Numéro 56 - 2 octobre 2023
Ne touchez pas à Haïti !
Non au déploiement d'une force armée internationale en Haïti !
• Haïti : Une autre manoeuvre d'invasion des États-Unis
• L'Assemblée des peuples des Caraïbes publie une importante lettre ouverte sur Haïti
Ne touchez pas à Haïti !
Non au déploiement d'une force armée internationale en Haïti !
Aujourd'hui, le 2 octobre, le Conseil de sécurité des Nations unies votera une résolution préparée par les États-Unis autorisant le déploiement d'une force armée internationale en Haïti pour un an. Alors que les Haïtiens sont massivement opposés à toute intervention étrangère en Haïti sous quelque prétexte que ce soit, les États-Unis persistent dans leur objectif de maintenir leur contrôle sur Haïti en instiguant la violence de bandes armées pour brutaliser et diviser la population, promouvoir des élections bidon, maintenir une main-d'oeuvre de misère et bien plus encore. Depuis des mois, avec le soutien actif du Canada, les États-Unis déploient leur arsenal, distribuent les pots-de-vin, les menaces, les subventions et la désinformation dans leurs efforts pour trouver un pays qui pourrait être persuadé d'intégrer les forces armées qui interviendraient en Haïti, et c'est maintenant le Kenya qui se porte volontaire.
Une « délégation de sécurité » kenyane s'est rendue en Haïti du 20 au 23 août dans le cadre d'une soi-disant mission d'évaluation destinée à préparer le terrain pour que le Kenya dirige une force interventionniste étrangère contre Haïti à la demande des États-Unis et du « Core Group »[1].
La résolution présentée au Conseil de sécurité stipule que la mission a pour but d'aider Haïti à endiguer la flambée de violence des gangs et à renforcer les capacités de la police nationale haïtienne (PNH), une organisation notoirement corrompue. Elle précise que la force serait extérieure aux Nations unies et financée par des contributions volontaires. Étant donné que la police kenyane a été formée à l'origine par la police politique britannique pour réprimer les insurrections anticoloniales du peuple kenyan et sa quête de démocratie, l'autorité que représente cette force interventionniste est un sujet de grave préoccupation. Les critiques de la proposition de faire de la police kenyane une force d'intervention en Haïti notent que la police de ce pays d'Afrique de l'Est est depuis longtemps accusée de recourir à la torture, à la force meurtrière et à d'autres violences. Dans l'état actuel des choses, les États-Unis s'engagent à verser 100 millions de dollars pour soutenir la force multinationale proposée par le Kenya en Haïti. La résolution autoriserait la force pour une durée d'un an, avec un réexamen au bout de neuf mois.
La résolution stipule que la force aiderait à sécuriser « les sites d'infrastructures critiques et les lieux de transit tels que l'aéroport, les ports et les principaux carrefours ». Cela ressemble à un double langage pour masquer qu'il s'agit d'opérations qui favorisent les intérêts des États-Unis. L'adoption par le Conseil de sécurité autoriserait la force à « adopter des mesures temporaires urgentes à titre exceptionnel » pour « prévenir les pertes en vies humaines et aider la police à maintenir la sécurité publique ».
Compte tenu de l'expérience du peuple haïtien lors des précédentes missions de l'ONU et des programmes de formation lancés par le Canada à l'intention des forces de police en Haïti, la résolution souligne que tous les participants à la mission proposée doivent prendre les mesures nécessaires pour prévenir l'exploitation et les violences sexuelles et placer l'ensemble du personnel sous surveillance. Elle exige également que toute allégation de mauvaise conduite fasse l'objet d'une enquête rapide.
Tout ceci n'est qu'une mise en scène honteuse pour déployer une force internationale chargée de mater la résistance du peuple haïtien et de maintenir le pouvoir des oligarques haïtiens, actuellement dirigé par le régime illégitime d'Ariel Henry, au nom d'intérêts privés étroits basés aux États-Unis, au Canada, en France et ailleurs.
Ne touchez pas à Haïti !
Canada, États-Unis, France, Kenya, Core Group et toute autre
force étrangère, hors d'Haïti !
