Numéro 85 - 20 septembre 2021
Préoccupations des travailleurs
que les gouvernements
et les élections n'abordent pas
Le gouvernement ne protège pas les
régimes de retraite des travailleurs
- Éric Drolet, président de la
section locale 9700 du Syndicat des
Métallos -
• Ce
que révèle l'aggravation des conditions en
Alberta
- Kevan Hunter
• La gouvernance par
décret ne fera qu'aggraver la crise du système
de santé de la Saskatchewan
- Barbara Biley
Préoccupations des travailleurs
que les gouvernements
et les élections n'abordent pas
- Éric Drolet, président de la
section locale 9700 du Syndicat des Métallos
-
La section locale 9700
du Syndicat des Métallos représente les
travailleurs de l'aluminerie ABI de Bécancour
Mon profond malaise avec cette élection, et la
façon dont elle se passe, c'est que les
travailleurs, ou les électeurs, dont la majorité
sont des travailleurs, sont utilisés comme des
pantins pour des fins de propagande, comme une
statistique de sondage, pour que des partis
arrivent au pouvoir ou restent au pouvoir. On ne
les écoute pas. On ne prend
pas en note leurs besoins. On va dans le sens
contraire de ce que le peuple demande de ses
gouvernements. Si on suit les débats, on voit
jusqu'à quel point les élections sont déconnectées
et loin de nos besoins et de nos préoccupations.
Une
des sérieuses préoccupations des travailleurs,
c'est la défense de leurs régimes de retraite. Par
exemple, cela fait des années que les Métallos et
d'autres organisations syndicales militent pour
que les travailleurs soient parmi les premiers
créanciers, avec leurs régimes de retraite,
lorsque les entreprises déclarent faillite. Il y a
beaucoup de
travailleurs qui ont perdu 30 ou 40 % et
même plus de leur régime de retraite dans ces
cas-là. C'est un problème qui perdure depuis de
nombreuses années et encore aujourd'hui ce n'est
toujours pas réglé.
Un sérieux problème auquel nous faisons face,
c'est que les lois canadiennes encadrent mal les
entreprises. Prenons le cas d'Aléris, cette usine
de transformation d'aluminium qui était au
Cap-de-la-Madeleine ici à Trois-Rivières. Aléris
était une filiale de la multinationale du même nom
aux États-Unis mais elle était une entité légale
indépendante au Canada. Ce qui s'est passé c'est
que la multinationale américaine a siphonné les
profits et a laissé des déficits dans les régimes
de retraite des travailleurs canadiens. Le
gouvernement lui a permis de ne pas renflouer les
déficits du régime de retraite. Pendant toutes ces
années les profits sont allés à la maison-mère qui
existe encore.
En 2009, l'entité canadienne a été déclarée
en faillite. La multinationale américaine n'a
reconnu aucune obligation envers les travailleurs
canadiens, qui ont perdu leurs indemnités de
départ et une portion énorme de leur régime de
retraite. Je connais deux anciens travailleurs
d'Aléris, un de 28 ans d'ancienneté et
l'autre de 25 et
ils ont perdu chacun 42 % de leur régime
de retraite. Et tout cela a été déclaré légal.
Voilà des responsabilités dont les entreprises se
détournent, de manière légale ou en forçant la
main parfois.
Nous sommes dans la même situation ici à ABI.
L'aluminerie ABI est une entité des
multinationales étrangères Alcoa et Rio Tinto.
Elle est toutefois considérée comme une entité
canadienne indépendante. Si demain matin, advenant
par exemple que le marché de l'aluminium
s'effondre, Alcoa et Rio Tinto décident de la
mettre en faillite, ils ne
seront pas redevables de ce qui va arriver aux
travailleurs d'ABI. Alcoa et Rio Tinto n'auront
pas à renflouer les déficits.
