Numéro 15 - 27 mars 2023
Voie de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic
Les résidents des communautés doivent avoir un mot décisif à dire sur le projet et leur avenir
Les manifestations et grèves de masse se
poursuivent en Grèce
à la suite de la tragédie ferroviaire dévastatrice
Déraillements à répétition à la société
ferroviaire
américaine Norfolk Southern
• Ferme opposition au diktat des monopoles ferroviaires appuyé par le gouvernement des États-Unis
Voie de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic
Les résidents des communautés doivent avoir un mot décisif à dire sur le projet et leur avenir
Une situation tendue s'est créée en ce qui concerne la construction de la voie de contournement ferroviaire qui doit détourner les trains de la communauté de Lac-Mégantic au Québec où, le 6 juillet 2013, un train transportant du pétrole hautement inflammable est parti à la dérive, a déraillé, pris feu et explosé. Une voie de contournement sécuritaire a été une demande des communautés de la région depuis cette tragédie ferroviaire qui a causé la mort de 47 personnes, des blessures graves à de nombreuses autres, de graves séquelles post-traumatiques à la population de même que d'importants dommages matériels.
La voie de contournement est maintenant vivement contestée au sein de la population. La voie proposée doit passer dans le parc industriel de Lac-Mégantic et dans les localités avoisinantes de Frontenac et de Nantes. Lors d'un référendum tenu en février dans la municipalité de Frontenac, où le taux de participation a été d'environ 50 %, 90 % de ceux qui ont voté se sont prononcés contre la construction de la voie.
Le pourquoi de cette tension est une question importante alors que les inquiétudes concernant la sécurité ferroviaire et la guérison sociale de la communauté de Lac-Mégantic sont toujours présentes.
Lorsque le gouvernement a annoncé le tracé qu'il propose, les gens de Nantes et de Frontenac ont proposé des tracés alternatifs sur la base de préoccupations diverses, dont l'environnement qui est devenu une préoccupation centrale. Ces propositions ont simplement été écartées. Plus tard, le gouvernement a prétendu avoir consulté la population, mais il n'a pas retenu les propositions reçues et n'en a pas discuté publiquement non plus. Les Québécois et les Canadiens connaissent bien ce genre de consultations où le processus est dénaturé du fait même que les propositions soumises sont ignorées et que la décision de la compagnie et du gouvernement en cause est simplement confirmée.
Le Canadien Pacifique a acheté, en décembre 2019, la Central Maine & Quebec Railway (CMQR), qui elle-même avait acheté l'entreprise américaine en faillite, la Montreal, Maine & Atlantic (MMA), propriétaire de la voie ferrée sur laquelle la tragédie de Lac-Mégantic s'est produite. Avec cet achat, le CP est devenu le futur propriétaire de la voie de contournement.
Les résidents des communautés ont appris que le CP entend faire passer des convois de 200-250 wagons (plus de 3 fois le nombre de wagons du train de la mort de Mégantic), transportant notamment des matières dangereuses, à une vitesse de 40 milles à l'heure (environ 64 km/heure). La voie passera dans le parc industriel de Mégantic à proximité d'usines comme Tafisa, une entreprise géante de fabrication de panneaux particules qui a déjà connu un incendie et des explosions de grande envergure parce qu'elle émet beaucoup de particules de poussières de bois dans l'air qui sont très inflammables.
En plus, on a appris, comme un fait accompli, que la surface de l'emprise du chemin de fer, la bande de terrain réservée à l'exploitation de la voie ferrée, sera doublée en largeur, probablement pour accommoder une seconde voie du CP. Le coût de la voie de contournement, qui est entièrement assumé par le gouvernement fédéral et du Québec, et qui était estimé à environ 130 millions de dollars en 2019, dépassera le milliard.
Beaucoup de gens disent que la voie de contournement, telle que définie à l'heure actuelle, n'est plus un projet de sécurité ferroviaire et de guérison sociale, mais un projet gouvernement-CP pour accroître les profits du CP et renforcer sa position au sein des plus grandes sociétés ferroviaires de l'Amérique du Nord. Le CP vient juste d'acheter la société ferroviaire américaine Kansas City Southern, ce qui va créer un gigantesque réseau ferroviaire intégré nord-américain. Il est certain que les résidents n'ont pas appuyé le projet de voie de contournement en tant que future autoroute transcontinentale de matières dangereuses.
