Numéro 12 - 15 mars 2023

33e Congrès de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec

Entrevues avec des délégués au Congrès

Les congressistes de la FTQ reconnaissent les syndicats impliqués dans les conflits de travail, 
19 janvier 2023.

Sylvie Thomassin, présidente de la division des Résidences pour personnes âgées du Syndicat québécois des employées
et employés de service

Hugo Desgagné, responsable des dossiers de santé et sécurité du travail pour Unifor-Québec

Cédric Joly, représentant en prévention, Syndicat des Métallos, section locale 7493, Rio Tinto Fer et Titane, Poudres Métalliques
à Sorel-Tracy



Entrevues avec des délégués de la Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec

Sylvie Thomassin, présidente de la division des Résidences pour personnes âgées du Syndicat québécois des employées et employés de service


Dans ce numéro,
Forum ouvrier poursuit sa couverture du 33e Congrès de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), qui s'est tenu du 16 au 19 janvier sous le thème « La FTQ aux devants – L'Avenir du syndicalisme », avec des entrevues menées avec divers délégués. Pour une couverture antérieure, voir Forum ouvrier, 13 mars 2023 - No. 11.

Ci-dessous une entrevue avec Sylvie Thomassin qui travaille dans une résidence du groupe Chartwell.

Pour nous qui travaillons en résidences pour personnes âgées (RPA), un problème très sérieux est le manque de personnel et le manque d'écoute de la part du gouvernement. On se bat présentement pour avoir un décret gouvernemental qui fournit une base de conditions de travail décentes pour tout le monde dans l'ensemble des RPA [Il s'agit d'un décret de convention collective, qui étend une convention collective conclue dans un endroit de travail à tous les endroits de travail du même secteur, que les travailleurs soient syndiqués ou non. - Note de FO]. Au mois de mai, l'employeur est venu nous voir au syndicat parce que dans certains corps de métier nous avions perdu les primes du gouvernement. Il est venu voir le syndicat pour réajuster notre échelle de salaires. Nous avons fait une avancée à ce moment-là, mais nous sommes encore loin des conditions qui existent dans le secteur public. Pourtant nos gens sont qualifiés autant que ceux du public. Nos infirmières ont les mêmes diplômes, nos préposés ont suivi les mêmes cours. Nous avons des cuisiniers qui sont diplômés. Nous avons des gens d'entretien qui sont là depuis plusieurs années.

Nous avons fait une telle demande de décret au gouvernement. Nos dirigeants sont arrivés avec une convention collective qui avait été signée dans notre milieu et le gouvernement nous a répondu qu'on en demandait trop. Nous en demandons trop, supposément, alors que ce que nous demandons c'est d'être payés comme dans le public parce que nous faisons le même travail. Nous prenons soin de la génération qui a bâti le Québec. Nous ne prenons pas soin des chiens errants dans la rue mais les chiens errants sont mieux traités que nous.

J'ai eu l'occasion de parler au président de Chartwell et il a eu le malheur de me demander ce que cela prendrait chez nous pour améliorer les conditions. Je lui ai dit que nous avons eu une avancée en mai dernier quand Chartwell a réajusté les échelles de salaires mais nous sommes encore loin de la coupe aux lèvres. Je lui ai dit que Chartwell n'est pas attractif comme employeur, Nous n'avons pas d'assurance-médicaments, nous n'avons pas de fonds de pension, pas d'avantages sociaux. On ne peut pas régler le manque de personnel avec ces conditions-là.

L'employeur essaie d'attirer du personnel, mais en même temps il nous a coupé les heures d'aides-cuisiniers au nom de l'optimisation du personnel. Il a rencontré les exécutifs syndicaux, dont je suis la présidente. D'entrée de jeu, la responsable des ressources humaines de Chartwell a dit qu'ils pensaient couper mon poste. Toute une façon de commencer la journée ! Le directeur général de la résidence où je travaille a pris ma défense parce qu'il est le seul des établissements Chartwell a avoir cinq cuisiniers en poste. Il a sauvegardé mon emploi mais ils ont coupé des heures d'aides-cuisiniers. Je me retrouve seule à mon poste de travail sans aide-cuisinier. Chartwell ne nous démontre pas de respect.

