Le Parlement se réunira à nouveau le 18 septembre
Le système de gouvernement de parti est totalement discrédité
Le 21 juin, les députés ont décidé à l'unanimité d'ajourner la Chambre des communes jusqu'au 18 septembre. Le Sénat a ajourné ses travaux le 22 juin jusqu'au 19 septembre. Le Hill Times qualifie la dernière session de la Chambre des communes d'« acrimonieuse et houleuse ». Il fait écho à de nombreux commentateurs politiques qui affirment que le discours politique au niveau fédéral a atteint un niveau sans précédent d'attaques personnelles et de confrontations.
Les attaques personnelles et les luttes de factions sont monnaie courante, mais la réalité est qu'elles ne constituent pas un « discours politique ». Ce sont les symptômes de conflits entre factions qui se disputent le pouvoir politique, les symptômes de l'utilisation de positions de pouvoir et de privilèges pour imposer des choses par décret – c'est-à-dire par le diktat, les proclamations et les accords de coulisses. Ce sont également les symptômes de la domination du corps politique par les pouvoirs de police et des machines électorales gérées par des individus et des entreprises sans scrupules dont l'objectif est de s'enrichir en menant des campagnes de diffamation, en remplissant les ondes de soi-disant « enjeux » qui divisent le corps politique et ainsi de suite.
Dans ce sens, décrire le discours politique comme « acrimonieux et houleux », ce qui est vrai, ne permet pas d'aller au coeur du problème, à savoir les conséquences de l'échec du système de gouvernement de partis. Un des principaux objectifs de ce système a été de maintenir la prétention que le peuple est représenté soit par le parti au pouvoir, soit par les partis d'opposition, ou que les électeurs sont généralement représentés par « leur » député. Les institutions, les arrangements et le processus électoral qui ont étayé cette prétention ont perdu toute légitimité et toute crédibilité. Aujourd'hui, la grande majorité de la population a l'impression de ne pas être représentée, elle voit que les ministres sont des privilégiés, qu'ils agissent pour leurs propres intérêts et sont dépourvus de conscience sociale. Loin d'assumer leurs responsabilités sociales et de répondre de leurs paroles et de leurs actes, ils doivent, pour conserver leur poste, être des béni-oui-oui dont la principale prouesse est de savoir représenter ce qu'on leur dit de représenter et de renoncer à toute conscience chemin faisant. Quant aux assemblées législatives, qui ont toujours été considérées comme des organes d'approbation, elles sont aujourd'hui devenues insignifiantes et se voient elles-mêmes comme impuissantes. Les décisions ne sont plus prises par les assemblées législatives, elles sont prises par les premiers ministres et, à l'occasion, par les ministres du cabinet ou leurs mandataires, qui agissent sur ordre de l'administration américaine et du Pentagone.
Des sondages récents indiquent que les partis du cartel qui ont des députés à la Chambre des communes traversent une crise de légitimité de plus en plus grave. Frank Graves, président d'EKOS Research, a commenté les sondages du 26 juin qui, selon lui, doivent être placés dans le contexte d'un « pessimisme à long terme au sujet des conditions économiques, d'une méfiance croissante à l'égard des institutions et de la désinformation ». Il a écrit : « Je n'ai jamais vu le pays dans un état d'esprit plus sombre et plus divisé qu'aujourd'hui. » Il dit qu'on assiste à une montée de la « polarisation affective », c'est-à-dire de l'expression d'une aversion ou d'une méfiance émotionnelle en lieu et place d'un débat du genre « je ne suis pas d'accord avec vous sur le point A ou B ». C'est plutôt : « Je ne vous aime pas. Je ne veux pas que vous viviez dans ma rue. Je ne voudrais pas que ma fille sorte avec votre garçon. »
Les lecteurs doivent garder à l'esprit deux choses. D'une part, les sondages eux-mêmes sont discrédités parce que les questions sont conçues pour obtenir des réponses qui font le jeu de la désinformation. La seconde est l'unilatéralité de l'évaluation du sondeur Frank Graves. La question qui se pose est de savoir si la polarisation dont lui et beaucoup d'autres se plaignent se situe entre une faction et un ensemble de personnes et une autre faction et un autre ensemble de personnes, ou si elle exprime la division de plus en plus évidente entre les dirigeants et ceux qu'ils cherchent à diriger et à contrôler. Quoi qu'ils disent à propos de la « polarisation affective », la réalité est que les travailleurs d'un bout à l'autre du pays s'expriment en leur nom propre pour défendre les réclamations qu'ils sont en droit de faire à la société, pour mettre leur bien-être au premier plan. Ils ne font plus confiance à ce qu'on appelle les institutions démocratiques libérales ou le processus de prise de décision qui a été accaparé par des intérêts privés étroits et des ministres agissant à leur solde.
