Forum ouvrier

Numéro 96 - 18 octobre 2021

Les monopoles de transformation de la viande demandent
plus de travailleurs étrangers temporaires

Un statut permanent pour toutes et tous! Régularisation immédiate de tous les travailleurs migrants !

https://cpcml.ca/images2020/WorkersEconomy/MigrantWorkers/200920-Mtl-ActionSansStatut.Marche3.jpg

À titre d'information
Les travailleurs étrangers temporaires dans les usines de transformation
de la viande

Le Programme pilote sur l'agroalimentaire


Les monopoles de transformation de la viande demandent
plus de travailleurs étrangers temporaires

Un statut permanent pour toutes et tous! Régularisation immédiate de
tous les travailleurs migrants !

Le Conseil des viandes du Canada, qui représente les établissements d'emballage et de transformation de la viande enregistrés au fédéral, demande au gouvernement fédéral d'augmenter le nombre de travailleurs étrangers temporaires que les employeurs peuvent embaucher. À l'heure actuelle, le nombre de travailleurs étrangers temporaires est plafonné à 10 à 20 % de la main-d'oeuvre de chaque établissement. Toute usine qui a embauché des travailleurs étrangers temporaires avant 2014 est plafonnée à 20 %. Les entreprises demandent une augmentation à 30 % de l'ensemble des travailleurs des usines, soit environ 10 000 travailleurs étrangers temporaires. Elles souhaitent également la mise en place d'un « programme d'employeurs de confiance » permettant à ces employeurs d'embaucher 10 % supplémentaires de la main-d'oeuvre en tant que travailleurs étrangers temporaires, soit jusqu'à 40 %.

Le site Web du Conseil des viandes du Canada indique qu'il y a 4 166 postes à combler dans les usines de transformation de la viande à travers le pays, sur une main-d'oeuvre totale d'environ 34 000 personnes. Au Québec, le taux de vacance des emplois avoisine les 40 %, tandis qu'il est d'environ 20 % dans les usines de l'Alberta, selon le Conseil.

« Les Canadiens ne veulent pas devenir bouchers », a déclaré avec arrogance Marie-France Mackinnon, porte-parole du Conseil des viandes du Canada. En conséquence, les géants de la transformation de la viande perdent de l'argent parce qu'ils sont obligés de réduire leur production, s'est-elle plainte. Cette réponse scandaleuse ne fait que souligner le mépris total de ces oligopoles mondiaux envers les travailleurs. Les oligarques mondiaux qui ont réalisé des profits records pendant que les travailleurs tombaient malades et que beaucoup mouraient veulent maintenant se voir attribuer le titre d'« employeur de confiance ».

Les travailleurs de la transformation de la viande ont été particulièrement touchés par la COVID-19, avec de nombreux décès. Ils ont fait l'objet de menaces, d'intimidations et de harcèlement, notamment la pression pour les forcer à travailler pendant la pandémie alors qu'ils étaient malades. Seule l'action unie des travailleurs et de leurs syndicats a forcé la fermeture des usines où la COVID-19 sévissait et a obligé les entreprises à adopter des mesures de sécurité.

L'industrie de la transformation de la viande et de la volaille était déjà connue pour les conditions inhumaines imposées par la mondialisation néolibérale, malgré la résistance militante des travailleurs. Les conditions dangereuses qui affectent la santé et la sécurité des travailleurs ne sont pas apparues avec la COVID-19, mais celle-ci les a mises en lumière. Les vitesses vertigineuses des lignes de production étaient et restent un facteur important du taux élevé d'accidents et de maladies sur le lieu de travail bien avant la COVID-19. Il en va de même pour les bas salaires qui prévalent dans l'industrie.
Les géants de la transformation et de l'emballage de la viande dépendent fortement des travailleurs les plus vulnérables, notamment les réfugiés et les travailleurs sans papiers aux États-Unis, ainsi que les réfugiés et les travailleurs recrutés dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires au Canada. Il s'agit là d'un modèle néolibéral délibéré et intentionnel, qui s'appuie sur l'État pour agir comme trafiquant d'êtres humains. L'usine JBS de Brooks, en Alberta, en est un exemple. Lorsque la société américaine Tyson a acheté l'usine au début des années 1990, laquelle appartient maintenant à la société brésilienne JBS, elle est passée d'environ 500 travailleurs à ses 2 800 travailleurs actuels dans une ville qui comptait alors 12 000 habitants. Brooks a maintenant une population d'environ 16 000 habitants. Il est impossible de trouver des travailleurs à Brooks et dans les communautés environnantes pour faire face à une telle expansion. Ce n'est pas une coïncidence si l'une des destinations prévues pour l'installation des réfugiés afghans est Brooks, ainsi que d'autres villes de l'Alberta où se trouvent des usines de transformation de la viande et de la volaille.