Et qui pourrait blâmer les résidents de la communauté de tenir un tel point de vue ?
Prétendre que ceci démontre une opposition des communautés au projet de voie de contournement est une diversion qui nie les préoccupations et les revendications réelles de la population afin de monter les gens les uns contre les autres et simplement imposer le projet. Ou alors les autorités diront que la voie de contournement est du domaine du passé maintenant, que les citoyens n'en veulent pas, que c'est leur faute alors ils n'ont qu'eux-mêmes à blâmer pour l'insécurité et l'anarchie ferroviaire qui se poursuivront sur la vieille voie dans le centre-ville de Mégantic.
Différentes organisations ont mis de l'avant des préoccupations et des revendications qui doivent être entendues et jouer un rôle décisif dans la définition du projet de voie de contournement.
Des organisations et des citoyens se sont opposés à la division
indue par le tracé actuel de terres à vocation agricole et
forestière qui va occasionner une perte de revenus et de valeur
foncière des propriétés enclavées et morcelées. Ils ont proposé
la formation de comités de travail pour prévoir des mesures
compensatoires équitables pour tous ceux qui subiront ces
pertes.
Les gens ont été très choqués par l'avis d'intention d'expropriation de propriétaires de terrains pour la construction de la voie qu'a émis la ministre fédérale des Services publics et de l'Approvisionnement à la demande du ministre des Transports le 13 février. Près de 1500 lettres de contestation ont été remises en main propre au bureau montréalais du ministère fédéral quelques jours plus tard.
La préoccupation la plus grande et la plus détaillée est la préoccupation environnementale. Des organisations et des citoyens ont demandé au ministre fédéral de l'Environnement de tenir une étude sur l'impact environnemental du projet de voie de contournement.
Une des préoccupations est que le creusage et le dynamitage qui devra être fait pourrait contaminer la nappe phréatique et affecter l'eau potable qu'elle fournit à Lac-Mégantic et aux environs. On craint aussi une vaste perte de milieux humides qui jouent un rôle important dans le stockage du carbone et la préservation de la biodiversité.
Une autre préoccupation est la perte de superficies forestières pour la construction de la voie ferrée, un déboisement qui va libérer des centaines de tonnes de carbone dans l'atmosphère.
La revendication principale des organisations et des citoyens est que leur voix soit entendue et respectée, qu'elle ait un rôle décisif dans ce qui sera adopté pour que les intérêts des communautés soient défendus.
C'est une revendication moderne, juste et nécessaire.
Les manifestations et grèves de masse se
poursuivent en Grèce
à la suite de la tragédie ferroviaire dévastatrice
La colère gronde en Grèce
Athènes, 12 mars 2023
Le peuple grec, en particulier les travailleurs et la jeunesse, poursuit sans relâche des actions pour que le gouvernement du pays et la société ferroviaire Hellenic Train rendent des comptes pour leur responsabilité dans la catastrophe ferroviaire qui a fait 57 morts et au moins 85 blessés, lors de la collision entre deux trains le 28 février dernier.
Peu avant minuit, un train de voyageurs avec environ 350 passagers à bord et un train de fret sont entrés en collision à haute vitesse alors qu'ils circulaient dans des directions opposées entre Athènes et Thessalonique, les deux plus grandes villes de Grèce. Même s'il s'agissait d'une voie double, les deux trains circulaient dans des directions opposées sur la même voie. La tragédie s'est produite près de la ville de Larissa, dans le centre-est de la Grèce. Parmi les 57 morts, on compte un grand nombre d'étudiants, qui revenaient d'une fin de semaine prolongée en raison d'un jour férié en Grèce.
