Numéro 31 - 26 juin 2023

Régularisation maintenant!

Des rassemblements d'urgence dénoncent l'inaction du gouvernement Trudeau

Montréal, 23 juin 2023

Les travailleurs migrants intensifient leur campagne pour un statut pour toutes et tous

Assemblée pour la régularisation : qui a dit quoi?

Des étudiants internationaux organisent avec succès une manifestation de 18 jours



Régularisation maintenant!

Des rassemblements d'urgence dénoncent l'inaction du gouvernement Trudeau

Des rassemblements d'urgence ont eu lieu du 23 au 25 juin à Shediac, Montréal, Toronto, Windsor et Vancouver pour dénoncer le gouvernement fédéral après qu'une autre session parlementaire se soit terminée sans qu'une loi ait été adoptée pour régulariser tous les migrants et réfugiés. Le premier ministre a pourtant demandé au ministre de l'Immigration, dans sa lettre de mandat de décembre 2021, de « poursuivre l'exploration de moyens de régulariser le statut des travailleurs sans papiers qui contribuent aux communautés canadiennes » et d'« élargir les voies d'accès à la résidence permanente pour les étudiants internationaux et les travailleurs étrangers temporaires ». Cette absence d'action signifie en pratique que depuis plus de 550 jours, les sans-papiers continuent d'être exclus des écoles, privés de soins médicaux, exploités au travail, séparés de leurs familles, détenus et expulsés. Par ailleurs, les travailleurs migrants en général, tels que ceux qui sont considérés comme des travailleurs étrangers temporaires, restent vulnérables aux abus.

Dans l'appel à l'action, les organisateurs ont déclaré : « Nous insistons sur notre égalité en tant qu'êtres humains, nous insistons sur notre dignité et notre valeur ». L'appel réitère la demande d'un programme de régularisation qui donne la résidence permanente à chaque migrant au pays et qui met un terme immédiat aux expulsions et détentions.


Montreal, 23 juin 2023

Toronto, 25 juin 2023
Windsor, 25 juin 2023

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Les travailleurs migrants intensifient leur campagne pour un statut pour toutes et tous

Plus de 300 personnes ont participé à une assemblée sur la régularisation organisée en ligne par le Réseau des droits des migrants le 14 juin. La réunion avait pour but de mobiliser et de concentrer les actions pour demander au parlement d'adopter un programme de régularisation « Un statut pour tous » avant la suspension de la session pour l'été. Des personnes menacées d'expulsion, des travailleurs sans papiers, des réfugiés, des étudiants internationaux, des défenseurs des droits des migrants et d'autres personnes ont participé à cet événement informatif et militant.

Dans son introduction, le directeur général de l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement, Syed Hussan, a souligné qu'en décembre 2021 le premier ministre Trudeau s'était engagé à soutenir un programme de régularisation pour tous les travailleurs sans papiers, migrants et réfugiés. Depuis, cependant, très peu a été fait.

Syed Hussan a souligné que toutes les concessions obtenues par le mouvement des droits des migrants ne l'ont pas été grâce aux largesses du gouvernement, mais parce que les travailleurs migrants ont été une force organisée, défendant leurs droits d'une seule voix, dans le cadre de la lutte pour les droits de toutes et tous.

Syed Hussan a déclaré qu'au cours des trois dernières années, plus de 100 actions ont été organisées. Celles-ci comprenaient des rassemblements, des visites aux bureaux des ministres, des pétitions, des appels téléphoniques et même une rencontre en personne entre le ministre de l'Immigration Sean Fraser et 150 personnes sans-papiers qui ont exigé qu'il agisse pour protéger leurs droits.

Ces actions pour exiger un statut complet, la dignité et l'égalité pour tous ont permis de maintenir la question des droits des migrants à l'ordre du jour des affaires politiques au niveau national, de gagner le soutien du public et de faire pression sur le gouvernement libéral pour qu'il tienne l'engagement de Justin Trudeau. Syed Hussan a déclaré : « Nous savons qu'ils discutent de cette question au sein du cabinet. Nous demandons au premier ministre Trudeau d'agir maintenant pour tenir sa promesse. »

L'assemblée était organisée en deux tables rondes. Dans la première, quatre défenseurs des droits des migrants ont parlé de leur expérience dans la lutte pour les droits des migrants au pays. Il s'agit de Jane, une demandeuse d'asile menacée d'expulsion, de Daniel De Leon, président de Migrante Canada – une organisation nationale de défense de la communauté philippine au Canada – dont l'ordre d'expulsion a été suspendu pour le moment, de Hardy Anne, une militante de longue date pour les droits des migrants dans la région de Montréal, et de Claudia, une travailleuse migrante chinoise.