Les bas salaires font partie intégrante du modèle néolibéral. En 1984, un emploi de premier échelon à l'usine de Brooks, alors connue sous le nom de Lakeside Packers, était payé 12 $ de l'heure, soit 26,25 $ en dollars de 2021. Le salaire de départ en 2021 est de 17,95 $ à 24,60 $ pour les emplois de production, selon le niveau de compétence et la formation et l'éducation requises. Les salaires restent très inférieurs aux niveaux antérieurs à la mondialisation néolibérale, malgré la longue bataille pour la syndicalisation et la grève militante de 2005 dans laquelle les travailleurs originaires du Soudan ont joué un rôle de premier plan.

L'élite dirigeante divise le peuple en catégories telles que les Canadiens, les travailleurs migrants ayant une voie vers la résidence permanente, les travailleurs migrants sans voie vers la résidence permanente, les travailleurs sans papiers confrontés à la mort civile, et ainsi de suite, afin de surexploiter ceux qui se voient accorder moins de droits.

Non seulement cette demande des géants de l'emballage et de la transformation de la viande doit-elle être rejetée, mais l'État canadien doit être tenu responsable de son rôle dans la traite des êtres humains et le déni des droits humains des travailleurs migrants. Le gouvernement Trudeau prétend offrir une « voie vers la résidence permanente » pour les travailleurs de ce secteur par le biais de programmes tels que le Programme d'immigration agroalimentaire. Cependant, ces programmes servent les besoins des riches pour attirer les travailleurs malgré leur horrible dossier d'abus et de négligence, alors que seuls quelques travailleurs seront acceptés comme résidents permanents. Cela montre la nécessité de régulariser immédiatement la situation de tous les migrants, réfugiés et sans-papiers dans le pays et de leur fournir un statut permanent dès maintenant, sans exception. La solution réside dans l'affirmation des droits de tous. Un statut pour toutes et tous ! est la revendication des travailleurs migrants, des organisations de défense des migrants et de la classe ouvrière canadienne.

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À titre d'information

Les travailleurs étrangers temporaires dans les usines de transformation de la viande

Le rapport « Travailleurs étrangers de l'industrie de la fabrication d'aliments au Canada » a été publié par Statistique Canada en avril 2021. Forum ouvrier offre un sommaire du rapport touchant à l'industrie de transformation de la viande. Pour l'étude intégrale, cliquez ici

https://www.cpcml.ca/francais/Images2019/Slogans/NonAuTraficDEtresHumains2.JPGSelon le rapport, le terme « travailleur étranger » désigne « un résident temporaire qui travaille au Canada et qui reçoit un feuillet T4 (État de la rémunération payée) d'un employeur de l'industrie de la fabrication d'aliments. Cela englobe les résidents temporaires qui sont autorisés à travailler avec un permis de travail (p. ex. en vertu du Programme des travailleurs étrangers temporaires [PTET] ou du Programme de mobilité internationale [PMI]), ainsi que ceux qui sont autorisés à travailler sans permis (p. ex. les demandeurs d'asile), certains titulaires de permis d'études et ceux qui détiennent un autre type de permis, à l'exception des visas de visiteurs. Les résidents permanents ne sont pas considérés comme des travailleurs étrangers ».

Selon le rapport, il y avait 3 800 travailleurs étrangers temporaires dans le secteur de la transformation de la viande en 2017, soit 3,9 % de tous les travailleurs. Les « travailleurs étrangers » dans l'industrie de transformation de la viande sont principalement des hommes (76 %) et 88 % ont moins de 45 ans et plus de la moitié moins de 35 ans. Près de 90 % travaillent dans des usines ayant plus de 100 travailleurs. Ils sont concentrés dans les provinces des Prairies (43 %) et au Québec (33 %). La majorité d'entre eux ne sont pas recrutés par le PTET, mais par le Programme de mobilité internationale.[1]

Le rapport révèle un énorme écart de salaire entre les « travailleurs étrangers » et tous les travailleurs au Canada. Dans toutes les industries, les « travailleurs étrangers » constituent 2,9 % de tous les travailleurs mais ne gagnent que 1,6 % de leur salaire. Dans la transformation de la viande, ils représentent 3,9 % de tous les travailleurs, mais ne gagnent que 2,4 % de toutes les rémunérations.

La résidence permanente

Une autre donnée importante du rapport est le déclin du nombre de travailleurs étrangers temporaires qui obtiennent le statut de résidence permanente. Le rapport couvre la période de 2005 à 2017.

Le rapport a examiné le cas des travailleurs qui ont obtenu leur premier permis de travail entre 2005 et 2013. Il a trouvé que près des deux tiers (63,2 %) de la cohorte d'entrée de 2005 a fait la transition vers le statut de résident permanent à un moment donné entre son année d'entrée et 2018, la fin de la période d'observation. En outre, 49,5 % de la cohorte de 2005 a effectué une transition au cours des cinq premières années depuis son arrivée et 23 %, au cours des deux premières années suivant son arrivée au Canada. En revanche, seulement 41,7 % de la cohorte de 2013 a fait la transition vers le statut de résident permanent au cours des cinq premières années suivant son arrivée (soit de 2014 à 2018), et seulement 5,4 %, au cours des deux premières années.

