Numéro 8
Août 2023
Le Parlement se réunira à nouveau le 18 septembre
Le système de gouvernement de parti est totalement discrédité
• Les lois adoptées durant la dernière session parlementaire
• Le Projet de loi C-18, Loi sur les nouvelles en ligne
• Le remaniement ministériel de Justin Trudeau
• Un Conseil national de sécurité
Entrevue avec les dirigeants du Parti marxiste-léniniste du Québec
• Sur la démocratie et la constitution
Le Parlement se réunira à nouveau le 18 septembre
Le système de gouvernement de parti est totalement discrédité
Le 21 juin, les députés ont décidé à l'unanimité d'ajourner la Chambre des communes jusqu'au 18 septembre. Le Sénat a ajourné ses travaux le 22 juin jusqu'au 19 septembre. Le Hill Times qualifie la dernière session de la Chambre des communes d'« acrimonieuse et houleuse ». Il fait écho à de nombreux commentateurs politiques qui affirment que le discours politique au niveau fédéral a atteint un niveau sans précédent d'attaques personnelles et de confrontations.
Les attaques personnelles et les luttes de factions sont monnaie courante, mais la réalité est qu'elles ne constituent pas un « discours politique ». Ce sont les symptômes de conflits entre factions qui se disputent le pouvoir politique, les symptômes de l'utilisation de positions de pouvoir et de privilèges pour imposer des choses par décret – c'est-à-dire par le diktat, les proclamations et les accords de coulisses. Ce sont également les symptômes de la domination du corps politique par les pouvoirs de police et des machines électorales gérées par des individus et des entreprises sans scrupules dont l'objectif est de s'enrichir en menant des campagnes de diffamation, en remplissant les ondes de soi-disant « enjeux » qui divisent le corps politique et ainsi de suite.
Dans ce sens, décrire le discours politique comme « acrimonieux et houleux », ce qui est vrai, ne permet pas d'aller au coeur du problème, à savoir les conséquences de l'échec du système de gouvernement de partis. Un des principaux objectifs de ce système a été de maintenir la prétention que le peuple est représenté soit par le parti au pouvoir, soit par les partis d'opposition, ou que les électeurs sont généralement représentés par « leur » député. Les institutions, les arrangements et le processus électoral qui ont étayé cette prétention ont perdu toute légitimité et toute crédibilité. Aujourd'hui, la grande majorité de la population a l'impression de ne pas être représentée, elle voit que les ministres sont des privilégiés, qu'ils agissent pour leurs propres intérêts et sont dépourvus de conscience sociale. Loin d'assumer leurs responsabilités sociales et de répondre de leurs paroles et de leurs actes, ils doivent, pour conserver leur poste, être des béni-oui-oui dont la principale prouesse est de savoir représenter ce qu'on leur dit de représenter et de renoncer à toute conscience chemin faisant. Quant aux assemblées législatives, qui ont toujours été considérées comme des organes d'approbation, elles sont aujourd'hui devenues insignifiantes et se voient elles-mêmes comme impuissantes. Les décisions ne sont plus prises par les assemblées législatives, elles sont prises par les premiers ministres et, à l'occasion, par les ministres du cabinet ou leurs mandataires, qui agissent sur ordre de l'administration américaine et du Pentagone.
Des sondages récents indiquent que les partis du cartel qui ont des députés à la Chambre des communes traversent une crise de légitimité de plus en plus grave. Frank Graves, président d'EKOS Research, a commenté les sondages du 26 juin qui, selon lui, doivent être placés dans le contexte d'un « pessimisme à long terme au sujet des conditions économiques, d'une méfiance croissante à l'égard des institutions et de la désinformation ». Il a écrit : « Je n'ai jamais vu le pays dans un état d'esprit plus sombre et plus divisé qu'aujourd'hui. » Il dit qu'on assiste à une montée de la « polarisation affective », c'est-à-dire de l'expression d'une aversion ou d'une méfiance émotionnelle en lieu et place d'un débat du genre « je ne suis pas d'accord avec vous sur le point A ou B ». C'est plutôt : « Je ne vous aime pas. Je ne veux pas que vous viviez dans ma rue. Je ne voudrais pas que ma fille sorte avec votre garçon. »
Les lecteurs doivent garder à l'esprit deux choses. D'une part, les sondages eux-mêmes sont discrédités parce que les questions sont conçues pour obtenir des réponses qui font le jeu de la désinformation. La seconde est l'unilatéralité de l'évaluation du sondeur Frank Graves. La question qui se pose est de savoir si la polarisation dont lui et beaucoup d'autres se plaignent se situe entre une faction et un ensemble de personnes et une autre faction et un autre ensemble de personnes, ou si elle exprime la division de plus en plus évidente entre les dirigeants et ceux qu'ils cherchent à diriger et à contrôler. Quoi qu'ils disent à propos de la « polarisation affective », la réalité est que les travailleurs d'un bout à l'autre du pays s'expriment en leur nom propre pour défendre les réclamations qu'ils sont en droit de faire à la société, pour mettre leur bien-être au premier plan. Ils ne font plus confiance à ce qu'on appelle les institutions démocratiques libérales ou le processus de prise de décision qui a été accaparé par des intérêts privés étroits et des ministres agissant à leur solde.
