Numéro 30 - 12 juin 2023
La grève à Sel Windsor entre dans sa 17e semaine
Les travailleurs sont confrontés à une campagne de désinformation
Barbecue communautaire sur la ligne de piquetage à Sel Windsor,le 3 juin 2023
• Les enseignants
actifs et retraités et leurs syndicats augmentent
leur soutien
• Le barbecue communautaire est un grand succès
• Les travailleurs
du sel de New York parviennent à
un accord de principe
Les travailleurs du sel partout au Canada apprennent ensemble
• Une autre mine de Sel Windsor aux Îles-de-la-Madeleine, au Québec
• Les travailleurs de Pugwash s'unissent contre les mises à pied
La grève à Sel Windsor entre dans sa 17e semaine
Les travailleurs sont confrontés à une campagne
de désinformation
Alors que la grève à Sel Windsor entre dans sa 17e semaine, la nouvelle de la grève et de son importance se répand. L'entreprise, les gouvernements et les médias font de leur mieux pour désinformer tout le monde sur ce qui est en jeu. Ils tentent de présenter la résistance des travailleurs aux attaques contre leurs droits comme un obstacle aux négociations, alors que tout le monde sait que c'est l'entreprise qui n'engage pas de négociations et qui veut simplement que les travailleurs acceptent son diktat en les menaçant d'un scénario dans lequel la seule alternative serait de rester en grève pour toujours.
À ce jour, aucun média autre que Empower Yourself Now et Forum ouvrier n'explique ce qui se passe. L'entreprise a publié une déclaration concernant une agression présumée, qu'elle a utilisée pour expliquer qu'elle était la victime dans cette affaire et qu'elle ne veut rien d'autre qu'une entente qui soit juste. Mais les faits montrent son vrai visage. Les travailleurs rapportent que les négociations sont désormais menées avec le syndicat par courrier électronique, l'entreprise ayant rompu les négociations en face-à-face à la fin du mois d'avril. Le syndicat envoie des courriels et l'avocat de l'entreprise répond plusieurs jours plus tard par courrier électronique. Cela montre que l'entreprise pense pouvoir faire ce qu'elle veut. En fait, elle révèle au grand jour son arrogance et son manque de respect pour ses employés, leur syndicat et toute la ville de Windsor.
Pourquoi les gouvernements du Canada et de l'Ontario n'exigent-ils pas que l'entreprise s'explique sur ces questions ? Radio-Canada s'est jointe à la chorale qui répète que les travailleurs du sel n'ont pas beaucoup d'avenir s'ils n'acceptent pas les conditions fixées.
Le 30 mai, CBC News a publié un article à l'occasion du 101e jour de grève[1], intitulé « Workers feeling the pinch as Windsor Salt strike stretches on » (Les travailleurs ressentent les effets de la grève à Sel Windsor). Sous l'apparence d'un reportage, l'article indique à quel point la grève est difficile financièrement, comme si personne ne le savait ! Il insinue ensuite que la résistance des travailleurs est responsable du manque à gagner de l'autorité portuaire de Windsor. Citant un piquet de grève que les travailleurs ont dressé et qui a empêché une cargaison de sel de quitter le port pendant une courte période, CBC News affirme que c'est la raison pour laquelle l'autorité portuaire a décidé « de ne pas essayer de faire venir d'autres navires parce que c'était trop dangereux ». Il s'agit d'une tentative à peine voilée d'isoler les travailleurs et de les rendre responsables des difficultés financières d'autres travailleurs, qu'il s'agisse de ceux du port ou des industries qui dépendent du transport maritime pour l'acheminement des marchandises qu'elles produisent ou des matériaux dont elles ont besoin.
CBC Windsor pourrait certainement contribuer à alléger la pression sur les travailleurs en recherchant la vérité à partir des faits et en faisant preuve d'intégrité, au lieu de se livrer à une campagne de propagande essentiellement anti-ouvrière.
