin

L'exigence des peuples d'exercer un contrôle sur leur vie est plus grande que jamais


À Berlin le jour de la chute du mur, le 9 novembre 1989

Le 9 novembre 2019 marquait le 30e anniversaire de la chute du mur de Berlin. En 1989, la chute du mur de Berlin a été l'un d'une série d'événements qui a captivé l'imagination du monde entier. Cette année-là, il y a eu d'abord en Pologne l'accord entre le gouvernement et le syndicat anticommuniste Solidarnosc. Puis, en novembre, le mur de Berlin a été démoli et en décembre, en Roumanie, Nicolae Ceausescu et sa femme ont été brutalement exécutés. Au cours des deux années qui ont suivi, l'Union soviétique s'est effondrée et la carte du monde a été transformée.

En 1990, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), les États-Unis et le Canada ont adopté la Charte de Paris pour une nouvelle Europe dans laquelle ils déclaraient que les valeurs communes étaient la seule démocratie qu'ils accepteraient dans la nouvelle situation. Désormais, tout pays qui n'adopterait pas une économie de marché, un système multipartite et la définition impérialiste américaine des droits de l'homme devait être la cible d'un « changement de régime ». Sur cette base, les forces contre-révolutionnaires ont établi des systèmes politiques dans lesquels les capitalistes triomphants ont mis au gouvernement des « radicaux » et des « conservateurs », tandis que la politique anti-ouvrière et antipeuple restait la même. Des « révolutions de couleur » ont été lancées, suivies d'une agression militaire quand elles échouaient à provoquer les changements que les forces contre-révolutionnaires exigeaient.

De l'euphorie, de l'euphorie et encore plus d'euphorie était l'ordre du jour de la bourgeoisie il y a trente ans. Tout sera remis sur la bonne voie. Une campagne d'une ampleur sans précédent a été lancée contre le communisme.

Mais l'euphorie qui a accompagné la chute du mur de Berlin s'est vite évaporée et la classe ouvrière tant dans les pays d'Europe de l'Est que dans ceux d'Europe occidentale et dans le monde entier a pu voir que les changements qui ont eu lieu n'ont pas favorisé les travailleurs.

En l'espace de cinq ans, le résultat a été la guerre en Bosnie, l'invasion de la Tchétchénie par la Russie, les revendications de la Géorgie sur l'Abkhazie, le conflit entre Arméniens et Azéris à propos du Haut-Karabagh, le chômage massif ainsi que l'accumulation de la pauvreté à un pôle et de la richesse à l'autre.


Manifestation contre la guerre de l'OTAN dirigée par les États-Unis contre la Yougoslavie, Ottawa, 17 avril 1999

Au cours de ces trente années écoulées depuis la chute du mur de Berlin, la prétendue libération de l'Europe de l'Est et l'effondrement de l'Union soviétique, le repli de la révolution a ouvert la voie au déferlement de l'offensive antisociale néolibérale. Pour soutenir leur effort de domination mondiale, les États-Unis ont augmenté le nombre de pays membres de l'alliance militaire de l'OTAN et élargi sa portée au-delà des frontières de l'Atlantique Nord. Avec l'aide de ses alliés de l'OTAN, les États-Unis ont lancé de multiples guerres d'agression et d'occupation, causant des centaines et des milliers de morts et de la destruction.  Au nom de la guerre au terrorisme, le changement de régime, la destruction et l'état d'exception sont présentés comme la « nouvelle normalité ».

Dans tous les pays prétendument démocratiques où règne l'oligarchie financière internationale, les travailleurs sont soumis aux pires traitements par les monopoles, les oligopoles et les gouvernements que ceux-ci contrôlent. Cette offensive contre la classe ouvrière, contre le mouvement communiste et ouvrier, contre les larges masses populaires d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et des Caraïbes, est facilitée par la désinformation de l'État, de ses organes et de tous ceux qui cherchent à conserver des positions de pouvoir et de privilèges dans l'ordre capitaliste mondial.