Les sondeurs et les experts déplorent que les chiffres sur la popularité des partis ont à peine changé depuis l'élection fédérale de 2019. Ils s'alarment de voir qu'un parti puisse arriver au pouvoir avec des pourcentages de l'ordre de 20 à 30 et qu'aucun des partis du cartel ne recueille un soutien significatif. Ils ne tirent pas la conclusion que la crise des institutions de la démocratie libérale a donné naissance à un ordre constitutionnel qui n'est plus adapté à l'époque. La réalité est que les dirigeants et leurs institutions refusent toute allusion au besoin criant de renouveau démocratique. Plus que jamais, ils bloquent toute participation des Canadiens au discours politique et à la prise de décision. Même les partisans et les membres des partis du cartel sont marginalisés et doivent faire place à la manipulation des machines électorales. Il y a plein d'intervenants qui ont des conseils à donner aux dirigeants des partis cartellisés sur comment « se sortir » de l'impasse. Récemment, le leader du Parti conservateur, Pierre Poilievre, s'est vu conseiller de « rester en dehors des feux de la rampe et laisser le gouvernement s'autodétruire avec ses erreurs involontaires ». Le premier ministre Justin Trudeau s'est fait conseiller de « relancer le parti » avec de nouvelles politiques et un remaniement ministériel pour se débarrasser des ministres les moins performants et promouvoir ceux dont il a besoin pour remporter les prochaines élections. Et ainsi de suite.
Tout cela révèle que l'anarchie et la violence qui résultent de l'offensive néolibérale antisociale ont accentué le dysfonctionnement de l'ordre constitutionnel. L'anarchie a depuis longtemps été élevée au rang d'autorité, ce qui signifie que le pouvoir de décision des dirigeants n'est plus restreint par des assemblées législatives censées représenter le pouvoir de décision du peuple. La domination sans partage de la cupidité insatiable et de l'opportunisme des oligopoles qui ont pris le contrôle de l'État et des deniers publics fait en sorte que l'incohérence imprègne tous les aspects de la vie.
S'il semble que la vie devient de plus en plus complexe parce qu'on ne peut plus compter sur rien et qu'on ne peut plus rien prévoir, en réalité pour les Canadiens les choses se simplifient. Par exemple, on croyait autrefois que les élections et le droit de vote permettaient d'élire un représentant du peuple. Cela n'a jamais été vrai, mais cette croyance a prévalu. En fait, le vote est l'acte par lequel le pouvoir de parler en son nom propre est remis à quelqu'un d'autre qui, lui, prête allégeance à la Couronne, à un système de gouvernement qui représente les intérêts de la Couronne. Le peuple n'a pas de rôle dans le façonnement de ce système. Aujourd'hui, les citoyens voient clairement qu'ils n'exercent aucun contrôle sur ces représentants et que le système de gouvernement des partis a dégénéré à un point tel que même les soi-disant représentants n'ont aucun droit de regard au sein de leur propre parti, et encore moins au sein du gouvernement.
Les conditions sont en train de lever le voile sur la notion que le peuple élit ses représentants. Le peuple ne voit pas les gouvernants comme faisant partie intégrante de la société, mais comme existant au-dessus d'elle, et voit que les décisions sont prises en dehors des assemblées législatives, et même à l'extérieur du pays. Les Canadiens peuvent constater qu'ils ne sont pas des membres égaux du corps politique et que le système n'a pas besoin d'eux. L'égalité n'est pas une relation sociale que des gens comme Justin Trudeau peuvent trafiquer avec des mesures sur la parité homme-femme ou la représentation des minorités. L'égalité est une structure et cette structure doit être remplacée par une structure conçue par le peuple lui-même qui, ce faisant, définira qui est « le peuple ». Les membres de la société ne sont pas « nés égaux », mais grâce à leur participation à un processus politique qui leur donne les moyens d'agir, ils peuvent prendre les décisions qui affectent leur vie, les mettre en oeuvre, faire la synthèse des résultats et aller toujours plus loin, de manière à humaniser l'environnement naturel et social.
Cela signifie que le processus est conçu pour activer le facteur humain, la conscience sociale, afin que les êtres humains et leur environnement social et naturel s'épanouissent. En réalité les humains et leur environnement ne font qu'un. La structure garantit donc l'égalité des membres à la fois au sein du corps politique et sur le chemin emprunté par ceux qui font leur la résolution de problèmes concrets, suivent la mise en oeuvre de leurs décisions, font la synthèse des résultats et tirent des conclusions justifiées sur ce que révèlent les conditions et l'ensemble des rapports entre humains et entre les humains et la nature.
L'absence de pouvoir politique est d'autant plus ressentie que le droit humain de participer à la gouvernance et de disposer d'un pouvoir de décision dans tous les domaines qui affectent la vie de l'État et de ses membres est nié. Les efforts déployés pour réaliser ce droit donnent des résultats. Ces résultats ne manqueront pas de créer une situation où, en plus de ressentir l'absence de pouvoir politique, on reconnaîtra le besoin d'investir le peuple du pouvoir de décider comme un phénomène nouveau que le peuple aura lui-même fait naître. La prochaine session parlementaire rendra la chose encore plus évidente, car les conflits entre les factions aggravent la crise de l'ordre constitutionnel et les demandes d'un ordre moderne se font de plus en plus fortes et urgentes.
Les lois adoptées durant la dernière session parlementaire
À la fin de la dernière session parlementaire le 22 juin, le leader parlementaire du gouvernement libéral, Mark Holland, a dit aux journalistes que la session a été « très productive ». Il voulait dire par là que les libéraux ont réussi à faire adopter 15 projets de loi au cours des 15 semaines de la session. En tête de liste des priorités libérales figure le projet de loi C-47, Loi d'exécution du budget 2023, qui a reçu la sanction royale le 22 juin. Il s'agit d'un texte législatif omnibus qui contient de nombreuses dispositions cachées dans ses 430 pages, dont beaucoup sont inconnues des Canadiens. Par exemple, il prévoit des modifications à près de 60 textes législatifs, dont beaucoup, comme la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur la citoyenneté et la Loi électorale du Canada, n'ont rien à voir avec le budget comme tel.
