Les manifestations et grèves de masse se
poursuivent en Grèce
à la suite de la tragédie ferroviaire dévastatrice
La colère gronde en Grèce
Athènes, 12 mars 2023
Le peuple grec, en particulier les travailleurs et la jeunesse, poursuit sans relâche des actions pour que le gouvernement du pays et la société ferroviaire Hellenic Train rendent des comptes pour leur responsabilité dans la catastrophe ferroviaire qui a fait 57 morts et au moins 85 blessés, lors de la collision entre deux trains le 28 février dernier.
Peu avant minuit, un train de voyageurs avec environ 350 passagers à bord et un train de fret sont entrés en collision à haute vitesse alors qu'ils circulaient dans des directions opposées entre Athènes et Thessalonique, les deux plus grandes villes de Grèce. Même s'il s'agissait d'une voie double, les deux trains circulaient dans des directions opposées sur la même voie. La tragédie s'est produite près de la ville de Larissa, dans le centre-est de la Grèce. Parmi les 57 morts, on compte un grand nombre d'étudiants, qui revenaient d'une fin de semaine prolongée en raison d'un jour férié en Grèce.
Lorsque les gens ont entendu le premier ministre de Grèce Kyriakos Mitsotakis déclarer le lendemain de la catastrophe qu'elle était « principalement due à une tragique erreur humaine », pointant du doigt le chef de gare de Larissa, ils se sont mis immédiatement en action pour condamner ces propos. Ils exigent la démission du gouvernement et l'arrêt de l'offensive antisociale avec ses mesures telles que la privatisation et l'austérité, qui détruit la vie humaine en faisant des humains des choses au lieu d'humains ayant des droits qui doivent être garantis, ce qui est la première responsabilité d'une société moderne.
Des manifestations quasi quotidiennes ont eu lieu. Les slogans « Nous sommes la voix des morts », « Leurs profits, nos morts », « C'est un crime qui était annoncé », « La privatisation tue » et d'autres ont retenti à travers tout le pays. Un des slogans les plus répandus était « Appelle-moi lorsque tu arrives », ce qui exprime l'intenable douleur pour la perte de proches et de compatriotes. Le 8 mars, des centaines de milliers de travailleurs de tous les secteurs ont participé à une grève nationale dans plusieurs villes de Grèce, avec la participation de jeunes et de gens de tous milieux, pour dire avec force qu'il n'est pas question que le crime soit camouflé par les autorités. La grève a été prolongée jusqu'au 10 mars. Les syndicats qui représentent la société ferroviaire privatisée en cause dans la tragédie ont déclaré que cela faisait des semaines qu'ils signalaient des incidents causés par un non-fonctionnement de la signalisation sur la voie ferrée sur laquelle la tragédie s'est produite et qu'aucune mesure n'a été prise pour régler les problèmes.
Agrinio, 8 mars 2023
Rhodes, 8 mars 2023
Le 12 mars, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Athènes et à Thessalonique. Dans la capitale, les manifestants ont occupé la place Syntagma, près du Parlement, avec des bannières disant : « Nous n'oublierons pas, nous ne pardonnerons pas » et « Nous serons les voix de tous les morts ».
La police a réagi aux manifestations en faisant usage de gaz lacrymogènes et de matraques, mais la mobilisation n'a pas ralenti.
Le gouvernement a promis une enquête transparente et impartiale sur les causes de la tragédie, alors que le peuple grec s'est prononcé sur les causes de la tragédie et réclame une reddition de comptes qui doit comprendre la fin de l'offensive antisociale et une solution centrée sur l'humain face à la crise qui frappe la Grèce.
Une des demandes du peuple est l'abandon des accusations contre le chef de gare de Larissa et de trois autres employés des chemins de fer, notamment pour homicide par négligence, qui pourrait entraîner l'emprisonnement à perpétuité s'ils sont reconnus coupables. Il a été révélé que le chef de gare avait été nommé à ce poste il y a 40 jours seulement avant l'accident, après un emploi au ministère de l'Éducation. Selon les médias, il aurait été laissé seul pendant quatre jours à la gare de Larissa, sans personne pour le superviser, alors que le trafic ferroviaire sur cette ligne était intense en raison d'une fin de semaine prolongée.
Des élections générales devaient se tenir au printemps, mais elles ont été reportées en juillet à cause de ces événements.
Une offensive antisociale qui détruit des vies humaines
Volos, 8 mars 2023
Lorsque les manifestants scandent le slogan « La privatisation tue » ils ont en tête des événements précis qui se sont produits en Grèce depuis de très nombreuses années et ont encore de terribles conséquences pour le peuple.