Pendant ce temps, tous les partis parlent sans cesse de la panacée que représente la création de nouveaux emplois grâce au boom de l'énergie verte financé par les deniers publics. Le 1er juin, le premier ministre Doug Ford est venu à Windsor-Essex pour faire des annonces concernant l'élargissement des autoroutes et la formation à des métiers spécialisés pour les élèves du secondaire, le tout dans le contexte des négociations en cours entre les gouvernements de l'Ontario et du Canada et Stellantis. Dans ces négociations, les deux niveaux de gouvernement rivalisent pour savoir combien d'argent chacun donnera encore à Stellantis pour qu'elle poursuive son projet de construire une usine de fabrication de batteries à Windsor. Après l'annonce de subventions gouvernementales à Volkswagen à Saint-Thomas, Stellantis a interrompu la construction à Windsor jusqu'à ce qu'elle obtienne des sommes équivalentes.
À Kingsville, en Ontario, Doug Ford a demandé que tous les niveaux de gouvernement « s'unissent pour protéger des dizaines de milliers d'emplois ». Il a fait l'éloge du syndicat des charpentiers et de l'Union internationale des travailleurs d'Amérique du Nord (LiUNA) pour la formation des jeunes aux métiers spécialisés et pour son « excellent partenariat » avec la section locale 444 d'Unifor. En revanche, lorsqu'il s'agit des 250 travailleurs et membres des sections 1959 et 240 d'Unifor, qui défendent leurs emplois contre l'assaut antisyndical d'une société holding étrangère, le premier ministre de l'Ontario n'a rien à dire. Il ne s'est pas rendu sur les piquets de grève et aucun média ne lui a demandé pourquoi il ne soutenait pas également les travailleurs du sel.
Le gouvernement Ford ne cherche qu'à prétendre que les subventions publiques pour l'extraction de minéraux critiques et la fabrication de batteries profiteront aux travailleurs de l'Ontario, alors que les mineurs de sel, qui sont également engagés dans l'extraction et le traitement d'un minéral critique, ne comptent pour rien.
Les tentatives d'isoler les travailleurs du sel, de leur reprocher de ne pas avoir fait ce qu'il fallait en se soumettant au diktat de la société américaine antisyndicale propriétaire de Sel Windsor et de diviser la communauté en incitant les gens à s'en prendre à eux ne marcheront pas. Les travailleurs de Windsor-Essex et la communauté de Windsor-Essex ne font qu'un. Ils dépendent les uns des autres et se défendent les uns les autres. CBC News et les autres qui misent sur l'échec des travailleurs doivent le comprendre.
Au grand dam de ceux qui souhaitent leur capitulation, les travailleurs disent clairement qu'ils se défendent, défendent la communauté et défendent le pays lui-même contre l'assaut brutal d'un holding américain qui s'acharne à attaquer ce que les travailleurs canadiens ont créé au fil des générations. En cela, ils bénéficient du soutien de leurs collègues partout dans le monde, car il s'agit d'un seul et même combat pour les droits de tous.
En ce début de la 17e semaine de grève, les travailleurs cherchent comment combattre collectivement cette campagne de désinformation. Empower Yourself Now est convaincu que c'est en luttant pour une cause juste que des solutions peuvent être trouvées.
Note
1. Pour l'article de CBC
News, cliquez
ici.
(Empower Yourself Now. Traduit de l'anglais par Forum ouvrier.)
Les enseignants actifs et retraités et leurs syndicats augmentent leur soutien
Le président élu de l'Association des enseignantes et enseignants catholiques anglo-ontariens (OECTA) René Jansen in de Wal, les présidents des unités de l'OECTA à Windsor-Essex et les retraités de l'OECTA visitent le piquet de grève de Sel Windsor.
Le 31 mai, le président élu de l'Association des enseignantes et enseignants catholiques anglo-ontariens (OECTA), René Jansen in de Wal, ainsi que les présidents des trois unités de l'OECTA à Windsor-Essex et un certain nombre de retraités de l'OECTA se sont rendus sur le piquet de grève pour faire savoir aux grévistes de Sel Windsor, à Windsor, en Ontario, que les enseignants les soutiennent. Les membres de l'OECTA étaient accompagnés de représentants d'autres associations locales d'enseignants. Dans son discours sur la ligne de piquetage, Jansen in de Wal a clairement indiqué que les enseignants n'approuvaient pas les investissements de leur fonds de pension dans les activités de Stone Canyon Industries Holdings Inc., qui cherche à briser le syndicat, et qu'ils essayaient de trouver des moyens de demander des comptes aux administrateurs du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, en dépit des réponses mesquines reçues jusqu'à présent. En effet, les administrateurs du fonds de retraite ont dit ne pas pouvoir intervenir dans le fonctionnement de l'entreprise alors qu'ils siègent à son conseil d'administration.
