Forum ouvrier

Numéro 85 - 20 septembre 2021

Préoccupations des travailleurs que les gouvernements
et les élections n'abordent pas

Le gouvernement ne protège pas les régimes de retraite des travailleurs

Ce que révèle l'aggravation des conditions en Alberta - Kevan Hunter
La gouvernance par décret ne fera qu'aggraver la crise du système de santé de la Saskatchewan - Barbara Biley


Préoccupations des travailleurs que les gouvernements
et les élections n'abordent pas

Le gouvernement ne protège pas les régimes
de retraite des travailleurs

La section locale 9700 du Syndicat des Métallos représente les travailleurs de l'aluminerie ABI de Bécancour

Mon profond malaise avec cette élection, et la façon dont elle se passe, c'est que les travailleurs, ou les électeurs, dont la majorité sont des travailleurs, sont utilisés comme des pantins pour des fins de propagande, comme une statistique de sondage, pour que des partis arrivent au pouvoir ou restent au pouvoir. On ne les écoute pas. On ne prend pas en note leurs besoins. On va dans le sens contraire de ce que le peuple demande de ses gouvernements. Si on suit les débats, on voit jusqu'à quel point les élections sont déconnectées et loin de nos besoins et de nos préoccupations.

http://cpcml.ca/images2018/WorkersEconomy/PensionsBenefits/Slogans/170501-MontrealPremierMai-56cr.jpgUne des sérieuses préoccupations des travailleurs, c'est la défense de leurs régimes de retraite. Par exemple, cela fait des années que les Métallos et d'autres organisations syndicales militent pour que les travailleurs soient parmi les premiers créanciers, avec leurs régimes de retraite, lorsque les entreprises déclarent faillite. Il y a beaucoup de travailleurs qui ont perdu 30 ou 40 % et même plus de leur régime de retraite dans ces cas-là. C'est un problème qui perdure depuis de nombreuses années et encore aujourd'hui ce n'est toujours pas réglé.

Un sérieux problème auquel nous faisons face, c'est que les lois canadiennes encadrent mal les entreprises. Prenons le cas d'Aléris, cette usine de transformation d'aluminium qui était au Cap-de-la-Madeleine ici à Trois-Rivières. Aléris était une filiale de la multinationale du même nom aux États-Unis mais elle était une entité légale indépendante au Canada. Ce qui s'est passé c'est que la multinationale américaine a siphonné les profits et a laissé des déficits dans les régimes de retraite des travailleurs canadiens. Le gouvernement lui a permis de ne pas renflouer les déficits du régime de retraite. Pendant toutes ces années les profits sont allés à la maison-mère qui existe encore. En 2009, l'entité canadienne a été déclarée en faillite. La multinationale américaine n'a reconnu aucune obligation envers les travailleurs canadiens, qui ont perdu leurs indemnités de départ et une portion énorme de leur régime de retraite. Je connais deux anciens travailleurs d'Aléris, un de 28 ans d'ancienneté et l'autre de 25 et ils ont perdu chacun 42 % de leur régime de retraite. Et tout cela a été déclaré légal. Voilà des responsabilités dont les entreprises se détournent, de manière légale ou en forçant la main parfois.

Nous sommes dans la même situation ici à ABI. L'aluminerie ABI est une entité des multinationales étrangères Alcoa et Rio Tinto. Elle est toutefois considérée comme une entité canadienne indépendante. Si demain matin, advenant par exemple que le marché de l'aluminium s'effondre, Alcoa et Rio Tinto décident de la mettre en faillite, ils ne seront pas redevables de ce qui va arriver aux travailleurs d'ABI. Alcoa et Rio Tinto n'auront pas à renflouer les déficits.

Les entreprises qui viennent investir ici au Québec et Canada connaissent les lois canadiennes et savent qu'elles ne protègent pas les travailleurs canadiens. Souvent, elles viennent s'établir ici, prennent des subventions, mais l'entité est déclarée par la loi comme étant indépendante même si ce n'est pas le cas. Tout le monde sait que ces entités sont la propriété de ces multinationales et que ce sont elles qui prennent les décisions. Le gouvernement canadien ne légifère pas assez strictement pour défendre les travailleurs. C'est cela qu'on dénonce depuis longtemps et qui doit changer. C'est un problème que le gouvernement canadien ne veut pas aborder.

Et pendant les élections, ce problème n'est même pas soulevé.

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Ce que révèle l'aggravation des conditions en Alberta

Le gouvernement Kenney est enfin sorti de sa cachette pour présenter un certain nombre de mesures au moment même où nos travailleurs de la santé, nos hôpitaux et nos unités de soins intensifs sont au point de rupture. Nos écoles, par contre, ont été largement laissées à elles-mêmes.

L'Alberta a actuellement les taux les plus élevés de COVID-19 de toute l'Amérique du Nord. À l'heure actuelle, une personne est tenue de s'isoler si elle est malade ou si elle a un test positif, et c'est tout. Mais on ne peut pas se faire tester pour la COVID-19 à moins que les symptômes soient considérés comme graves, ou qu'ils soient liés à une éclosion, ce qui n'est pas la même chose que d'avoir été en contact étroit avec une personne dont le test est positif. Tout cela, alors que seulement 61 % des 72 % de la population âgée de 12 ans et plus sont entièrement vaccinés.

