Numéro 78

20 décembre 2022

Les travailleurs de la construction du Québec
défendent la prévention sur les chantiers

Les représentants en santé et sécurité entrent en fonction le 1er janvier prochain coûte que coûte, disent les travailleurs


Entrevue

– Simon Lévesque, responsable de la santé et de
la sécurité à la FTQ-Construction –

Le droit au logement

Rassemblement à Montréal pour exiger du gouvernement
qu'il règle la crise du logement



Les travailleurs de la construction du Québec défendent
la prévention sur les chantiers

Les représentants en santé et sécurité
entrent en fonction le 1er janvier prochain coûte que coûte, disent les travailleurs

Le 13 décembre, plus de 200 travailleurs et travailleuses de la construction ont participé à un rassemblement devant les bureaux de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour avertir que, quoi qu'il arrive, les représentants en santé et en sécurité élus et formés par les travailleurs, entrent en fonction sur l'ensemble des chantiers de construction le 1er janvier.

Des membres des cinq syndicats de la construction du Québec étaient présents au rassemblement : la FTQ-Construction, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, de la CSD-Construction, de la CSN-Construction et du Syndicat québécois de la construction. L'occasion était l'entrée en vigueur des mécanismes de prévention prévues dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail qui n'ont jamais été promulgués depuis l'adoption de cette loi en 1979. Ces mécanismes comprennent les comités paritaires de chantier, les programmes de prévention et les représentants à la prévention, aujourd'hui appelés représentants en santé et sécurité (RSS). La loi a été modifiée par la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail qui a été adoptée par le gouvernement du Québec en octobre 2021, laquelle édicte les mécanismes de prévention dans le domaine de la construction à partir du 1er janvier 2023 mais les laisse entre les mains des employeurs.

Par leur lutte, les travailleurs ont réussi à obtenir que certains de ces mécanismes s'appliquent sur les plus gros chantiers, mais le climat de répression et de silence imposé aux travailleurs par les entreprises de la construction et le gouvernement rend très difficile la prévention sur les chantiers, d'autant plus qu'il n'y a pas de sécurité d'emploi dans l'industrie. Les travailleurs mettent l'accent sur l'entrée en fonction des RSS comme une façon de fournir une voix aux travailleurs et d'effectuer un changement drastique dans les conditions de travail, qui demeurent les plus dévastatrices au Québec en ce qui a trait aux décès et aux lésions professionnelles.

Après les remarques initiales de la présidente de la CSN, un représentant de chaque syndicat de la construction a pris la parole. Ils ont dénoncé les organisations patronales qui s'opposent à l'entrée en fonction des RSS et tiennent des négociations avec le gouvernement dans le dos des travailleurs. Un des représentants a été vigoureusement applaudi lorsqu'il a dit que la santé et la sécurité des travailleurs ne se négocie pas, que ce n'est pas comme une convention collective. C'est une question de respect de la vie humaine, et elle ne peut pas non plus être réduite à une question de coûts pour l'industrie.

Un autre représentant a dit, sous de forts applaudissements, que santé et sécurité et sécurité d'emploi vont de pair, parce que l'absence de sécurité d'emploi dans l'industrie met à risque les travailleurs qui osent parler, ce qui rend encore plus essentiel le travail des RSS.

Un autre encore a dit que la voix des travailleurs est essentielle à la prise en charge par le milieu de la question de la santé et sécurité et a dénoncé les associations patronales qui disent que la présence des RSS va nuire aux travaux et va même constituer un danger sur les chantiers.

Tous ont fait remarquer que la santé et la sécurité ne sont pas une affaire de l'affiliation syndicale de chacun et que les travailleurs doivent utiliser la force de leur nombre et de leur solidarité comme fil conducteur pour éliminer les dangers sur les chantiers.

Le rassemblement a été bref et combatif, une déclaration que la situation de santé et sécurité dans l'industrie doit être changée de façon drastique et que les travailleurs sont déterminés à prendre les mesures nécessaires pour que cela se produise.

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Entrevue

– Simon Lévesque, responsable de la santé et de la
sécurité à la FTQ-Construction –

Forum ouvrier : Dans ton intervention au rassemblement, tu as dit qu'essentiellement, ce n'est pas sur la question de la formation des représentants en santé et sécurité (RSS) que les employeurs s'opposent mais qu'ils s'opposent aux RSS en soi. Peux-tu nous en dire plus ?

