Comment le régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario perçoit l'investissement responsable

Dans son plus récent Rapport annuel sur l'investissement responsable et les changements climatiques, le régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario (RREO) explique que sa mission est d'« investir pour façonner un avenir meilleur »[1]. Ses investissements dans Stone Canyon Industries Holding Inc. (SCIH), le fait qu'il siège au conseil d'administration ainsi que son refus de prendre des mesures concrètes pour obliger l'entreprise à se conformer aux valeurs et aux normes de ses actionnaires ou qu'il désinvestisse si elle refuse, soulève des questions sur ce que cela signifie concrètement.

Dans son rapport, le chef des placements du régime, Ziad Hindo, dit qu'« il n'a jamais été aussi important d'investir de façon responsable et avec un objectif clair. » Il ajoute : « Nous changeons de plus en plus notre façon de penser pour déterminer comment nous pouvons utiliser notre capital d'une manière qui procure des avantages environnementaux et sociaux réels clairs et mesurables, le tout en créant de la valeur pour nos participants. » Il ajoute à nouveau : « Par conséquent, dans le cadre de notre plan audacieux visant à atteindre un actif net de 300 milliards de dollars d'ici 2030, nos mesures viseront expressément à créer un impact positif et durable sur le monde. Nous croyons que cela se traduira par de meilleurs rendements ajustés au risque à long terme et contribuera à la stabilité de la capitalisation du régime. »

Ziad Hindo dit que ceci peut être fait en « tir[ant] parti de nos sièges au conseil » et que « nous avons utilisé notre influence sur les conseils d'administration de sociétés fermées pour faire progresser les questions de diversité, d'équité et d'inclusion (EDDI) ». En ce sens, il parle abondamment de la représentation des femmes. Il dit que l'objectif que le RREO s'est fixé est que les femmes occupent 30 % des sièges « au sein de tous les conseils d'administration que nous contrôlons, », lequel objectif aurait déjà été atteint. En fait, au beau milieu de la grève à Sel Windsor et lorsqu'il a été révélé que le RREO avait des investissements dans Stone Canyon, le RREO a remplacé un homme membre du conseil exécutif du RREO par une femme. À peu près au même moment, le SCIH a désactivé sur son site Internet le lien vers sa page « Direction » où figurait le nom des membres de son conseil d'administration, dans ce qui semble être une tentative de soustraire ses « dirigeants » à la responsabilité de leurs actes. Ce qui n'a pas changé, cependant, sont les agissements de Stone Canyon et le refus du RREO d'adopter une position ferme contre le recours aux régimes de retraite des enseignants pour financer l'antisyndicalisme. Pour ce qui est de la diversité, de l'équité et de l'inclusion, cela revient à avoir des membres sur les conseils d'administration qui reflètent la composition de la population canadienne et, en même temps, ne rien dire sur ce que ces individus représentent. Pour ce qui est de ses investissements dans la SCIH, le jeu du RREO est de cacher les faits et gestes de cette entreprise et le fait qu'ils sont contraires aux valeurs des Canadiens, qui n'appuient pas l'antisyndicalisme, ni les attaques contre les droits des travailleurs au nom de la « souplesse ».

En outre, on soulève dans le rapport que pour ce qui est des sociétés de portefeuille privées dans lesquelles le RREO investit, comme la SCIH, « nous nous efforçons d'aider les sociétés fermées à prendre en compte les facteurs ESG, que ce soit en sélectionnant des membres du conseil, en fournissant des conseils sur les enjeux opérationnels ou en tirant parti de l'expertise que nous procure notre portefeuille comptant plus d'une centaine de placements privés ». Pour ce qui est des participations publiques (i.e. celles cotées en bourse et où les actionnaires élisent leurs conseils d'administration), on dit : « Nous exécutons un programme d'interaction avec les entreprises dans le cadre duquel nous cherchons à discuter avec les membres du conseil et les cadres clés pour comprendre comment ils traitent des enjeux importants comme les changements climatiques, la diversité et la gestion du capital humain, et leur faisons des suggestions, au besoin. »

Et plus loin : « Rendre des comptes quant aux comportements, à la prise de décisions et à la production de rapports est au coeur de nos interactions avec les sociétés qui composent notre portefeuille. L'engagement collaboratif soutenu avec les membres du conseil et les équipes de direction contribue à ce que les entreprises dans lesquelles nous investissons demeurent conformes à nos attentes. »

Lors d'une entrevue de baladodiffusion le 27 avril 2023, le directeur général du RREO, Jo Taylor, a expliqué comment un régime de retraite peut à la fois générer des rendements d'investissements constants tout en ayant une incidence environnementale et sociale positive. Il a dit : « La question qu'on me pose toujours est, es-tu prêt à risquer tes rendements pour avoir un impact, et je réponds toujours non », ajoutant : « Notre approche est que nous voulons pouvoir influencer le résultat des investissements que nous avons. » « Nous ne pouvons y arriver que si nous avons des investissements matériels dans l'entreprise, le contrôle des investissements de capitaux ou si nous sommes actionnaires minoritaires. » Plus tard dans l'entrevue, il affirme : « Nous tentons de faire en sorte que nos investissements et les entreprises avec qui nous travaillons sont de meilleures compagnies grâce à notre engagement. » « En fait, nous pouvons les assister en termes de diversité et d'inclusion, en termes de leur empreinte climatique et d'émissions, et nous pouvons vraiment les aider d'un point de vue social pour qu'elles soient de meilleures entreprises vis-à-vis leurs communautés et les entreprises qu'elles servent », a-t-il ajouté.

En termes d'investissements à court-terme et à long terme, le directeur général du RREO a affirmé : « Notre approche est que nous cherchons à influencer le résultat des investissements que nous faisons. C'est en partie pour veiller à ce que les rendements sont ceux que nous anticipions, ou que nous voulions, mais aussi à ce que nous puissions influencer certains des éléments que je viens de mentionner. [...]

« De façon générale, nous visons, je dirais, à améliorer et à influencer les entreprises de l'intérieur plutôt que d'essayer de les vendre et de refiler les problèmes à quelqu'un d'autre[2]. »

Le REEO a beau parler d'investissement responsable, ou d'améliorer et d'influencer les entreprises, son refus catégorique d'intervenir de façon concrète dans les activités antisyndicales, voire même antisociales, de Stone Canyon Industries Holdings Inc. – alors que le RREO siège au conseil d'administration – soulève de sérieuses questions sur le véritable sens de son engagement envers l'investissement responsable. Si cet engagement doit vouloir dire quelque chose, le RREO doit être conséquent et agir de façon décisive pour arrêter d'investir les régimes de retraite dans les activités antisyndicales de la SCIH.

Notes

1. « Investir pour laisser notre marque — Rapport annuel sur l'investissement responsable et les changements climatiques », Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario, 2022

2. « Canada's Ontario Teachers' Pension Plan — With Jo Taylor, OTPP CEO », Money Maze Podcast, le 27 avril 2023


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Numéro 43 - 10 août 2023

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