Lorsque les gens ont entendu le premier ministre de Grèce Kyriakos Mitsotakis déclarer le lendemain de la catastrophe qu'elle était « principalement due à une tragique erreur humaine », pointant du doigt le chef de gare de Larissa, ils se sont mis immédiatement en action pour condamner ces propos. Ils exigent la démission du gouvernement et l'arrêt de l'offensive antisociale avec ses mesures telles que la privatisation et l'austérité, qui détruit la vie humaine en faisant des humains des choses au lieu d'humains ayant des droits qui doivent être garantis, ce qui est la première responsabilité d'une société moderne.
Des manifestations quasi quotidiennes ont eu lieu. Les slogans « Nous sommes la voix des morts », « Leurs profits, nos morts », « C'est un crime qui était annoncé », « La privatisation tue » et d'autres ont retenti à travers tout le pays. Un des slogans les plus répandus était « Appelle-moi lorsque tu arrives », ce qui exprime l'intenable douleur pour la perte de proches et de compatriotes. Le 8 mars, des centaines de milliers de travailleurs de tous les secteurs ont participé à une grève nationale dans plusieurs villes de Grèce, avec la participation de jeunes et de gens de tous milieux, pour dire avec force qu'il n'est pas question que le crime soit camouflé par les autorités. La grève a été prolongée jusqu'au 10 mars. Les syndicats qui représentent la société ferroviaire privatisée en cause dans la tragédie ont déclaré que cela faisait des semaines qu'ils signalaient des incidents causés par un non-fonctionnement de la signalisation sur la voie ferrée sur laquelle la tragédie s'est produite et qu'aucune mesure n'a été prise pour régler les problèmes.
Agrinio, 8 mars 2023
Rhodes, 8 mars 2023
Le 12 mars, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Athènes et à Thessalonique. Dans la capitale, les manifestants ont occupé la place Syntagma, près du Parlement, avec des bannières disant : « Nous n'oublierons pas, nous ne pardonnerons pas » et « Nous serons les voix de tous les morts ».
La police a réagi aux manifestations en faisant usage de gaz lacrymogènes et de matraques, mais la mobilisation n'a pas ralenti.
Le gouvernement a promis une enquête transparente et impartiale sur les causes de la tragédie, alors que le peuple grec s'est prononcé sur les causes de la tragédie et réclame une reddition de comptes qui doit comprendre la fin de l'offensive antisociale et une solution centrée sur l'humain face à la crise qui frappe la Grèce.
Une des demandes du peuple est l'abandon des accusations contre le chef de gare de Larissa et de trois autres employés des chemins de fer, notamment pour homicide par négligence, qui pourrait entraîner l'emprisonnement à perpétuité s'ils sont reconnus coupables. Il a été révélé que le chef de gare avait été nommé à ce poste il y a 40 jours seulement avant l'accident, après un emploi au ministère de l'Éducation. Selon les médias, il aurait été laissé seul pendant quatre jours à la gare de Larissa, sans personne pour le superviser, alors que le trafic ferroviaire sur cette ligne était intense en raison d'une fin de semaine prolongée.
Des élections générales devaient se tenir au printemps, mais elles ont été reportées en juillet à cause de ces événements.
Une offensive antisociale qui détruit des vies humaines
Volos, 8 mars 2023
Lorsque les manifestants scandent le slogan « La privatisation tue » ils ont en tête des événements précis qui se sont produits en Grèce depuis de très nombreuses années et ont encore de terribles conséquences pour le peuple.
Vers la fin des années 2000, au nom de s'attaquer à la dette publique de la Grèce, la Banque centrale européenne, l'Union européenne et le Fonds monétaire international ont dicté à la Grèce une offensive antisociale destructrice faite entre autres de privatisations multiples et de mesures d'austérité de toutes sortes contre les travailleurs et le peuple. Parmi les nombreuses mesures, il y a eu des baisses draconiennes du salaire minimum et du salaire des travailleurs du secteur public, de grandes réductions du budget de la santé et des baisses des prestations de retraite du secteur public. Les conditions de vie et de travail des Grecs ont été ravagées et les services publics mutilés. Le taux de chômage a atteint des niveaux records, le taux de suicides aussi. À cela s'est ajoutée une vague de privatisations, toujours au nom du paiement de la dette du gouvernement. La Grèce a connu la privatisation des ports, des aéroports, des chemins de fer, des édifices publics, des entreprises publiques qui fournissent l'eau et l'électricité, etc. Les travailleurs et le peuple grecs ont mené une lutte sans relâche contre cette dilapidation des biens publics et l'austérité antisociale au profit de l'oligarchie financière, et cette lutte est visiblement bien vivante dans les actions de masse actuelles pour une reddition de comptes face à la catastrophe ferroviaire.