Une pause a suivi cette table ronde, au cours de laquelle les participants à l'assemblée ont été invités à appeler, envoyer des SMS ou des courriels au premier ministre, au ministre de l'Immigration, au ministre de la Sécurité publique et à d'autres ministres pour exiger un statut pour tous sans exception.

La deuxième table ronde a abordé la question de l'exploitation financière et de la maltraitance dont sont régulièrement victimes les travailleurs migrants en raison de leur statut temporaire ou de l'absence de statut. L'appel d'OJ, un travailleur jamaïcain, a été particulièrement intéressant. OJ faisait partie d'un groupe de travailleurs jamaïcains courageux qui ont écrit une lettre au gouvernement jamaïcain pour lui demander d'intervenir afin de l'aider à mettre fin à l'exploitation brutale et aux mauvais traitements dont sont victimes les travailleurs de Jamaïque et d'autres pays dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers du Canada.

OJ a parlé de son arrivée au Canada pendant la pandémie de Covid et a été révolté par les conditions déplorables de logement, de nourriture et de traitement dans la ferme où il travaillait. Il a souligné que les travailleurs agricoles migrants sont confrontés à des conditions brutales et à des mauvais traitements qui s'apparentent à de l'esclavage, et qu'ils sont peu protégés par la loi. Lui et d'autres travailleurs jamaïcains s'attendaient à ce que des mesures soient prises à la suite de leur lettre au ministre jamaïcain, mais peu de choses ont changé.

Cependant, OJ a souligné que la lettre a permis de sensibiliser davantage le Canada et la Jamaïque au sort des travailleurs agricoles saisonniers et a mis en lumière les problèmes systémiques qui créent les conditions auxquelles les travailleurs migrants sont confrontés au Canada. Les participants à l'assemblée ont été informés qu'en raison de son action, OJ a été puni par le gouvernement canadien, qui l'a privé de la possibilité de travailler à nouveau au Canada.

Un jeune travailleur, Divyansh Kamboj, a déclaré avoir été exploité dans une station-service où il a travaillé pendant plus de deux ans et a été payé moins de 10 dollars de l'heure au cours de cette période. Aujourd'hui, grâce au soutien de l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement, Divyansh Kamboj se bat pour récupérer les 40 000 dollars que lui doit le propriétaire de la station-service. Les travailleurs migrants sont souvent isolés et ont peur de se battre, a-t-il dit, mais c'est en se joignant à d'autres et en luttant collectivement qu'il est possible d'obtenir justice et dignité.

L'assemblée a également entendu le porte-parole d'un groupe de travailleurs de la pêche au Nouveau-Brunswick qui ont été privés de leur salaire pendant trois semaines l'année dernière à cause de la réduction de la saison de pêche du homard. Ces travailleurs, dont beaucoup de femmes, se sont battus contre leur employeur. En s'unissant, ils ont obtenu leurs arriérés de salaire et quelques concessions sur leurs conditions de travail, ainsi qu'une prime et des contrats leur garantissant du travail pour la saison suivante.

Ces victoires sont le fruit d'une résistance organisée, un thème majeur qui a été abordé tout au long de la réunion.

Doris Gatawa, une aide familiale philippine travaillant à Vancouver et membre active du Comité pour les droits des travailleurs domestiques et des aides familiaux (CDWCR), a également pris la parole. Doris Gatawa a souligné que les politiques d'immigration du Canada concernant les travailleurs migrants sont devenues de plus en plus arbitraires, inhumaines et racistes au fil du temps. Elle a fait remarquer qu'il y a 100 ans, lorsque les travailleurs domestiques venaient de Grande-Bretagne et d'autres pays d'Europe du Nord, ils arrivaient comme immigrants reçus.

Aujourd'hui, lorsque les travailleurs domestiques viennent des Philippines, du Guatemala, du Mexique, de l'Indonésie et d'autres pays, tout est fait pour que leur statut reste temporaire et pour les priver du droit à la résidence permanente au Canada, même après avoir vécu ici pendant de nombreuses années. Il faut que cela change, a souligné Doris Gatawa, et c'est grâce à des organisations comme le CDWCR qui se battent pour les droits des travailleurs domestiques et des aides familiaux que le changement se produira.

