L'Assemblée des peuples des Caraïbes publie une importante lettre ouverte sur Haïti
Une lettre ouverte aux chefs de gouvernement de la Communauté caribéenne (CARICOM) au sujet de la situation en Haïti a été publiée par l'Assemblée des peuples des Caraïbes le 5 septembre. Elle aborde directement les dangers posés par le soi-disant Core Group en Haïti, dont les États-Unis, le Canada et la France, qui expédie une force policière kenyane de plus de 1 000 membres, pour jouer le rôle de force interventionniste par procuration en Haïti. Les forces policières kenyanes ont été formées par les Britanniques pendant leur règne colonial au Kenya pour violemment supprimer leur propre peuple en rébellion contre le règne colonial et néocolonial. Leur brutalité est notoire. Que le Core Group ait recruté la police kenyane avec l'approbation de la Jamaïque et des Bahamas ne laisse présager rien de bon pour le peuple haïtien ni pour l'ensemble des peuples des Caraïbes. Le Canada se couvre encore une fois de honte, lui qui joue un rôle méprisable en Haïti depuis qu'il s'est joint aux États-Unis et à la France pour mener un coup d'État en 2004 et y appuyer des forces fantoches depuis ce temps.
La situation exige que les Canadiens contestent avec force ce que le Canada cherche à faire contre Haïti. Le rôle du Canada à faciliter une guerre par procuration des États-Unis en Haïti ne fera qu'exacerber la violence des gangs politiques et criminels qui ont transformé la vie du peuple haïtien en enfer depuis que lui et les États-Unis et la France ont fomenté le coup d'État contre le président élu Jean-Bertrand Aristide en 2004. Le Core Group a appuyé les régimes fantoches corrompus l'un après l'autre depuis ce temps pendant que le peuple vie dans une misère imposée. Le peuple haïtien a, de tous les pays, la plus longue tradition de lutte pour ses droits, ayant renversé le régime esclavagiste brutal français en 1804. Depuis ce temps, la France, les États-Unis et le Canada se vengent, exerçant un contrôle sur cette île située dans une zone stratégique, riche en ressources très convoitées, qu'ils ont transformée en ateliers de misère.
La lettre ouverte de l'Assemblée des peuples des Caraïbes à la CARICOM a été envoyée à la veille d'une réunion spéciale de chefs d'État convoquée par le président actuel de la CARICOM, l'honorable Roosevelt Skeritt, le premier ministre de la Dominique. On y lit :
« Nous voilà à nouveau obligés de communiquer avec vous au sujet de la situation en Haïti et d'exprimer nos graves inquiétudes face à la prise de position que pourrait envisager la CARICOM face à cette intervention.
« Nous sommes profondément perturbés par la prise de position de deux pays membres de la CARICOM, la Jamaïque et les Bahamas – d'appuyer une intervention militaire par la présence de 1000 agents de police kenyans. Ces deux pays membres ont pris leur décision avant même que le Groupe de personnes éminentes aient publié son rapport et ses recommandations et en l'absence d'une décision de la CARICOM. C'est inacceptable et cela fait preuve d'un manque de respect total envers les personnes éminentes, dont l'un est l'ancien premier ministre de la Jamaïque et l'autre est un ancien premier ministre des Bahamas ! En outre, la prise de position de la Jamaïque et des Bahamas en l'absence d'une position collective de la CARICOM démontre une fois de plus que certains gouvernements sont prêts à se mettre au diapason de pays et de forces extérieurs à la CARICOM.
