Numéro 75 - 27 août 2021
Condamnons les gouvernements pour
leur refus de traiter
les chômeurs avec dignité et respect
Un moyen d'existence viable pour
tous les chômeurs !
- Pierre Chénier -
Entrevues
• Line Sirois,
coordonnatrice d'Action-Chômage Côte-Nord
• France Simard,
coordonnatrice du Mouvement Action Chômage
Lac-Saint-Jean
Condamnons les gouvernements pour
leur refus
de traiter les chômeurs avec dignité et respect
- Pierre Chénier -
Pour la période de l'élection fédérale, les
travailleurs, les organisations de défense des
chômeurs et les syndicats du Québec, du
Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard
intensifient la lutte pour une réforme prosociale
du régime de l'assurance-emploi (AE). Ils ont
formé une coalition pour organiser des actions
pendant et après les élections fédérales afin de
défendre les droits des chômeurs.
La
pandémie a, entre autres, mis en évidence les
effets de plus de trois décennies d'offensive
antisociale menée par les gouvernements
néolibéraux qui ont démoli le régime
d'assurance-emploi déjà inadéquat. Pendant ces
années, les gouvernements successifs ont intégré
les fonds de l'assurance-emploi aux recettes
générales où ils sont mis à la disposition de
stratagèmes pour payer les riches. Ils ont diminué
le montant des prestations perçues et ont réduit
l'admissibilité des travailleurs aux prestations
d'assurance-emploi à un point tel qu'aujourd'hui,
seulement environ 40 % des chômeurs peuvent avoir
accès à l'assurance-emploi. L'accès à
l'assurance-emploi a été délibérément rendu
extrêmement difficile, voire impossible, pour les
travailleurs à temps partiel, précaires,
saisonniers, dits autonomes, migrants et bien
d'autres. En même temps, le montant versé et la
durée des prestations ont été réduits par toutes
sortes de stratagèmes, rendant les prestations
insuffisantes pour permettre aux travailleurs qui
touchent des prestations de l'assurance-emploi de
vivre dans la dignité. L'abandon des travailleurs
à leur sort est devenu la norme de
l'assurance-emploi dans le cadre de l'offensive
antisociale qui nie les droits du peuple et lui
cause des torts considérables.
La pandémie de la COVID-19 a mis en lumière la
destruction de l'AE et son incapacité à gérer les
pertes massives d'emplois survenues au plus fort
de la crise de manière à maintenir un niveau de
vie adéquat pour les chômeurs. Parmi les mesures
d'urgence mises en place, beaucoup ont en fait été
conçues pour maintenir et augmenter les profits
des entreprises privées pendant la crise. En ce
qui concerne le régime de l'assurance-emploi, les
critères d'admissibilité ont été considérablement
assouplis, le seuil d'heures de travail
nécessaires pour être admissible a été abaissé et
la durée de la période de prestations a été
prolongée. Le nombre de personnes recevant des
prestations d'AE a augmenté.
Ces mesures spéciales de l'AE
prennent fin à la fin du mois de septembre. Le
discours de relations publiques à double sens des
gouvernements, des médias et des porte-parole des
monopoles, selon lequel il faut « un retour
à la normale » est accompagné d'avertissements que
le maintien de « programmes sociaux généreux »
compromettra la « reprise après la pandémie », «
découragera davantage les bénéficiaires d'aller
travailler » et augmentera la « pénurie de
main-d'oeuvre ». C'est cruellement anti-peuple.
Cela accroît l'angoisse ressentie par de
nombreuses personnes qui ne peuvent exercer aucun
contrôle sur leur vie.
Les travailleurs rejettent cette propagande
antiouvrière et antisociale avec un mépris total. Le
« retour à la normale » et le « retour au comme
avant » est un retour au cauchemar des programmes
sociaux en ruine et à l'incapacité de la société à
faire face à des crises telles que la pandémie et à
des crises de l'emploi qui sont le résultat de la
restructuration de l'économie et du traitement
des travailleurs comme étant remplaçables. Les
travailleurs défendent les droits qui leur
appartiennent en tant que producteurs de la richesse
de la société à laquelle ils ont une réclamation et
en tant qu'êtres humains qui ont le droit de vivre
dignement.
Les travailleurs s'organisent pour s'assurer que la
soi-disant reprise après la pandémie n'est pas
utilisée pour bloquer une alternative centrée sur
l'être humain qui affirme les droits et la dignité
de tous. Ils luttent pour ouvrir la voie à une
nouvelle direction pour l'économie et pour toutes
les affaires de la société. Le « retour au
comme avant » est la dernière chose que les
Canadiens souhaitent et la dernière chose que la
société peut se permettre.
