Numéro 32

29 septembre 2022

Sujets de préoccupation en Ontario

Le gouvernement Ford confère de nouveaux pouvoirs exécutifs aux maires
à l'approche des élections municipales

– Enver Villamizar –

Les modèles américains de « maires forts »

Un nouveau Groupe d'action est créé avec les Premières Nations pour aller de l'avant avec des projets de batteries de véhicules électriques

Porto Rico

Des organisations internationales expriment leur solidarité
avec le peuple portoricain

Le Comité des Nations unies reconnaît le droit de Porto Rico
à l'autodétermination et à l'indépendance

Déclaration de l'ONU sur l'octroi de l'indépendance aux pays
et aux peuples coloniaux



Sujets de préoccupation en Ontario

Le gouvernement Ford confère de nouveaux pouvoirs exécutifs aux maires à l'approche des élections municipales

– Enver Villamizar –

Manifestation à Toronto contre la loi 5 du gouvernement  Ford, 12 septembre 2018. La loi coupe de moitié  le nombre de conseillers municipaux durant la campagne électorale.

Le 24 octobre, des élections municipales auront lieu dans tout l'Ontario pour les conseils de ville et les conseils scolaires. C'est suite à l'élection provinciale du 2 juin qui a donné au Parti progressiste-conservateur (PC) une majorité avec un taux de participation de seulement 43 % et le vote de seulement 18 % de l'ensemble de ceux qui ont le droit de vote.

Après l'élection du 2 juin, le premier ministre Doug Ford a révélé qu'il s'agissait de donner à son gouvernement un mandat pour, entre autres, construire une route vers le Cercle de feu dans le nord de l'Ontario. Il s'agit de fournir des minéraux essentiels convoités par ceux qui parient sur le marché des véhicules électriques et de nouvelles usines de batteries qui seront payées par le public de diverses manières mais gérées par des monopoles mondiaux. Un aspect important de cette direction de l'économie est la demande de ces monopoles mondiaux d'agir rapidement sur les diverses approbations de zonage municipal et les évaluations environnementales « pour mettre les pelles dans le sol » et pour s'assurer que tout est à leur disposition et que rien ne ralentit les plans qu'ils ont fixés pour la province. De plus, le gouvernement prétend que l'élection a donné son aval à son plan de construction de 1,5 million de logements au cours des 10 prochaines années et que tout cela vise à éliminer les formalités administratives pour les constructeurs.

Le 9 août, trois jours après le début de son deuxième mandat, le gouvernement PC nouvellement élu a déposé et maintenant adopté le projet de loi 3, la Loi de 2022 pour des maires forts et pour la construction de logement. Cette loi n'a pas été discutée avant ou pendant l'élection, mais la signification du slogan des PC que « Doug Ford fait avancer les choses » devient maintenant évidente.

La nouvelle loi limite considérablement, et dans certains cas élimine presque entièrement, le rôle des conseillers municipaux élus localement tout en centralisant les pouvoirs exécutifs des villes entre les mains des maires. Elle s'applique pour l'instant aux villes de Toronto et d'Ottawa, mais sera étendue à d'autres communautés lorsque le gouvernement estime que la municipalité est « engagée dans la croissance, engagée à être capable de mettre les pelles dans le sol, et vous devez être en mesure de mettre ce plan en place », a déclaré le ministre du Logement et des Affaires urbaines Steve Clark lors de la discussion de la législation.

Plus précisément, la loi donne aux maires des pouvoirs exécutifs étendus qu'ils peuvent exercer afin « d'aligner le processus décisionnel municipal sur les priorités provinciales ».

Au nom de ces priorités vagues dictées en vertu des pouvoirs exécutifs accrus qui leur sont conférés, les maires peuvent désormais réarranger l'hôtel de ville, rédiger le budget et le présenter au conseil uniquement pour amendements. Ils peuvent opposer leur veto à toute décision ou tout règlement qui, selon eux, ne s'aligne pas sur les priorités provinciales, lesquelles restent définies. Ce veto ne peut être annulé que par un vote majoritaire des deux tiers. Néanmoins, pour tout ce qui relève des priorités provinciales prescrites, c'est le maire seul qui établit le budget et certaines priorités et les soumet au conseil. C'est un point sur lequel le gouvernement Ford a particulièrement insisté dans son explication des pouvoirs.