Nous savons maintenant que les personnes totalement vaccinées peuvent toujours transmettre la COVID-19 mais sont souvent asymptomatiques, et il en va de même pour les enfants. Cela signifie que le dépistage des personnes asymptomatiques n'a jamais été aussi important. Au lieu de mettre cela en place, le gouvernement a réduit les tests de dépistage aux seules personnes qui présentent des symptômes graves. Les hôtels où les gens pouvaient s'isoler si nécessaire pour assurer la sécurité de leur famille ont été fermés. Les employeurs ne sont pas obligés de payer les congés de maladie. Le gouvernement passe de l'offre de 100 dollars aux personnes pour qu'elles se fassent vacciner (un échec total) aux passeports vaccinaux, alors qu'on ignore le besoin réel d'instituer des mesures de protection tous azimuts et d'assurer le personnel, les salaires et des conditions de travail adéquats pour toutes et tous.

Pour ce qui est de nos écoles, le gouvernement de l'Alberta a publié une carte qui montre les éclosions connues, mais le lien vers ce site est défectueux. Les enseignants et les parents s'informent auprès de Support Our Students, une organisation de défense de l'éducation publique composée de bénévoles, qui signale, qu'en date du 18 septembre, 59 écoles ont des éclosions. Une éclosion est déclarée lorsque 10 % ou plus des élèves d'une école sont absents en raison d'une maladie respiratoire.

En cas d'éclosion, les parents reçoivent un courriel qui les en informe. Ce n'est qu'à ce moment-là que les élèves et le personnel peuvent se faire dépister.

Lorsque les cas atteignent le point où les unités de soins intensifs sont sur le point d'être complètement débordées, quelqu'un actionne un interrupteur et divers services sont fermés. Lorsque les cas de COVID-19 reviennent à un niveau arbitrairement acceptable, ils sont rouverts.

En plus de cela, les enseignants de l'Alberta doivent composer avec un nouveau programme d'étude qui a été presque universellement rejeté. Les conseils scolaires ne le piloteront pas. Les enseignants l'ont absolument rejeté. Des dizaines de milliers de personnes ont rejoint des groupes en ligne pour discuter du type de programme d'étude qui est nécessaire. Elles exigent que soit déclaré mort et enterré le programme raciste, xénophobe, antidémocratique, bâclé, plagié et non professionnel du Parti conservateur uni, qui a été bricolé d'une manière qui suggère que ceux qui l'ont rédigé n'ont jamais rencontré un enfant de leur vie.

Manifestation devant l'Assemblée législative de l'Alberta contre le nouveau
programme d'étude proposé

Nous pouvons résumer la situation comme suit. Ceux qui se sont montrés inaptes à gouverner continuent d'utiliser leurs pouvoirs de police ou arbitraires d'une manière qui met en danger la vie des Albertains, tandis que les travailleurs continuent de faire des efforts herculéens pour assurer la sécurité de tous et d'exiger les mesures dont ils ont besoin, mais qu'ils n'ont pas le pouvoir d'instaurer et faire respecter. Partout où ils le peuvent et chaque fois qu'ils le peuvent, les travailleurs assument en fait les fonctions de l'autorité publique, identifient les problèmes et apportent des solutions. Ce qu'il faut c'est renouveler le processus politique pour que les travailleurs puissent parler et agir en leur propre nom, et non assumer le fardeau de gérer une crise dont trente ans d'offensive antisociale ont prouvé qu'elle est insoutenable.

C'est précisément la raison pour laquelle nous faisons face à la crise actuelle du système néolibéral : les travailleurs ne peuvent plus supporter le fardeau d'encaisser l'anarchie, le chaos et la violence que l'élite dirigeante, ses partis de cartel et ses agences d'État ont imposés à la société en raison de ses arrangements et stratagèmes pour payer les riches.

La pandémie ne fait que révéler la nécessité de renouveler la démocratie. De plus en plus, elle incite les travailleurs à parler en leur propre nom sur cette nécessité afin qu'ils puissent mettre en place les mesures nécessaires pour faire face à cette crise. Ils ne peuvent pas continuer à colmater les brèches là où le gouvernement ne fait pas son devoir.

Ce sont les travailleurs de la santé, les enseignants, les travailleurs des usines de transformation de la viande, les postiers, les travailleurs de la vente au détail, les travailleurs du pétrole, les fermiers qui, avec les peuples autochtones et d'autres, travaillent pour gagner leur vie qui ont montré qu'on pouvait leur faire confiance pour défendre les droits de toutes et tous. Pourquoi voudrions-nous remettre la prise de décision entre les mains de quelqu'un d'autre ? Faire face à des problèmes n'est pas nouveau. Ce dont nous avons besoin, ce sont des mesures qui investissent le peuple du pouvoir de décider afin qu'il soit capable d'apporter à ces problèmes des solutions qui le favorise au lieu de favoriser les riches.