Pourtant, autant qu'au public, nous avons tenu nos résidences à bout de bras pendant la pandémie. J'ai vu des compagnons et compagnes de travail tomber au combat trois ou quatre fois à cause de la COVID. Nous continuons encore d'avoir des éclosions. J'ai encore des compagnons et des compagnes de travail qui sont tombés au combat parce qu'ils ont contracté la COVID. On est obligé de s'obstiner avec l'employeur pour lui dire que nous sommes en éclosion et qu'il doit placer ces gens-là sur la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Ils veulent envoyer mes membres 10 jours chez eux sans les payer. Ils sont qui pour envoyer mes membres chez eux sans les payer ?

Il faut qu'on ait un décret qui établisse des conditions de base décentes dans toutes les RPA. Il faut un gouvernement allumé qui assoit ces gros propriétaires de résidences privées et prend ses responsabilités face à nos conditions.

Chartwell est le plus gros propriétaire de résidences privées au Québec et au Canada . Il a rénové la réception chez nous. Il a de l'argent pour améliorer la bâtisse mais on est obligé de s'obstiner pour que ses employés qui sont là à temps plein et qui tiennent sa résidence à bout de bras aient des salaires décents. Les trois quarts de nos membres travaillent sous le seuil de la pauvreté. On a des cas où la femme qui est monoparentale a de la difficulté à faire un choix entre payer son loyer et nourrir sa famille. Elle se retrouve dans la rue ou elle fait manger ses enfants ? En 2023 ! J'ai des plongeurs qui travaillent au salaire minimum. Des plongeurs syndiqués ! Nous avons un employeur qui se fiche de ses travailleurs. Il pense à ses actionnaires avant de penser à ceux et celles qui sont sur le plancher et font fonctionner ses résidences.

J'aime toujours mon métier, j'aime toujours ce que je fais, cela fait sept ans que je me bats pour les RPA et mes gens dans les RPA, et tant que je vais avoir un souffle de vie, je vais continuer de le faire.

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Hugo Desgagné, responsable des dossiers de santé et sécurité du travail pour Unifor-Québec

En octobre 2021 a eu lieu l'adoption de la Loi 27, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. qui est venue modifier les dispositions à l'intérieur du régime d'indemnisations et de réparations dans les accidents du travail et dans le volet santé-sécurité.

Le gouvernement, dans le cadre de cette réforme, aurait dû étendre les mécanismes en termes de santé-sécurité et de participation des travailleurs et travailleuses, tels qu'ils étaient prévus dans l'ancienne loi, pour les groupes prioritaires 1 et 2, les industries à haut risque. Au lieu de ça, il a décidé de reléguer cela à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Conséquemment, un comité réglementaire a été créé, auquel participent les employeurs et les organisations syndicales, et on doit négocier avec les employeurs pour élaborer un règlement avec eux. Sans surprise, on se rend compte qu'on ne s'entendra pas. Il y a une date limite, la loi prévoit que la CNESST doit adopter le règlement d'ici octobre 2024 sinon c'est le gouvernement qui va prendre la question en charge. Donc, on doit débattre avec nos employeurs.

Vraisemblablement nos positions sont aux antipodes en matière de prévention. Elles le sont sur le nombre de représentants des travailleurs et travailleuses sur les comité de santé-sécurité, sur les heures de libération pour les représentants en santé et sécurité en milieu de travail (RSS – c'est-à-dire, ceux et celles qui font des inspections en milieu de travail, accompagnent les travailleurs, etc.); ou sur la formation des gens qui participent aux comité de santé et sécurité et des RSS. On ne s'entend pas sur la formation qu'on doit leur donner, sur le nombre d'heures de formation requise. Les employeurs disent qu'une formation de trois heures par vidéo devrait être suffisante pour former les membres des comités de santé-sécurité pour qu'ils soient en mesure de faire leur travail. Évidemment ce n'est pas suffisant. Nous on prétend qu'il devrait y avoir 40 heures de formation pour ces gens-là, en plus de la formation spécifique pour les RSS. Aussi, qui va donner la formation, qui va l'élaborer ?