Le fait de confier au seul maire le pouvoir d'établir le budget permettra de « faire avancer les choses ». La logique donnée est que, comme dans certaines villes, il faut un chef de conseil fort qui puisse décider de l'ordre du jour du gouvernement, et par extension du peuple, et le rôle des conseillers consiste simplement à apporter des amendements à une orientation déjà fixée par décret. En vertu de la loi des municipalités actuelle, la plupart des municipalités ont un comité budgétaire chargé de coordonner le processus budgétaire. Le comité du budget comprend une partie ou l'ensemble du conseil et des cadres supérieurs et a généralement pour mandat d'« élaborer et faire approuver l'énoncé des priorités et des objectifs de la municipalité, puis le soumettre aux chefs de service ; mettre à la disposition des services municipaux l'assistance technique du personnel des services financiers ; évaluer les budgets individuels présentés par les divers services ; regrouper les budgets des services et le budget des conseils locaux en un seul document budgétaire général en vue de sa présentation au conseil pour examen ». Tous ces pouvoirs seraient désormais entre les mains du maire ou de son représentant.

La nouvelle loi prévoit des pouvoirs élargis pour les maires en ce qui concerne l'embauche et le licenciement du personnel et les instructions données aux employés de la ville concernant la mise en oeuvre des décisions ou l'application des vetos. Le maire a le pouvoir de nommer le directeur administratif, qui peut alors exercer les pouvoirs du maire lorsque ceux-ci sont délégués. Le maire a également désormais « le pouvoir d'engager ou de congédier le chef d'une section ou le chef d'une autre partie de la structure organisationnelle ou d'exercer à son égard d'autres pouvoirs prescrits en matière d'emploi », moyennant certaines exceptions[1]. En outre, le maire peut désormais créer ou dissoudre des comités, nommer les présidents et vice-présidents des comités et attribuer des fonctions aux comités. La loi précise également comment une municipalité doit tenir une élection partielle pour élire un maire si le maire en exercice démissionne ou n'est pas en mesure d'occuper le poste.


Un cadre pour l'exercice des pouvoirs laissés à la Couronne

Nulle part dans la loi sur « les maires forts » du gouvernement Ford, ou dans le débat à l'assemblée législative, les priorités provinciales ont-elles été explicitées ou définies de manière à établir un cadre permettant au public de comprendre quand ces pouvoirs peuvent être exercés. La loi dit simplement que le lieutenant-gouverneur en conseil prescrira les priorités provinciales, ce par quoi nous sommes censés comprendre qu'elles seront décrites dans le discours du trône rédigé par le gouvernement Ford. Tout cela reste en grande partie secret et en dehors de tout discours public. Il ne faut pas oublier que le gouvernement a refusé de rendre publiques les lettres de mandat adressées aux différents ministères.

Toutefois, à différents moments du débat à l'assemblée législative, des ministres ont donné un aperçu des domaines dans lesquels ces pouvoirs peuvent être utilisés, comme « la construction et l'entretien des infrastructures essentielles pour soutenir l'offre et la disponibilité accélérées de logements, y compris, mais sans s'y limiter, le transport en commun, les routes, les services publics et la viabilisation » et « la construction de plus de logements, de transport en commun et de collectivités axées sur le transport en commun ». En fin de compte, c'est l'exécutif du gouvernement provincial qui donne aux maires des pouvoirs arbitraires étendus dans les domaines décidés par le premier ministre et ses ministres.

L'élection des maires, qui, par la loi pour des maires forts, sont clairement mandatés pour être des agents du premier ministre, sont une véritable farce, tandis que les conseillers municipaux élus localement sont complètement mis à l'écart.

