Numéro 43 - 10 août 2023

Les défis du mouvement ouvrier

Les régimes de retraite des travailleurs ne doivent pas servir à financer l'antisyndicalisme

– Empower Yourself Now –

Enseignants actifs et à la retraite sur la ligne de piquetage à Sel Windsor, 31 mai 2023

Comment le régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario perçoit l'investissement responsable

Activité méprisable de la Canada Steamship Lines durant
la grève du sel



Les défis du mouvement ouvrier

Les régimes de retraite des travailleurs ne doivent pas servir à financer l'antisyndicalisme

– Empower Yourself Now –

Le Conseil provincial de la FEESO/OSSTF debout en signe de soutien aux travailleurs de Sel Windsor, 2 juin 2023

Le 20 août 2023, la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'Ontario (FEO) tiendra sa réunion d'été du Conseil des gouverneurs à Toronto. L'un des principaux sujets de préoccupation qui sera abordé lors de cette réunion est l'investissement important du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario (RREO) dans Stone Canyon Industries Holdings Inc. (SCIH), directement et par l'intermédiaire d'une des filiales de la SCIH, SCI Salt, qui se livre à des activités antisyndicales à Sel Windsor, à Windsor, en Ontario.

La FEO est un organisme composé de 40 représentants de toutes les fédérations d'enseignants de l'Ontario. Il s'agit de l'Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (FEO), de l'Association des enseignantes et des enseignants catholiques anglo-ontariens (OECTA), de la Fédération des enseignantes et des enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) ainsi que des Enseignantes et enseignants retraités de l'Ontario (ERO).

La FEO est régie par la loi ontarienne et, en 1991, elle a formé un partenariat avec le gouvernement de l'Ontario pour superviser le RREO. Cela s'est produit alors que le gouvernement de l'Ontario restructurait l'État pour se décharger de ses responsabilités envers le régime de retraite des enseignants de l'Ontario, dont il était le seul à assumer le contrôle et la responsabilité jusqu'en 1989. Dans le cadre de ce partenariat, en échange de l'abandon par le gouvernement de sa responsabilité exclusive à l'égard du régime, la FEO a obtenu un certain contrôle sur celui-ci en choisissant les membres de son conseil d'administration[1].

Depuis un certain temps, et avec une fermeté croissante, les actionnaires du RREO, notamment les présidents de toutes les fédérations d'enseignants, demandent au RREO d'utiliser ses investissements dans la SCIH pour mettre fin aux attaques contre les travailleurs du sel canadiens et les ressources essentielles qu'ils extraient et transforment. Le président et chef de la direction du régime de retraite a d'abord répondu à ces préoccupations en affirmant que le RREO n'intervenait pas dans les activités quotidiennes des entreprises dans lesquelles il investissait et ne détenait pas de participation majoritaire. Cette réponse a été rejetée par les enseignants, qui ont souligné que le RREO avait un siège au conseil d'administration de Stone Canyon, ce qui fait qu'il est directement impliqué dans les activités de la société. De plus, alors que le RREO ne cesse de répéter qu'il utilise ses investissements pour essayer d'avoir un impact environnemental et social positif, pour une raison quelconque, arrêter le démantèlement des syndicats contre les travailleurs canadiens n'est pas considéré comme nécessitant des mesures concrètes.

Le président et chef de la direction du régime de retraite a ensuite répondu aux présidents des fédérations d'enseignants, qui ont signé une lettre commune pour exprimer leurs inquiétudes concernant les investissements du régime. Il leur a répondu que le RREO soutenait la négociation collective et le droit de grève, et. qu'il était heureux que l'entreprise et les travailleurs négocient. En fait, l'entreprise, que le RREO aide à gérer, ne négociait rien du tout, mais continuait de maintenir ses demandes antisyndicales, notamment par l'abandon du droit d'ancienneté, la sous-traitance lors de la reprise de la production de sel dans les installations, une fois la grève terminée, l'affaiblissement de la capacité du syndicat à représenter ses membres et la compromission de la santé et de la sécurité des préposés à l'entretien[2]. C'est pourquoi les travailleurs de la mine à qui ces concessions ont été présentées dans la récente entente de principe ont voté Non !