L'autre grand projet de loi cité par le leader parlementaire est le projet de loi C-35, Loi relative à l'apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, qui a été adopté par la Chambre des communes et qui doit maintenant être examiné en deuxième lecture par le Sénat. Selon ce projet de loi, d'ici 2026 les Canadiens pourront avoir accès à des services de garde à 10 dollars par jour et ils paient déjà 50 % de moins, indiquent les rapports. Il n'est pas encore évident s'il y aura suffisamment de places disponibles à 10 dollars par jour ou s'il s'agit d'un stratagème pour transférer des fonds publics à des prestataires privés.
Le projet de loi controversé du Parti libéral sur le contrôle des armes à feu, le projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence (armes à feu), a été adopté en troisième lecture par la Chambre des communes le 18 mai, est passé en deuxième lecture au Sénat et sera maintenant étudié en comité. Les détracteurs du projet de loi affirment qu'il ne s'attaque pas aux causes de la violence armée et qu'il nuirait à « des centaines de milliers de chasseurs, d'agriculteurs, de trappeurs, de collectionneurs et de tireurs sportifs canadiens, dont un grand nombre sont des autochtones ». Les défenseurs du contrôle des armes à feu soutiennent le projet de loi et le considèrent comme un pas en avant. Au grand dam de la plupart des Canadiens, il n'a rien à voir avec le contrôle de la violence policière ou des attaques inspirées par l'État et impliquant des armes illégales. La justice continue d'échapper aux victimes de la violence policière.
Bien qu'il s'agisse d'un compte rendu partiel des projets de loi adoptés lors de la dernière session du Parlement, il est difficile de voir en quoi est justifiée l'utilisation du mot « productif » par le leader de la Chambre pour décrire la session du Parlement. Il ne fait évidemment pas référence à la teneur des projets de loi, mais au fait que les libéraux ont réussi à les faire adopter. C'est une évaluation basée sur la grandiloquence du discours libéral et sur les calculs de réélection du gouvernement Trudeau. Cela n'a rien à voir avec la vie et des préoccupations des Canadiens et les défis auxquels la société et le pays sont confrontés en ce moment.
Outre les projets de loi et les joutes oratoires à l'intérieur et à l'extérieur de la Chambre, y compris le battage médiatique autour des fuites de « renseignements » alléguant une ingérence chinoise dans les élections canadiennes, le gouvernement Trudeau revendique deux réalisations majeures au cours de cette session : la signature d'accords sur la garde d'enfants avec les dix provinces – que le gouvernement Trudeau devait livrer pour maintenir l'« entente de stabilité » avec le chef du NPD Jagmeet Singh – et l'obtention de l'usine de fabrication de batteries pour véhicules électriques de Volkswagen à St-Thomas, en Ontario, grâce à des subventions du gouvernement fédéral estimées par le directeur parlementaire du budget à environ 16,3 milliards de dollars. Le gouvernement libéral devait l'obtenir pour répondre aux demandes du Pentagone de financer la technologie requise pour le stockage de l'énergie, la production de véhicules électriques et l'infrastructure nécessaire à la production de guerre. Quelqu'un va en tirer des profits exceptionnels, mais ce ne sont pas les Canadiens.
Le Projet de loi C-18, Loi sur les nouvelles en ligne
La dernière session du Parlement a également vu l'adoption de lois relatives à la réglementation de l'internet. La plus controversée est la Loi sur les nouvelles en ligne, qui a reçu la sanction royale le 22 juin. Elle impose aux entreprises technologiques telles que Google et Meta de négocier des compensations pour les médias canadiens pour le contenu qui se retrouve sur leurs plateformes. Elle prévoit un processus de négociation supervisé par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Cette loi a été défendue par les médias monopolisés canadiens qui exigent un financement public en tant qu'entreprises d'information. La grande majorité des paiements mentionnés dans la loi irait aux principaux médias, soit Radio-Canada, Bell et Rogers. En annonçant l'adoption de cette loi, le ministère du Patrimoine canadien a dit que « la Loi sur les nouvelles en ligne met les entreprises de presse et les grandes plateformes numériques sur un pied d'égalité afin d'en arriver à une plus grande équité et de contribuer à la viabilité du secteur de l'information ».
Ce genre d'affirmation ne vaut pas grand-chose tant que l'information en question est réduite à des intérêts commerciaux et que la viabilité est une considération commerciale dépourvue d'objectifs prosociaux. Le déséquilibre dans les rapports de pouvoir entre ce qui est présumé être les médias canadiens et les oligopoles qui dominent au niveau mondial a été tout de suite évident. En réponse à l'adoption de la loi canadienne, Meta a confirmé qu'il bloquerait le partage d'informations provenant de sources canadiennes sur Facebook et Instagram. Il empêche déjà les Canadiens de consulter sur ses plateformes des contenus provenant de sources d'information internationales.