« Il ne doit pas y avoir d'intervention militaire ou quasi-militaire étrangère en Haïti. Cela inclut les 1000 ou quel qu'en soit le nombre de policiers kenyans. Nous pensons que, compte tenu notamment de la longue et très douloureuse expérience d'Haïti en matière d'intervention militaire étrangère, toute intervention de ce type sera non seulement vouée à l'échec, mais risque d'exacerber la crise – politique et de violence/gangs. Il est clair pour nous que le Kenya est promu en tant que mandataire puisque les pays du Core Group, les États-Unis, le Canada et la France, reconnaissent que le ressentiment à l'égard de leur intervention militaire serait immense en Haïti. La CARICOM ne devrait pas être considérée comme un mandataire du Core Group, qui est en grande partie responsable de la crise haïtienne. »
En ce qui concerne le régime d'Ariel Henry, les auteurs de la lettre soulignent : « C'est la décision du Core Group qui a permis à Ariel Henry de devenir premier ministre alors qu'il n'y avait et qu'il n'y a toujours pas de parlement. » La lettre poursuit : « Ariel Henry n'est pas et ne peut pas faire partie de la solution à la crise haïtienne. La présence d'Ariel Henry dans tout gouvernement de transition ou la mise en place par lui d'un gouvernement de transition sera un obstacle majeur au processus d'endiguement des gangs et à la tenue d'élections libres et équitables. Ariel Henry n'a pas de légitimité et celle qu'il a pu avoir s'évapore étant donné son incapacité à résoudre les problèmes que vit la population. Nombreux sont ceux qui pensent qu'Ariel Henry est étroitement lié aux gangs et qu'il contribue donc à la violence et aux actes criminels perpétrés par ces derniers. »
« Henry et son successeur, quel qu'il soit, issu d'un processus électoral qui n'est ni libre ni équitable, permettront simplement aux élites de maintenir leur emprise sur le pouvoir, à la grande satisfaction du Core Group. La CARICOM devrait donc adopter une position audacieuse et même sans précédent et appeler Henry à se retirer dans l'intérêt de la paix et du peuple haïtien.
« Pour s'engager sur le chemin de la bonne gouvernance, il faut un gouvernement de transition, comme proposé par de nombreuses organisations civiques en Haïti, qui serait composé d'un échantillon représentatif d'organisations de la société civile de bonne foi, ou leurs représentants devraient être mandatés pour nommer la Commission électorale constituée conformément à la Constitution du pays et établir le processus pour des élections libres et équitables au parlement et à la présidence. Le gouvernement de transition aura la légitimité d'obtenir le soutien et l'assistance de la CARICOM en ce qui concerne la reconstruction et/ou le renforcement des institutions, dans un premier temps pour permettre la tenue des élections et dans d'autres domaines si nécessaire. »
Selon l'Assemblée des peuples des Caraïbes, il existe en Haïti une forte conviction que la PNH (Police nationale d'Haïti) peut s'attaquer aux gangs et maîtriser la violence. Si elle n'y est pas parvenue, c'est en raison du soutien politique dont bénéficient les gangs. En supprimant ce soutien, la PNH sera dans une position plus forte. La PNH a toutefois besoin d'un soutien matériel – drones, véhicules et autres matériels de renseignement et de sécurité. Une formation supplémentaire peut également s'avérer nécessaire. C'est là que la CARICOM et d'autres pays peuvent apporter leur aide. La PNH, avec le soutien d'un gouvernement de transition adéquat et du peuple haïtien lui-même, peut s'attaquer aux gangs. Il existe déjà des exemples de collaboration entre la PNH et la communauté ayant permis de lutter efficacement contre les gangs. Cette collaboration a été sporadique, mais si les conditions sont réunies, elle peut constituer un modèle qui fonctionne.
La lettre conclut : « La CARICOM a adopté des positions fortes et de principe sur Haïti dans le passé, comme son opposition ferme aux coups d'État de 1991 et de 2004. Ces positions ont contribué aux luttes démocratiques du peuple haïtien. Il s'agit d'un nouveau moment clé dans l'histoire d'Haïti. Une fois de plus, la CARICOM doit prendre des mesures éthiques et morales. Nous attendons avec impatience les décisions que vous prendrez à l'issue de votre réunion. »
(Avec des informations de la Caribbean Organization for People's Empowerment)
Cet article a été publié dans
Numéro 56
- 2 octobre 2023
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