Les entreprises qui viennent investir ici au
Québec et Canada connaissent les lois canadiennes
et savent qu'elles ne protègent pas les
travailleurs canadiens. Souvent, elles viennent
s'établir ici, prennent des subventions, mais
l'entité est déclarée par la loi comme étant
indépendante même si ce n'est pas le cas. Tout le
monde sait que ces entités
sont la propriété de ces multinationales et que ce
sont elles qui prennent les décisions. Le
gouvernement canadien ne légifère pas assez
strictement pour défendre les travailleurs. C'est
cela qu'on dénonce depuis longtemps et qui doit
changer. C'est un problème que le gouvernement
canadien ne veut pas aborder.
Et pendant les élections, ce problème n'est même
pas soulevé.
- Kevan Hunter -
Le gouvernement Kenney est enfin sorti de sa
cachette pour présenter un certain nombre de
mesures au moment même où nos travailleurs de la
santé, nos hôpitaux et nos unités de soins
intensifs sont au point de rupture. Nos écoles,
par contre, ont été largement laissées à
elles-mêmes.
L'Alberta a actuellement les taux les plus élevés
de COVID-19 de toute l'Amérique du Nord. À l'heure
actuelle, une personne est tenue de s'isoler si
elle est malade ou si elle a un test positif, et
c'est tout. Mais on ne peut pas se faire tester
pour la COVID-19 à moins que les symptômes soient
considérés comme graves, ou qu'ils soient liés
à une éclosion, ce qui n'est pas la même chose que
d'avoir été en contact étroit avec une personne
dont le test est positif. Tout cela, alors que
seulement 61 % des 72 % de la
population âgée de 12 ans et plus sont
entièrement vaccinés.
Nous savons maintenant que les personnes
totalement vaccinées peuvent toujours transmettre
la COVID-19 mais sont souvent asymptomatiques, et
il en va de même pour les enfants. Cela signifie
que le dépistage des personnes asymptomatiques n'a
jamais été aussi important. Au lieu de mettre cela
en place, le gouvernement a réduit les tests de
dépistage aux seules personnes qui présentent des
symptômes graves. Les hôtels où les gens pouvaient
s'isoler si nécessaire pour assurer la sécurité de
leur famille ont été fermés. Les employeurs ne
sont pas obligés de payer les congés de maladie.
Le gouvernement passe de l'offre de 100
dollars aux personnes pour qu'elles se
fassent vacciner (un échec total) aux passeports
vaccinaux, alors qu'on ignore le besoin réel
d'instituer des mesures de protection tous azimuts
et d'assurer le personnel, les salaires et des
conditions de travail adéquats pour toutes et
tous.
Pour ce qui est de nos écoles, le gouvernement de
l'Alberta a publié une carte qui montre les
éclosions connues, mais le lien vers ce site est
défectueux. Les enseignants et les parents
s'informent auprès de Support Our Students, une
organisation de défense de l'éducation publique
composée de bénévoles, qui signale, qu'en date du
18 septembre, 59 écoles ont des éclosions. Une
éclosion est déclarée lorsque 10 % ou
plus des élèves d'une école sont
absents en raison d'une maladie respiratoire.
En cas d'éclosion, les parents reçoivent un
courriel qui les en informe. Ce n'est qu'à ce
moment-là que les élèves et le personnel peuvent
se faire dépister.
Lorsque les cas atteignent le point où les unités
de soins intensifs sont sur le point d'être
complètement débordées, quelqu'un actionne un
interrupteur et divers services sont fermés.
Lorsque les cas de COVID-19 reviennent à un niveau
arbitrairement acceptable, ils sont rouverts.
En plus de cela, les enseignants de l'Alberta
doivent composer avec un nouveau programme d'étude
qui a été presque universellement rejeté. Les
conseils scolaires ne le piloteront pas. Les
enseignants l'ont absolument rejeté. Des dizaines
de milliers de personnes ont rejoint des groupes
en ligne pour discuter du type de programme
d'étude qui
est nécessaire. Elles exigent que soit déclaré
mort et enterré le programme raciste, xénophobe,
antidémocratique, bâclé, plagié et non
professionnel du Parti conservateur uni, qui a été
bricolé d'une manière qui suggère que ceux qui
l'ont rédigé n'ont jamais rencontré un enfant de
leur vie.