Selon Michael Geist, professeur de droit à l'Université d'Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit de l'Internet et du commerce électronique, le gouvernement aurait entamé des négociations de dernière minute avec Google pour l'empêcher de faire la même chose. Dans un article publié le 27 juin, le professeur écrit que le projet de loi « pourrait causer d'énormes dommages au secteur des médias et pourrait conduire à un grave cas de remords de l'acheteur pour le secteur des médias ». Il fait référence, par exemple, aux déclarations du directeur du Devoir, Brian Myles, devant le comité sénatorial chargé d'étudier le projet de loi C-18 en mai, à l'effet que 40 % des visites au site du Devoir proviennent de recherches sur Google et 30 % des médias sociaux. Ce qui fait qu'au lieu de recevoir des compensations de Google et de Meta, les entreprises de médias ont tout à perdre si ces plateformes décident de bloquer le partage d'informations provenant de sources canadiennes. Meta a conclu qu'étant donné que le contenu journalistique ne contribue que très peu à ses revenus d'ensemble, il est plus facile de retirer complètement les informations que de se conformer à la loi.
Il n'en reste pas moins que dans un pays comme le Canada les médias d'information ont besoin d'un soutien public parce que le marché est relativement petit comparativement, par exemple, à celui des États-Unis, et qu'ils ne peuvent pas s'autofinancer par la seule publicité. Le problème, bien sûr, est le manque d'indépendance du Canada et l'absence d'un pouvoir souverain par lequel c'est le peuple qui décide de tout ce qui le concerne. L'arrêt des reportages locaux par les grands médias traditionnels et audiovisuels est déjà un problème assez grave pour les lecteurs canadiens, mais lorsque les reportages restants s'inspirent des agences privées qui dictent la désinformation du jour en ce qui concerne les affaires nationales et internationales, il n'y a pas de rédemption possible.
Avec la Loi sur l'information en ligne, le gouvernement a prétendu qu'il existe des médias canadiens indépendants, ce qui n'est pas le cas. Les nouvelles mesures adoptées ne sont pas non plus de nature à favoriser l'existence d'un média indépendant. Et ce n'est d'ailleurs pas l'objectif visé.
Le remaniement ministériel de Justin Trudeau
Le 26 juillet, le premier ministre a annoncé une réorganisation majeure de son cabinet. Le cabinet compte actuellement 39 postes, dont celui de premier ministre. Parmi eux, seuls les portefeuilles de huit ministres restent inchangés, en plus de celui du premier ministre, tandis que 30 sont touchés par le remaniement. Sept ministres ont été écartés du cabinet. Quatre d'entre eux avaient déjà annoncé qu'ils ne se représenteraient pas, ce qui signifie que trois autres subissent une humiliation d'une sorte ou d'une autre – un poste moins prestigieux ici, une baisse de salaire considérable là, selon qu'ils sont affectés à un autre poste ou qu'ils retournent sur les bancs de l'assemblée. Sept députés élus pour la première fois en 2021 se sont vu attribuer des postes ministériels non pas en fonction de leur mérite, mais pour garantir leur siège lors des prochaines élections. D'après les conjectures médiatiques, ils semblent tous provenir de circonscriptions où les résultats des dernières élections étaient très serrés.
Avant et après le remaniement, les pronostics des politiciens et politicologues ont porté sur quel ministre placer à quel endroit, qui rétrograder et qui promouvoir. Ils parlent de décisions prises par « l'équipe Trudeau », qui semble être un groupe de consultants en coulisses, payés au fort prix pour accroître les chances électorales du parti. Le fait que le Parti libéral décide de son programme et de son personnel en fonction des prochaines élections montre en soi que rien de bon ne sortira de ces décisions. Les dernières élections ont eu lieu en 2021 sous le couvert d'un « mandat COVID ». Le gouvernement a interprété ce « mandat » comme une approbation de la politique de donner de l'argent aux grandes pharmaceutiques et d'augmenter les déficits et la dette pour payer les riches. Pendant ce temps, les Canadiens étaient persécutés pour les « trop-perçus », des divisions ont été créées parmi la population par la promotion de théories conspirationnistes de toutes sortes, au bénéfice de personne, et le pays s'est enfoncé dans la spirale de la soumission à toutes les demandes de l'administration Biden.
La parité homme-femme dans le cabinet remanié donne à Trudeau l'occasion de vanter une fois de plus son féminisme, malgré le refus de rendre justice aux femmes et aux enfants qui souffrent de violence, de sans-abrisme, de pauvreté et de toxicomanie. Un certain nombre de ministres sont présentés comme des « Canadiens à trait d'union » (qualifiés par le Hill Times de Canadiens-hindous, Canadiens-sikhs, Canadiens-philippins et Canadiens-juifs). Cela montre à quel point la religion, la nationalité et la citoyenneté sont confondues. Cela revient à priver les Canadiens d'une identité moderne fondée sur la création d'un État-nation moderne à l'image de la classe ouvrière, qui est une seule et même humanité, et non une personnalité qui prive l'État de sa cohérence et d'une communauté d'objectif. C'est pour courtiser le « vote ethnique » qu'on parle ainsi de « Canadiens à trait d'union », censés représenter les communautés nationales minoritaires. Bien que de nombreux Noirs viennent de familles qui vivaient au Canada bien avant la Confédération et que d'autres soient issus de nations et de nationalités distinctes, ils sont considérés sous l'angle raciste comme des personnes sans citoyenneté, sans nationalité ou sans appartenance ethnique. De même, l'identité des peuples autochtones au sein de leurs nations n'est pas reconnue en raison de leur caractérisation raciale.
