Numéro 41 - 7 mai 2021
Les travailleurs du Québec se font entendre
sur les questions
de santé et de sécurité
À l'occasion de la Journée de
commémoration, les travailleurs s'opposent aux
réformes néolibérales
du régime de la santé et de la sécurité
• Sonner
l'alarme pour souligner la crise dans le secteur
de la santé
au Québec - Pierre Soublière
• L'exemple d'OPTILAB
Les travailleurs du Québec se font
entendre sur les questions
de santé et de sécurité
Action pour souligner la Journée de
commémoration à Gatineau, le 28
avril 2021
Comme expression d'unité dans l'action face au
projet de loi 59 antisocial et antiouvrier du
gouvernement du Québec pour « moderniser la santé
et la sécurité dans les endroits de
travail », des actions ont été organisées
partout au Québec lors de la Journée de
commémoration le 28 avril. Le projet de
loi 59 impose une réforme complète du régime
de santé et de sécurité du Québec sans que les
travailleurs ou leurs organisations de défense
aient voix au chapitre. Le projet de loi comprend
des changements par lesquels les employeurs
épargneront des millions de dollars en refusant
aux travailleurs accidentés l'indemnisation qui
leur revient.
Dans l'Outaouais, plusieurs syndicats
représentant les principaux secteurs de l'économie
sociale ont organisé un événement à midi devant un
centre de soins de longue durée de Gatineau qui,
comme plusieurs autres, a été durement frappé par
la première et la deuxième vague de la pandémie.
Il s'agit de l'endroit de travail du premier
travailleur connu à avoir succombé à la COVID-19
dans l'Outaouais, Sylvain Roy, un préposé aux
bénéficiaires de longue date.
Les porte-paroles ont
souligné que le 28 avril était une journée
pour rendre hommage à tous ceux et celles qui sont
tombés malades ou sont décédés de la COVID-19, et
tous ceux et celles qui ont souffert d'accidents
professionnels, d'épuisement ou de problèmes de
santé mentale, ainsi que pour exprimer la vive
opposition des travailleurs au projet de
loi 59. On a souligné qu'il était
particulièrement ironique que le gouvernement
Legault choisisse ces temps de pandémie, alors que
les travailleurs vivent de grands chambardements
et plusieurs mettent carrément leur vie en danger
pour fournir les services essentiels à la société,
pour adopter une loi qui attaque le droit des gens
de travailler dans un environnement sain et
sécuritaire. Comme l'a fait valoir un des
porte-paroles syndicaux, non seulement la santé et
la sécurité sont-elles une obligation pour les
employeurs, elles sont un droit fondamental pour
les travailleurs. Un porte-parole de
la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ) a dit que la santé
et la sécurité au travail doivent être une
priorité pour toute société moderne et que c'est
avant tout une question de dignité humaine.
Dans les actions qui ont été organisées à
l'échelle du Québec, l'opposition au projet de loi
59 a été très présente. Plusieurs orateurs ont
souligné que le document officiel du ministère du
Travail sur l'impact réglementaire du projet de
loi indique que cette réforme fera épargner 4
milliards de dollars sur 10 ans aux employeurs par
la réduction des traitements et de l'indemnisation
pour les travailleurs accidentés ou malades.
Ils ont aussi souligné que ce projet de loi
déréglemente tout ce qui est relié à la prévention
en la mettant sous le contrôle des employeurs.
Entre autres choses, les programmes de prévention
et de santé, les heures allouées à la prévention
et le fonctionnement des comités mixtes de
santé-sécurité seront laissés à la discrétion des
employeurs.
Ce démantèlement est qualifié de « modernisation
» du régime de santé et de sécurité au travail.
Le fait que ceci est présenté au moment où des
centaines de milliers de travailleurs risquent
leur santé et leur sécurité pour protéger le
public et l'aider à traverser la crise de la
pandémie montre tout le mépris que les
gouvernements néolibéraux comme le gouvernement
Legault ont envers les travailleurs.
En cette Journée de commémoration, les
travailleurs du Québec ont pris fermement position
à la défense de leur droit à des conditions de
travail salubres et sécuritaires et de leur droit
à avoir un mot décisif dans la détermination de
ces conditions et dans le traitement et
l'indemnisation des travailleurs accidentés et
devenus malades au travail.
- Pierre Soublière -
Les travailleurs de la santé et des services
sociaux au Québec continuent d'organiser des
actions pour informer les gens de leur situation.
Leur convention collective est arrivée à échéance
à la fin de mars 2020 et il n'y a eu aucun
développement dans les négociations. Non seulement
le gouvernement Legault ignore-t-il leurs
revendications, mais il ne prend aucunement en
compte les solutions qu'ils mettent de l'avant
pour améliorer le système de santé en temps de
pandémie et en tout temps.
Le gouvernement Legault tourne le dos aux graves
problèmes que ses arrêtés ministériels et diverses
mesures telles que la réduction des services ont
exacerbés, et continue de traiter de questions
sociales comme de questions de loi et d'ordre. Sa
réaction à l'une de ces actions des travailleurs,
des rassemblements le 31 mars sous le mot
d'ordre « On sonne l'alarme », l'illustre
bien. Les travailleurs ont organisé des
manifestations et d'autres actions pour se faire
entendre à l'occasion du premier anniversaire de
la fin de leur convention collective.
