Le Projet de loi C-18, Loi sur les nouvelles en ligne
La dernière session du Parlement a également vu l'adoption de lois relatives à la réglementation de l'internet. La plus controversée est la Loi sur les nouvelles en ligne, qui a reçu la sanction royale le 22 juin. Elle impose aux entreprises technologiques telles que Google et Meta de négocier des compensations pour les médias canadiens pour le contenu qui se retrouve sur leurs plateformes. Elle prévoit un processus de négociation supervisé par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Cette loi a été défendue par les médias monopolisés canadiens qui exigent un financement public en tant qu'entreprises d'information. La grande majorité des paiements mentionnés dans la loi irait aux principaux médias, soit Radio-Canada, Bell et Rogers. En annonçant l'adoption de cette loi, le ministère du Patrimoine canadien a dit que « la Loi sur les nouvelles en ligne met les entreprises de presse et les grandes plateformes numériques sur un pied d'égalité afin d'en arriver à une plus grande équité et de contribuer à la viabilité du secteur de l'information ».
Ce genre d'affirmation ne vaut pas grand-chose tant que l'information en question est réduite à des intérêts commerciaux et que la viabilité est une considération commerciale dépourvue d'objectifs prosociaux. Le déséquilibre dans les rapports de pouvoir entre ce qui est présumé être les médias canadiens et les oligopoles qui dominent au niveau mondial a été tout de suite évident. En réponse à l'adoption de la loi canadienne, Meta a confirmé qu'il bloquerait le partage d'informations provenant de sources canadiennes sur Facebook et Instagram. Il empêche déjà les Canadiens de consulter sur ses plateformes des contenus provenant de sources d'information internationales.
Selon Michael Geist, professeur de droit à l'Université d'Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit de l'Internet et du commerce électronique, le gouvernement aurait entamé des négociations de dernière minute avec Google pour l'empêcher de faire la même chose. Dans un article publié le 27 juin, le professeur écrit que le projet de loi « pourrait causer d'énormes dommages au secteur des médias et pourrait conduire à un grave cas de remords de l'acheteur pour le secteur des médias ». Il fait référence, par exemple, aux déclarations du directeur du Devoir, Brian Myles, devant le comité sénatorial chargé d'étudier le projet de loi C-18 en mai, à l'effet que 40 % des visites au site du Devoir proviennent de recherches sur Google et 30 % des médias sociaux. Ce qui fait qu'au lieu de recevoir des compensations de Google et de Meta, les entreprises de médias ont tout à perdre si ces plateformes décident de bloquer le partage d'informations provenant de sources canadiennes. Meta a conclu qu'étant donné que le contenu journalistique ne contribue que très peu à ses revenus d'ensemble, il est plus facile de retirer complètement les informations que de se conformer à la loi.
Il n'en reste pas moins que dans un pays comme le Canada les médias d'information ont besoin d'un soutien public parce que le marché est relativement petit comparativement, par exemple, à celui des États-Unis, et qu'ils ne peuvent pas s'autofinancer par la seule publicité. Le problème, bien sûr, est le manque d'indépendance du Canada et l'absence d'un pouvoir souverain par lequel c'est le peuple qui décide de tout ce qui le concerne. L'arrêt des reportages locaux par les grands médias traditionnels et audiovisuels est déjà un problème assez grave pour les lecteurs canadiens, mais lorsque les reportages restants s'inspirent des agences privées qui dictent la désinformation du jour en ce qui concerne les affaires nationales et internationales, il n'y a pas de rédemption possible.
Avec la Loi sur l'information en ligne, le gouvernement a prétendu qu'il existe des médias canadiens indépendants, ce qui n'est pas le cas. Les nouvelles mesures adoptées ne sont pas non plus de nature à favoriser l'existence d'un média indépendant. Et ce n'est d'ailleurs pas l'objectif visé.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 8 - Août 2023
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