Il est irrationnel de parler de responsabilité envers l'électorat lorsque les décisions sont prises de manière arbitraire et en fonction de priorités établies en secret. C'est pourtant ce qui est clairement énoncé dans la loi. La loi prévoit « les décisions prises ou les pouvoirs exercés, notamment le pouvoir de veto, légalement et de bonne foi en application de la présente partie ne doivent pas, en totalité ou en partie, être annulés ou faire l'objet d'une révision par un tribunal pour le motif qu'ils sont ou paraissent déraisonnables ». Il s'agit d'un exemple clair de l'utilisation des pouvoirs exécutifs que l'ordre constitutionnel du Canada consacre.


Définition du contrôle ministériel

Bien qu'elle ne définisse pas les priorités pour lesquelles les pouvoirs seront utilisés, la loi sur les maires forts précise que le ministre des Affaires municipales et du Logement de l'Ontario a le pouvoir de prendre des règlements concernant tous les aspects des nouveaux pouvoirs et la façon dont ils sont exercés, y compris l'interdiction pour un maire de déléguer ses pouvoirs au conseil, par exemple, ce qui est considéré comme un acte de défiance envers les nouveaux pouvoirs. Ces règlements ministériels peuvent être rétroactifs jusqu'à six mois.


Processus d'adoption

La loi a été adoptée à la hâte par l'assemblée législative afin qu'elle soit en place pour les maires  élus lors des élections municipales du 24 octobre. Selon les députés provinciaux de l'opposition, le gouvernement a tenu une séance d'information ministérielle sur la loi à 16 h un jour, puis, à 22 h 45 le lendemain, les députés ont été informés que la loi serait déposée et que le débat commencerait le jour suivant. Le projet de loi a fait l'objet de sept jours de débat et a été adopté le 9 septembre, un mois après avoir été déposé.

Le comité chargé d'étudier la loi et de proposer des amendements est le Comité permanent du patrimoine, de l'infrastructure et de la culture. Il s'est réuni le 22 août pour commencer à débattre de la loi, le jour même où le candidat à la mairie de Toronto, John Tory, a publié un plan de logement pour la région du Grand Toronto. Le ministre qui a déposé la loi, Steve Clark, a déclaré que le plan de Tory est exactement le type de plan que faciliteraient les nouveaux pouvoirs. On apprend ainsi que la loi sert également à intervenir dans les élections municipales de Toronto en faveur d'un candidat particulier. L'utilisation du pouvoir et des privilèges pour faire avancer des intérêts privés étroits révèle de plus en plus ouvertement la corruption inhérente à l'ordre constitutionnel du Canada.

Chers lecteurs, tout cela est légal ! Il n'y a prétendument rien que nous puissions faire à ce sujet ! C'est du moins ce qu'on voudrait nous faire croire.

Note

1. Les pouvoirs conférés ne comprennent pas le pouvoir d'engager ou de congédier les personnes suivantes ou d'exercer à leur égard d'autres pouvoirs prescrits en matière d'emploi :
1. Le secrétaire ou un secrétaire adjoint.
2. Le trésorier ou un trésorier adjoint.
3. Le commissaire à l'intégrité.
4. L'ombudsman.
5. Le vérificateur général.
6. Le registrateur, visé à l'article 168.
7. Le chef du service du bâtiment, au sens de la définition donnée à ce terme dans la Loi de 1992 sur le code du bâtiment.
8. Le chef de police, au sens de la définition donnée à ce terme dans la Loi sur les services policiers.
9. Le chef des pompiers, au sens de la définition donnée à ce terme dans la Loi de 1997 sur la prévention et la protection contre l'incendie.
10. Le médecin-hygiéniste, au sens de la définition donnée à ce terme dans la Loi sur la protection et la promotion de la santé.
11. Les autres fonctionnaires ou chefs de section qui doivent être nommés en application de la présente loi ou de toute autre loi.
12. Les autres personnes prescrites.