La FEO et ses fédérations membres doivent relever le défi de défendre les valeurs de leurs membres en refusant que leurs pensions soient utilisées pour financer l'attaque d'une société de portefeuille américaine contre les travailleurs canadiens, leur syndicat et les ressources naturelles du Canada. Le RREO est un atout énorme pour les enseignants et la population de l'Ontario, car il permet d'investir dans des projets et des activités qui on tun socialement responsables. Les enseignants sont très fiers de leur régime de retraite parce qu'il se présente comme un investisseur responsable qui utilise ses investissements qui auront une incidence positive sur l'environnement naturel et social. Cependant, ce n'est pas le cas actuellement. Le RREO investit massivement dans diverses activités antisociales, de la privatisation des soins de santé, des soins aux aînés, de l'éducation et des infrastructures publiques au Canada et à l'étranger, aux armes nucléaires françaises et, comme en témoignent ses investissements dans la SCIH, à la monopolisation de ressources naturelles essentielles et les attaques contre les travailleurs de ces industries et, par extension, les communautés dans lesquelles elles sont implantées.

Trouver des moyens d'obliger les dirigeants et le conseil d'administration du RREO à rendre des comptes pour leurs investissements dans le démantèlement des syndicats au Canada contribuera concrètement à défendre des travailleurs canadiens et le Canada dans son ensemble. Une telle contribution concrète consisterait pour le RREO à dire clairement à Stone Canyon que si elle ne renonce pas à ses exigences antisyndicales et ne négocie pas une convention qui respecte le syndicat des travailleurs et les normes établies au cours d'un siècle de production de sel, ou si elle ne vend pas Sel Windsor à quelqu'un qui le fera, alors le RREO vendra ses investissements dans la SCIH. Il est irrationnel pour un régime de retraite public canadien d'investir dans de telles activités.

En prenant clairement position contre l'utilisation du régime de retraite des enseignants pour les activités antisyndicales de Stone Canyon, la FEO peut contribuer à défendre la dignité de tous les travailleurs canadiens et faire comprendre au gouvernement de l'Ontario, son partenaire dans la supervision du régime de retraite, que le diktat ne sera pas accepté à aucun niveau contre les travailleurs canadiens. Cela permettra également aux enseignants de garder la tête haute alors qu'ils se préparent pour leurs propres luttes dans la nouvelle année scolaire. Ils sont sans convention collective en Ontario depuis le 31 août 2022 à cause de l'utilisation par le gouvernement de sa majorité pour dicter des changements au système d'éducation de l'Ontario et de son refus de prêter attention aux revendications des enseignants et de négocier de bonne foi.

Notes

1. La FEO et le gouvernement de l'Ontario choisissent chacun cinq personnes pour siéger au conseil d'administration du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario. Ces partenaires choisissent conjointement le président du régime. Selon la FEO, le gouvernement et la FEO « déterminent ensemble les niveaux des prestations, les taux de cotisation et la fréquence du dépôt des évaluations actuarielles du RREO ». Les personnes nommées au conseil d'administration du régime ne proviennent pas des fédérations d'enseignants, mais la FEO a fixé les critères suivants : « En vertu des statuts de la FEO, une administratrice ou un administrateur doit posséder une connaissance générale des régimes de retraite et une expertise particulière en ce qui concerne les intérêts du personnel enseignant. Une administratrice ou un administrateur doit également avoir une expérience générale des régimes de retraite et une expertise particulière concernant la structure et les prestations d'un régime de retraite. De plus, au moins deux administratrices ou administrateurs doivent posséder une expérience générale des régimes de retraite et une expertise financière particulière en ce qui a trait à la retraite. »

La FEO a également son propre Comité du régime retraite, composé de membres du personnel de la FEO. La FEO et chacune de ses filiales, soit l'AEFO, la FEÉO, l'OECTA et la FEÉSO, nomment chacune une représentante ou un représentant au Comité. Les Enseignantes et les enseignants retraités de l'Ontario (ERO) y ont également une représentante ou un représentant. Ce comité « examine les questions relatives à la retraite qui lui sont soumises par le Bureau de la FEO. Les membres du Comité effectuent des recherches et proposent des recommandations concernant les politiques au Bureau de la FEO et aux membres de la FEO qui siègent au Comité des partenaires ».

2. « Tous avec les travailleurs de Sel Windsor ! Négociez, ne dictez pas ! », Empower Yourself Now !, 28 juillet 2023.

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Comment le régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario perçoit
l'investissement responsable

Dans son plus récent Rapport annuel sur l'investissement responsable et les changements climatiques, le régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario (RREO) explique que sa mission est d'« investir pour façonner un avenir meilleur »[1]. Ses investissements dans Stone Canyon Industries Holding Inc. (SCIH), le fait qu'il siège au conseil d'administration ainsi que son refus de prendre des mesures concrètes pour obliger l'entreprise à se conformer aux valeurs et aux normes de ses actionnaires ou qu'il désinvestisse si elle refuse, soulève des questions sur ce que cela signifie concrètement.