Manifestation devant l'Assemblée législative de
l'Alberta contre le nouveau
programme d'étude
proposé
Nous pouvons résumer la situation comme suit.
Ceux qui se sont montrés inaptes à gouverner
continuent d'utiliser leurs pouvoirs de police ou
arbitraires d'une manière qui met en danger la vie
des Albertains, tandis que les travailleurs
continuent de faire des efforts herculéens pour
assurer la sécurité de tous et d'exiger les
mesures dont ils ont
besoin, mais qu'ils n'ont pas le pouvoir
d'instaurer et faire respecter. Partout où ils le
peuvent et chaque fois qu'ils le peuvent, les
travailleurs assument en fait les fonctions de
l'autorité publique, identifient les problèmes et
apportent des solutions. Ce qu'il faut c'est
renouveler le processus politique pour que les
travailleurs puissent parler et agir en
leur propre nom, et non assumer le fardeau de
gérer une crise dont trente ans d'offensive
antisociale ont prouvé qu'elle est insoutenable.
C'est
précisément la raison pour laquelle nous faisons
face à la crise actuelle du système
néolibéral : les travailleurs ne peuvent plus
supporter le fardeau d'encaisser l'anarchie, le
chaos et la violence que l'élite dirigeante, ses
partis de cartel et ses agences d'État ont imposés
à la société en raison de ses arrangements et
stratagèmes pour
payer les riches.
La pandémie ne fait que révéler la nécessité de
renouveler la démocratie. De plus en plus, elle
incite les travailleurs à parler en leur propre
nom sur cette nécessité afin qu'ils puissent
mettre en place les mesures nécessaires pour faire
face à cette crise. Ils ne peuvent pas continuer à
colmater les brèches là où le gouvernement ne fait
pas son
devoir.
Ce sont les travailleurs de la santé, les
enseignants, les travailleurs des usines de
transformation de la viande, les postiers, les
travailleurs de la vente au détail, les
travailleurs du pétrole, les fermiers qui, avec
les peuples autochtones et d'autres, travaillent
pour gagner leur vie qui ont montré qu'on pouvait
leur faire confiance pour défendre les droits
de toutes et tous. Pourquoi voudrions-nous
remettre la prise de décision entre les mains de
quelqu'un d'autre ? Faire face à des
problèmes n'est pas nouveau. Ce dont nous avons
besoin, ce sont des mesures qui investissent le
peuple du pouvoir de décider afin qu'il soit
capable d'apporter à ces problèmes des solutions
qui le favorise au lieu
de favoriser les riches.
- Barbara Biley -
Rassemblement contre la réimposition du décret
ministériel en vertu des pouvoirs d'urgence
qui ordonne le redéploiement des travailleurs de
la santé, le 14 septembre 2021
Les travailleurs de la santé de la Saskatchewan
dénoncent le gouvernement qui impose un décret
ministériel en vertu de ses pouvoirs d'urgence qui
lui permettra encore une fois de redéployer des
milliers de travailleurs de la santé de leur
emploi normal. Le décret d'urgence a réintroduit
une lettre d'entente qui avait été négociée par le
passé entre l'Autorité de la
santé de la Saskatchewan (SHA) et les syndicats et
qui est arrivée à échéance en juillet.
Le Syndicat des employés du gouvernement de la
Saskatchewan (SGEU), le Syndicat canadien de la
fonction publique (SCFP) et le Syndicat
international des employés de service
(UIES-Ouest), qui ensemble représentent plus
de 30 000 travailleurs de la santé, ont
dénoncé le
décret du gouvernement imposé au beau milieu des
négociations entre les syndicats et la SHA pour
une mise à jour de la lettre d'entente.