Simon Lévesque : Le plus gros changement qui va entrer en vigueur le 1er janvier sur les chantiers de construction, ce sont les RSS à temps plein ou à temps partiel qui vont être à pied d'oeuvre sur l'ensemble des chantiers de construction. Cela fait 40 ans que la Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoyait des RSS sur les chantiers de construction parmi les mécanismes de prévention de la loi mais ces mécanismes n'ont pas été promulgués dans la construction. Nous avons réussi, en luttant pour eux, à obtenir des RSS sur les plus gros chantiers.

Les représentants en santé et sécurité sont nommés par les travailleurs. Les travailleurs sont capables d'identifier les situations dangereuses qui existent sur les chantiers, cependant il existe un gros problème pour le faire. Le problème, c'est que les travailleurs de la construction ne sont pas libres de dénoncer ces situations dangereuses ni même de proposer des correctifs parce qu'il n'y a pas de sécurité d'emploi dans la construction. Au lieu de régler les situations dangereuses, les employeurs tendent à se débarrasser des travailleurs.

Par contre, les employeurs ne peuvent pas mettre les RSS dehors parce qu'ils exercent leurs fonctions et que leurs fonctions sont précisées dans la loi. Donc, le travail des RSS facilite la prise de parole de la part des travailleurs.

Les employeurs font beaucoup d'obstruction à l'entrée en fonction des RSS le 1er janvier. Ils ont demandé au gouvernement de la repousser d'un an. Ils disent qu'ils ne sont pas prêts, que l'industrie n'est pas prête. Mais nous, nous sommes prêts.

Dans les médias, ils utilisent le prétexte de la formation des RSS pour faire leur obstruction. Ils utilisent le fait que, par règlement, il va y avoir des formations pour les mécanismes de prévention qui vont entrer en vigueur en 2024, formulées par la CNESST. Mais l'entrée en vigueur des mécanismes eux-mêmes, dont les RSS, est prévue pour le 1er janvier 2013. En ce qui concerne les RSS qui existent déjà depuis une douzaine d'années sur les plus gros chantiers, les chantiers de 500 travailleurs et plus, nous les avons formés. Nous allons le faire pour les autres chantiers. Nous allons les former jusqu'à temps que la formation soit déterminée par la CNESST en 2024. Nous allons commenter cette formation à ce moment-là et nous allons nous-mêmes continuer à les former après qu'ils auront suivi la formation obligatoire de la CNESST.

Il faut comprendre que, sans les RSS, les employeurs peuvent contrôler les autres mécanismes comme les comités de chantier. Par exemple, c'est difficile de même faire le suivi de ce qui a été discuté par les comités de chantier, pour voir si on a fait les changements nécessaires, parce qu'on n'a pas de personne à temps plein pour le faire.

Le travail du RSS est central pour que la prévention se fasse sur les chantiers.

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Le droit au logement

Rassemblement à Montréal pour exiger du gouvernement qu'il règle la crise du logement



Le lundi 12 décembre, trois rassemblements ont eu lieu à Montréal à la défense du droit au logement. Une vingtaine de projets de logements sociaux est maintenant remis en question et c'est une grande préoccupation pour les citoyens. Près de 200 personnes se sont réunies successivement dans le sud-ouest de Montréal, Rosemont et Saint-Léonard pour ensuite se rassembler à St-Léonard, accompagné d'un char allégorique conçu par le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) pour dénoncer cette situation inacceptable.

Les crises du logement s'enracinent et les mesures mises en place s'effritent comme une peau de chagrin. Les 17 groupes logement membres du FRAPRU à Montréal ont dénoncé l'absence de nouveaux investissements gouvernementaux dans les programmes comme AccèsLogis, pour développer de nouveaux projets de logements sociaux. Des centaines de logements sociaux sont actuellement bloqués, voire menacés, parce que le financement de Québec n'est pas au rendez-vous, indiquent-ils. Les quartiers se transforment et les logements sont de plus en plus inabordables.

Le FRAPRU indique dans son communiqué : « À Verdun, il y a des projets de logement social qui sont bloqués par le manque de financement d'AccèsLogis pour des nouveaux projets. Sur le boulevard Gaétan-Laberge, il y a un projet de plus de 150 logements sans but lucratif pour familles, personnes seules et personnes aînées qui est bloqué par la négligence du gouvernement du Québec. Ça fait depuis 2015 qu'il n'y a pas de logements sociaux pour familles qui se construisent à Verdun, alors que la crise du logement n'arrête pas d'empirer, ça n'a pas d'allure de laisser des projets qui répondent aux besoins », a témoigné Steve Baird, coordonnateur du Comité d'action des citoyennes et citoyens de Verdun.