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Les modèles américains de « maires forts »

Afin de justifier les changements apportés aux pouvoirs municipaux en Ontario, le gouvernement ontarien présente des villes comme Chicago et Los Angeles, ainsi que Londres, en Angleterre, comme des modèles de « système de maires forts ». L'affirmation est que les maires de ces villes ont « des rôles renforcés et des pouvoirs administratifs et exécutifs supplémentaires dans l'élaboration des budgets, et certains ont la possibilité d'opposer leur veto à certains éléments ».

Tout d'abord, tout le système municipal aux États-Unis, surtout pour les villes en question, est différent de ce qui existe en Ontario. Deuxièmement, l'affrontement des pouvoirs aux États-Unis entre un niveau de gouvernement et un autre et les tentatives de contrôle des pouvoirs municipaux dans les grandes villes, qui comprennent des services de police très puissants pour réprimer la dissidence et opprimer la population, sont une arène dans laquelle se joue la guerre civile dans ce pays. Est-ce là ce que le gouvernement Ford veut pour le Canada ?

Choisir des phrases de la manière la plus décontextualisée qui soit pour justifier l'octroi de nouveaux pouvoirs exécutifs aux maires des villes ontariennes n'est pas seulement intéressé et absurde, mais montre qu'il y a un ordre du jour caché. La fausse comparaison est utilisée pour désinformer la population et la détourner de la recherche de ce qu'est cet ordre du jour caché. L'une des façons dont le gouvernement tente de détourner l'attention de l'objectif d'adopter l'utilisation de la prérogative ou des pouvoirs de police comme nouvelle norme est de faire du débat une question de savoir si Toronto ou Ottawa devrait ou ne devrait pas être comme ces villes américaines. Le fait que les soi-disant institutions démocratiques du Canada se soient effondrées et que les cercles dirigeants aient eu recours à l'utilisation des pouvoirs de police comme nouvelle norme ne doit pas être discuté. Un point clé sur lequel le gouvernement se concentre en parlant des villes américaines est que les maires de ces villes ont le pouvoir d'établir le budget.

Il est important d'établir ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas pour aller au coeur du sujet.

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Un nouveau Groupe d'action est créé avec les Premières Nations pour aller de l'avant avec des projets de batteries de véhicules électriques

Le 15 septembre, le gouvernement de l'Ontario a annoncé qu'il avait conclu un accord pour créer le Groupe d'action Trois Feux-Ontario pour l'infrastructure et les perspectives économiques dans le Sud-Ouest de l'Ontario avec les nations Three Fires. Les nations suivantes en font partie : la Première Nation des Aamjiwnaang, la Première Nation des Bkejwanong (Walpole Island), la Première Nation Caldwell, la Première nation des Chippewas de la Thames, la Première Nation chippewa des pointes Kettle et Stony dans le sud-ouest de l'Ontario.

La création de cette structure est liée aux projets du gouvernement de faire de l'Ontario une source de minéraux critiques et de construire une grande usine de batteries pour véhicules électriques à Windsor. De nombreuses Premières Nations du nouveau groupe d'action avaient immédiatement exprimé des inquiétudes après les élections ontariennes, lorsque le maire de Windsor avait rapidement demandé l'intervention du ministre pour « accélérer » le rezonage de certaines parcelles de terrain que la ville avait rassemblées pour construire la nouvelle usine de batteries de Stellantis-LG Energy Solution. Les Premières Nations de la région n'avaient pas été consultées dans le cadre du processus comme cela était exigé[1].

Avec la création de ce groupe d'action, le gouvernement affirme qu'il « fera avancer des milliards de dollars en infrastructures essentielles, en investissements transformationnels et en projets d'énergie propre dans la région, tout en créant un espace pour un dialogue, une collaboration et un partenariat significatifs entre les dirigeants des Premières Nations et la province. ». Il affirme également que l'accord « permettra d'améliorer la collaboration entre le gouvernement de l'Ontario et les dirigeants des Premières Nations de la région ».

