Numéro 99 - 25 octobre 2021
Procès contre le Canadien
Pacifique
dans la tragédie de Lac-Mégantic
Les résidents et les activistes
demandent des réponses et la protection de la
sécurité ferroviaire
- Pierre Chénier -
Les manifestants exigent des mesures de sécurité
ferroviaire à Lac-Mégantic, 10 juillet 2016,
trois ans après le désastre ferroviaire.
Justice pour les travailleurs de
l'hôtellerie de la Colombie-Britannique
• Les travailleurs de
Hilton Metrotown organisent un piquetage
militant et révèlent la corruption de leur
employeur
- Anne Jamieson
• La corruption financière
des propriétaires de Hilton Metrotown
Procès contre le Canadien
Pacifique dans la tragédie de Lac-Mégantic
- Pierre Chénier -
Un procès au civil s'est ouvert à Sherbrooke, au
Québec, le 21 septembre contre le Canadien
Pacifique(CP) en lien avec la tragédie ferroviaire
du 6 juillet 2013 à Lac-Mégantic. En
cette nuit tragique, un train transportant du
pétrole hautement inflammable, étiqueté faussement
comme du pétrole légèrement inflammable, a
déraillé,
pris feu et explosé dans le centre-ville de
Lac-Mégantic, causant la mort de 47
personnes, des blessures graves à de nombreuses
personnes, de graves séquelles post-traumatiques à
la population de même que de très grands dommages
matériels.
Le procès a pour but de déterminer la
responsabilité du CP dans la tragédie. Le CP, avec
World Fuel, le courtier qui avait acheté le
pétrole de schiste des entreprises du Dakota du
Nord, et la raffinerie Irving au Nouveau-Brunswick
qui devait recevoir le pétrole, étaient les trois
principaux acteurs de la transaction et du
transport. Le gouvernement
canadien est aussi un acteur incontournable, à
cause de l'autoréglementation qu'il a accordée à
l'industrie ferroviaire. La poursuite estime que
le CP a sciemment confié le transport du convoi
pour la dernière partie du trajet, pour des
raisons d'économie, à une entreprise américaine,
la Montreal, Maine & Atlantic Canada (MMA)
connue pour l'état
délabré de sa voie ferrée et complètement
inadéquat pour le transport d'un tel produit et
pour sa très mauvaise performance du point de vue
de la santé et de la sécurité. En vertu d'un
accord de coulisse avec Transport Canada, la MMA
avait même été autorisée à conduire ses trains
avec une seule personne à bord. CP prétend que sa
responsabilité
pour le transport s'arrêtait à la portion du
trajet effectuée sur sa voie ferrée. La poursuite
est intentée par le recours collectif au nom des
victimes de la tragédie, par le gouvernement du
Québec et par des assureurs. En 2016, dans le
cadre des procédures de faillite de la MMA, le
tribunal a incorporé le recours collectif des
victimes dans les
procédures et plus de 20 compagnies ont versé
des montants dont une partie est allée à
l'indemnisation des victimes en échange de la
garantie qu'aucun recours légal subséquent ne
serait levé contre elles. Le CP a refusé de
participer à cette entente et de verser quelque
fonds d'indemnisation que ce soit, niant toute
responsabilité dans la tragédie. On
estime que le procès va durer environ 7 mois.
La Coalition des citoyens et organismes engagés
pour la sécurité ferroviaire de Lac-Mégantic, qui
a mené une lutte sans relâche depuis la tragédie
pour la sécurité de la population et la sécurité
de toutes les communautés ferroviaires au Canada,
suit de très près le développement du procès.
« Le procès est d'un grand intérêt pour nous
parce que nous espérons y apprendre la vérité sur
la responsabilité des différents acteurs de cette
tragédie, a dit Robert Bellefleur, le porte-parole
de la coalition, à Forum ouvrier. En
effet, le gouvernement canadien a refusé et refuse
toujours de tenir une commission d'enquête
publique pour
faire toute la lumière sur cette tragédie. »
Dans
le mémoire qu'elle a présenté en juin dernier aux
audiences du Comité permanent des transports, de
l'infrastructure et des collectivités de la
Chambre des communes sur la sécurité ferroviaire,
la coalition a réitéré sa demande de la tenue
d'une commission d'enquête publique indépendante
sur la tragédie de Lac-Mégantic.