Ceci met en évidence l'impact qu'a eu la « règle de 4 ans » imposée par le gouvernement Harper en 2014 en vertu de laquelle le permis de travail d'un travailleur étranger temporaire était échu après qu'il avait travaillé au Canada pendant quatre ans et qu'il ne pouvait par la suite obtenir un nouveau permis de travailleur avant quatre ans. Bien que le gouvernement Trudeau ait retiré cette règle, il a été totalement indifférent à la situation des travailleurs qui se sont retrouvés sans papiers à cause de cette règle. Nous ne savons pas combien de travailleurs sans-papiers demeurent au Canada dont l'emploi n'est pas reflété dans le rapport de Statistique Canada, puisqu'ils travaillent dans « l'économie parallèle ».

https://cpcml.ca/images2020/Rights/200822-Mtl-StatutMigrantRefugie08-LML.jpgCompétences transformation alimentaire Canada (CTAC) a mené un sondage d'information sur le marché du travail pour l'industrie canadienne de transformation de la viande.[2] Selon le sondage, il y avait 60 000 travailleurs dans l'industrie de transformation de la viande et 7 300 postes vacants. En 2017, 1 800 travailleurs (ou 3 % de la population active) ont été embauchés par le biais du PTET. Les travailleurs étrangers temporaires, ainsi que les immigrants et réfugiés récents, représentent 13 % de la main-d'oeuvre de l'industrie.

Le rapport conclut : « Nonobstant le succès obtenu par les employeurs avec le PTET, personne ne considère que c'est une panacée (i.e. c'est très dispendieux et inaccessible pour la plupart des compagnies). C'est plutôt perçu comme une mesure improvisée face à un problème chronique. Les employeurs se tournent plutôt vers la migration à la fois domestique et internationale pour répondre aux besoins de main-d'oeuvre, revitaliser leurs communautés et développer leurs entreprises. »

Cette déclaration indique que malgré le recrutement de travailleurs étrangers temporaires par les géants mondiaux de transformation de la viande de façon importante pendant plus de 15 ans, ceux-ci ont toujours un gros roulement de personnel à cause des conditions de travail et des salaires inacceptables qui sont le propre de l'industrie sous la mondialisation néolibérale. Bien qu'ils jurent vouloir de l'immigration et non des travailleurs étrangers temporaires, les monopoles de la transformation de la viande continuent de revendiquer un nombre croissant de travailleurs migrants, et la tendance est que moins de travailleurs, et non plus de travailleurs, deviennent des résidents permanents.

Notes:

1. Les Programmes de mobilité internationale comprennent les conjoints de « travailleurs qualifiés » qui viennent au Canada via les programmes d'Entrée express, des travailleurs en voie d'obtenir leur résidence permanente, les conjoints d'étudiants internationaux et des participants aux programmes d'échange internationaux tels qu'Expérience internationale Canada (EIC) qui fournit des « visas de vacances et de travail » pour les jeunes des pays suivants : Australie, Autriche, Belgique, Chili, Costa Rica, Croatie, République Tchèque, Danemark, Estonie, France, Allemagne, Grèce, Hong Kong, Irlande, Italie, Japon, Corée (République de), Lettonie, Lituanie, Mexique, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pologne, Portugal, Saint Marin, Slovaquie, Espagne, Suède, Suisse, Taïwan, Ukraine et Royaume-Uni.

2. Pour le sondage sur le marché du travail de Compétences transformation alimentaire du Canada, cliquez ici.

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Le Programme pilote sur l'agroalimentaire

Le gouvernement Trudeau a mis en oeuvre le Programme pilote sur l'agroalimentaire en mai 2020, en tant que programme qui « offre une voie vers la résidence permanente pour les travailleurs expérimentés non saisonniers dans certaines industries et professions ». Le programme est plafonné à un maximum de 2 750 demandeurs principaux en plus des membres de leur famille par an pendant trois ans, les demandes étant acceptées jusqu'au 14 mai 2023. Le Québec possède un programme similaire pour un maximum de 550 demandeurs par an pendant une période de cinq ans.

Le projet pilote est ouvert uniquement aux travailleurs qui ont déjà travaillé pendant au moins un an dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires comme travailleurs agricoles non saisonniers, y compris dans le domaine de la production en serre et de la production de champignons, en tant que bouchers, découpeurs de viande au détail, en gros et dans l'industrie, poissonniers, préparateurs de volaille ou en tant que manoeuvres dans la transformation des aliments et des boissons.

Les candidats doivent également satisfaire le niveau 4 au titre des Niveaux de compétence linguistique canadiens en anglais ou en français et être titulaires d'un diplôme d'études secondaires ou de niveau supérieur (équivalence canadienne). Les candidats qui vivent actuellement au Canada doivent conserver leur statut de résident temporaire pendant le traitement de leur demande de résidence permanente

Les employeurs qui utilisent le programme auront accès à une étude d'impact sur le marché du travail (EIMT) d'une durée de deux ans. Les entreprises de transformation de la viande devront décrire leurs plans pour aider le travailleur étranger temporaire à obtenir la résidence permanente. Les transformateurs de viande syndiqués devront fournir une lettre d'appui de leur syndicat, alors que les transformateurs de viande non syndiqués devront satisfaire à des exigences supplémentaires pour  assurer que la main-d' uvre et les travailleurs migrants sont protégés, indique Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

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