Du côté syndical, on dit que c'est nous qui avons l'expertise et on veut aussi garder un certain contrôle sur l'information qui va être diffusée. On est en mesure de la donner cette formation-là, on a des représentants, des gens qui sont formés et qui ont l'expertise pour aller former les gens sur le terrain.

Tous ces aspects-là sont problématiques. Aussi, les employeurs veulent que la modulation des mécanismes de prévention et de participation soient établies en fonction des statistiques au niveau de l'indemnisation. Pour nous, d'un point de vue syndical, cela ne fait pas de sens parce que cela ne tient pas compte des niveaux des gens qui ne rapportent pas des accidents de travail et des maladies professionnelles. Cela ne prend pas en compte les risques réels et les analyses de risques dans les milieux de travail. Cela ne tient pas compte non plus des risques émergents, les nouveaux risques, parce qu'on va seulement considérer les risques préconçus ou traditionnels dans certains milieux. Alors qu'il faut prendre en compte les risques psychosociaux, les risques psychologiques, qui, dans la nouvelle mouture de la loi sont reconnus et cela c'est positif. Mais ils doivent être pris en compte dans l'analyse de risques. Si on se base simplement sur les données statistiques en termes d'indemnisation, on passe à côté de ce qui manque.

Les employeurs considèrent la question du point de vue de réduire leurs coûts. En plus, si une entreprise a vraiment moins d'accidents et moins de décès, ça veut dire que les mécanismes de prévention fonctionnent et donc doivent être renforcés.

On ne peut pas réussir à s'entendre avec l'employeur sur la base de ce qu'ils mettent de l'avant.

L'esprit de la résolution qui a été adoptée sur le plancher du Congrès, c'est qu'on a fait énormément de travail d'action politique et syndicale dans le cadre du projet de loi 59 [devenu la Loi 27 après son adoption]. Cette mobilisation-là doit se poursuivre et on doit donner le mandat au Comité de santé et sécurité de la FTQ  – qui a été adopté – d'élaborer un plan de mobilisation, un plan d'action, avec des budgets qui sont alloués à cette campagne, pour mener une vaste campagne pour mettre de la pression sur la CNESST et sur le gouvernement, et aussi sur les employeurs, pour obtenir une vraie modernisation du régime de santé et sécurité du travail.

Pour le gouvernement caquiste, modernisation et amélioration ne riment pas. On veut un régime dans lequel on aura des mécanismes réels de prévention et une participation effective et active, et une prise en charge, dans un contexte paritaire où les employeurs prennent leurs responsabilités.

En 2021, on a eu 207 décès de travailleurs et travailleuses au Québec. Un décès en milieu de travail c'est un décès de trop et la meilleure façon de réduire les décès c'est la prévention, la prise en charge de la santé-sécurité par les travailleurs et travailleuses dans leurs milieux de travail.

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Cédric Joly, représentant en prévention, Syndicat des Métallos, section locale 7493, Rio Tinto Fer et Titane, Poudres Métalliques à Sorel-Tracy


La délégation des syndicats des Métallos au Congrès de la FTQ

Ma préoccupation principale, présentement, c'est de rejoindre les jeunes. Nous en avons parlé ici au Congrès, nous en avons parlé à plusieurs endroits. C'est un enjeu syndical qu'on a. J'ai fait partie du Comité des jeunes du Syndicat des Métallos lorsque j'étais plus jeune. Je suis actif à mon usine pour en recruter aussi. Nous voulons avoir des délégués jeunes dans notre structure pour aller chercher les autres jeunes dans notre usine. C'est quelque chose de préoccupant. On a besoin d'eux. Il faut continuer les débats sur ce sujet.

La pénurie de main-d'oeuvre n'aide pas parce que les jeunes ne restent pas nécessairement longtemps chez nous. Ils viennent chez nous, s'en vont, ne sont pas nécessairement attachés à la place de travail.