La réponse du gouvernement
Legault a été, par le biais de son comité patronal
de négociation, de faire appel au Tribunal
administratif du travail (TAT). Ce dernier,
prenant « sonner l'alarme » à la lettre, a
émis un avis le 30 mars pour indiquer quelles
alarmes étaient « autorisées » lors de cette
action, déclarant que « aucune cloche, cadran,
flûte, alarme d'incendie, ni tout autre instrument
bruyant ne seront utilisés ». Il a même
statué que ces alarmes devaient se limiter aux
cellulaires ou aux montres, et qu'ils ne devaient
pas être activés plus de quatre fois pour chacun
des salariés, pour une durée maximale de trente
secondes et à un volume raisonnable !
Mis à part l'absurdité de cette histoire, c'est
la raison mise de l'avant par le TAT qui est
préoccupante. Il prétend que son objectif est «
d'éviter les risques de porter préjudice aux
services publics de santé auxquels les usagers ont
droit » ainsi que d'éviter que soient menacés
« les soins de santé sécuritaires et continus
auxquels la population a droit ». Voilà ce
qui est le plus scandaleux.
Cette semaine, avant que les actions pour
souligner l'anniversaire n'aient lieu, le premier
ministre Legault a déclaré que concernant les
décisions touchant à la pandémie, il en assumait «
l'entière responsabilité ». Mais la
responsabilité n'est pas quelque chose à prendre à
la légère. Est-il prêt, lui et ses prédécesseurs,
à rendre des comptes pour toutes les mesures qui
ont causé et continuent de causer de terribles
souffrances et des décès évitables aux
travailleurs de la santé et aux personnes qu'ils
soignent ? Les travailleurs de la santé, et
les travailleurs en général, n'ont pas besoin des
tribunaux pour décider comment ils vont assumer
leurs responsabilités sociales. Ils l'ont montré à
maintes reprises, au risque de leur propre santé
et même de leur vie. Ceux au pouvoir doivent
rendre des comptes pour leur propre manque de
responsabilité sociale, si la « primauté du
droit » doit signifier quelque chose
aujourd'hui.
La centralisation des services de laboratoire du
Québec dans les grappes de biologie médicale
OPTILAB est un exemple parmi plusieurs de comment
le gouvernement du Québec n'assume pas sa
responsabilité sociale envers le réseau de la
santé, envers les personnes qui y travaillent et
celles qu'il est censé servir. OPTILAB a été créé
en 2017 sous Gaétan Barrette, l'ancien
ministre libéral de la Santé, en tant que
regroupement hautement centralisé de services de
biologie médicale. Les tests de laboratoire qui
étaient faits sur place dans les principaux
hôpitaux du Québec sont maintenant faits dans un
centre OPTILAB. Des résultats qu'on recevait en
quelques jours peuvent maintenant traîner pendant
plusieurs semaines.
Lorsque ces changements
pour centraliser les tests de laboratoire ont été
réalisés, les syndicats des travailleurs de la
santé du Québec et plusieurs médecins s'y sont
objectés sur la base que ce serait dangereux à la
fois pour les patients et pour les travailleurs.
Ils ont fait valoir l'importance de maintenir les
services de laboratoire communautaires et de
proximité afin de produire le plus rapidement
possible les résultats de tests pour les patients
admis à l'hôpital et dans les unités d'urgence.
Ils ont prévenu que cette mesure de centralisation
allait réduire la qualité des services et en
limiter l'accès à la population.
Le récent décès tragique d'un médecin du Saguenay
confirme leurs inquiétudes. Un médecin de trente
ans, Michael Proulx, est décédé en février après
avoir reçu un diagnostic de cancer des poumons de
stade quatre.
Le docteur Proulx a immédiatement été hospitalisé
à l'Institut universitaire de cardiologie et de
pneumologie de Québec (IUCPQ), où les spécialistes
ont proposé un traitement de chimiothérapie
d'urgence ainsi qu'une thérapie ciblée. Même si
l'institut disposait de la main-d'oeuvre, de
l'expertise et de l'équipement nécessaires pour
effectuer les tests requis pour déterminer le
traitement approprié dans l'espace de deux à trois
jours, ils n'étaient pas autorisés à le faire et
ont dû envoyer les spécimens à OPTILAB pour les
tests et attendre plusieurs semaines. Lorsque les
résultats sont revenus d'OPTILAB, le docteur
Proulx avait succombé à sa maladie. Les
spécialistes de l'IUCPQ et les membres de la
famille disent que les délais encourus en
attendant les résultats d'OPTILAB ont empêché le
recours à des traitements qui auraient pu sauver
sa vie. La frustration est d'autant plus grande
que le ministre de la Santé actuel avait récemment
dit aux médecins qui ne sont pas d'accord avec la
centralisation et craignent de graves impacts sur
les soins des patients qu'ils vont devoir « vivre
avec ».
Le personnel médical et la famille ont
l'impression que « tout n'a pas été fait »
pour aider le docteur Proulx. La commissaire
québécoise de la santé et du bien-être a récemment
fait une déclaration qui va dans le même sens. Au
sujet des vies perdues dans les CHSLD, elle a
affirmé que des vies auraient pu être sauvées
pendant la pandémie de la COVID-19 « si le système
de santé du Québec avait vraiment été orienté sur
les besoins de la population ».
Voilà la réalité de la soi-disant responsabilité
du gouvernement Legault face au système de santé
du Québec.
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