Note
1. Le Core Group est une organisation intergouvernementale informelle composée d'ambassadeurs des Nations unies, du Brésil, du Canada, de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Union européenne, des États-Unis et de l'Organisation des États américains (OÉA). Malgré le fait que le droit international et la Convention de Vienne interdisent aux ambassades étrangères de s'immiscer dans les affaires internationales des États souverains, le « Core Group » se réunit souvent pour réprimer la lutte du peuple haïtien pour la paix, la liberté et la démocratie. Les origines du Core Group remontent à la réunion de l'« Initiative d'Ottawa sur Haïti » de 2003, au cours de laquelle des représentants des États-Unis, de la France, de l'OÉA et du Canada ont décidé de déposer le président Aristide et d'installer par la suite une force d'occupation des Nations unies. Selon leur propre initiative, elle a été officiellement créée par le Conseil de sécurité des Nations unies après que les troupes américaines, françaises et canadiennes eurent renversé le gouvernement élu d'Haïti en 2004. Elle se présente comme une organisation « procurant des conseils » sur la manière de résoudre les « crises socio-économiques et politiques » d'Haïti et d'« améliorer la démocratie dans le pays ».
Haïti : Une autre manoeuvre
d'invasion
des États-Unis
Prenant la parole lors de la 78e session de l'Assemblée générale des Nations unies le 19 septembre, le président Joe Biden a demandé au Conseil de sécurité de l'ONU d'autoriser immédiatement l'invasion que les États-Unis préparent en Haïti. Cette demande faite par Biden depuis la tribune de l'ONU souligne à quel point les États-Unis sont déterminés à lancer leur invasion et démontre que l'occupation d'Haïti et le pillage de ses ressources, y compris ses gisements de terres rares et d'iridium, sont de la plus haute importance pour les entreprises américaines et le gouvernement américain qui les représente.
Depuis décembre 1914, lorsque les marines américains ont envahi Haïti et littéralement volé ses réserves d'or à la banque nationale, jusqu'en 2004 lorsqu'ils ont kidnappé le président élu Jean-Bertrand Aristide et en 2010 lorsqu'ils ont à nouveau envoyé leurs troupes en Haïti à la suite du tremblement de terre, les États-Unis n'ont pas laissé Haïti en paix, avec des invasions à répétition.
L'invasion que préparent actuellement les États-Unis et l'ONU n'est pas différente. Malgré la propagande mensongère diffusée par les États-Unis et leurs médias, qui prétend que l'invasion est destinée à bénéficier au peuple haïtien en s'attaquant au problème des gangs criminels dans ce pays, les vrais motifs sont on ne peut plus clairs. Les États-Unis veulent envahir Haïti pour consolider le gouvernement d'Ariel Henry qu'ils ont mis en place avec leur Core Group et qui est totalement rejeté par le peuple haïtien.
L'objectif est de stabiliser ce gouvernement, qui facilite le pillage du pays par les États-Unis, en supprimant l'opposition du peuple haïtien. La soi-disant mission de sécurité nécessite donc l'effusion du sang du peuple haïtien pour servir les intérêts des entreprises américaines. La justification donnée, à savoir que le peuple haïtien est un « enfant sans défense » qui doit être sauvé des gangs criminels par un « sauveur blanc » sous la forme des États-Unis et de l'ONU, révèle la nature profondément raciste de toute cette affaire.
Face à cette situation et conscients du fait qu'une nouvelle invasion d'Haïti les exposerait complètement, en particulier à la lumière de leurs critiques incessantes de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les décideurs politiques américains ont décidé qu'ils avaient besoin de gouvernements noirs pour mener l'invasion à leur place. Cela démontre une fois de plus la nature profondément raciste de ce projet, puisque la seule intention est d'utiliser ces visages noirs dans le but de détourner les critiques sur la nature raciste de l'invasion.
Pendant près d'un an, les diplomates américains ont cherché par tous les moyens un gouvernement noir pour faire le sale boulot, exerçant une pression intense sur les gouvernements de l'Union africaine (UA) et de la Communauté caribéenne (CARICOM) . Finalement, William Ruto, président du Kenya, a proposé son gouvernement pour ce rôle. La trahison de Ruto est d'autant plus choquante qu'il vient d'un pays qui a donné au monde Dedan Kimathi et son héroïque armée pour la terre et la liberté (appelée Mau Mau par les Britanniques) qui, les armes à la main, a affronté les colonialistes britanniques dans la lutte pour l'indépendance du Kenya. Aujourd'hui, Ruto traîne le nom du Kenya dans la boue en envoyant les troupes de ce pays réprimer le peuple haïtien qui, lui aussi, a dû conquérir sa liberté en prenant les armes contre ses asservisseurs européens. Il ne fait aucun doute que le peuple kenyan demandera des comptes à ce traître.
