Hugo Desgagné, responsable des dossiers de santé et sécurité du travail pour Unifor-Québec

En octobre 2021 a eu lieu l'adoption de la Loi 27, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. qui est venue modifier les dispositions à l'intérieur du régime d'indemnisations et de réparations dans les accidents du travail et dans le volet santé-sécurité.

Le gouvernement, dans le cadre de cette réforme, aurait dû étendre les mécanismes en termes de santé-sécurité et de participation des travailleurs et travailleuses, tels qu'ils étaient prévus dans l'ancienne loi, pour les groupes prioritaires 1 et 2, les industries à haut risque. Au lieu de ça, il a décidé de reléguer cela à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Conséquemment, un comité réglementaire a été créé, auquel participent les employeurs et les organisations syndicales, et on doit négocier avec les employeurs pour élaborer un règlement avec eux. Sans surprise, on se rend compte qu'on ne s'entendra pas. Il y a une date limite, la loi prévoit que la CNESST doit adopter le règlement d'ici octobre 2024 sinon c'est le gouvernement qui va prendre la question en charge. Donc, on doit débattre avec nos employeurs.

Vraisemblablement nos positions sont aux antipodes en matière de prévention. Elles le sont sur le nombre de représentants des travailleurs et travailleuses sur les comité de santé-sécurité, sur les heures de libération pour les représentants en santé et sécurité en milieu de travail (RSS – c'est-à-dire, ceux et celles qui font des inspections en milieu de travail, accompagnent les travailleurs, etc.); ou sur la formation des gens qui participent aux comité de santé et sécurité et des RSS. On ne s'entend pas sur la formation qu'on doit leur donner, sur le nombre d'heures de formation requise. Les employeurs disent qu'une formation de trois heures par vidéo devrait être suffisante pour former les membres des comités de santé-sécurité pour qu'ils soient en mesure de faire leur travail. Évidemment ce n'est pas suffisant. Nous on prétend qu'il devrait y avoir 40 heures de formation pour ces gens-là, en plus de la formation spécifique pour les RSS. Aussi, qui va donner la formation, qui va l'élaborer ?

Du côté syndical, on dit que c'est nous qui avons l'expertise et on veut aussi garder un certain contrôle sur l'information qui va être diffusée. On est en mesure de la donner cette formation-là, on a des représentants, des gens qui sont formés et qui ont l'expertise pour aller former les gens sur le terrain.

Tous ces aspects-là sont problématiques. Aussi, les employeurs veulent que la modulation des mécanismes de prévention et de participation soient établies en fonction des statistiques au niveau de l'indemnisation. Pour nous, d'un point de vue syndical, cela ne fait pas de sens parce que cela ne tient pas compte des niveaux des gens qui ne rapportent pas des accidents de travail et des maladies professionnelles. Cela ne prend pas en compte les risques réels et les analyses de risques dans les milieux de travail. Cela ne tient pas compte non plus des risques émergents, les nouveaux risques, parce qu'on va seulement considérer les risques préconçus ou traditionnels dans certains milieux. Alors qu'il faut prendre en compte les risques psychosociaux, les risques psychologiques, qui, dans la nouvelle mouture de la loi sont reconnus et cela c'est positif. Mais ils doivent être pris en compte dans l'analyse de risques. Si on se base simplement sur les données statistiques en termes d'indemnisation, on passe à côté de ce qui manque.

Les employeurs considèrent la question du point de vue de réduire leurs coûts. En plus, si une entreprise a vraiment moins d'accidents et moins de décès, ça veut dire que les mécanismes de prévention fonctionnent et donc doivent être renforcés.

On ne peut pas réussir à s'entendre avec l'employeur sur la base de ce qu'ils mettent de l'avant.

L'esprit de la résolution qui a été adoptée sur le plancher du Congrès, c'est qu'on a fait énormément de travail d'action politique et syndicale dans le cadre du projet de loi 59 [devenu la Loi 27 après son adoption]. Cette mobilisation-là doit se poursuivre et on doit donner le mandat au Comité de santé et sécurité de la FTQ  – qui a été adopté – d'élaborer un plan de mobilisation, un plan d'action, avec des budgets qui sont alloués à cette campagne, pour mener une vaste campagne pour mettre de la pression sur la CNESST et sur le gouvernement, et aussi sur les employeurs, pour obtenir une vraie modernisation du régime de santé et sécurité du travail.

Pour le gouvernement caquiste, modernisation et amélioration ne riment pas. On veut un régime dans lequel on aura des mécanismes réels de prévention et une participation effective et active, et une prise en charge, dans un contexte paritaire où les employeurs prennent leurs responsabilités.

En 2021, on a eu 207 décès de travailleurs et travailleuses au Québec. Un décès en milieu de travail c'est un décès de trop et la meilleure façon de réduire les décès c'est la prévention, la prise en charge de la santé-sécurité par les travailleurs et travailleuses dans leurs milieux de travail.


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Numéro 12 - 15 mars 2023

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