Le 16 mars 2023, des dizaines de milliers de travailleurs et
d'étudiants envahissent toutes les rues du centre d'Athènes et
se dirigent vers les bureaux de Hellenic Train.
La société ferroviaire privée Hellenic Train, qui gère la plupart des services ferroviaires de la Grèce, dont la ligne Athènes-Thessalonique, et qui exploite à la fois les trains de marchandises et les trains de passagers, est issue d'une privatisation par l'État grec. En 2017, la société publique TrainOSE a été vendue à la compagnie ferroviaire publique italienne Ferrovie dello Stato Italiane. Elle a pris le nom Hellenic Train en 2022. Jusqu'en 2008, TrainOSE appartenait à l'Organisation des chemins de fer helléniques (OSE), l'entreprise d'État responsable de la gestion des infrastructures ferroviaires de tout le pays. TrainOSE était responsable de toutes les activités opérationnelles et de gestion du transport ferroviaire du secteur passagers et fret. En 2008, elle est devenue une société publique indépendante d'OSE. C'était un prélude à sa privatisation. Elle a été vendue à la société publique italienne pour 45 millions d'euros, ce qui a été considéré comme un montant dérisoire. L'État grec a subventionné Hellenic Train de multiples façons. En 2022, par exemple, il s'est engagé à subventionner Hellenic Train à raison de 50 millions d'euros par année pendant 10 ans, sous prétexte de l'aider à opérer les lignes de chemins de fer non rentables et d'assurer des services plus sécuritaires.
Thessalonique, 16 mars 2023
Dès le début de la période d'austérité décrétée par l'oligarchie financière et ses organisations, OSE a pratiqué de grandes compressions budgétaires, ce qui a conduit à plus de licenciements et moins d'embauches, moins de formation, moins d'entretien du matériel et des infrastructures, et moins d'investissements.
À la fin des années 2000, les effectifs du réseau ferroviaire de la Grèce s'élevaient à plus de 6000 personnes. En 2017, après la privatisation de TrainOSE et sa vente à l'entreprise italienne, on estime que les effectifs à l'échelle nationale étaient d'environ 750 personnes.
Des travailleurs du rail qui ont parlé aux médias dans les jours suivant la catastrophe ont dit que les systèmes de télésurveillance et de signalisation, qui contrôlent la circulation des trains et guident les conducteurs de train, ne fonctionnaient pas adéquatement depuis des années, ou n'étaient simplement pas mis en fonction.
La gare de Larissa, par exemple, ne disposait que d'un système de signalisation local qui suivait les trains sur une distance d'environ 5 kilomètres. Cela signifie que les chefs de gare devaient communiquer par radio entre eux et avec les conducteurs de train pour combler les lacunes et que les signaux étaient actionnés manuellement ». Le tronçon où les trains sont entrés en collision est considéré comme un « trou noir ». Des systèmes de télésurveillance et de signalisation automatisée avaient été prévus, mais n'avaient pas encore été mis en place. Un ancien chef de gare de Larissa a dit aux médias qu'OSE avait en place de 2007 à 2010 un système de télésurveillance dans la section où la catastrophe s'est produite mais que le système s'est dégradé progressivement, le manque de financement et les réductions d'effectifs entraînant un entretien défectueux du matériel.
En 2014, rapportent les médias, OSE a commandé une refonte du système de signalisation et de contrôle du trafic à distance qui devait être achevée en 2016. Mais près d'une décennie plus tard, l'équipement n'a pas été installé sur l'ensemble du réseau ferroviaire de 2 500 kilomètres.