L'Assemblée de régularisation a également eu des nouvelles de la ligne de front, d'un groupe d'étudiants internationaux indiens campés devant l'Agence canadienne des services frontaliers à Brampton. Ils ont manifesté pendant 18 jours, 24 heures sur 24, pour empêcher l'expulsion d'une centaine d'étudiants du Pendjab victimes d'une escroquerie à l'inscription menée par des « recruteurs » frauduleux. Ces derniers demandaient aux étudiants de fortes sommes d'argent pour s'inscrire dans des collèges et universités du Canada et leur fournissaient de fausses lettres d'admission.

Lovepreet Singh, qui devait être expulsé le 12 juin, s'est adressé à la réunion par l'intermédiaire d'un réseau social. Il a déclaré qu'il était inacceptable que lui et ses pairs aient été maltraités par ces recruteurs sans scrupules qui leur ont soutiré des dizaines de milliers de dollars, et qu'ils doivent à nouveau faire face à de mauvais traitements au Canada. Il a été annoncé à l'Assemblée que le gouvernement fédéral avait suspendu l'ordre d'expulsion et qu'il allait enquêter sur la situation.

La réunion s'est terminée sur une note positive : le Réseau des droits des migrants a annoncé son intention d'intensifier ses actions au cours des prochains jours. Il s'est engagé à continuer à s'organiser et à lutter pour les droits des centaines de milliers de travailleurs sans papiers, de réfugiés et de travailleurs migrants qui sont victimes de la politique raciste et arbitraire du Canada en matière d'immigration et de réfugiés. Les participants à l'assemblée se sont engagés à lutter au-delà de cette session parlementaire jusqu'à l'obtention d'un statut et de justice pour toutes et tous.

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Assemblée pour la régularisation : qui a dit quoi?

Jane, membre de l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement

Je suis venue au Canada en tant que réfugiée espérant une protection. À tous les niveaux, ma demande de statut de réfugié a été rejetée, y compris pour des raisons humanitaires. Cela m'a obligée à entrer dans la clandestinité et à vivre dans la peur. J'ai décidé de me battre pour la régularisation pour tous et de joindre ce mouvement. Pour moi, la régularisation signifie avoir accès aux services de base, avoir des droits égaux, vivre sans peur. Vivre dans la dignité.

Danilo de Leon, président, Migrante Canada

La régularisation signifie que je pourrai voir ma fille que je n'ai pas vue depuis plus de 10 ans. Cela signifierait l'égalité et la dignité. Cette lutte pour la régularisation est importante parce que les êtres humains ont des droits. C'est une violation de nos droits que d'être déracinés de nos pays d'origine et il est inacceptable que nous soyons privés de nos droits ici au Canada également. La lutte pour nos droits est une lutte pour les droits de tous les travailleurs au Canada.

Hardy Anne, combattante de longue date pour la régularisation et les droits des migrants

Nous avons mené des actions telles que la visite des bureaux des députés. Nous avons tenu des piquets, nous avons téléphoné et nous avons organisé des vigiles ici à Montréal dans des conditions hivernales glaciales pour dire à ces politiciens que nous ne reculerons pas. Il s'agit d'une lutte pour la dignité humaine et pour dire qu'ils ne peuvent pas jouer avec la vie des migrants.

OJ, ancien travailleur agricole de la Jamaïque

La lutte n'est pas facile. Il n'est pas facile pour nous de partir pendant six ou sept mois dans un pays étranger pour y être maltraités, vivre dans des espaces exigus sans aucune intimité. Ils ont affrété un avion pour nous faire venir de Jamaïque pendant la pandémie et quand je suis arrivée ici, tout était horrible : le logement, la nourriture, le traitement infligé par le patron.

La lettre que nous avons écrite, nous l'avons écrite pour tous les travailleurs migrants, à tous les patrons. La lettre que nous avons écrite pour protester contre nos conditions et appeler les gouvernements jamaïcain et canadien à agir pour nous protéger a eu un impact énorme. Elle a suscité un tollé international.

Nous devons continuer à faire pression, à nous battre. Nous voulons dire aux Canadiens que lorsqu'ils vont acheter des pommes, des pêches ou une bouteille de vin, ils doivent penser à nous. Nous nous battons seuls et nous avons besoin que vous enquêtiez et découvriez ce qui nous arrive à nous, travailleurs agricoles migrants, à tous les travailleurs migrants, et que vous nous souteniez dans notre lutte.