Tout en oeuvre pour défendre les
droits et la dignité de tous les chômeurs !
Entrevues
Forum ouvrier : Quelle est
la situation des travailleurs saisonniers en ce
moment en ce qui concerne l'accès à
l'assurance-emploi ?
Représentants de cinq groupes membres de
la coalition interprovinciale devant les
bureaux de l'AE à Forestville, 30 juin
2021
|
Line Sirois : Présentement,
les saisonniers sont un peu mal pris. En ce
moment, le gouvernement est en train de changer
les mesures d'urgence par une autre sorte de
mesures, qui est 420 heures de travail pour
tous pour être admissibles à l'assurance-emploi à
partir de la fin du mois de septembre. Là-dessus,
on est
content, que tout le monde soit égal du point de
vue des heures requises pour être admissibles à
l'assurance-emploi. Par contre, on va revenir
comme avant, c'est-à-dire que le nombre de
semaines de prestations que tu reçois dépend du
taux de chômage en vigueur dans chaque région. La
Côte-Nord est jumelée avec d'autres régions
administratives
qui ne connaissent pas l'industrie saisonnière, ce
qui fait que le taux de chômage officiel de
l'ensemble de la région est plus bas que ce qu'il
est réellement sur la Côte-Nord. Chez nous,
présentement, le taux de chômage serait en bas
de 6 %. Cela veut dire qu'un travailleur
de l'industrie saisonnière va recevoir
entre 14
et 19 semaines de prestations, au lieu
de 50 comme c'est le cas présentement. Si le
taux de chômage sur la Côte-Nord est bas, cela est
dû non pas parce que l'emploi a repris et qu'on a
créé de l'emploi, mais au vieillissement de la
population qui crée des taux de chômage
artificiellement bas. Il y a de moins en moins de
population
active entre 16 et 64 ans qui vit sur la
Côte-Nord.
Il y avait une bonne mesure de 420 heures
pour 50 semaines de prestations, c'était une
bonne mesure pour les travailleurs parce qu'on
était encore en pandémie. En fait, la pandémie
n'est pas derrière nous. La pandémie est encore
présente. Le tourisme international n'est pas là,
les Européens qui habituellement viennent en
touristes
ici ne sont pas là. On voit déjà qu'il y a
plusieurs entreprises qui vont fermer leurs
portes.
Les gens se demandent quoi faire, parce que le
trou noir va revenir, cette période où les gens
n'ont pas le droit à de l'assurance-emploi. C'est
dramatique. Je reçois plein de coups de téléphone,
les gens ne savent pas ce qui va leur arriver.
C'est vraiment ça la problématique chez nous,
c'est sur ce clou là qu'on veut taper.
FO : Quelles sont vos
revendications dans ces conditions ?
LS : Ce qu'on demande c'est
clair, et on ne le demande pas juste pour les
saisonniers. On va arrêter de donner à un pour ne
pas donner à l'autre. On demande 420 heures
et 35 semaines de prestations pour tout le
monde, que tout le monde soit égal. On doit
arrêter de montrer du doigt qu'un chômeur qui
demande des prestations à chaque année est un
profiteur du système. C'est faux.
On veut que tout le monde soit traité également,
et que tous reçoivent l'assurance-emploi, qu'ils
soient travailleurs saisonniers, ou à temps
partiel, ou toute autre catégorie de travailleurs.
Présentement nous sommes en train de bâtir une
grande coalition interprovinciale formée de
groupes de chômeurs et de syndicats de l'Est du
Canada. En ce moment, la coalition
interprovinciale rassemble des groupes de chômeurs
du Saguenay-Lac-St-Jean, de la Côte-Nord, du
Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, du
Nouveau-Brunswick et de
l'Île-du-Prince-Édouard en plus de nombreux
représentants syndicaux de la CSN et de la FTQ.
Nous avons tenu une action commune le 30
juin, une action simple mais qui a fait couler
beaucoup d'encre. Chaque comité, peu importe où il
était, a fait un gâteau à l'occasion de la Fête du
Canada et on a distribué des parts de gâteau
devant les
bureaux de Service Canada, en précisant par contre
que personne n'avait le coeur à la fête, afin de
sensibiliser la population aux problèmes actuels
de l'assurance-emploi.
C'est-là dessus que nous allons travailler
pendant la campagne électorale, pas juste au
Québec mais avec d'autres pour faire valoir nos
revendications. Nous voulons obtenir dès
maintenant du gouvernement du Canada une réforme
de l'assurance-emploi. Pour nous, le temps n'est
plus à la discussion et aux consultations, le
temps est à l'action.