Apparemment, l'accord « favorisera la multiplication des occasions pour les fournisseurs qualifiés des Premières Nations d'appuyer l'approvisionnement en biens et services dans toute la province et de renforcer davantage l'économie ontarienne ».

De toute évidence, le gouvernement et les municipalités estiment avoir le feu vert pour aller de l'avant, s'étant engagés à « un dialogue, une collaboration et un partenariat significatifs » avec les Premières Nations.

« Nous avons pour mission de bâtir cette province, et la création de ce groupe des possibilités économiques changera la donne pour les habitants du sud-ouest de l'Ontario », a déclaré le premier ministre Doug Ford. « Nous allons nous tenir côte à côte avec nos partenaires des Premières Nations pour faire avancer les projets d'infrastructure essentiels et veiller à ce que tout le monde profite des possibilités qu'offre l'Ontario. En travaillant ensemble, nous bâtirons un meilleur Ontario pour les générations qui nous suivront. »

Ce n'est pas parce qu'on prétend que cela « profitera à tout le monde » que c'est vrai. Le fait de payer les grandes entreprises pour qu'elles arrachent les minéraux des terres autochtones du Nord et les expédient vers le Sud le long de corridors contrôlés pour les vendre aux États-Unis et à d'autres marchés est conforme à l'objectif de bâtir une économie non durable. Elle ne profite ni aux travailleurs ni aux Premières Nations de l'Ontario.

Ce n'est que lorsque les Premières Nations sont intervenues pour affirmer qu'elles devaient être impliquées qu'un nouveau « Groupe d'action » a été mis en place. Plus de bureaucratie ne résoudra pas les vrais problèmes. Ceux qui sont touchés par les décisions n'en bénéficient pas, mais sont laissés pour compte. C'est ce qui s'est produit jusqu'à présent et cela ne fait qu'empirer, car les opérations minières dans le nord de l'Ontario continuent d'empoisonner la terre et l'eau en arrachant des quantités massives de valeur que les intérêts privés exproprient. Les résidents de Grassy Narrows continuent de se battre pour que la destruction de leur santé soit reconnue, sans parler de la restauration de leurs terres et de leurs vies. Les arguments concernant « l'écologisation de l'économie » avec une chaîne d'approvisionnement de véhicules électriques dans tout l'Ontario qui commence par des minéraux extraits de cette manière dans des territoires principalement autochtones soulèvent des questions : quel est le but et qui en profite ?

Qu'adviendra-t-il des discours sur la collaboration et la solidarité lorsque les Premières Nations n'accepteront pas de donner leur consentement et exigeront des mesures qui protègent la Terre Mère et leur donnent, ainsi qu'à leurs communautés, des réparations significatives ?

Ce château de cartes va s'écrouler - encore une fois.

Note

1. Le maire de Windsor demande une intervention ministérielle, Empower Yourself Now, 15 juin 2022.

(Tous les articles sur l'Ontario de ce  LML :  empoweryourselfnow.ca)

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Porto Rico

Des organisations internationales expriment leur solidarité avec le peuple portoricain

Scène du XXVIe Séminaire « Partis et société nouvelle » tenu à Mexico du 22 au 24 septembre 2022

Dans le cadre du XXVIe Séminaire « Partis et société nouvelle », qui s'est tenu à Mexico du 22 au 24 septembre 2022, 73 organisations des 30 pays représentés ont unanimement exprimé leur solidarité avec le peuple de Porto Rico. Elles ont également accusé l'administration coloniale portoricaine et le gouvernement des États-Unis d'avoir créé les conditions matérielles dans lesquelles un ouragan de catégorie 1 comme Fiona a causé tant de tragédies pour la population, une grande partie de Porto Rico étant privée d'électricité et d'eau. Plus de 13 personnes ont péri, des milliers sont en danger, des maisons ont été perdues, des structures se sont effondrées et des inondations ont causé d'innombrables tragédies.

Le gouvernement de Porto Rico a négligé de s'acquitter de sa responsabilité de maintenir les infrastructures de l'archipel en bon état, ce qui a poussé les réservoirs et les rivières à dépasser facilement leurs limites et à mettre en danger les structures et la vie des habitants des environs.