Doris Gatawa, aide-soignante à Vancouver

Depuis plus de 100 ans, le Canada accueille des aides-soignants qui viennent s'occuper des enfants et des personnes âgées, mais il a toujours modifié les règles et les règlements d'entrée. Il nous rend la tâche difficile pour obtenir la résidence permanente en nous imposant des exigences linguistiques et en nous mettant des bâtons dans les roues. De nombreuses personnes qui vivent et travaillent ici depuis des décennies pour aider les familles canadiennes sont privées du droit au statut et à la résidence permanente. Cette situation est injuste. Il est important de continuer à lutter ensemble pour que les travailleurs migrants aient des droits et de la dignité.

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Des étudiants internationaux organisent avec succès une manifestation de 18 jours

Des étudiants internationaux ont obtenu une importante victoire suite à leur morcha de 18 jours – une manifestation permanente de 24 heures sur 24 – devant le bureau de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) à Mississauga lorsque, le 14 juin, toutes les expulsions ont été temporairement reportées.

L'action résolue des étudiants s'est mérité l'appui de centaines de membres de la communauté, d'organisations communautaires et de migrants ainsi que des gurdwaras, d'artistes, de personnalités publiques et de petites entreprises. La morcha a été entamée le 28 mai et s'est poursuivie avec, à chaque soir, des rassemblements avec des repas, des discours et des spectacles.

Plus de 100 étudiants internationaux sont menacés d'expulsion et au moins huit d'entre eux ont déjà été expulsés. La plupart de ces étudiants sont au pays depuis plus de cinq ans. Ils ont terminé leurs études; ils travaillent et vivent ici. Ils ont été jugés « inadmissibles » ou subissent des procès d'inadmissibilité et plusieurs douzaines d'entre eux risquent l'expulsion à cause de fausses lettres d'admission collégiale remises aux services d'immigration en leur nom par des recruteurs au moment de leur arrivée au Canada. Ce n'est que tout récemment que le gouvernement a intenté des démarches contre eux.

Le 14 juin, le ministre de l'Immigration, Sean Fraser, a annoncé qu'un groupe de travail des services d'Immigration et des fonctionnaires de la ASFC accorderaient des permis de résidents temporaires aux étudiants qui ont étudié dans des collèges et qui peuvent prouver qu'ils ne sont pas impliqués dans une fraude. Ces étudiants éviteront les expulsions ou l'interdiction de cinq ans d'entrer à nouveau au Canada (i.e. inadmissibilité). Les huit étudiants qui ont été injustement expulsés auront l'occasion de se faire entendre et de retourner au Canada. Les expulsions ont été suspendues en attendant les résultats des enquêtes. Bien que cette annonce rassure tous les étudiants pour l'instant, ses détails n'ont pas encore été communiqués par écrit.

Plusieurs questions soulevées par les étudiants face au gouvernement pendant la manifestation restent sans réponse. Le gouvernement canadien assumera-t-il ses responsabilités pour avoir omis de reconnaître les documents frauduleux à l'arrivée des étudiants ? Quelle indemnité sera offerte aux étudiants qui ont été privés de sommeil, ont perdu des emplois et des milliers de dollars en frais juridiques à cause d'erreurs commises par le gouvernement ? Les collèges publics et privés seront-ils tenus responsables de leur complicité dans cette fraude généralisée, pas seulement dans ce cas-ci mais dans tous les autres cas antérieurs ? Que fera le gouvernement pour veiller à ce que les étudiants qui ont étudié, travaillé fort et bâti des vies ici puissent obtenir leur résidence permanente ?

Les organisateurs de la morcha soulignent que plusieurs questions restent sans réponse et ce à quoi s'engage le gouvernement est loin d'être clair. Dès que les enquêtes seront terminées, il se pourrait que le gouvernement aille de l'avant et qu'il expulse certains étudiants.

Les organisateurs de la morcha ont affirmé que si cela se reproduit, les étudiants et la communauté reprendront la morcha et la maintiendront jusqu'à ce que les expulsions soient annulées une fois pour toutes. Ils déclarent : « Nos yeux et nos oreilles sont grand ouverts, nos coeurs battent pour la justice et nous sommes prêts à reprendre le 6900 Airport Road si nécessaire. Nous ne laisserons pas nos frères et soeurs se faire expulser. »


(Photos : Naujawan Support Network, Decent Work and Health, A. Kaur)

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