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La joie des États-Unis face à la décision de William Ruto a été immédiatement évidente. Le président Biden l'a publiquement remercié à la tribune des Nations unies. Les États-Unis ont ensuite annoncé qu'ils financeraient l'invasion et qu'ils réservaient un budget de 100 millions de dollars américains à cet effet. Ils ont également annoncé qu'ils formeraient les troupes kenyanes et, le 25 septembre, ils ont dépêché leur secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, à Nairobi, où il a signé un accord bilatéral de coopération en matière de défense avec le Kenya. Ce qui n'est pas encore du domaine public, c'est l'argent qui a circulé dans l'ombre pour que les troupes kenyanes puissent être envoyées en Haïti pour verser le sang de leurs frères et soeurs.
La trahison ne s'arrête pas à William Ruto. Le 27 septembre, les médias locaux ont rapporté que le gouvernement de la Barbade, dirigé par la première ministre Mia Mottley, prendrait également part à l'attaque planifiée des États-Unis et de l'ONU contre Haïti. Mme Mottley s'est présentée comme une critique virulente de l'ordre international injuste et une défenseure des petits États insulaires en développement, des Caraïbes et de l'Afrique. La décision de son gouvernement de prendre part à cette attaque raciste organisée par les États-Unis contre Haïti, probablement coordonnée par le SouthCom de l'armée américaine et son système de sécurité régionale basé à la Barbade, montre que ces affirmations ne sont qu'une supercherie.
Rien ne justifie que les États-Unis lancent une nouvelle attaque raciste contre Haïti et tout le monde devrait la condamner et s'y opposer.
Non à l'invasion d'Haïti par les États-Unis et l'ONU !
Ne touchez pas à Haïti !
(27 septembre 2023. Traduit de l'anglais par LML)
L'Assemblée des peuples des Caraïbes publie une importante lettre ouverte sur Haïti
Une lettre ouverte aux chefs de gouvernement de la Communauté caribéenne (CARICOM) au sujet de la situation en Haïti a été publiée par l'Assemblée des peuples des Caraïbes le 5 septembre. Elle aborde directement les dangers posés par le soi-disant Core Group en Haïti, dont les États-Unis, le Canada et la France, qui expédie une force policière kenyane de plus de 1 000 membres, pour jouer le rôle de force interventionniste par procuration en Haïti. Les forces policières kenyanes ont été formées par les Britanniques pendant leur règne colonial au Kenya pour violemment supprimer leur propre peuple en rébellion contre le règne colonial et néocolonial. Leur brutalité est notoire. Que le Core Group ait recruté la police kenyane avec l'approbation de la Jamaïque et des Bahamas ne laisse présager rien de bon pour le peuple haïtien ni pour l'ensemble des peuples des Caraïbes. Le Canada se couvre encore une fois de honte, lui qui joue un rôle méprisable en Haïti depuis qu'il s'est joint aux États-Unis et à la France pour mener un coup d'État en 2004 et y appuyer des forces fantoches depuis ce temps.
La situation exige que les Canadiens contestent avec force ce que le Canada cherche à faire contre Haïti. Le rôle du Canada à faciliter une guerre par procuration des États-Unis en Haïti ne fera qu'exacerber la violence des gangs politiques et criminels qui ont transformé la vie du peuple haïtien en enfer depuis que lui et les États-Unis et la France ont fomenté le coup d'État contre le président élu Jean-Bertrand Aristide en 2004. Le Core Group a appuyé les régimes fantoches corrompus l'un après l'autre depuis ce temps pendant que le peuple vie dans une misère imposée. Le peuple haïtien a, de tous les pays, la plus longue tradition de lutte pour ses droits, ayant renversé le régime esclavagiste brutal français en 1804. Depuis ce temps, la France, les États-Unis et le Canada se vengent, exerçant un contrôle sur cette île située dans une zone stratégique, riche en ressources très convoitées, qu'ils ont transformée en ateliers de misère.
La lettre ouverte de l'Assemblée des peuples des Caraïbes à la CARICOM a été envoyée à la veille d'une réunion spéciale de chefs d'État convoquée par le président actuel de la CARICOM, l'honorable Roosevelt Skeritt, le premier ministre de la Dominique. On y lit :
« Nous voilà à nouveau obligés de communiquer avec vous au sujet de la situation en Haïti et d'exprimer nos graves inquiétudes face à la prise de position que pourrait envisager la CARICOM face à cette intervention.
« Nous sommes profondément perturbés par la prise de position de deux pays membres de la CARICOM, la Jamaïque et les Bahamas – d'appuyer une intervention militaire par la présence de 1000 agents de police kenyans. Ces deux pays membres ont pris leur décision avant même que le Groupe de personnes éminentes aient publié son rapport et ses recommandations et en l'absence d'une décision de la CARICOM. C'est inacceptable et cela fait preuve d'un manque de respect total envers les personnes éminentes, dont l'un est l'ancien premier ministre de la Jamaïque et l'autre est un ancien premier ministre des Bahamas ! En outre, la prise de position de la Jamaïque et des Bahamas en l'absence d'une position collective de la CARICOM démontre une fois de plus que certains gouvernements sont prêts à se mettre au diapason de pays et de forces extérieurs à la CARICOM.