La lettre d'entente précédente qui avait été
conclue par voie de négociation correspondait à la
situation qui prévalait dans les premiers mois de
la pandémie. Elle est arrivée à échéance en
juillet lorsque le gouvernement provincial a levé
le décret de la santé publique ainsi que toutes
les restrictions et mesures liées à la pandémie.
Les négociations visant à
renouveler la lettre d'entente pour prendre en
compte les conditions actuelles ont commencé
le 9 septembre mais, dès le lendemain, le
gouvernement a menacé d'imposer un décret
d'urgence le 13 septembre qui imposerait la
lettre d'entente qui avait déjà été négociée, ce
qu'il a fait.
L'UIES-Ouest a souligné dans une déclaration
le 15 septembre que depuis juillet, lorsque
toutes les mesures de santé publique ont pris fin,
les taux de vaccination ont ralenti et les cas de
COVID-19 et d'hospitalisations se sont accrus pour
atteindre des niveaux sans précédent. Les
négociations pour une nouvelle lettre d'entente
étaient nécessaires
pour prendre en compte la nouvelle situation et le
fait que « les travailleurs de la santé à tous les
niveaux ont fait face à des surcharges de travail
sans précédent et que des membres du personnel ont
souffert de burn out et de fatigue chronique. Des
négociations pour une nouvelle lettre d'entente
auraient assuré une mobilité du travail tout en
s'attaquant aux
problèmes que les travailleurs de la santé doivent
endurer dans leur prestation des soins ».
La
présidente du SGEU, Tracey Sauer, a dit que «
c'est inacceptable que le premier ministre refuse
de mettre en oeuvre même les mesures les plus
fondamentales et de gros bon sens comme le port du
masque à l'intérieur pour le grand public. Par
contre, il est tout à fait prêt à exiger encore
des sacrifices de la part des travailleurs de la
santé qui se sont déjà donnés sans compter et dans
des conditions extrêmes au cours des 18
derniers mois ».
Le gouvernement provincial a finalement
réintroduit le port du masque obligatoire le 16
septembre.
Neil Colmin, le vice-président de l'UIES-Ouest, a
dit que de toute évidence « le premier ministre
jette le blâme sur les travailleurs de la santé et
les menace pour les défaillances dans le système
de santé dues à l'inaction de son
gouvernement ».
Selon le communiqué de presse du 13
septembre du gouvernement de la Saskatchewan,
l'ordre ministériel a été imposé en raison des
besoins du système de santé, qui sont « urgents et
immédiats », et le communiqué se termine avec
cette déclaration du ministre de la Santé Paul
Merriman : « Nous apprécions le leadership de
la SHA, de ses
affiliés, des syndicats et de tous les
travailleurs de la santé et nous savons qu'ils
s'acharnent tous à résoudre les problèmes et à
travailler ensemble pour répondre aux défis posés
par la pandémie ».
Les travailleurs de la santé ne peuvent pas
continuer d'assumer le fardeau de la crise du
système parce qu'ils n'en peuvent plus. Ils sont
au bout de leur rouleau. En les remerciant, le
ministre les encourage en fait à continuer de
faire ce qui n'est pas viable et cela ne résout
aucun problème auquel le système de santé est
confronté. Cela crée aussi une diversion qui
suggère qu'en n'appliquant pas les règles imposées
de manière arbitraire, les travailleurs de la
santé ne sont pas coopératifs, solidaires et ainsi
de suite. C'est inacceptable. Ce sont les
conditions qui sont en conflit avec l'autorité.
C'est l'autorité qui ne répond pas.
Les actions du gouvernement, y compris les
décrets ministériels, empêchent de « résoudre les
problèmes et de travailler ensemble pour répondre
aux défis posés par la pandémie ». Il faut
répondre aux besoins des travailleurs de la santé
pour qu'ils puissent prodiguer les soins que les
gens requièrent. Tout au long de la
pandémie, ils n'ont rien épargné pour assumer leur
responsabilité sociale de protéger le public. On
ne peut pas en dire autant du gouvernement de la
Saskatchewan.
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