À propos de la nomination de Rechie Valdez au poste de ministre des Petites Entreprises, une députée novice élue pour la première fois en 2021, Radio-Canada fait remarquer que, jusqu'à sa nomination, les 960 000 membres de la communauté philippine au Canada n'avaient pas eu de représentant au Parlement depuis 2004. Le dilemme auquel est confrontée cette démocratie dite représentative saute aux yeux quand même les médias d'État admettent que les Canadiens ne sont pas représentés ! Radio-Canada note que « par comparaison, les 770 000 sikhs du Canada étaient représentés par quatre des 40 ministres du premier cabinet du premier ministre Trudeau ». De tels calculs de la part des partis du cartel et des médias reflètent leur propre vision raciste et visent à semer des divisions raciales afin de saper l'unité dont a besoin le peuple canadien pour renouveler la démocratie par la démocratie de masse. Par la démocratie de masse, le peuple s'investit du pouvoir décisionnel souverain et la conception des droits héritée de l'époque de la conquête, perfectionnée dans la réforme parlementaire et la moralité victoriennes du XIXe siècle, puis réduite au « droit du consommateur au XXe siècle », est écartée une fois pour toutes.
Le Hill Times rapporte également que « le premier ministre Justin Trudeau a mis les bouchées doubles pour recruter une majorité écrasante de son premier banc dans le 'mur rouge', c'est-à-dire les libéraux de l'Ontario, du Québec et des provinces atlantiques qui l'ont porté au pouvoir en 2015 et lui ont donné ses deux mandats suivants, selon les députés, les initiés politiques et les sondeurs ». Un député libéral qui s'est exprimé sous le couvert de l'anonymat a dit au Hill Times : « Je décrirais le nouveau cabinet comme un cabinet de combat, où les nouveaux venus viennent de circonscriptions qui sont des circonscriptions de combat, ou qui renforcent les communautés qui font partie de régions de combat. »
Pas un mot n'est dit sur le fait que ce qui est présenté comme un événement politique important n'a rien à voir avec la résolution des problèmes auxquels les citoyens sont confrontés. Il n'est pas fait mention de ce que le nouveau cabinet envisage de faire pour gérer la crise dans la santé, la crise du logement et l'inflation, qui plongent les travailleurs dans la pauvreté et rendent la vie littéralement impossible aux familles et aux individus qui vivent de revenus fixes, de rentes d'invalidité et d'aides sociales. Aucune mention n'est faite des préparatifs de guerre et des dépenses militaires, ni de la destruction de l'environnement social et naturel.
Au lieu de cela, les grands médias répètent le message vide de sens du Bureau du premier ministre à savoir que les libéraux ont « fait du bon travail » et « feront encore plus ». Le Bureau du premier ministre annonce :
« S'appuyant sur le travail accompli depuis 2015 pour investir dans la population canadienne tout en renforçant la classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour en faire partie, cette équipe ministérielle va continuer à faire des progrès en matière de logement et à remettre plus d'argent dans les poches des familles. Afin d'offrir un meilleur avenir à tous, elle continuera également à lutter contre les changements climatiques et à nous faire avancer sur la voie commune de la réconciliation. »
Aucune discussion n'est permise sur l'orientation de l'économie ou sur la nécessité d'une politique étrangère qui serve les intérêts des Canadiens et non les exigences des États-Unis et de l'OTAN. Ces manoeuvres cyniques et intéressées du parti au pouvoir pour rester au pouvoir, en utilisant le peuple et même ses propres députés comme des pions, sont méprisables.
Bien que tout cela soit vrai, la question demeure : que doit faire le peuple dans ces conditions ? Tout laisser tomber n'est pas une option, car les dommages causés au pays, aux êtres humains et à la nature sont déjà trop élevés.
Pour la liste des membres du nouveau conseil des ministres, cliquer ici.
Un Conseil national de sécurité
Les dangers qui nous guettent étaient évidents dans l'annonce du 26 juillet au sujet de la création d'un « Conseil de sécurité nationale ». Selon un communiqué du gouvernement, il s'agira d'un « nouveau forum permettant aux ministres de délibérer et d'aborder les questions d'intérêt pressant pour la sécurité nationale et internationale du Canada ». La composition du conseil et les autres changements apportés aux comités existants du Cabinet du premier ministre seront annoncés « dans les semaines à venir ».
Cette annonce met le Canada en phase avec les autres pays du « Groupe des cinq », le réseau d'agences de renseignement impérialistes dominé par les États-Unis et situé en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni.
La proposition de créer un tel comité a été faite par David Johnston, l'ancien gouverneur général que Trudeau a nommé rapporteur spécial pour enquêter sur les « ingérences étrangères » dans les affaires canadiennes. Bien entendu, cela n'inclut pas l'ingérence des États-Unis, qui n'est même plus considérée comme étrangère. La section de son rapport intitulée « Questions à examiner au cours de la phase publique de mon travail », préparée avant qu'il ne démissionne de son poste, contient cette proposition de créer un « Conseil de sécurité nationale ». Le principal objectif déclaré d'une telle commission est de répondre aux révélations faites dans les témoignages à l'effet que les « rapports de renseignement » tombaient dans des « trous noirs » et n'atteignaient pas les hauts fonctionnaires et les ministres.
Aucune explication n'est donnée sur comment un « Conseil de sécurité nationale », qui semble être l'exemple parfait d'un « trou noir », va remédier au problème des « rapports de renseignement » qui tombent dans des « trous noirs ».
Son rôle consistera à priver encore davantage les citoyens d'informations et de leur droit d'avoir leur mot à dire sur l'orientation de la politique étrangère en créant un autre club exclusif ayant accès aux « secrets d'État » fournis par une police totalement irresponsable qui semble aujourd'hui diriger le spectacle – avec des chefs d'État, l'industrie de l'armement et des gouvernements et des pays entiers à leur disposition.
Ça ne doit pas passer !