« À Pointe-Saint-Charles, il y a 2 projets de logements sociaux qui traînent depuis plus de 10 ans faute d'un financement adéquat. Des locataires à l'origine de ces projets ont eu le temps de mourir avant de les voir sortir de terre », a pour sa part témoigné Hassan El-Asri, coordonnateur du Regroupement Information logement (RIL) de Pointe-Saint-Charles, avant de préciser qu'à Pointe-Saint-Charles, seulement sur la liste locale de requérantes et requérants pour une coopérative ou un organisme sans but lucratif d'habitation, il y a 965 ménages en attente.

Le POPIR-Comité logement a parlé de deux projets actuellement retardés ou menacés dans son secteur, dont l'organisme sans but lucratif (OSBL) ACHIM à Ville-Émard-Côte-Saint-Paul. « C'est un projet de 113 unités pour les familles et les personnes seules très attendues dans un secteur où aucun logement social n'a été développé depuis 10 ans », explique Ines Benessaiah, organisatrice communautaire au POPIR. « Il n'a pas été retenu dans le PHAQ, et il n'y a aucune unité de disponible dans AccèsLogis ». Le PHAQ est le Programme d'habitation abordable Québec mis sur pied par le gouvernement Legault au printemps 2022. Ce programme lui permet de verser des subventions aux promoteurs privés pour construire des logements « abordables ». C'est une privatisation de l'aide au logement. Rien à voir avec assurer à toutes et à tous un logement décent et abordable.

Depuis le début du premier mandat du gouvernement Legault, en 2018, à peine 5 000 unités ont été construits en 4 ans, dont quelques 2 500 à Montréal. Le rapport annuel de gestion de la SHQ fait mention de seulement 527 logements réalisés avec AccèsLogis Québec et AccèsLogis Montréal, en 2021-2022. Quand aux 1 700 unités financées avec le nouveau Programme d'habitation abordable Québec (PHAQ), elles sont déjà attribuées et il y en a seulement 434 à Montréal, très loin du 40 % des unités réservées à la métropole dans AccèsLogis. Le rapport annuel de 2021-2022 du Tribunal administratif du logement confirme que le nombre de causes de non-paiement de loyers est en hausse; le dernier Bilan-faim confirme l'accroissement des demandes d'aide alimentaires aussi. « Les chèques sporadiques du gouvernement, les banques alimentaires et la guignolée ne peuvent pas remplacer le filet social; un financement adéquat des programmes sociaux, comme le logement social, est indispensable », martèle Catherine Lussier, organisatrice communautaire responsable des dossiers montréalais au FRAPRU.

Les membres du regroupement pour le droit au logement interpellent maintenant les ministres responsables de l'Habitation et de la Métropole pour que ce dossier devienne une véritable priorité en vue du prochain budget. Le FRAPRU demande le financement d'un chantier de 50 000 logements sociaux en 5 ans, développés par des coopératives, des OSBL et des offices d'habitation, dont 22 500 à Montréal. Le regroupement demande que cela soit fait par le biais de constructions neuves, pour lutter contre la pénurie, mais aussi par l'achat, puis la rénovation d'immeubles existants, transférés à des propriétaires sans but lucratif pour sortir des logements locatifs encore abordables du marché spéculatif.

Jusqu'à la mi-février 2023, le FRAPRU sillonnera les routes du Québec afin de rendre visibles les besoins dans les différentes régions et les projets de logements sociaux nécessaires pour y répondre. À l'approche du budget, le char sera déposé devant l'Assemblée nationale, à Québec, lors d'une manifestation qui se tiendra le 16 février.

En février 2022, des actions avaient été organisées dans plusieurs villes du Québec pour exiger que le gouvernement Legault investisse dans le logement social. Les manifestants avaient exigé que le gouvernement du Québec cesse d'être l'instrument du diktat des intérêts privés au détriment du droit et du besoin urgent en logement des Québécoises et des Québécois, en particulier de logement social qui répond à leurs besoins et ne fonctionne pas sur la base du profit privé étroit.

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