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La gouvernance par décret ne fera qu'aggraver la crise du système de santé de la Saskatchewan


Rassemblement contre la réimposition du décret ministériel en vertu des pouvoirs d'urgence
qui ordonne le redéploiement des travailleurs de la santé, le 14 septembre 2021

Les travailleurs de la santé de la Saskatchewan dénoncent le gouvernement qui impose un décret ministériel en vertu de ses pouvoirs d'urgence qui lui permettra encore une fois de redéployer des milliers de travailleurs de la santé de leur emploi normal. Le décret d'urgence a réintroduit une lettre d'entente qui avait été négociée par le passé entre l'Autorité de la santé de la Saskatchewan (SHA) et les syndicats et qui est arrivée à échéance en juillet.

Le Syndicat des employés du gouvernement de la Saskatchewan (SGEU), le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) et le Syndicat international des employés de service (UIES-Ouest), qui ensemble représentent plus de 30 000 travailleurs de la santé, ont dénoncé le décret du gouvernement imposé au beau milieu des négociations entre les syndicats et la SHA pour une mise à jour de la lettre d'entente.

La lettre d'entente précédente qui avait été conclue par voie de négociation correspondait à la situation qui prévalait dans les premiers mois de la pandémie. Elle est arrivée à échéance en juillet lorsque le gouvernement provincial a levé le décret de la santé publique ainsi que toutes les restrictions et mesures liées à la pandémie. Les négociations visant à renouveler la lettre d'entente pour prendre en compte les conditions actuelles ont commencé le 9 septembre mais, dès le lendemain, le gouvernement a menacé d'imposer un décret d'urgence le 13 septembre qui imposerait la lettre d'entente qui avait déjà été négociée, ce qu'il a fait.

L'UIES-Ouest a souligné dans une déclaration le 15 septembre que depuis juillet, lorsque toutes les mesures de santé publique ont pris fin, les taux de vaccination ont ralenti et les cas de COVID-19 et d'hospitalisations se sont accrus pour atteindre des niveaux sans précédent. Les négociations pour une nouvelle lettre d'entente étaient nécessaires pour prendre en compte la nouvelle situation et le fait que « les travailleurs de la santé à tous les niveaux ont fait face à des surcharges de travail sans précédent et que des membres du personnel ont souffert de burn out et de fatigue chronique. Des négociations pour une nouvelle lettre d'entente auraient assuré une mobilité du travail tout en s'attaquant aux problèmes que les travailleurs de la santé doivent endurer dans leur prestation des soins ».

La présidente du SGEU, Tracey Sauer, a dit que « c'est inacceptable que le premier ministre refuse de mettre en oeuvre même les mesures les plus fondamentales et de gros bon sens comme le port du masque à l'intérieur pour le grand public. Par contre, il est tout à fait prêt à exiger encore des sacrifices de la part des travailleurs de la santé qui se sont déjà donnés sans compter et dans des conditions extrêmes au cours des 18 derniers mois ».

Le gouvernement provincial a finalement réintroduit le port du masque obligatoire le 16 septembre.

Neil Colmin, le vice-président de l'UIES-Ouest, a dit que de toute évidence « le premier ministre jette le blâme sur les travailleurs de la santé et les menace pour les défaillances dans le système de santé dues à l'inaction de son gouvernement ».

Selon le communiqué de presse du 13 septembre du gouvernement de la Saskatchewan, l'ordre ministériel a été imposé en raison des besoins du système de santé, qui sont « urgents et immédiats », et le communiqué se termine avec cette déclaration du ministre de la Santé Paul Merriman : « Nous apprécions le leadership de la SHA, de ses affiliés, des syndicats et de tous les travailleurs de la santé et nous savons qu'ils s'acharnent tous à résoudre les problèmes et à travailler ensemble pour répondre aux défis posés par la pandémie ».

Les travailleurs de la santé ne peuvent pas continuer d'assumer le fardeau de la crise du système parce qu'ils n'en peuvent plus. Ils sont au bout de leur rouleau. En les remerciant, le ministre les encourage en fait à continuer de faire ce qui n'est pas viable et cela ne résout aucun problème auquel le système de santé est confronté. Cela crée aussi une diversion qui suggère qu'en n'appliquant pas les règles imposées de manière arbitraire, les travailleurs de la santé ne sont pas coopératifs, solidaires et ainsi de suite. C'est inacceptable. Ce sont les conditions qui sont en conflit avec l'autorité. C'est l'autorité qui ne répond pas.

Les actions du gouvernement, y compris les décrets ministériels, empêchent de « résoudre les problèmes et de travailler ensemble pour répondre aux défis posés par la pandémie ». Il faut répondre aux besoins des travailleurs de la santé pour qu'ils puissent prodiguer les soins que les gens requièrent. Tout au long de la pandémie, ils n'ont rien épargné pour assumer leur responsabilité sociale de protéger le public. On ne peut pas en dire autant du gouvernement de la Saskatchewan.

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