Jansen in de Wal a parlé des filtres environnementaux, sociaux et gouvernementaux qui sont censées empêcher le fonds d'investir dans des entreprises qui vont à l'encontre des valeurs des membres du régime. « Comment une entreprise comme Stone Canyon, une entreprise engagée dans le démantèlement de syndicats, peut-elle passer à travers vos filtres ?, a-t-il demandé. C'est tout à fait inacceptable. Ils n'ont pas de bonne réponse à donner. Mais nous avons dit clairement que quelqu'un de leur entourage n'avait pas fait son travail, car cela n'est pas censé se produire. Les entreprises de ce type ne devraient pas figurer dans le portefeuille d'investissements, car cela rejaillit sur les enseignants. Elles ne reflètent pas nos valeurs. Cela ne reflète pas ce qui nous tient à coeur. »
Le 2 juin, tous les présidents, négociateurs en chef et autres délégués au Conseil provincial de la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) des 37 districts de l'Ontario se sont levés en solidarité avec les travailleurs de Sel Windsor lors d'une réunion régulière du Conseil et ont fait une collecte auprès des délégués pour envoyer un chèque aux grévistes. Les représentants du district 9 de la FEESO de Windsor-Essex ont constamment fait de la grève un sujet de préoccupation pour le syndicat provincial puisque les membres du D9 demandent activement au syndicat de désinvestir de Stone Canyon Industries Holdings Inc. Cela a été exprimée entre autres dans des motions lors de leur assemblée annuelle, qui ont été adoptées à l'unanimité.
Les délégués au conseil provincial de la FEESO se lèvent pour soutenir les travailleurs de Sel Windsor le 2 juin 2023.
Le même jour, les retraités de la FEESO de Windsor-Essex ont invité le président de la section locale 240 d'Unifor à leur déjeuner mensuel pour être informés des développements concernant la grève et discuter de la meilleure façon de la soutenir. Lors du déjeuner des membres retraités actifs (ARM), les retraités ont passé le chapeau et, sur le champ, ont recueilli plus de 400 $ pour le fonds de grève des travailleurs. Ils l'ont présenté avec un deuxième don de leur organisation, ARM Chapter 9, à Jodi Nesbitt, la présidente de la section locale 240 d'Unifor. Après le déjeuner, les retraités actifs, conduits par leur président, Bruce Awad, ont rejoint les grévistes sur la ligne de piquetage. Ils ont ainsi pu constater en personnes certaines des manigances de l'entreprise, en l'occurrence, l'envoi d'une quinzaine de camions pour entrer et sortir de la zone d'expédition et de réception de l'installation d'évaporation ce jour-là, ce qui, selon les travailleurs, vise simplement à les narguer, étant donné que peu de sel, voire pas du tout, n'est traité par la poignée de cadres qui se trouvent à l'intérieur.
Jodi Nesbitt, présidente de la
section locale 240 d'Unifor, prend la parole lors du déjeuner
des membres retraités actifs de la FEESO, à la suite duquel les
membres de l'ARM ont rejoint les travailleurs de Sel Windsor sur
leur piquet de grève.
Le barbecue communautaire est un grand succès
Le 3 juin, les sections locales 1959 et 240 d'Unifor ont organisé des barbecues communautaires qui ont mis en évidence la grande solidarité sociale qui existe à Windsor-Essex pour les travailleurs en lutte. Le piquet de grève a été transformé en salle de banquet avec des tables disposées à la manière d'un café, une pataugeoire, un château gonflable, de la peinture faciale et des jeux pour les enfants, et beaucoup de camaraderie. L'esprit chaleureux qui régnait parmi les travailleurs du sel, leurs familles et les membres de la communauté qui se sont joints à eux reflétait l'unité de la communauté dans l'opposition aux atteintes aux droits des travailleurs et dans la défense d'une ressource canadienne aussi essentielle.