Aujourd'hui, l'oligarchie financière internationale a usurpé les pouvoirs des États nationaux pour imposer des intérêts privés supranationaux étroits. Elle gouverne avec des cartels et des coalitions déguisés en gouvernements. Plus elle usurpe le pouvoir et essaie d'établir son hégémonie sur ses rivaux tout en contrôlant le peuple, plus elle gouverne en recourant à des pouvoirs d'exception au nom de la sécurité nationale et de l'intérêt national, plus vaines sont ses tentatives de manipuler les élections pour éviter les guerres civiles qui font rage dans ses propres rangs et plus il est clair que leur pouvoir est superflu. Il faut des institutions modernes pour réaliser les aspirations des peuples d'humaniser l'environnement naturel et social et de vivre dans la paix.

Il y a trente ans, la bourgeoisie, l'impérialisme et la réaction mondiale ont manipulé le mécontentement général des peuples contre le pseudo-socialisme dans l'ancienne Union soviétique et les démocraties populaires d'Europe de l'Est pour installer un système capitaliste. Aujourd'hui, le mécontentement des masses du monde entier contre l'ordre capitaliste néolibéral est tel que la bourgeoisie, l'impérialisme et la réaction mondiale font encore une fois tout en leur pouvoir pour manipuler le mécontentement afin de sauver leurs institutions démocratiques libérales en faillite pour conjurer les conséquences de l'anarchie qui existe et qu'ils ne peuvent contrôler.

Une fois de plus, les reportages des médias qui parlent de l'importance de la chute du mur de Berlin ont pour but de noyer toute discussion sur les problèmes réels qui exigent des solutions réelles. La nécessité du renouveau démocratique est oubliée dans un faux débat qui juxtapose l'interprétation dogmatique du socialisme et l'interprétation dogmatique du capitalisme. Cela ne fait que souligner l'absurdité et la superficialité du discours de la bourgeoisie. Cela met en évidence son arrogance et sa déconnexion des problèmes réels qui ont nécessité des solutions il y a trente ans et auxquels il faut s'attaquer encore aujourd'hui plus que jamais. Il ne peut en être autrement, car ce qui est célébré au nom de la « liberté » et de la « démocratie », c'est l'usurpation du mouvement des travailleurs et des peuples pour exercer un contrôle sur leur vie.

La promesse de « liberté » s'est transformée en guerres d'occupation et d'agression menées par les impérialistes américains et leurs alliés de l'OTAN avec d'autres grandes puissances. Elle prend la forme de sanctions meurtrières, de mise en cage d'enfants, de la violence contre les femmes et les familles, des meurtres brutaux des peuples autochtones comme nous le voyons en Bolivie, de la traite des êtres humains comme main-d'oeuvre à bon marché et d'un nouvel ordre mondial où les prérogatives sont utilisées pour imposer des arrangements qui n'ont pas le consentement des peuples. L'intérêt national et la sécurité nationale sont invoqués pour justifier le pillage, l'exploitation et la criminalisation accrues. Le discours politique rationnel qui unifie le corps politique et ouvre la voie au progrès est absent parce que les partis politiques sont devenus un système de partis cartellisés sans membres, les assemblées législatives ne sont plus des véhicules généralement considérés comme exprimant la souveraineté nationale et les organes politiques sont détruits au nom de grands idéaux. Le résultat, c'est l'anarchie, la violence et la marginalisation accrue des citoyens du processus décisionnel.

Les seules réussites, nous dit-on, sont celles d'une poignée de milliardaires qui, en fait, ne sont que des exemples de la tendance que les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Les gens de l'ancienne Allemagne de l'Est disent ouvertement que la liberté qu'ils ont obtenue est « la liberté d'acheter des biens de consommation » alors que leur désir profond d'exercer un contrôle sur leur vie est plus lointain que jamais et que l'Allemagne unifiée, qui rivalise avec la France et la Grande-Bretagne, est devenue, avec les États-Unis, le principal concurrent pour la domination de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie.