Il est honteux qu'en ce XXIe siècle, les États-Unis possèdent Porto Rico comme une colonie et lui imposent depuis 2016 un conseil de contrôle fiscal, créé par la Loi sur la surveillance, la gestion et la stabilité économique de Porto Rico (PROMESA). En vertu de PROMESA, le conseil de contrôle a été un instrument cruel pour la destruction et l'appauvrissement du peuple, en retirant les ressources destinées aux services essentiels vitaux et en les transférant aux détenteurs d'obligations vautours dans un processus de recouvrement d'une dette illégitime.

Le Fiscal Control Board et le gouvernement colonial de Porto Rico ont imposé des privatisations qui ont plongé le peuple dans des conditions de grande misère, en particulier la privatisation de l'énergie par la société américano-canadienne Luma Energy, récemment créée. Le gouvernement a présenté cette société comme une entreprise expérimentée et de renommée mondiale qui améliorerait le système énergétique du pays et réduirait les tarifs.

Manifestation de femmes à Porto Rico, en septembre 2022, contre Luma qu'elles accusent, avec le gouvernement, d'avoir laissé Porto Rico sans services d'électricité et sans eau après l'ouragan Fiona

Mais la réalité est que depuis que Luma a pris le contrôle du système énergétique du pays en juin 2021, les Portoricains ont connu sept grandes coupures de courant, des explosions de sous-stations, une instabilité du service entraînant de nombreuses pertes d'équipements domestiques et industriels, presque toutes causées par le manque d'entretien des installations de l'agence électrique. En outre, l'entreprise a augmenté les tarifs sept fois. Et comme une punition pour la classe ouvrière et le peuple, la main-d'oeuvre expérimentée de l'agence d'État de l'énergie a été déplacée et remplacée par des travailleurs sans l'expérience requise. Beaucoup d'entre eux ont été amenés des États-Unis et payés presque trois fois le salaire que gagnaient les travailleurs déplacés.

L'inefficacité cruelle de Luma et sa défense par le gouvernement colonial ont aggravé la situation actuelle où même les hôpitaux et les centres de soins sont privés d'électricité, mettant ainsi des milliers de vies en danger. Face à cette calamité, les travailleurs déplacés du Syndicat des travailleurs de l'industrie électrique et de l'irrigation et d'autres syndicats nationaux de l'énergie ont demandé au gouvernement un décret pour employer ces fonctionnaires expérimentés et accélérer ainsi le processus de reconstitution énergétique. Or, le gouverneur Pedro Pierluisi a rejeté cette offre qui permettrait de sauver des vies. Il a plutôt choisi d'approuver l'embauche de travailleurs étrangers amenés à Porto Rico dans le cadre de contrats onéreux de plusieurs millions de dollars qui alourdissent le fardeau de la dette que le peuple est obligé de payer.

Les yeux du monde entier sont désormais tournés vers Porto Rico et cette terrible situation va assurément continuer d'attirer l'attention du monde entier. Les organisations participant au XXVIe Séminaire ont exhorté les gouvernements de Porto Rico et des États-Unis à prendre des mesures pour mettre fin à l'énorme souffrance imposée aux Portoricains.


Dévastation causée par l'ouragan Fiona à Porto Rico, septembre 2022

(Mexico, 24 septembre 2022. Photos : Bandera Roja, P.T. Moreles, AJ Plus)

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Le Comité des Nations unies reconnaît le droit de Porto Rico à l'autodétermination et à l'indépendance

Le 20 juin, le Comité spécial des Nations unies sur la décolonisation a reconnu officiellement, par consensus et pour la 40e fois, le droit de Porto Rico à l'autodétermination et à l'indépendance. Il l'a fait en adoptant à nouveau le projet de résolution L7. La résolution demande aux États-Unis de prendre des mesures immédiates pour mettre en oeuvre le processus de décolonisation pour Porto Rico, ce qui inclut le retrait de toutes les forces militaires et répressives, comme le FBI, et la restitution de ces terres et installations à Porto Rico. Il exige également que les États-Unis prennent des mesures immédiates pour « transférer tous les pouvoirs au peuple » de Porto Rico « sans aucune condition ni réserve », et s'abstiennent de « toute tentative visant à perturber partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale » de Porto Rico.