Elle y écrit que la commission d'enquête « aurait
pour mandat de faire toute la lumière sur les
causes et les acteurs de ce drame et de faire les
recommandations nécessaires afin d'éviter qu'une
telle catastrophe ne se reproduise plus jamais au
Canada ».
Dans un entretien avec Forum ouvrier,
Robert réitère aussi la demande de la coalition,
au nom des résidents de Lac-Mégantic, qu'aucune
reprise du transport de pétrole dans la région ne
soit autorisée, que ce soit sur la voie ferrée
actuelle ou sur la voie de contournement que le
gouvernement fédéral s'est engagé à construire
depuis la tragédie.
« Depuis la tragédie, des trains chargés de gaz
propane, d'acide sulfurique, et d'autres matières
dangereuses continuent de circuler sur les mêmes
rails, sur la même pente et sur une courbe à huit
degrés tout en bas, en plein coeur du centre-ville
de Lac-Mégantic. En plus, il n'est pas exclu que
le pétrole recommence à circuler par Lac-Mégantic.
Et les trains deviennent de plus en plus longs et
de plus en plus lourds. En plus, avec
l'augmentation actuelle du prix du pétrole, le
transport du pétrole par train devient plus
rentable. Le transport par train est plus cher que
par oléoduc, mais lorsque le prix du pétrole
monte, la marge de manoeuvre pour le transport par
train est plus grande.
Nous demandons un moratoire permanent sur le
transport du pétrole par Lac-Mégantic, y compris
par la voie de contournement. »
En ce qui concerne la voie de contournement, la
situation est devenue encore plus incertaine
depuis que le CP a acheté en 2019 le réseau
de rails de la défunte MMA de la société
new-yorkaise qui avait repris les actifs de MMA à
la suite de sa faillite. Cela place le CP en
position d'imposer de nombreux changements au
tracé et à la conception initiale de
l'infrastructure, pour ce tronçon de voie ferrée
dont il deviendra propriétaire après sa
construction. Cela pourrait occasionner des
dépassements de coûts et de nouveaux délais, et
les termes de l'entente entre Transport Canada et
le CP sont entourés de secret.
Lac-Mégantic, 10 juillet 2016
Peu avant la récente élection fédérale, Robert
Bellefleur a dit à la presse locale :
« Je tiens à rappeler à l'actuel premier ministre
Justin Trudeau et à ses ministres que le projet de
voie de contournement avait à l'origine comme
principal objectif de garantir le rétablissement
et la sécurité à la population de la région de
Lac-Mégantic. Ce projet d'infrastructure devait
favoriser la guérison sociale d'une communauté
brisée par la
négligence des gouvernements précédents et non pas
satisfaire gratuitement les besoins opérationnels
d'une riche compagnie ferroviaire comme le CP.
Actuellement, nous sommes sans information quant
au calendrier de réalisation de la voie de
contournement. On nous parle de 2023 alors
que les terrains ne sont même pas encore acquis,
les
plans et devis ne sont même pas encore constitués.
Nous, on veut de la transparence. »
Comme ils le font depuis le début, les résidents
et les activistes de Lac-Mégantic réclament la
protection de la sécurité ferroviaire pour la
ville et la région et pour toutes les communautés
du Canada. Ils réclament notamment la fin de
l'autoréglementation de l'industrie ferroviaire.
Ils demandent que Transports Canada joue son rôle
indépendant
de gardien de la sécurité ferroviaire pour toutes
les populations vivant aux abords des voies
ferrées en contrôlant les règles et les opérations
des sociétés ferroviaires.
Forum ouvrier exprime une fois de plus son
plus grand respect pour la communauté de
Lac-Mégantic et les activistes qui défendent la
sécurité ferroviaire.
Justice pour les travailleurs de
l'hôtellerie de la Colombie-Britannique
- Anne Jamieson -
Le 20 octobre, les membres de la section
locale 40 de Unite Here ! ont organisé
un piquetage plein de vigueur devant le siège
social de la Canadian Western Bank (CWB) au
centre-ville de Vancouver. Cette banque a prêté de
l'argent à DSDL, la société étrangère qui est
propriétaire de l'hôtel Hilton Metrotown à Burnaby
où les
travailleurs sont en lockout depuis le 15
avril. Les travailleurs se sont retrouvés en
lockout après avoir organisé une grève d'une
journée pour exiger la réintégration des 97
travailleurs qui avaient été mis à pied, puis
licenciés, pendant la pandémie. L'hôtel a répliqué
en imposant ce lockout qui perdure maintenant
depuis plus de six
mois.
Au
début de la pandémie, des négociations étaient en
cours entre DSDL et la section locale 40 de
Unite Here ! pour le renouvellement de la
convention collective. Jusqu'à maintenant, DSDL a
repoussé tous les efforts du syndicat pour mener à
bien les négociations contractuelles et pour
prolonger les droits de rappel des travailleurs
mis à pied à cause de la pandémie.
Les membres de la section locale 40 se sont
réunis à la station Burrard Skytrain à 15
heures, pour ensuite traverser la rue et se poster
devant une des entrées de l'édifice de la CWB. Des
dépliants expliquant le point de vue du syndicat
et des articles du Forum ouvrier sur les
actions des travailleurs de l'hôtellerie ont été
distribués.
Des joueurs de tambour ont battu la mesure alors
que des membres tapaient sur des casseroles
pendant qu'environ 75 personnes ont marché,
dansé et défilé sur le trottoir, portant des
pancartes où on pouvait lire « En lockout », et
scandant « Sans justice, pas de
paix ! ». Deux membres du syndicat
portaient une énorme banderole
disant « Justice pour les travailleurs de
l'hôtellerie ! » et une grande pancarte
disant « Notre sécurité est dans la lutte pour les
droits de toutes et tous ! » a suscité
plusieurs commentaires positifs.
En plus des travailleurs d'hôtellerie, il y avait
des membres d'autres syndicats, dont le Syndicat
des employées et employés généraux de la
Colombie-Britannique et le Syndicat des employées
et employés d'hôpitaux. Il y avait un contingent
de travailleurs en grève de Ledcor et des membres
de la Fraternité internationale des ouvriers en
électricité. Une conseillère municipale de la
ville de Vancouver, Jean Swanson, et d'autres
sympathisants y ont aussi participé.
Le refus systématique de DSDL de négocier
En septembre, le syndicat et Relations
industrielles de l'hôtellerie ont conclu une
entente sur la convention collective et les droits
de rappel avaient été prolongés jusqu'à la fin de
la pandémie pour plus d'un millier de travailleurs
dans les hôtels partout en Colombie-Britannique.
Hilton Metrotown est l'un des dix hôtels de la
province où il
n'y pas eu de convention négociée et aucune
entente sur les droits de rappel n'a été conclue.
Dans le cadre de ses efforts pour informer le
public sur la lutte des travailleurs et les
activités criminelles de DSDL, le syndicat a
organisé un piquetage devant le bureau de la
Canadian Western Bank (CWB) à Vancouver, exhortant
la banque à ne pas faire affaire avec DSDL.
Kevin
Malone, un représentant de Unite Here !, a
dit : « L'équipe de négociation entame des
pourparlers et espère avoir des résultats avant la
fin de semaine. Nous avons envoyé des lettres et
fait plusieurs appels téléphoniques à DSDL, leur
demandant poliment de mettre fin au lockout et de
réembaucher les 97 travailleurs,
mais ils ont refusé de répondre. » En
révélant le passé criminel de leur employeur,
a-t-il dit, et en exhortant la CWB à ne pas faire
affaire avec cette société, le syndicat et ses
membres les frappent au seul endroit qui compte
pour eux. Il a souligné que ce qui se passe c'est
qu'« une riche société (la banque) donne de
l'argent à une autre riche
société aux dépens des travailleurs de
l'hôtellerie, et c'est inacceptable ».
Il a dit qu'une grande part de l'argent que la
CWB prête à DSDL et à des compagnies similaires
vient des fonds de régime de retraite des
syndicats. C'est une question à laquelle le
syndicat compte donner suite, a-t-il dit, pour
empêcher que les fonds de pension des membres de
syndicats soient investis dans de telles sociétés.