Dans son rapport, le chef des placements du régime, Ziad Hindo, dit qu'« il n'a jamais été aussi important d'investir de façon responsable et avec un objectif clair. » Il ajoute : « Nous changeons de plus en plus notre façon de penser pour déterminer comment nous pouvons utiliser notre capital d'une manière qui procure des avantages environnementaux et sociaux réels clairs et mesurables, le tout en créant de la valeur pour nos participants. » Il ajoute à nouveau : « Par conséquent, dans le cadre de notre plan audacieux visant à atteindre un actif net de 300 milliards de dollars d'ici 2030, nos mesures viseront expressément à créer un impact positif et durable sur le monde. Nous croyons que cela se traduira par de meilleurs rendements ajustés au risque à long terme et contribuera à la stabilité de la capitalisation du régime. »

Ziad Hindo dit que ceci peut être fait en « tir[ant] parti de nos sièges au conseil » et que « nous avons utilisé notre influence sur les conseils d'administration de sociétés fermées pour faire progresser les questions de diversité, d'équité et d'inclusion (EDDI) ». En ce sens, il parle abondamment de la représentation des femmes. Il dit que l'objectif que le RREO s'est fixé est que les femmes occupent 30 % des sièges « au sein de tous les conseils d'administration que nous contrôlons, », lequel objectif aurait déjà été atteint. En fait, au beau milieu de la grève à Sel Windsor et lorsqu'il a été révélé que le RREO avait des investissements dans Stone Canyon, le RREO a remplacé un homme membre du conseil exécutif du RREO par une femme. À peu près au même moment, le SCIH a désactivé sur son site Internet le lien vers sa page « Direction » où figurait le nom des membres de son conseil d'administration, dans ce qui semble être une tentative de soustraire ses « dirigeants » à la responsabilité de leurs actes. Ce qui n'a pas changé, cependant, sont les agissements de Stone Canyon et le refus du RREO d'adopter une position ferme contre le recours aux régimes de retraite des enseignants pour financer l'antisyndicalisme. Pour ce qui est de la diversité, de l'équité et de l'inclusion, cela revient à avoir des membres sur les conseils d'administration qui reflètent la composition de la population canadienne et, en même temps, ne rien dire sur ce que ces individus représentent. Pour ce qui est de ses investissements dans la SCIH, le jeu du RREO est de cacher les faits et gestes de cette entreprise et le fait qu'ils sont contraires aux valeurs des Canadiens, qui n'appuient pas l'antisyndicalisme, ni les attaques contre les droits des travailleurs au nom de la « souplesse ».

En outre, on soulève dans le rapport que pour ce qui est des sociétés de portefeuille privées dans lesquelles le RREO investit, comme la SCIH, « nous nous efforçons d'aider les sociétés fermées à prendre en compte les facteurs ESG, que ce soit en sélectionnant des membres du conseil, en fournissant des conseils sur les enjeux opérationnels ou en tirant parti de l'expertise que nous procure notre portefeuille comptant plus d'une centaine de placements privés ». Pour ce qui est des participations publiques (i.e. celles cotées en bourse et où les actionnaires élisent leurs conseils d'administration), on dit : « Nous exécutons un programme d'interaction avec les entreprises dans le cadre duquel nous cherchons à discuter avec les membres du conseil et les cadres clés pour comprendre comment ils traitent des enjeux importants comme les changements climatiques, la diversité et la gestion du capital humain, et leur faisons des suggestions, au besoin. »

Et plus loin : « Rendre des comptes quant aux comportements, à la prise de décisions et à la production de rapports est au coeur de nos interactions avec les sociétés qui composent notre portefeuille. L'engagement collaboratif soutenu avec les membres du conseil et les équipes de direction contribue à ce que les entreprises dans lesquelles nous investissons demeurent conformes à nos attentes. »

Lors d'une entrevue de baladodiffusion le 27 avril 2023, le directeur général du RREO, Jo Taylor, a expliqué comment un régime de retraite peut à la fois générer des rendements d'investissements constants tout en ayant une incidence environnementale et sociale positive. Il a dit : « La question qu'on me pose toujours est, es-tu prêt à risquer tes rendements pour avoir un impact, et je réponds toujours non », ajoutant : « Notre approche est que nous voulons pouvoir influencer le résultat des investissements que nous avons. » « Nous ne pouvons y arriver que si nous avons des investissements matériels dans l'entreprise, le contrôle des investissements de capitaux ou si nous sommes actionnaires minoritaires. » Plus tard dans l'entrevue, il affirme : « Nous tentons de faire en sorte que nos investissements et les entreprises avec qui nous travaillons sont de meilleures compagnies grâce à notre engagement. » « En fait, nous pouvons les assister en termes de diversité et d'inclusion, en termes de leur empreinte climatique et d'émissions, et nous pouvons vraiment les aider d'un point de vue social pour qu'elles soient de meilleures entreprises vis-à-vis leurs communautés et les entreprises qu'elles servent », a-t-il ajouté.