Trente ans après la chute du mur de Berlin, toute l'euphorie autour de la chute du communisme et de la victoire du capitalisme a disparu. Pour détourner l'attention de l'état du monde capitaliste-impérialiste, l'élite dirigeante, en plus d'assimiler le pseudo-socialisme au communisme, attaque l'idéologie communiste comme étant une idéologie de haine qui pousse à la violence. Pour empêcher les gens de s'exprimer par peur des représailles, la propagande est toujours fondée sur la perspective de la guerre froide selon laquelle « l'économie de marché » et le pluralisme idéologique et politique sont supérieurs au communisme. Quelle est la réalité à l'échelle mondiale ? Qu'est-ce que cette réalité nous dit ? Que faut-il faire pour résoudre les graves problèmes auxquels font face les sociétés et l'humanité ?

La réalité est que partout dans le monde, les gens exigent des changements ; une désaffection générale existe partout. Quel est le contenu du renouveau démocratique qui est l'exigence fondamentale des peuples et quelle forme doit-il prendre ?

Le but de la propagande de l'échec du communisme est d'encourager les gens à se ranger soit du côté de ceux qui disent que le communisme est mauvais, soit du côté de ceux qui prétendent que les institutions démocratiques libérales peuvent fonctionner sans corruption. Comme c'est le cas dans toutes les autres sphères, une diversion est créée entre deux faux contraires.

L'humanité a appris de la période très tumultueuse qu'elle a traversée que les problèmes auxquels elle fait face ne sont pas une question de lutte entre les dogmes. Il s'agit de savoir ce qui se passe dans ce monde. Quel est le stade de son développement et que faut-il faire ?

Le renouveau démocratique est le contenu principal de cette période. Il surpasse toutes les autres considérations et est l'étendard qui amène de nouvelles forces au centre de l'histoire. Des millions et des millions de personnes ont une expérience directe de leurs conditions de vie et de travail et elles perçoivent leur réalité non pas à travers le prisme des dogmes mais par leur activité pratique.

La diversion de la « victoire de la démocratie » sur le « communisme » a été utilisée il y a trente ans pour créer l'euphorie et aujourd'hui elle sert à maintenir les anciennes forces et les vieux contenus au pouvoir même si dans les conditions d'aujourd'hui il n'y a pas de place pour ces anciennes formes et ces vieux contenus. Depuis 1989, des gouvernements dits « radicaux », « conservateurs », « de droite », « de gauche » et « centristes » ont tout fait pour saboter le renouveau démocratique et jeter leur peuple droit dans les bras des plus grands ennemis du monde.

La nouvelle période qui a été irrésistiblement inaugurée par les changements qui se sont produits en succession rapide il y a trente ans a montré qu'aucune force ne pouvait continuer à agir de l'ancienne manière. Les conditions ont dépassé la nécessité d'anciennes formes qui ont disparu, alors que de nouvelles formes n'ont pas encore vu le jour. Les nouvelles conditions engendrent un ordre du jour indépendant de la volonté de quiconque, sous la forme de la revendication des peuples d'exercer un contrôle sur leur vie en tant que peuples et en tant qu'individus et sur leur destin en tant que nations. C'est la lutte pour le droit d'être des individus, des collectifs, des sociétés et de nations entières, y compris celui des États-nations opprimés, que nous voyons aujourd'hui. Depuis 1989, la conscience des peuples du monde rejette toutes ces mesures qui forcent les gens à se débrouiller seuls, rejette l'exclusion du peuple du processus de prise de décision et la suppression du droit des nations à l'autodétermination.

C'est le renouveau démocratique qui est à l'ordre du jour des peuples du monde. C'est l'exigence de millions et de millions de personnes dans le monde entier, dans les pays en développement mais aussi et surtout dans les soi-disant économies avancées qui sont plongées dans la crise et où le poids des vieux arrangements épuise l'être humain comme jamais auparavant.

Pour humaniser l'environnement naturel et social!
Tout en oeuvre pour le renouveau démocratique !

(Photos : LML, La planète s'invite)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 31 - 19 novembre 2019

Lien de l'article:
Trente ans après la chute du mur De Berlin: L'exigence des peuples d'exercer un contrôle Sur leur vie est plus grande que jamais - Pauline Easton


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca