Forum ouvrier

Numéro 90 - 1er octobre 2021

Québec

Le gouvernement adopte un régime antiouvrier de santé et sécurité au travail


Manifestation devant l'Assemblée nationale lors de l'adoption du projet de loi 59,
le 30 septembre 2021

Une nouvelle loi qui interdit les manifestations devant les établissements de santé et les écoles - Pierre Chénier
Ce que contient la Loi 105



Québec

Le gouvernement adopte un régime antiouvrier
de santé et sécurité au travail

Le 30 septembre, près de 500 travailleurs et travailleuses ont manifesté devant l'Assemblée nationale à Québec pour rejeter la Loi 59 de démantèlement du régime de santé et de sécurité du travail, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, au moment où elle était en train d'être adoptée à 72 voix en faveur, 44 contre et aucune abstention.

Les travailleurs de toutes les centrales syndicales du Québec étaient représentés. Y participaient notamment des Métallos, des travailleurs de la construction, des débardeurs de Montréal, des travailleurs du chantier maritime de la Davie à Lévis, des cols bleus de Montréal, des travailleurs de la santé et d'autres secteurs. L'union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM) y était aussi, avec une forte délégation.

Le porte-parole de l'UTTAM a bien exprimé la position de tous les participants lorsqu'il a dit dans ses brèves remarques à la manifestation : « Il faut tous et toutes qu'on se souvienne de ce qui s'est passé ici aujourd'hui à l'Assemblée nationale où un parti qui a obtenu 37 % du vote aux dernières élections s'est donné le droit de bouleverser nos régimes de santé et de sécurité, d'arracher des droits aux travailleuses et aux travailleurs alors que toutes les organisations qui les représentent sont contre cette loi et que les partis d'opposition ont voté contre. Il n'y a aucun consensus, c'est inacceptable qu'il ait passé par-dessus tout cela et on continue de se battre pour nos droits. »

Le sentiment de tous était que les travailleurs rejettent que le pouvoir décisionnel en ce qui concerne la santé et la  sécurité des travailleurs soit contrôlé par les intérêts privés. Dans une discussion avec un militant du Centre ouvrier du Parti, un représentant en prévention du Syndicat des débardeurs du port de Montréal a expliqué que la remise de la sécurité entre les mains des employeurs est un recul énorme et inacceptable qui met en danger la vie même des travailleurs.

Pendant ce temps, la veille de l'adoption du projet de loi 59, le ministre du Travail Jean Boulet affirmait une fois de plus que ce sont les intérêts privés qui doivent faire la loi. Il a dit : « L'une des façons retenues pour assurer l'efficacité des mécanismes de prévention et de participation est la possibilité d'implanter des programmes multiétablissements. En effet, l'approche multiétablissements permet à un employeur de déployer un même programme de prévention à plusieurs endroits sous sa responsabilité. Cela lui permet d'être plus efficient s'il possède plus d'un établissement dans son entreprise. La décision d'utiliser le multiétablissements revient à l'employeur puisque c'est lui qui est responsable de la gestion de la santé et de la sécurité dans ses établissements. Il en est imputable. »

Les travailleurs rejettent cette affirmation et ce diktat irresponsables. À la manifestation, ils ont clairement exprimé qu'ils rejettent cette loi et que la seule réponse possible est l'intensification de la défense de leur droit à des conditions de travail salubres et sécuritaires.

La défense des droits est la défense des vies !

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Une nouvelle loi qui interdit les manifestations
devant les établissements de santé et les écoles


Les travailleurs de la santé du Québec manifestent le 9 juillet 2020 devant leur endroit de travail pour défendre leurs droits et ceux de leurs patients dans les conditions de la COVID-19.

Le 23 septembre, le gouvernement Legault a adopté à toute vapeur, à l'unanimité de tous les députés moins une abstention, la Loi 105, Loi établissant un périmètre aux abords de certains lieux afin d'encadrer les manifestations en lien avec la pandémie de la COVID-19.

Pour que la loi soit adoptée en quelques heures, avec l'accord de tous les partis, le gouvernement a réduit de façon drastique la durée des étapes requises pour l'adoption d'une loi, limitant même le débat à l'Assemblée nationale à une période de 45 minutes pour l'adoption du principe de la loi et à une autre période de 45 minutes pour l'adoption de la loi.

Le gouvernement du Québec et les partis de l'Assemblée nationale ont cherché à justifier la loi comme étant une loi d'exception visant à protéger les enfants, les malades ainsi que les travailleurs de la santé et de l'éducation contre les manifestations de ceux qu'on appelle les antivax.

Le premier ministre François Legault a tenté de justifier la loi en disant : « Ce n'est pas vrai qu'on va accepter ça. Au moment où on manque cruellement d'infirmières dans notre réseau de la santé, on ne peut pas laisser une poignée de radicaux leur rendre la vie encore plus difficile. »

Cette loi n'est pas une loi d'exception et elle n'a rien à voir avec la protection des personnes vulnérables et des travailleurs. Elle est la continuation de ce qui est devenu la norme des gouvernements de la gouvernance par décret. Cette gouvernance a été renforcée à la faveur de la pandémie et cause d'énormes problèmes en empêchant les travailleurs d'exercer leur droit d'avoir une voix décisive dans la détermination des solutions des problèmes auxquels le système de santé fait face. Il ferme aussi la porte à toute voie de discussion rationnelle et informée sur les problèmes du système de santé et les solutions à lui apporter. Tout ce que ces gouvernements font, c'est recourir aux pouvoirs de police et créer toutes les divisions et tous les antagonismes possibles pour briser l'unité du peuple.

La déclaration du premier ministre qu'il est du côté des infirmières est invraisemblable quand on connaît l'histoire des gouvernements depuis trente ans, dont le sien. Ces gouvernements ont directement causé la démission en masse des infirmières sans parler de tous les problèmes de santé y compris de santé mentale qui les affectent et qui affectent l'ensemble du personnel de la santé. Leurs actions servent les intérêts privés étroits. Le gouvernement ne se reconnaît aucune responsabilité envers la population, qui comprend le financement adéquat du système de santé et du personnel et la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures qui comprennent la vaccination et d'autres mesures protectrices en coopération avec ceux qui soignent les patients.

Son attaque contre le personnel de la santé et de l'éducation, contre les parents inquiets et d'autres personnes, se voit au fait que sa loi interdit, dans un périmètre donné, toute manifestation en lien avec les mesures d'urgence sanitaire, et toute incitation sur les médias sociaux et autres pour de telles manifestations devant les établissements de santé et les institutions d'enseignement. Il s'agit d'un décret de plus pour empêcher la solution des problèmes mise de l'avant par ceux et celles qui fournissent les services, sous prétexte de contrer les extrémistes, les complotistes, etc.

Les travailleurs luttent pour calmer la situation en dénonçant ces décrets provocateurs et en unissant le peuple pour mettre de l'avant des revendications qui soutiennent des solutions aux problèmes qui bénéficient au peuple et à la société.

Forum ouvrier lance l'appel à tous à s'opposer à la perpétuation de la gouvernance par décret. Défendons tous le droit des travailleurs qui soignent la population et enseignent aux jeunes à avoir une voix décisive dans la détermination de ce qu'il faut faire pour assurer le bien-être et les droits de toutes et tous.

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Ce que contient la Loi 105

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  Le texte de la loi contient juste un peu plus de 500 mots.

On y lit, à l'article 1 :

« Il est interdit à quiconque de se trouver à moins de 50 mètres du terrain des lieux suivants afin de manifester, de quelque manière que ce soit, en lien avec les mesures sanitaires ordonnées en vertu de l'article 123 de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2), la vaccination contre la COVID-19 ou toute autre recommandation relative à la pandémie de la COVID-19 émise par les autorités de santé publique. »

Les lieux où s'applique la loi sont ceux où sont offerts des services de dépistage ou de vaccination contre la COVID-19, les établissements de santé et de services sociaux, les centres de la petite enfance et les garderies couvertes par la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance et les établissements d'enseignement de niveau préscolaire, primaire ou secondaire, de formation professionnelle, de formation générale aux adultes et de niveau collégial.

Cela signifie que toute manifestation en rapport avec les mesures d'urgence sanitaire décrétées par le gouvernement est interdite dans un périmètre de 50 mètres entourant ces lieux. Cela comprend par exemple toute manifestation que les travailleurs voudraient organiser contre les arrêtés ministériels du gouvernement qui déclarent nulles et non avenues des pans entiers des conventions collectives et les conditions de travail négociées par le personnel de la santé par exemple. Ou toute protestation envers le manque de conditions sécuritaires dans la santé ou l'éducation.

De plus, la loi « interdit à quiconque d'organiser ou d'inciter à organiser une manifestation qui contreviendrait à l'article 1 ». La ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault a dit que cela comprend par exemple quelqu'un qui critiquerait le gouvernement sur les médias sociaux pour ses mesures d'urgence sanitaire et inviterait à manifester devant ces lieux.

La loi prévoit des amendes allant de 1 000 $ à 6 000 $ à quiconque y contrevient.

Elle comprend aussi une disposition selon laquelle « quiconque menace ou intimide une personne qui se rend dans un endroit visé à l'article 1, tente d'y accéder ou en sort commet une infraction et est passible d'une amende de 2 000 $ à 12 000 $ ». L'intimidation, qui n'est pas définie, peut viser quelqu'un qui se trouve dans un de ces établissements et fait de l'agitation contre les mesures d'urgence sanitaire, un travailleur par exemple.

La loi comprend aussi cette feuille de vigne selon laquelle elle ne doit pas être interprétée comme ayant pour effet d'interdire des manifestations en lien avec les conditions de travail du personnel des endroits visés par les interdictions de manifester devant les lieux.

En fait, les conditions de travail sont étroitement liées avec les mesures dites d'urgence sanitaire et ce seront donc les pouvoirs arbitraires de l'État qui vont déterminer s'il existe un lien ou non.

La loi prévoit aussi qu'un juge de la Cour supérieure peut accorder une injonction pour empêcher tout acte interdit par la loi.

La loi cesse officiellement d'avoir effet le 23 octobre prochain mais elle peut être prolongée aux 30 jours par décret selon le bon vouloir du gouvernement, comme il le fait avec le décret ministériel d'urgence sanitaire depuis le 30 mars 2020. Elle cessera d'être en vigueur lorsque le gouvernement mettra fin à son décret ministériel d'urgence sanitaire.

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