Entrevue avec les dirigeants du Parti marxiste-léniniste du Québec
Sur la démocratie et la constitution
Dans le texte qui suit, Christine Dandenault, cheffe du PMLQ, et Geneviève Royer, dirigeante, répondent aux questions de l'Alliance pour une constituante citoyenne du Québec (ACCQ).
Alliance pour une constituante citoyenne du Québec : Quelle est votre définition de la démocratie ?
Réponse : Tout d'abord, je veux remercier l'ACCQ pour cette initiative de faire des entrevues sur la démocratie et la constitution, et pour le travail que vous faites. Créer l'espace pour en discuter, recueillir des points de vue et mener cette discussion sur la place publique, c'est très précieux.
Pour notre Parti, l'établissement d'une démocratie moderne passe par l'abolition de la monarchie. Et une démocratie moderne est celle qui investit le peuple lui-même du pouvoir souverain de gouverner et de décider de toutes les questions qui le concernent, dont la direction de l'économie, et non les représentants des riches.
La démocratie aujourd'hui est en crise et la constitution est totalement désuète. Cela a été clairement exposé avec le décès de la reine Élizabeth II et plus encore lors de l'assermentation du roi Charles III. Personne n'a pu fermer les yeux sur le fait que le Canada est une monarchie constitutionnelle, que Trudeau a applaudi le nouveau monarque, son souverain, et que ce n'est pas qu'un simple symbole !
C'est « le peuple » qui doit définir « le peuple », et non l'État, établi par l'empire britannique d'autrefois, perpétué par ceux qui bénéficient des structures de pouvoir et de privilèges qu'il a établies.
À l'automne dernier, le refus du Parti québécois de prêter allégeance à la monarchie britannique a été largement appuyé par la population. Cela a été un pas en avant. Cette monarchie britannique est non seulement une relique archaïque, désuète et rétrograde d'une autre époque, elle est aussi l'expression concrète du fait que la souveraineté de la nation québécoise, des Premières Nations et du peuple canadien est niée par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
ACCQ : Selon vous, quelles sont les causes de la perte de confiance de la population face aux instances politiques ?
Réponse : La cause principale est que les gens ont l'expérience que tous les partis à l'Assemblée nationale défendent les mêmes arrangements qui les excluent du pouvoir. Même si les partis ont des différences ici et là dans leur programme respectif, ils sont unanimes à refuser un renouvellement du processus de prise de décision pour qu'il soit entre les mains du peuple.
On entend chaque jour ces partis clamer qu'ils représentent le peuple du Québec, alors que son point de vue et ses demandes de changement sont totalement absents.
Pensons juste à ce que représente le droit de vote aujourd'hui. Il ne veut plus dire grand-chose, car il ne donne aucun pouvoir sur les prises de décision. Il ne change pas la direction de l'économie. Il ne change pas l'application par les gouvernements de l'agenda néolibéral et antisocial de payer les riches. Il permet uniquement de voter une fois tous les quatre ans pour remettre à d'autres le pouvoir de décider, en notre nom, pour un programme qui attaque les individus et les collectifs et sert une petite minorité. Alors bien sûr, il y a perte de confiance.
ACCQ : Dans les discussions sur une nouvelle constitution, un questionnement revient souvent quant à l'imputabilité des politiciens élus par rapport à leurs engagements électoraux. Quelle est votre position ?
Réponse : Cette année est le 32e anniversaire des derniers rapports officiels sur la désaffection politique générale et le mécontentement des Canadiens à l'égard du processus électoral qui les prive de leurs moyens d'action. La Commission Spicer sur l'avenir du Canada a présenté ses conclusions au cabinet conservateur Mulroney en juin 1991. La Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis a suivi, présentant son rapport et ses recommandations en novembre 1991. Les deux commissions ont fait état du mécontentement des citoyens à l'égard des politiciens, des partis politiques et du Parlement. Les citoyens ont demandé qu'il soit mis fin à la concentration du pouvoir de décision entre les mains de quelques-uns. De nombreuses personnes ont présenté aux commissions des propositions en faveur d'une assemblée constituante qui permettrait au peuple de rédiger et d'approuver sa propre constitution et sa propre loi électorale.
Plus récemment au Québec, la perte de confiance des électeurs dans les institutions a été soulevée entre autres à la suite des révélations de la Commission Gomery sur le scandale des commandites en 2004 et des révélations de la Commission Charbonneau en 2015. Des lois ont été adoptées depuis entre autres sur le financement politique. Elles n'ont pas donné plus de crédibilité aux institutions démocratiques. Au contraire. Plus les changements proposés resserrent la vis de l'État sur les partis politiques, plus ceux-ci deviennent des appendices de l'État, portant atteinte au droit d'association, de conscience, au droit à un vote informé, au droit d'élire et d'être élu et à celui de participer à la gouvernance des citoyens.
Alors nous disons que ce processus doit être modernisé pour que ce soient les citoyens qui choisissent les candidats, définissent eux-mêmes le programme du gouvernement sur la base de la défense des droits de toutes et tous, que le financement de la vie politique soit assuré par les fonds publics – financer le processus, pas les partis, etc.
ACCQ : Reconnaissez-vous l'influence des lobbies sur les politiques ?
Réponse : Les lobbies et les politiques qui l'entourent sont un aveu que l'orientation de l'économie est entre les mains des grands intérêts privés. C'est déjà une corruption à la base et, au nom de la transparence, les lois et règlements encadrant le lobbyisme rendent tout simplement légale cette corruption.