Le Comité spécial a entendu plus de quarante personnes dénoncer la colonisation de Porto Rico par les États-Unis et demander à l'ONU d'appliquer ses procédures de décolonisation et de soumettre la question de l'indépendance de Porto Rico à l'Assemblée générale. De nombreuses personnes luttant pour l'indépendance ont pris la parole, tandis qu'un rassemblement d'indépendantistes s'est tenu devant le siège de l'ONU.

Les gens ont également demandé au Comité, qui a des pouvoirs administratifs, d'ouvrir des discussions avec les États-Unis et de se rendre à Porto Rico pour y établir une mission chargée de superviser la décolonisation. Les orateurs ont souligné la résistance déterminée des Portoricains aux nombreuses attaques américaines contre leurs droits et l'incapacité des États-Unis à fournir un minimum d'aide pour faire face aux ouragans ravageurs qui ont frappé Porto Rico ces dernières années. Le développement de sociétés d'aide mutuelle et d'autres efforts des Portoricains pour prendre les choses en main ont également été soulignés.

Pedro Luis Pedroso, ambassadeur cubain auprès de l'ONU, a présenté la résolution coparrainée par la Russie, le Nicaragua, la Bolivie, le Venezuela, la Syrie, Barbuda et Antigua. Il a conclu que le cas colonial de Porto Rico « n'est pas une affaire interne des États-Unis... il relève du Comité de décolonisation et de l'ensemble de la communauté internationale ».

La Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CÉLAC) et le Mouvement des non-alignés (MNA), une organisation internationale de 120 États membres, dont beaucoup s'opposent à la domination des États-Unis, ont également exprimé leur soutien au droit à l'autodétermination et à l'indépendance de Porto Rico.

De nombreux Portoricains ont dénoncé la loi PROMESA (Puerto Rico Oversight, Management and Economic Stability Act), imposée par les États-Unis, et son conseil de contrôle, connu sous le nom de La Junta. Au nom de la volonté de forcer Porto Rico à payer des dettes accumulées illégalement – et déjà payées de nombreuses fois – le Conseil de contrôle a dicté depuis 2016 des compressions importantes dans les services sociaux tout en garantissant les paiements aux financiers de Wall Street. Ces nombreuses compressions comprennent la réduction des pensions de 40 % et l'augmentation de l'âge de la retraite de huit ans ; la réduction de 50 % du budget de l'Université publique de Porto Rico dans le cadre des efforts pour la privatiser ; la fermeture de dizaines d'écoles publiques avec d'autres fermetures prévues ; d'autres efforts pour privatiser les services publics et les services, et plus encore. De nombreuses grèves et manifestations ont été organisées contre La Junta, représentant la position des Portoricains pour leurs droits et contre le diktat des États-Unis. PROMESA est encore un autre outil de la colonisation américaine dénoncé par de nombreux intervenants devant le Comité spécial.

Les gens ont également souligné que le projet de loi américain, le Puerto Rico Status Act, ne respecte pas les exigences minimales du droit international en matière de décolonisation, telles que l'élimination de l'ingérence et de l'influence militaire, politique et économique et la remise du pouvoir entre les mains des Portoricains avant tout vote. Comme l'a dit un intervenant, après 124 ans de colonialisme et de répression par les États-Unis et leur FBI, ainsi que des dizaines d'assassinats, il est difficile de croire que « nous pouvons utiliser librement le vote ». La loi inclut l'indépendance comme une option, ainsi que le statut d'État et la « souveraineté en libre association avec les États-Unis », qui n'est pas clairement définie. Le projet de loi est actuellement à l'état de projet au sein de la commission des ressources naturelles de la Chambre des représentants des États-Unis.