Nous allons tenir d'autres actions de mobilisation
dans la période qui vient.
Action au Saguenay, 30 juin 2021
Forum ouvrier : Est-ce que
le déclenchement des élections a un impact sur
votre campagne pour un régime de
l'assurance-emploi (AE) juste et universel ?
France Simard : La pandémie a
démontré à quel point l'assurance-emploi est
désuète. Il faut qu'il y ait une réforme en
profondeur du système. Nous participons à une
campagne en temps que membre du Masse, le
Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi.
Nos revendications sont simples et claires, sauf
qu'avec
les élections nous avons beaucoup
d'interrogations. Le gouvernement fédéral avait
établi une consultation à l'été, en même temps
cela fait des années qu'on leur dit que ça ne
fonctionne plus, alors pourquoi faire une
consultation au lieu de se mettre au travail,
s'asseoir ensemble, travailler ensemble sur du
concret. Ils ont mis en ligne un sondage.
Pour ce qui est du reste, tout est arrêté, tout
est sur la glace avec les élections. Nous avons
déposé des mémoires à la ministre et au comité
HUMA (Comité permanent des ressources humaines, du
développement des compétences, du développement
social et de la condition des personnes
handicapées). Est-ce que tout cela va se ramasser
sur une
tablette, et on va recommencer à zéro avec un
nouveau gouvernement ?
FO : Quelles sont les
revendications du MASSE dans cette campagne ?
FS : Notre première
revendication c'est un seuil d'admissibilité
unique à 350 heures ou 13 semaines. Nous
voulons éviter que ceux qui travaillent à temps
partiel n'aient pas droit à l'assurance-emploi.
Nous voulons inclure tout le monde dans le régime
d'assurance-emploi. La deuxième revendication
c'est un
taux de prestations d'au moins 70 % du
salaire assurable, basé sur les 12 meilleures
semaines de travail, au lieu du taux pré-pandémie
de 55 % du salaire basé sur un nombre de
semaines pouvant varier entre 14 et 22
semaines pour la détermination des meilleures
semaines. La troisième revendication est un
plancher minimum de 35 semaines de
prestations. On sait que les travailleurs
saisonniers sont victimes d'un trou noir qui est
de plus en plus grand et de plus en plus
dramatique pour toute cette industrie saisonnière.
L'industrie saisonnière existe partout au Canada,
et il faut que les gouvernements finissent par
comprendre que c'est une
condition particulière, que ce ne sont pas les
travailleurs qui sont saisonniers mais c'est
l'emploi qui est saisonnier. On a besoin d'un
plancher de 35 semaines de prestations
minimum pour tous, et avec ce plancher on
éliminerait le trou noir.
Nous demandons toujours l'abolition des
exclusions totales. Si un travailleur perd son
travail par
départ volontaire ou inconduite, on veut que le
régime les inclue eux aussi. L'exclusion totale
des prestations de l'assurance-emploi pour ces
travailleurs est une mesure extrême, et c'est ce
qui se produit en ce moment.
La cinquième est l'accès aux prestations
régulières d'assurance-chômage, en cas de perte
d'emploi, sans égard aux prestations
maternité/parentales/paternité versées. Les femmes
qui viennent d'accoucher et qui perdent leur
emploi pendant leur période de prestations de RQAP
(Régime québécois d'assurance parentale) ou tout
de suite après n'ont
plus le droit à rien. Si elles perdent leur emploi
ce n'est pas leur faute. C'est de la
discrimination envers les femmes et envers les
hommes aussi parce qu'il y a des hommes qui
reçoivent des prestations parentales et de
paternité.
Il est plus que temps d'établir un régime
d'assurance-emploi juste et universel. Dans mon
travail, je porte une grande attention aux
travailleurs indépendants, je devrais plutôt dire
les faux travailleurs indépendants. Ils font face
à énormément de difficultés. D'un côté on leur dit
que leur emploi est assurable, sur la base d'un
long questionnaire
qui examine par exemple qui décide de leurs
heures, quel investissement ils ont dans
l'entreprise, etc Ils doivent alors cotiser au
régime, et de l'autre côté on leur refuse
l'assurance-empoi parce qu'ils sont des
travailleurs indépendants. Nous avons un grand
nombre de ces travailleurs dans la région.
Il faut qu'on avance, et avec les élections qui
sont déclenchées, on se demande s'il faut
recommencer au début. Un éternel recommencement,
avec chaque changement de gouvernement, ou de
ministre, qui ne connaît pas le dossier, etc
Nous avons besoin d'un régime d'assurance-emploi
juste et universel, qui est là pour aider les gens
et non pour leur nuire.
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