Aujourd'hui, nous sommes témoins des instances supranationales qui décident des politiques que les gouvernements doivent suivre pour payer les riches. Cela signifie la privatisation du domaine politique. Il s'agit de la prise en charge directe des fonctions du gouvernement et de l'État par des intérêts privés étroits.
Pratiquement, les gouvernements du Canada et des provinces, dont le Québec, intègrent les ressources du pays à la machine de guerre américaine et à son économie. Par exemple, c'est l'OTAN qui dicte l'augmentation du budget canadien des dépenses militaires.
Pendant ce temps, le Canada crée toute une hystérie anti-Chine sur les prétendues activités d'espionnage et d'ingérence chinoises, mais n'a aucun problème avec cette domination du Canada par l'économie de guerre contre les intérêts des peuples. Cela montre qu'il y a de grandes contradictions au sein de ces instances et c'est très dangereux pour le peuple au Québec et au Canada.
ACCQ : Que pensez-vous de l'influence des réseaux supra gouvernementaux (ONU, OMS, UNESCO, etc.) sur nos politiques ?
Réponse : L'ONU a été fondée à San Francisco le 24 octobre 1945 dans le but de prévenir un autre conflit comme celui de la Deuxième Guerre mondiale. À sa création, elle comptait 51 États membres; il y en a maintenant 193. Aujourd'hui, l'ONU a besoin de réformes majeures pour que son mandat de paix puisse être respecté. Au lieu de cela, le Conseil de sécurité est soumis à l'intimidation et au chantage des grandes puissances et il ne défend pas les droits des pays et des peuples du monde, grands ou petits. C'est pourquoi elle doit être réformée pour réaliser les principes de sa Charte qui s'opposent à l'agression et à l'ingérence dans les affaires des États membres et à l'affirmation des droits de toutes les nations.
ACCQ : Quelles sont vos propositions pour diminuer l'impact des lobbies ?
Réponse : On mettra fin à la corruption en prenant des mesures pour affirmer, et non pas nier, la liberté d'association, le droit de conscience, le droit à un vote informé, le droit d'élire et d'être élu, le droit de participer directement à la gouvernance.
ACCQ : Est-ce que des comités citoyens tirés au sort pourraient faire en sorte de diminuer les conflits d'intérêts des gouvernants ?
Réponse : À prime abord, tout nouveau processus politique est positif dans le sens de donner une nouvelle expérience au peuple à exercer la démocratie. Votre préoccupation de former des comités citoyens est intéressante parce qu'il faut trouver de nouvelles manières de faire aujourd'hui, de nouvelles formes qui changeront la situation. Il faut des réformes qui vont habiliter le corps politique à participer à la vie politique. Le système politique est organisé pour maintenir les citoyens en marge des décisions, en spectateurs et masse votante. La marginalisation des électeurs, du corps politique et de leurs préoccupations lors d'une élection et dans la vie de tous les jours est un problème crucial à résoudre.
Une des mesures à prendre est que l'État finance le processus électoral à 100 % plutôt que de financer les partis. La réalité d'aujourd'hui est que l'État finance à 90 % les partis politiques avec les fonds publics. Le prétexte donné est que c'est pour combattre la corruption et offrir de la transparence. Mais en fait, c'est un mécanisme de corruption, car les partis politiques sont des entités privées qui devraient se financer par leurs membres et non l'État.
Les fonds publics devraient servir à encourager l'électorat à participer à la vie politique, à lui fournir les noms de tous les candidats et l'information sur leur programme et toutes sortes d'autres initiatives pour que les gens puissent décider par eux-mêmes.
ACCQ : À quel point la polarisation est-elle un problème dans notre société ?
Réponse : La division est la base même de l'Acte d'union de l'Amérique du Nord, qui est appelé Constitution du Canada : divisions entre peuples fondateurs et autochtones, entre le Québec et le reste du Canada, entre les travailleurs et les nouveaux arrivants, etc. Ces divisions ont entre autres pour but d'étouffer l'opinion publique qui considère que tous ont des droits égaux et que cela doit se refléter dans la Constitution d'un pays et dans ses arrangements politiques.
Elle sert à maintenir le peuple hors du pouvoir, alors qu'aujourd'hui la solution est dans la création de nouvelles formes et d'un nouveau contenu qui habilitent le peuple à gouverner et à décider. C'est la société, avec son ensemble de relations humaines, qui est la base de l'État, et non l'inverse. La Constitution ne définit pas la démocratie et l'appareil d'État qu'elle met en place ne la définit pas lui non plus. Au contraire, ce sont la société et ses relations qui le font. Changer ces relations de pouvoir est une partie intégrante de la réalisation du changement qui avantage le peuple.
Les Québécois ont besoin de pouvoir développer entre eux et avec l'ensemble de l'humanité des rapports sociaux modernes et centrés sur l'être humain.
ACCQ : Selon vous, quels enjeux pourraient être retirés de la partisannerie ?
Réponse : Le Larousse donne la définition suivante de la partisannerie : « Au Québec, attitude d'une personne qui témoigne d'un attachement exclusif à un parti politique et d'un point de vue partial en sa faveur. »
Partisan ne veut pas nécessairement dire partisan pour un parti politique. Partisan veut dire défendre les causes qui nous semblent importantes. Par exemple, on vient de connaître une période de la pandémie où les gouvernements notamment ont procédé par arrêtés ministériels dans le domaine de la santé. Cela a eu un impact énorme sur la démission de milliers d'infirmières. Lorsque sont arrivés les élections, le seul moyen de faire entendre leurs réclamations a été de s'associer à un parti politique ou un candidat. On leur dit : vous devez vous constituer en tiers partie, obtenir l'autorisation d'Élections Québec avec beaucoup de limitation. Une élection devrait être l'occasion pour tous de participer à la discussion à partir des réclamations qu'ils sont en droit de faire. L'élection ne le permet pas. Seuls les partis ont le haut du pavé. À notre avis, il faut plutôt encourager une grande participation des citoyens et, même à l'intérieur de la Loi électorale, trouver toutes les possibilités pour que les gens parlent eux-mêmes et pour eux-mêmes. Cela va aider la démocratie.