Les travailleurs du sel de New York parviennent à un accord de principe
Les travailleurs du sel de Silver Springs, dans l'État de New York, dont la convention collective a expiré le 31 mai, ont conclu un accord de principe avec Morton Salt, qui appartient également à Stone Canyon Industries Holdings Inc., et ont tenu un vote de ratification la fin de semaine des 10 et 11 juin. Les détails de l'accord n'ont pas été divulgués. L'entreprise est bien consciente que le fait d'avoir deux installations d'évaporation en grève en même temps entraverait sa capacité à co-emballer des produits salés en provenance des États-Unis et à les vendre au Canada sous l'étiquette Sel Windsor — ce qu'elle a fait pour prolonger la grève à Windsor, en Ontario.
Les travailleurs du sel partout au Canada apprennent ensemble
Une autre mine de Sel Windsor aux Îles-de-la-Madeleine, au Québec
Mine de sel Seleine à Grosse-île, au Québec
Les travailleurs d'une autre mine de Sel Windsor appartenant à Stone Canyon Industries Holdings Inc. ont informé Empower Yourself Now de leurs préoccupations face à cette compagnie antisyndicale. Mines Seleine à Grosse-île, aux Îles-de-la-Madeleine, au Québec, est une mine de sel gemme ayant sept dômes, des structures en forme de dômes qui se produisent lorsque le sel (ou d'autres minéraux évaporites) envahit les roches superposées selon un processus qu'on appelle diapirisme. Les dômes de sel sont importants pour la géologie pétrolière puisqu'ils peuvent agir comme capteurs de pétrole et de gaz naturel, ce qui explique pourquoi plusieurs mines de sel ont été découvertes en prospectant pour du pétrole.
Mines Seleine a ouvert ses portes en 1982 et a été vendue à Sel Windsor en 1988. Elle produit du sel de déneigement utilisé au Québec et dans les Maritimes. En 2009, elle a été acquise par la société allemande K + S. Celle-ci a été achetée à son tour par Stone Canyon qui cherchait à devenir le plus grand producteur de sel en Amérique du Nord. Les travailleurs de Pugwash, en Nouvelle-Écosse, ont rapporté que le sel des mines Seleine a été transporté chez eux pendant leur grève, la première au Canada face à Stone Canyon et son cabinet juridique antisyndical, pour forcer les travailleurs de Pugwash à accepter une convention collective à la baisse.
Mines Seleine produit plus de 1 300 000 tonnes métriques de sel gemme par année. On s'attend à ce que les activités à la mine se poursuivent au cours des 30 prochaines années. Près de 145 personnes y travaillent, des gens qui pour la plupart vivent aux Îles-de-la-Madeleine. Après trente ans d'activité, Mines Seleine a maintenant une deuxième génération de Madelinots qui y travaillent comme mineurs.
Les travailleurs soulignent qu'ils peuvent à peine atteindre leurs cibles de production en ce moment, ce qui veut dire qu'il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils plient sous la pression de faire plus de temps supplémentaire pour respecter les quotas de la mine de sel gemme Ojibway de Windsor pendant que les travailleurs sont en grève. La convention collective des travailleurs de la mine Seleine arrive à échéance en octobre 2024. Ils observent donc de près la situation à Windsor pour voir comment ils peuvent eux-mêmes agir d'une manière effective.
Les travailleurs de Pugwash s'unissent contre
les mises à pied
Les travailleurs du sel de Pugwash expriment leur appui aux
grévistes de Sel Windsor, 25 mars 2023.
Les travailleurs du sel à Pugwash, en Nouvelle-Écosse, sont menacés de mises-à-pied par Sel Windsor. Ils rapportent que quatre travailleurs seront licenciés et que, tout comme les travailleurs du sel de Mines Seleine Québec, ils ne sont pas en mesure de faire du temps supplémentaire pour produire du sel gemme pour compenser la fermeture de la mine Ojibway à Windsor. Celle-ci a fermé ses portes quand sa tentative d'imposer la sous-traitance a provoqué la grève. Ils rapportent aussi qu'ils trouvent des façons de s'appuyer mutuellement face à la situation, par exemple certains décident d'être mis à pied « volontairement » pour permettre aux plus jeunes de travailler. Cela démontre que, face aux difficultés que leur crée Sel Windsor, les travailleurs trouvent des moyens d'être solidaires et trouvent des solutions aux problèmes qui leur permettent de consolider leur unité.
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