Les sondeurs et les experts déplorent que les chiffres sur la popularité des partis ont à peine changé depuis l'élection fédérale de 2019. Ils s'alarment de voir qu'un parti puisse arriver au pouvoir avec des pourcentages de l'ordre de 20 à 30 et qu'aucun des partis du cartel ne recueille un soutien significatif. Ils ne tirent pas la conclusion que la crise des institutions de la démocratie libérale a donné naissance à un ordre constitutionnel qui n'est plus adapté à l'époque. La réalité est que les dirigeants et leurs institutions refusent toute allusion au besoin criant de renouveau démocratique. Plus que jamais, ils bloquent toute participation des Canadiens au discours politique et à la prise de décision. Même les partisans et les membres des partis du cartel sont marginalisés et doivent faire place à la manipulation des machines électorales. Il y a plein d'intervenants qui ont des conseils à donner aux dirigeants des partis cartellisés sur comment « se sortir » de l'impasse. Récemment, le leader du Parti conservateur, Pierre Poilievre, s'est vu conseiller de « rester en dehors des feux de la rampe et laisser le gouvernement s'autodétruire avec ses erreurs involontaires ». Le premier ministre Justin Trudeau s'est fait conseiller de « relancer le parti » avec de nouvelles politiques et un remaniement ministériel pour se débarrasser des ministres les moins performants et promouvoir ceux dont il a besoin pour remporter les prochaines élections. Et ainsi de suite.
Tout cela révèle que l'anarchie et la violence qui résultent de l'offensive néolibérale antisociale ont accentué le dysfonctionnement de l'ordre constitutionnel. L'anarchie a depuis longtemps été élevée au rang d'autorité, ce qui signifie que le pouvoir de décision des dirigeants n'est plus restreint par des assemblées législatives censées représenter le pouvoir de décision du peuple. La domination sans partage de la cupidité insatiable et de l'opportunisme des oligopoles qui ont pris le contrôle de l'État et des deniers publics fait en sorte que l'incohérence imprègne tous les aspects de la vie.
S'il semble que la vie devient de plus en plus complexe parce qu'on ne peut plus compter sur rien et qu'on ne peut plus rien prévoir, en réalité pour les Canadiens les choses se simplifient. Par exemple, on croyait autrefois que les élections et le droit de vote permettaient d'élire un représentant du peuple. Cela n'a jamais été vrai, mais cette croyance a prévalu. En fait, le vote est l'acte par lequel le pouvoir de parler en son nom propre est remis à quelqu'un d'autre qui, lui, prête allégeance à la Couronne, à un système de gouvernement qui représente les intérêts de la Couronne. Le peuple n'a pas de rôle dans le façonnement de ce système. Aujourd'hui, les citoyens voient clairement qu'ils n'exercent aucun contrôle sur ces représentants et que le système de gouvernement des partis a dégénéré à un point tel que même les soi-disant représentants n'ont aucun droit de regard au sein de leur propre parti, et encore moins au sein du gouvernement.
Les conditions sont en train de lever le voile sur la notion que le peuple élit ses représentants. Le peuple ne voit pas les gouvernants comme faisant partie intégrante de la société, mais comme existant au-dessus d'elle, et voit que les décisions sont prises en dehors des assemblées législatives, et même à l'extérieur du pays. Les Canadiens peuvent constater qu'ils ne sont pas des membres égaux du corps politique et que le système n'a pas besoin d'eux. L'égalité n'est pas une relation sociale que des gens comme Justin Trudeau peuvent trafiquer avec des mesures sur la parité homme-femme ou la représentation des minorités. L'égalité est une structure et cette structure doit être remplacée par une structure conçue par le peuple lui-même qui, ce faisant, définira qui est « le peuple ». Les membres de la société ne sont pas « nés égaux », mais grâce à leur participation à un processus politique qui leur donne les moyens d'agir, ils peuvent prendre les décisions qui affectent leur vie, les mettre en oeuvre, faire la synthèse des résultats et aller toujours plus loin, de manière à humaniser l'environnement naturel et social.
Cela signifie que le processus est conçu pour activer le facteur humain, la conscience sociale, afin que les êtres humains et leur environnement social et naturel s'épanouissent. En réalité les humains et leur environnement ne font qu'un. La structure garantit donc l'égalité des membres à la fois au sein du corps politique et sur le chemin emprunté par ceux qui font leur la résolution de problèmes concrets, suivent la mise en oeuvre de leurs décisions, font la synthèse des résultats et tirent des conclusions justifiées sur ce que révèlent les conditions et l'ensemble des rapports entre humains et entre les humains et la nature.
L'absence de pouvoir politique est d'autant plus ressentie que le droit humain de participer à la gouvernance et de disposer d'un pouvoir de décision dans tous les domaines qui affectent la vie de l'État et de ses membres est nié. Les efforts déployés pour réaliser ce droit donnent des résultats. Ces résultats ne manqueront pas de créer une situation où, en plus de ressentir l'absence de pouvoir politique, on reconnaîtra le besoin d'investir le peuple du pouvoir de décider comme un phénomène nouveau que le peuple aura lui-même fait naître. La prochaine session parlementaire rendra la chose encore plus évidente, car les conflits entre les factions aggravent la crise de l'ordre constitutionnel et les demandes d'un ordre moderne se font de plus en plus fortes et urgentes.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 8 - Août 2023
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2023/Articles/LM53081.HTM
Site web : www.pccml.ca Courriel : redaction@pccml.ca