Après avoir honteusement invoqué une erreur humaine pour justifier la catastrophe, et sous la pression populaire, le gouvernement grec a dû dire publiquement que si les systèmes à distance avaient été pleinement opérationnels, « il aurait été impossible, pratiquement, que l'accident se produise ».
Ces paroles n'ont pas apaisé le peuple. Par ses actions et ses revendications, il exige une reddition de comptes qui doit comprendre le renversement complet de l'offensive antisociale et une édification nationale prosociale qui repose sur une économie qui sert le peuple et qui est contrôlée par lui. Lorsque les manifestants demandent la démission du gouvernement, ils indiquent que les gouvernements néolibéraux qui sont aux ordres de l'oligarchie financière ne sont pas aptes à gouverner. La question du renouveau politique pour investir le peuple du pouvoir décisionnel est posée de façon urgente par les catastrophes comme cette tragédie ferroviaire qui aurait pu être entièrement évitée.
Karditsa, 8 mars 2023
Lefkada, 8 mars 2023
Patras, 8 mars 2023
(Photos : PAME)
Déraillements à répétition à la société
ferroviaire
américaine Norfolk Southern
Ferme opposition au diktat
des monopoles ferroviaires appuyé par le gouvernement des
États-Unis
Déraillement près de East Palestine, Ohio, 3 février 2023
Trois déraillements de train se sont produits en moins de deux mois à la société ferroviaire américaine Norfolk Southern, un des monopoles ferroviaires qui se sont constitués en oligopole qui contrôle l'ensemble du transport de fret par train aux États-Unis.
Le 3 février, un train transportant des matières dangereuses a déraillé à East Palestine, en Ohio. Le déraillement n'a pas causé de pertes de vie ni de blessures, mais il a provoqué un incendie et un déversement importants de matières dangereuses dans l'air de la petite localité et dans les localités avoisinantes dont les habitants se disent encore très incommodés depuis le déraillement.
Le 4 mars, un train a déraillé près de Springfield, en Ohio, et, le 9 mars, un train a déraillé dans le comté de Calhoun en Alabama. Selon les médias, ces deux convois ne transportaient pas de matières dangereuses. Norfolk Southern a utilisé le fait que les convois ne comprenaient pas de matières dangereuses pour minimiser l'importance des déraillements à répétition qui se produisent dans son entreprise.
En plus, le 7 mars, un employé de la Norfolk Southern a été tué à Cleveland, en Ohio, dans une collision entre un train et un camion-benne, le troisième employé tué depuis fin de 2021 chez Norfolk, selon le Bureau national de la sécurité des transports (NTSB).
Le déraillement du 3 février
Le 3 février 2023, un train de marchandises transportant des produits chimiques dangereux, dont du chlorure de vinyle, a déraillé puis explosé et brûlé dans la localité d'East Palestine dans l'État de l'Ohio aux États-Unis. Le train comprenait trois locomotives et 149 wagons. Trente-huit wagons ont déraillé, dont 11 wagons-citernes transportant des matières dangereuses qui se sont ensuite enflammées, alimentant des incendies qui ont endommagé 12 autres wagons non déraillés. Le déraillement a provoqué un incendie qui a duré plusieurs jours.
Le 6 février, afin d'empêcher une explosion, les autorités locales et de l'État ont décidé de procéder à une combustion contrôlée. Environ 1,1 million de livres de matières toxiques – chlorure de vinyle – ont été détournées dans une tranchée à l'écart du déraillement du train et brûlées pendant que les pompiers éteignaient les flammes. Le chlorure de vinyle est un produit hautement toxique qui est cancérigène. La combustion a libéré du chlorure d'hydrogène et du phosgène hautement toxiques dans l'air. Quelque 2000 habitants, soit environ la moitié de la population d'East Palestine, ont reçu l'ordre d'évacuer leurs habitations. La combustion a libéré du chlorure d'hydrogène et du phosgène hautement toxiques dans l'air. Le déraillement n'a pas causé de pertes de vie ni de blessures.