« Nous serons de
retour », a-t-il dit, et « nous dresserons
des lignes de piquetage devant toutes les branches
de la CWB jusqu'à ce qu'elles acceptent de ne plus
faire affaire avec DSDL. » La foule a répondu
en scandant « Nous serons de retour. Nous serons
de retour ! » pendant plusieurs minutes.
La nécessité d'une nouvelle direction de
l'économie
Dans leur lutte, les travailleurs de Hilton
Metrotown se défendent non seulement contre une
entreprise, mais contre l'oligarchie financière
internationale dont DSDL fait partie. L'oligarchie
financière internationale fonctionne sur la base
de payer les riches et de la fraude, toujours aux
dépens de la classe ouvrière. La lutte des
travailleurs de
l'hôtel Hilton révèle clairement cette situation
aux yeux de tout le monde, comme le font les
luttes semblables des travailleurs des secteurs
public et industriel. Il ne s'agit pas seulement
d'une entreprise qui est mauvaise ou corrompue,
puisqu'elles sont toutes interreliées et basées
sur le profit maximum à tout prix.
Forum ouvrier souhaite aux membres de
Unite Here ! tout le succès possible dans
leurs prochaines négociations avec DSDL pour
mettre fin au lockout et réembaucher les 97
travailleurs licenciés, et pour assurer des
salaires et des conditions de travail décents pour
leurs membres. Il est clair que la direction de
l'économie (et
ceux qui la dirigent) doit changer pour que
l'économie bénéficie à la société et au peuple, et
non aux exigences insatiables des propriétaires de
ces entreprises. Les travailleurs de l'hôtellerie
ne reculeront pas et, en défendant leurs droits,
ils défendent les droits de tous les travailleurs.
Dans un communiqué de presse du 14 juillet,
la section locale 40 de Unite Here !
déclare :
« DSDL est la propriété de membres de la famille
Cho, une famille bien connue et liée au monde
politique, qui a fondé le conglomérat sud-coréen
Hyosung Corporation, le plus grand producteur
mondial de spandex. Le président de DSDL, Cho
Wuk-rai, a été accusé de détournement de fonds lié
à une compagnie filiale de Hyosung, et a
ensuite été condamné à une peine de prison. Il a
obtenu un pardon l'année suivante.
« Le président de DSDL a été accusé et condamné à
la prison une fois de plus en 2009 pour avoir
organisé des prêts illicites entre des entreprises
sous son contrôle, ce qui a éventuellement mené à
la faillite de deux sociétés cotées en bourse. M.
Cho a obtenu une grâce spéciale du président
sud-coréen Lee Myung-bak, avec qui Cho a un
lien de parenté par son mariage. En 2010,
l'année après la deuxième accusation contre M.
Cho, DSDL a acheté Hilton Metrotown.
« Hilton Metrotown a mis son personnel en lockout
il y a trois mois. La Fédération du travail de la
Colombie-Britannique a lancé un boycott de
l'hôtel, qui perd des millions de dollars en
affaires présentes et à venir, à mesure que les
restrictions de voyage sont levées. L'incapacité
de DSDL de prévoir les répercussions financières
du lockout
devrait donner l'alerte, compte tenu surtout du
passé d'affaires de l'entreprise. »
À propos d'une lettre du 7 juillet envoyée
par le syndicat à la CWB, il est dit dans le
communiqué de presse : « Dans la lettre, nous
nous demandons si la CWB était au courant de ces
accusations ou si DSDL avait déjà fait part de
cette information à la banque. Si la CWB en a été
informée, le syndicat s'interroge sur pourquoi la
banque a approuvé le prêt et si elle avait aussi
offert des prêts à d'autres entreprises
canadiennes de DSDL, dont trois hôtels d'Edmonton
achetés en 2017 et un autre dans la Ville de
Québec acheté en 2019. [...] Unite
Here ! exhorte la CWB à entreprendre une
étude de diligence raisonnable de DSDL et à
réévaluer si prêter de
l'argent à DSDL en vaut le risque. »
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