Vers la fin des années 2000, au nom de s'attaquer à la dette publique de la Grèce, la Banque centrale européenne, l'Union européenne et le Fonds monétaire international ont dicté à la Grèce une offensive antisociale destructrice faite entre autres de privatisations multiples et de mesures d'austérité de toutes sortes contre les travailleurs et le peuple. Parmi les nombreuses mesures, il y a eu des baisses draconiennes du salaire minimum et du salaire des travailleurs du secteur public, de grandes réductions du budget de la santé et des baisses des prestations de retraite du secteur public. Les conditions de vie et de travail des Grecs ont été ravagées et les services publics mutilés. Le taux de chômage a atteint des niveaux records, le taux de suicides aussi. À cela s'est ajoutée une vague de privatisations, toujours au nom du paiement de la dette du gouvernement. La Grèce a connu la privatisation des ports, des aéroports, des chemins de fer, des édifices publics, des entreprises publiques qui fournissent l'eau et l'électricité, etc. Les travailleurs et le peuple grecs ont mené une lutte sans relâche contre cette dilapidation des biens publics et l'austérité antisociale au profit de l'oligarchie financière, et cette lutte est visiblement bien vivante dans les actions de masse actuelles pour une reddition de comptes face à la catastrophe ferroviaire.
Le 16 mars 2023, des dizaines de milliers de travailleurs et
d'étudiants envahissent toutes les rues du centre d'Athènes et
se dirigent vers les bureaux de Hellenic Train.
La société ferroviaire privée Hellenic Train, qui gère la plupart des services ferroviaires de la Grèce, dont la ligne Athènes-Thessalonique, et qui exploite à la fois les trains de marchandises et les trains de passagers, est issue d'une privatisation par l'État grec. En 2017, la société publique TrainOSE a été vendue à la compagnie ferroviaire publique italienne Ferrovie dello Stato Italiane. Elle a pris le nom Hellenic Train en 2022. Jusqu'en 2008, TrainOSE appartenait à l'Organisation des chemins de fer helléniques (OSE), l'entreprise d'État responsable de la gestion des infrastructures ferroviaires de tout le pays. TrainOSE était responsable de toutes les activités opérationnelles et de gestion du transport ferroviaire du secteur passagers et fret. En 2008, elle est devenue une société publique indépendante d'OSE. C'était un prélude à sa privatisation. Elle a été vendue à la société publique italienne pour 45 millions d'euros, ce qui a été considéré comme un montant dérisoire. L'État grec a subventionné Hellenic Train de multiples façons. En 2022, par exemple, il s'est engagé à subventionner Hellenic Train à raison de 50 millions d'euros par année pendant 10 ans, sous prétexte de l'aider à opérer les lignes de chemins de fer non rentables et d'assurer des services plus sécuritaires.
Thessalonique, 16 mars 2023
Dès le début de la période d'austérité décrétée par l'oligarchie financière et ses organisations, OSE a pratiqué de grandes compressions budgétaires, ce qui a conduit à plus de licenciements et moins d'embauches, moins de formation, moins d'entretien du matériel et des infrastructures, et moins d'investissements.
À la fin des années 2000, les effectifs du réseau ferroviaire de la Grèce s'élevaient à plus de 6000 personnes. En 2017, après la privatisation de TrainOSE et sa vente à l'entreprise italienne, on estime que les effectifs à l'échelle nationale étaient d'environ 750 personnes.
Des travailleurs du rail qui ont parlé aux médias dans les jours suivant la catastrophe ont dit que les systèmes de télésurveillance et de signalisation, qui contrôlent la circulation des trains et guident les conducteurs de train, ne fonctionnaient pas adéquatement depuis des années, ou n'étaient simplement pas mis en fonction.
La gare de Larissa, par exemple, ne disposait que d'un système de signalisation local qui suivait les trains sur une distance d'environ 5 kilomètres. Cela signifie que les chefs de gare devaient communiquer par radio entre eux et avec les conducteurs de train pour combler les lacunes et que les signaux étaient actionnés manuellement ». Le tronçon où les trains sont entrés en collision est considéré comme un « trou noir ». Des systèmes de télésurveillance et de signalisation automatisée avaient été prévus, mais n'avaient pas encore été mis en place. Un ancien chef de gare de Larissa a dit aux médias qu'OSE avait en place de 2007 à 2010 un système de télésurveillance dans la section où la catastrophe s'est produite mais que le système s'est dégradé progressivement, le manque de financement et les réductions d'effectifs entraînant un entretien défectueux du matériel.
En 2014, rapportent les médias, OSE a commandé une refonte du système de signalisation et de contrôle du trafic à distance qui devait être achevée en 2016. Mais près d'une décennie plus tard, l'équipement n'a pas été installé sur l'ensemble du réseau ferroviaire de 2 500 kilomètres.
Après avoir honteusement invoqué une erreur humaine pour justifier la catastrophe, et sous la pression populaire, le gouvernement grec a dû dire publiquement que si les systèmes à distance avaient été pleinement opérationnels, « il aurait été impossible, pratiquement, que l'accident se produise ».
Ces paroles n'ont pas apaisé le peuple. Par ses actions et ses revendications, il exige une reddition de comptes qui doit comprendre le renversement complet de l'offensive antisociale et une édification nationale prosociale qui repose sur une économie qui sert le peuple et qui est contrôlée par lui. Lorsque les manifestants demandent la démission du gouvernement, ils indiquent que les gouvernements néolibéraux qui sont aux ordres de l'oligarchie financière ne sont pas aptes à gouverner. La question du renouveau politique pour investir le peuple du pouvoir décisionnel est posée de façon urgente par les catastrophes comme cette tragédie ferroviaire qui aurait pu être entièrement évitée.
Karditsa, 8 mars 2023
Lefkada, 8 mars 2023
Cet article a été publié dans
Numéro 15 - 27 mars 2023
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