Les habitants de la région ont été autorisés à rentrer chez eux le 8 février, mais ils ont noté des problèmes de santé, dont des maux de tête et des éruptions cutanées, et s'inquiètent de la persistance des polluants et d'éventuelles complications futures liées à l'exposition aux produits chimiques du déraillement. Ils disent qu'ils craignent en particulier de finir avec des cancers d'ici quelques années. À leur retour, ils ont constaté la présence de nombreux cadavres de poissons et de grenouilles dans les cours d'eau.
Des militants locaux d'East Palestine ont rapporté que leur activisme avait amené Norfolk Southern à accepter un plan de relogement restreint pour certains résidents touchés par le déraillement du train le mois dernier. Ils ont ajouté qu'ils n'avaient pas l'intention d'abandonner leur demande de justice pour les milliers de résidents de la région qui sont en difficulté à la suite de l'accident.
La proposition de la compagnie d'offrir une aide financière aux résidents qui vivent dans un rayon d'environ 1.5 km autour du site de l'accident « n'est pas suffisante », a déclaré le groupe River Valley Organizing (RVO), qui a produit une liste de cinq demandes pour les habitants d'East Palestine et des environs.
« Nous continuerons à faire pression jusqu'à ce que la communauté reçoive l'aide qui lui est due. Nous devons cesser de laisser Norfolk Southern faire passer ses profits avant les habitants de notre communauté », a dit RVO.
Les demandes de la communauté visent en particulier des logements sécuritaires et des tests environnementaux indépendants. La communauté demande par exemple la relocalisation de quiconque le désire aux frais de Norfolk Southern, ainsi que des tests indépendants des sols, de l'eau et de l'air, des tests et un contrôle médicaux sans frais pour les résidents, une disposition sécuritaire des déchets toxiques, le tout payé par Norfolk Southern . La demande de la communauté est d'arrêter de placer le profit au-dessus des gens.
Le 7 mars, le Bureau national de la sécurité des transports (NTSB) a annoncé l'ouverture d'une enquête spéciale sur la « culture de la sécurité » de Norfolk Southern après le troisième accident grave survenu en un peu plus d'un mois avant l'annonce. Le Bureau est une agence fédérale chargée par le Congrès de faire enquête sur les accidents qui surviennent dans l'aviation civile, sur les chemins de fer et les autoroutes et dans le transport maritime et de faire des recommandations relatives à la sécurité des transports.
Le 14 mars, l'État de l'Ohio a entamé des poursuites au civil contre la compagnie ferroviaire Norfolk Southern après le déraillement du début février qui fait craindre depuis de graves conséquences environnementales. L'État demande des dommages-intérêts, des sanctions civiles et un « jugement déclaratoire selon lequel Norfolk Southern est responsable », a déclaré le procureur général de l'État.
L'« exploitation ferroviaire précise »
En ce qui concerne la cause immédiate du déraillement, le NTSB estime qu'il a été causé par la défaillance d'un roulement de roue à cause d'une surchauffe. Deux des détecteurs de boîtes chaudes qui sont alignées le long de la voie ferrée ont enregistré une hausse des températures sur le wagon suspect, mais celles-ci n'avaient pas atteint le seuil critique qui déclenche une alarme pour que l'équipage arrête le train. Lorsque l'alarme a été déclenchée par un détecteur situé près du point où le train a déraillé, il était trop tard pour déclencher l'alarme à temps et le train a déraillé pendant que l'équipage s'affairait d'urgence à arrêter le train. Des demandes immédiates ont été mises de l'avant telles une moins grande distance entre les détecteurs de boîtes chaudes le long de la voie ferrée et l'installation de capteurs dans les trains pour informer l'équipage d'anomalies concernant les roulements de roue et les essieux avant qu'ils ne surchauffent.
Les travailleurs identifient des causes beaucoup plus profondes pour le déraillement et mettent de l'avant des demandes pour que de tels événements ne se reproduisent plus. Ils dénoncent en particulier le diktat dangereux des monopoles ferroviaires qui s'exerce au nom de ce qui est appelé « ratio d'exploitation » (Operating ratio) et « exploitation ferroviaire précise » (Precision Scheduled Railroading – PSR) .