ACCQ : Comment améliorer la transparence des gouvernements ?
Réponse : La transparence est une fraude si elle n'est pas associée à une reddition de compte envers la population ou les collectifs touchés par les décisions prises.
Aujourd'hui, plus les gouvernements parlent de transparence, plus il faut s'en méfier, car cela signifie que plus les décisions sont prises derrière des portes closes.
Au nom de la transparence, Élections Québec exige le nom des donateurs des partis et toute l'information à leur sujet afin de déterminer si c'est vraiment eux qui ont donné l'argent ou quelqu'un d'autre. La liberté d'association, qui est une question de conscience individuelle, est devenue une affaire contrôlée par l'État.
Au nom de la transparence, lors de son premier mandat, le gouvernement Legault s'était vanté de publier son agenda quotidien et ceux de ses ministres. Ça ne change rien de savoir où et à quelle heure sont les ministres si on n'a pas de contrôle sur les marchandages qu'ils vont faire avec des intérêts privés ou sur les décisions qu'ils vont prendre en toute impunité !
ACCQ : En quoi les partis politiques sont-ils plus compétents que le peuple pour organiser sa destinée ?
Réponse : La sagesse populaire dit le contraire ! Les gens ont un mépris pour les gros partis qui parlent en leur nom pour un autre ordre du jour. La vieille politique de promesses et de privilèges n'est pas du tout populaire !
En temps d'élections par exemple, les partis politiques financés par l'État, les entreprises de relations publiques et de marketing, les groupes de réflexion néolibéraux et les plus grands monopoles et cartels contrôlent le choix des candidats et décident des questions qui doivent dominer dans l'élection et les médias de masse. Dans le processus électoral lui-même et les médias de masse, le corps politique et ses collectifs ne jouent aucun rôle dans la décision des enjeux officiels et de ce qu'un gouvernement élu doit faire pour assumer ses responsabilités sociales envers le peuple et la société, et rendre des comptes s'il ne le fait pas.
Un parti politique, comme n'importe quelle institution, doit répondre aux exigences du XXIe siècle, où le peuple doit exercer sa souveraineté en tout chose. Parce qu'il organise les travailleurs et le peuple à exercer le pouvoir et y dédie ses ressources, la population reconnaitra son utilité et sa pertinence. C'est notre opinion.
Notre parti existe depuis 34 ans. Nous ne nous considérons pas plus compétents que le peuple. Nous sommes une force organisée dont le travail consiste à jouer notre rôle dans cette bataille pour que la classe ouvrière se constitue en la nation et investisse le peuple du pouvoir souverain. C'est aux travailleurs et aux jeunes de trouver une voie pour le Québec et le Canada, de trouver où se trouve leur avenir dans le monde d'aujourd'hui et de demain, et notre parti se dédie à jouer son rôle dans cette direction.
ACCQ : Quelles solutions proposez-vous pour une gouvernance juste et démocratique ?
Réponse : Tout d'abord, le processus électoral doit être changé pour que les personnes désirant se porter candidates soient sélectionnées par leurs pairs, là où elles se présentent. Les partis politiques peuvent présenter des candidats, mais ce seraient les électeurs d'une circonscription, lors d'assemblée électorale, qui choisiraient les candidats dont les noms apparaîtront sur le bulletin de vote. Les ressources du Directeur général des élections du Québec devraient servir par exemple à l'organisation de ces assemblées et à faire connaitre les candidats et le programme qu'ils comptent défendre.
Alors, pour notre part, nous organisons des rencontres et discussions pour déterminer comment les choses se présentent alors que l'offensive antisociale continue d'imposer un énorme fardeau au peuple et à la société. C'est un des fronts d'organisation les plus importants dans la période à venir.
Votre travail de mettre sur la place publique la discussion sur la démocratie et la constitution est très pertinente pour informer tout le monde, pour trouver des solutions en ce sens.
ACCQ : Quelle est votre opinion sur une assemblée constituante citoyenne non partisane ?
Réponse : Le PMLQ accorde une attention particulière à la nécessité de renoncer à l'ordre constitutionnel actuel et d'élire une assemblée constituante sur une base démocratique qui crée une structure où tous les citoyens sont égaux et qui peut confier la souveraineté au peuple sur une base moderne.
C'est l'occasion de reconnaître la nécessité d'établir une assemblée constituante sur une base démocratique chargée de rédiger une Constitution moderne pour remplacer celle qui a servi à fonder le Canada dans les conditions de 1867 et de sa prétendue modernisation en 1982. L'incorporation d'une Charte des droits et libertés en 1982 a tout simplement rappelé qu'un pouvoir supérieur au peuple définit les limites auxquelles les droits sont soumis. Ces limites profitent à des intérêts privés étroits et maintiennent le peuple dans l'incapacité d'agir.
Oui, et l'assemblée constituante doit être chargée de rédiger une constitution moderne qui reconnait les droits et devoirs de tous et toutes et d'éliminer toute trace de la monarchie. Cela inclut également la nécessité de faire du Québec une zone de paix et de soutenir ceux qui luttent pour la défense des droits de toutes et tous.
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