« Il ne doit pas y avoir d'intervention militaire ou quasi-militaire étrangère en Haïti. Cela inclut les 1000 ou quel qu'en soit le nombre de policiers kenyans. Nous pensons que, compte tenu notamment de la longue et très douloureuse expérience d'Haïti en matière d'intervention militaire étrangère, toute intervention de ce type sera non seulement vouée à l'échec, mais risque d'exacerber la crise – politique et de violence/gangs. Il est clair pour nous que le Kenya est promu en tant que mandataire puisque les pays du Core Group, les États-Unis, le Canada et la France, reconnaissent que le ressentiment à l'égard de leur intervention militaire serait immense en Haïti. La CARICOM ne devrait pas être considérée comme un mandataire du Core Group, qui est en grande partie responsable de la crise haïtienne. »
En ce qui concerne le régime d'Ariel Henry, les auteurs de la lettre soulignent : « C'est la décision du Core Group qui a permis à Ariel Henry de devenir premier ministre alors qu'il n'y avait et qu'il n'y a toujours pas de parlement. » La lettre poursuit : « Ariel Henry n'est pas et ne peut pas faire partie de la solution à la crise haïtienne. La présence d'Ariel Henry dans tout gouvernement de transition ou la mise en place par lui d'un gouvernement de transition sera un obstacle majeur au processus d'endiguement des gangs et à la tenue d'élections libres et équitables. Ariel Henry n'a pas de légitimité et celle qu'il a pu avoir s'évapore étant donné son incapacité à résoudre les problèmes que vit la population. Nombreux sont ceux qui pensent qu'Ariel Henry est étroitement lié aux gangs et qu'il contribue donc à la violence et aux actes criminels perpétrés par ces derniers. »
« Henry et son successeur, quel qu'il soit, issu d'un processus électoral qui n'est ni libre ni équitable, permettront simplement aux élites de maintenir leur emprise sur le pouvoir, à la grande satisfaction du Core Group. La CARICOM devrait donc adopter une position audacieuse et même sans précédent et appeler Henry à se retirer dans l'intérêt de la paix et du peuple haïtien.
« Pour s'engager sur le chemin de la bonne gouvernance, il faut un gouvernement de transition, comme proposé par de nombreuses organisations civiques en Haïti, qui serait composé d'un échantillon représentatif d'organisations de la société civile de bonne foi, ou leurs représentants devraient être mandatés pour nommer la Commission électorale constituée conformément à la Constitution du pays et établir le processus pour des élections libres et équitables au parlement et à la présidence. Le gouvernement de transition aura la légitimité d'obtenir le soutien et l'assistance de la CARICOM en ce qui concerne la reconstruction et/ou le renforcement des institutions, dans un premier temps pour permettre la tenue des élections et dans d'autres domaines si nécessaire. »
Selon l'Assemblée des peuples des Caraïbes, il existe en Haïti une forte conviction que la PNH (Police nationale d'Haïti) peut s'attaquer aux gangs et maîtriser la violence. Si elle n'y est pas parvenue, c'est en raison du soutien politique dont bénéficient les gangs. En supprimant ce soutien, la PNH sera dans une position plus forte. La PNH a toutefois besoin d'un soutien matériel – drones, véhicules et autres matériels de renseignement et de sécurité. Une formation supplémentaire peut également s'avérer nécessaire. C'est là que la CARICOM et d'autres pays peuvent apporter leur aide. La PNH, avec le soutien d'un gouvernement de transition adéquat et du peuple haïtien lui-même, peut s'attaquer aux gangs. Il existe déjà des exemples de collaboration entre la PNH et la communauté ayant permis de lutter efficacement contre les gangs. Cette collaboration a été sporadique, mais si les conditions sont réunies, elle peut constituer un modèle qui fonctionne.
La lettre conclut : « La CARICOM a adopté des positions fortes et de principe sur Haïti dans le passé, comme son opposition ferme aux coups d'État de 1991 et de 2004. Ces positions ont contribué aux luttes démocratiques du peuple haïtien. Il s'agit d'un nouveau moment clé dans l'histoire d'Haïti. Une fois de plus, la CARICOM doit prendre des mesures éthiques et morales. Nous attendons avec impatience les décisions que vous prendrez à l'issue de votre réunion. »
(Avec des informations de la Caribbean Organization for People's Empowerment)
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