Comme l'ont clairement montré les nombreuses grèves et les luttes continues à Porto Rico, ainsi que les actions menées aux États-Unis, les Portoricains ne cesseront de résister jusqu'à ce que la colonisation américaine prenne fin et que l'autodétermination et l'indépendance soient réalisées.

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Déclaration de l'ONU sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux

L'Assemblée générale,

Consciente de ce que les peuples du monde se sont, dans la Charte des Nations unies, déclarés résolus à proclamer à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, et à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,

Consciente de la nécessité de créer des conditions de stabilité et de bien-être et des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect des principes de l'égalité de droits et de la libre détermination de tous les peuples, et d'assurer le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion,

Reconnaissant le désir passionné de liberté de tous les peuples dépendants et le rôle décisif de ces peuples dans leur accession à l'indépendance,

Consciente des conflits croissants qu'entraîne le fait de refuser la liberté à ces peuples ou d'y faire obstacle, qui constituent une grave menace à la paix mondiale,

Considérant le rôle important de l'Organisation des Nations unies comme moyen d'aider le mouvement vers l'indépendance dans les territoires sous tutelle et les territoires non autonomes,

Reconnaissant que les peuples du monde souhaitent ardemment la fin du colonialisme dans toutes ses manifestations,

Convaincue que le maintien du colonialisme empêche le développement de la coopération économique internationale, entrave le développement social, culturel et économique des peuples dépendants et va à l'encontre de l'idéal de paix universelle des Nations unies,

Affirmant que les peuples peuvent, pour leurs propres fins, disposer librement de leurs richesses et ressources naturelles sans préjudice des obligations qui découleraient de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'avantage mutuel, et du droit international,

Persuadée que le processus de libération est irrésistible et irréversible et que, pour éviter de graves crises, il faut mettre fin au colonialisme et à toutes les pratiques de ségrégation et de discrimination dont il s'accompagne,

Se félicitant de ce qu'un grand nombre de territoires dépendants ont accédé à la liberté et à l'indépendance au cours de ces dernières années, et reconnaissant les tendances toujours plus fortes vers la liberté qui se manifestent dans les territoires qui n'ont pas encore accédé à l'indépendance,

Convaincue que tous les peuples ont un droit inaliénable à la pleine liberté, à l'exercice de leur souveraineté et à l'intégrité de leur territoire national,

Proclame solennellement la nécessité de mettre rapidement et inconditionnellement fin au colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations ;

Et, à cette fin,

Déclare ce qui suit :

1. La sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l'homme, est contraire à la Charte des Nations unies et compromet la cause de la paix et de la coopération mondiales.

2. Tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel.

3. Le manque de préparation dans les domaines politique, économique ou social ou dans celui de l'enseignement ne doit jamais être pris comme prétexte pour retarder l'indépendance.

4. Il sera mis fin à toute action armée et à toutes mesures de répression, de quelque sorte qu'elles soient, dirigées contre les peuples dépendants, pour permettre à ces peuples d'exercer pacifiquement et librement leur droit à l'indépendance complète, et l'intégrité de leur territoire national sera respectée.

5. Des mesures immédiates seront prises, dans les territoires sous tutelle, les territoires non autonomes et tous autres territoires qui n'ont pas encore accédé à l'indépendance, pour transférer tous pouvoirs aux peuples de ces territoires, sans aucune condition ni réserve, conformément à leur volonté et à leurs voeux librement exprimés, sans aucune distinction de race, de croyance ou de couleur, afin de leur permettre de jouir d'une indépendance et d'une liberté complètes.

6. Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations unies.

7. Tous les États doivent observer fidèlement et strictement les dispositions de la Charte des Nations unies, de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la présente Déclaration sur la base de l'égalité, de la non- ingérence dans les affaires intérieures des États et du respect des droits souverains et de l'intégrité territoriale de tous les peuples.

Résolution 1514 (XV), 14 décembre 1960

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