En termes d'investissements à court-terme et à long terme, le directeur général du RREO a affirmé : « Notre approche est que nous cherchons à influencer le résultat des investissements que nous faisons. C'est en partie pour veiller à ce que les rendements sont ceux que nous anticipions, ou que nous voulions, mais aussi à ce que nous puissions influencer certains des éléments que je viens de mentionner. [...]

« De façon générale, nous visons, je dirais, à améliorer et à influencer les entreprises de l'intérieur plutôt que d'essayer de les vendre et de refiler les problèmes à quelqu'un d'autre[2]. »

Le REEO a beau parler d'investissement responsable, ou d'améliorer et d'influencer les entreprises, son refus catégorique d'intervenir de façon concrète dans les activités antisyndicales, voire même antisociales, de Stone Canyon Industries Holdings Inc. – alors que le RREO siège au conseil d'administration – soulève de sérieuses questions sur le véritable sens de son engagement envers l'investissement responsable. Si cet engagement doit vouloir dire quelque chose, le RREO doit être conséquent et agir de façon décisive pour arrêter d'investir les régimes de retraite dans les activités antisyndicales de la SCIH.

Notes

1. « Investir pour laisser notre marque — Rapport annuel sur l'investissement responsable et les changements climatiques », Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario, 2022

2. « Canada's Ontario Teachers' Pension Plan — With Jo Taylor, OTPP CEO », Money Maze Podcast, le 27 avril 2023

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Activité méprisable de la Canada Steamship Lines durant la grève du sel

Canada Steamship Lines transporte le sel du complexe minier d'Ojibway, 26 avril 2023.

S'appuyant sur une injonction de la cour qu'elle aurait reçue pour protéger l'environnement et les machines à l'intérieur et autour des exploitations de sel qu'elle possède à Windsor, en Ontario, Stone Canyon Industries Holdings Inc (SCIH). a été en mesure de maintenir un niveau de production à son complexe minier Ojibway pendant la grève des travailleurs du sel, qui dure maintenant depuis 175 jours.

Les travailleurs s'inquiètent du fait que Canada Steamship Lines (CSL) transporte le sel gemme extrait par les cadres, ce qui prolonge la grève. CSL appartient à la famille Martin, associée à l'ancien ministre libéral fédéral Paul Martin père et à son fils Paul Martin fils, ancien ministre libéral fédéral des Finances et plus tard premier ministre. Paul Martin fils a cédé sa participation dans la société à ses trois fils, dont l'un est aujourd'hui président du conseil d'administration. CSL et CSL International possèdent la plus grande flotte de navires autodéchargeurs de vrac sec au monde.

Les navires de CSL envoyés à Sel Windsor peuvent transporter 30 000 tonnes de sel gemme en un seul chargement. Les travailleurs qui chargent le produit sur les navires sont représentés par le Syndicat international des marins canadiens. Les travailleurs du sel disent que le syndicat des marins a déclaré que ses membres respecteraient le piquet de grève si un piquet était établi sur l'eau. Initialement, le navire Whitefish Bay est venu pour charger du sel en provenance de la mine Ojibway, mais les travailleurs sur le navire ont refusé de franchir la ligne établie. Les travailleurs du sel ont fait savoir que le fait de refuser de charger le sel signifiait que ces travailleurs renonçaient à leur salaire pour ce chargement, ce qui constituait une forme de soutien à leur grève. Depuis, deux autres navires, le Baie Comeau et le Baie St. Paul, ont été amenés pour transporter des chargements de la mine Ojibway et n'ont pas respecté les lignes de piquetage sur l'eau, ce qui a créé une situation dangereuse pour les grévistes sur l'eau et a prolongé la grève. Les travailleurs disent que ces chargements sont probablement destinés aux marchés américains de Milwaukee ou de Chicago, où les autorités municipales font des réserves pour l'hiver.

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