La définition officielle du ratio d'exploitation est le pourcentage des dépenses d'opération par rapport aux revenus. Les dépenses d'opération comprennent les salaires et les avantages sociaux des travailleurs qui sont considérés comme un coût à réduire. La logique, qui est donnée par l'oligarchie financière, est que plus le pourcentage des dépenses par rapport aux revenus est bas, plus l'entreprise est en bon état.
La définition officielle du PSR est que l'accent sur le maintien continuel des trains en mouvement se combine au maintien des wagons en mouvement, lesquels sont ramassés sur la route et ajoutés aux trains, quelle qu'en soit la longueur, le poids, le contenu, la vitesse du train, au nom de la précision des horaires de collecte et de livraison des wagons. Six des sept plus grandes sociétés ferroviaires de fret (appelés Classe 1) ont adopté cette politique. C'est un véritable désastre pour l'entretien des trains, pour la santé et la sécurité des travailleurs et des populations.
Voici comment un travailleur du rail décrit cette exploitation ferroviaire précise :
« Je vous assure qu'attendre un appel pour faire circuler un train PSR de 16 450 pieds (plus de 5 km) est redoutable : nous savons tous ce qui peut arriver, à tout moment. Une pâleur d'effroi pendant 12 à plus de 17 heures nous attend. Ces trains ne sont déjà pas assez grands pour le transporteur : il faut aller chercher d'autres wagons pour réaliser un PSR, avec un chef de train à 13 800 pieds (plus de 4 km) de là, qui fait marche arrière pour aller chercher d'autres wagons dans une gare de triage. »
L'entretien des trains a été drastiquement réduit, la fatigue et les problèmes de santé et de sécurité des travailleurs se sont accrus, Un grand nombre de travailleurs du rail ont quitté le secteur à cause de ces conditions intenables pendant que des milliers d'autres ont été licenciés de manière permanente. On estime que les grands transporteurs de fret employaient 30 % moins de travailleurs en 2022 en comparaison avec 2018.
L'obsession de maintenir les trains et les wagons en mouvement de façon continuelle est telle que les travailleurs de la Fraternité des préposés à l'entretien des voies, une division du syndicat international des Teamsters, ont dû dénoncer le fait que Norfolk Southern n'a pas fourni l'équipement de protection nécessaire aux travailleurs qui s'affairaient à réparer la voie alors qu'ils devaient respirer les émanations toxiques causées par le déraillement et la combustion des matières toxiques.
Les activités antiouvrières et anti-communautés des grands monopoles ferroviaires vont de pair avec l'autoréglementation qui leur est accordée par le gouvernement américain. Le gouvernement et ses agences font des audits, des observations, des recommandations, et parfois émettent des constats d'infraction, mais l'oligopole ferroviaire constitué des plus grands monopoles du secteur est considéré comme l'autorité ultime en ce qui concerne l'opération des chemins de fer.
En décembre 2022, le président Joe Biden et le Congrès ont promulgué une loi qui impose une convention collective à plus de 100 000 travailleurs du rail, qui l'avaient rejetée en majorité. Celle-ci nie les demandes des travailleurs pour une amélioration des conditions qui pourraient alléger leur fatigue, pour éviter qu'ils soient constamment sur appel et soumis à des mesures disciplinaires s'ils ne répondent pas présents à l'appel alors qu'ils ont eu une période de repos insuffisante depuis leur dernier quart de travail. Le président et le Congrès ont interdit à ces travailleurs de faire la grève pour leurs justes demandes.
Les travailleurs du rail américains demandent avec force que le
régime appelé « exploitation ferroviaire précise » soit
déclaré illégal et qu'un nouveau régime ferroviaire soit
instauré sur lequel les travailleurs qui le font fonctionner
exercent un contrôle. Ils font valoir que leurs conditions de
travail sont les conditions d'opération des chemins de fer.
Pour plus d'informations sur l'imposition d'un contrat aux
conducteurs de trains américains, cliquez ici.
(Photos : Gen Z for Change, Fight for 2-person crews, Railway Workers United)
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