Entrevues avec des délégués de la Fédération des
travailleurs
et travailleuses du Québec
Sylvie Thomassin, présidente de la division des Résidences pour personnes âgées du Syndicat québécois des employées et employés de service
Dans ce numéro, Forum ouvrier poursuit sa couverture
du 33e Congrès de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ), qui s'est tenu du 16 au 19
janvier sous le thème « La FTQ aux devants – L'Avenir du
syndicalisme », avec des entrevues menées avec divers
délégués. Pour une couverture antérieure, voir Forum
ouvrier, 13 mars 2023 - No. 11.
Ci-dessous une entrevue avec Sylvie Thomassin qui travaille dans une résidence du groupe Chartwell.
Pour nous qui travaillons en résidences pour personnes âgées (RPA), un problème très sérieux est le manque de personnel et le manque d'écoute de la part du gouvernement. On se bat présentement pour avoir un décret gouvernemental qui fournit une base de conditions de travail décentes pour tout le monde dans l'ensemble des RPA [Il s'agit d'un décret de convention collective, qui étend une convention collective conclue dans un endroit de travail à tous les endroits de travail du même secteur, que les travailleurs soient syndiqués ou non. - Note de FO]. Au mois de mai, l'employeur est venu nous voir au syndicat parce que dans certains corps de métier nous avions perdu les primes du gouvernement. Il est venu voir le syndicat pour réajuster notre échelle de salaires. Nous avons fait une avancée à ce moment-là, mais nous sommes encore loin des conditions qui existent dans le secteur public. Pourtant nos gens sont qualifiés autant que ceux du public. Nos infirmières ont les mêmes diplômes, nos préposés ont suivi les mêmes cours. Nous avons des cuisiniers qui sont diplômés. Nous avons des gens d'entretien qui sont là depuis plusieurs années.
Nous avons fait une telle demande de décret au gouvernement. Nos dirigeants sont arrivés avec une convention collective qui avait été signée dans notre milieu et le gouvernement nous a répondu qu'on en demandait trop. Nous en demandons trop, supposément, alors que ce que nous demandons c'est d'être payés comme dans le public parce que nous faisons le même travail. Nous prenons soin de la génération qui a bâti le Québec. Nous ne prenons pas soin des chiens errants dans la rue mais les chiens errants sont mieux traités que nous.
J'ai eu l'occasion de parler au président de Chartwell et il a eu le malheur de me demander ce que cela prendrait chez nous pour améliorer les conditions. Je lui ai dit que nous avons eu une avancée en mai dernier quand Chartwell a réajusté les échelles de salaires mais nous sommes encore loin de la coupe aux lèvres. Je lui ai dit que Chartwell n'est pas attractif comme employeur, Nous n'avons pas d'assurance-médicaments, nous n'avons pas de fonds de pension, pas d'avantages sociaux. On ne peut pas régler le manque de personnel avec ces conditions-là.
L'employeur essaie d'attirer du personnel, mais en même temps il nous a coupé les heures d'aides-cuisiniers au nom de l'optimisation du personnel. Il a rencontré les exécutifs syndicaux, dont je suis la présidente. D'entrée de jeu, la responsable des ressources humaines de Chartwell a dit qu'ils pensaient couper mon poste. Toute une façon de commencer la journée ! Le directeur général de la résidence où je travaille a pris ma défense parce qu'il est le seul des établissements Chartwell a avoir cinq cuisiniers en poste. Il a sauvegardé mon emploi mais ils ont coupé des heures d'aides-cuisiniers. Je me retrouve seule à mon poste de travail sans aide-cuisinier. Chartwell ne nous démontre pas de respect.
Pourtant, autant qu'au public, nous avons tenu nos résidences à bout de bras pendant la pandémie. J'ai vu des compagnons et compagnes de travail tomber au combat trois ou quatre fois à cause de la COVID. Nous continuons encore d'avoir des éclosions. J'ai encore des compagnons et des compagnes de travail qui sont tombés au combat parce qu'ils ont contracté la COVID. On est obligé de s'obstiner avec l'employeur pour lui dire que nous sommes en éclosion et qu'il doit placer ces gens-là sur la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Ils veulent envoyer mes membres 10 jours chez eux sans les payer. Ils sont qui pour envoyer mes membres chez eux sans les payer ?
Il faut qu'on ait un décret qui établisse des conditions de base décentes dans toutes les RPA. Il faut un gouvernement allumé qui assoit ces gros propriétaires de résidences privées et prend ses responsabilités face à nos conditions.
Chartwell est le plus gros propriétaire de résidences privées au Québec et au Canada . Il a rénové la réception chez nous. Il a de l'argent pour améliorer la bâtisse mais on est obligé de s'obstiner pour que ses employés qui sont là à temps plein et qui tiennent sa résidence à bout de bras aient des salaires décents. Les trois quarts de nos membres travaillent sous le seuil de la pauvreté. On a des cas où la femme qui est monoparentale a de la difficulté à faire un choix entre payer son loyer et nourrir sa famille. Elle se retrouve dans la rue ou elle fait manger ses enfants ? En 2023 ! J'ai des plongeurs qui travaillent au salaire minimum. Des plongeurs syndiqués ! Nous avons un employeur qui se fiche de ses travailleurs. Il pense à ses actionnaires avant de penser à ceux et celles qui sont sur le plancher et font fonctionner ses résidences.
J'aime toujours mon métier, j'aime toujours ce que je fais, cela fait sept ans que je me bats pour les RPA et mes gens dans les RPA, et tant que je vais avoir un souffle de vie, je vais continuer de le faire.
Cet article a été publié dans
Numéro 12 - 15 mars 2023
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