Les jeunes n'ont pas nécessairement les mêmes objectifs que les travailleurs plus âgés. Nous avons de bonnes conditions dans notre usine, nous sommes dans le milieu industriel, chez Rio Tinto, nous avons quand même de bons salaires. Les enjeux ne sont pas les mêmes. L'objectif des jeunes, ce n'est pas de gagner 50 $ de l'heure. Ils ne veulent pas travailler en temps supplémentaire tout le temps. La conciliation travail-famille est super importante pour eux. En entrevue, souvent, le jeune ne reste pas parce que des quarts de travail en rotation en entretien, ou des quarts de travail en fin de semaine, ils n'en veulent pas. La vie familiale c'est très important pour eux. Si cela veut dire 12 $ de moins de l'heure, en travaillant ailleurs, ils sont prêts à l'accepter.

Il faut trouver le moyen d'aller les chercher. Au Comité des jeunes, et pendant le Forum des jeunes Métallos, les jeunes ont besoin de dire et de sentir qu'ils apportent quelque chose, qu'ils sont importants, que leur travail est efficace. Ils ont besoin à la fin de la journée de se sentir gratifiés de ce qu'ils ont fait. Ils pensent vert, ils pensent à leur santé, leur bonheur.

Les jeunes sont là, ils veulent s'impliquer, ils ont le courage de s'affirmer et de s'exprimer.

Au Forum des jeunes, plusieurs n'avaient jamais parlé au micro. Il y avait plein de monde qui prenait le micro, ils se passaient le micro. Ils ont besoin de jaser, ils ont besoin de choses concrètes. Ils veulent savoir ce qu'on peut leur apporter comme syndicat. C'est un gros enjeu et c'est à nous de trouver comment les interpeller. On n'a peut-être pas encore la recette miracle. La voie de communication n'est pas la même qu'avant. On doit travailler différemment, s'adapter à eux. Je suis content qu'on parle de cela, dans les colloques des Métallos, à la FTQ, partout.

Il y a des obstacles à cela. Premièrement, en tant que syndicats, on manque de temps. On est occupé par les enjeux à notre travail, par les relations de travail. Aussi, ce qui se passe en ce moment dans la société crée beaucoup de choses qui nous occupent beaucoup. C'est pas évident comment on doit répondre à tout ce qui se passe.

Un autre enjeu, et on vit cela beaucoup chez nous et dans d'autres entreprises qui sont proches de la nôtre, c'est le problème de l'employeur qui fait ce qu'il veut, qui ne communique plus avec le syndicat. On en discute beaucoup entre nous. Il ne veut plus faire les choses en commun avec nous, il fait des choses sur le plancher sans nous en parler en tant que syndicat. Ils veulent nous écarter, plutôt que de travailler avec nous et voir le syndicat plutôt en partenariat pour résoudre les problèmes.

Autant en ce qui concerne la santé-sécurité , qu'en relations de travail, ou qu'en changements technologiques, il y a beaucoup de changements. Les gens changent beaucoup de place, changent d'horaires, changent d'emploi, leur vie change. Cela affecte beaucoup nos travailleurs, et nous avons beaucoup de dossiers à gérer avec ces changements.

On doit accepter qu'on est deux parties, mais on doit être capable de travailler ensemble.

Il nous faut aussi plus de temps pour s'occuper des jeunes et les impliquer. Nous avons besoin des jeunes. Avec ces multinationales-là, on a besoin de toute l'implication possible. On a besoin de garder notre rapport de force en tant que syndicat.

Présentement l'employeur gère tout en urgence, dépense des millions en formation mais les jeunes s'en vont. Des fois chez nous il manque de monde les fins de semaine, on n'est pas assez de monde sur le plancher. Il y en a mais pas assez pour faire la tâche.

On doit être capable de considérer les relations de travail comme un gars d'entretien. Il faut y aller d'avance, prédire les choses. Il faut gérer de façon organisée d'avance plutôt que d'y aller en catastrophe.

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