Numéro 30 - 19 avril 2021
Opposition massive au programme de science
rétrograde
du gouvernement albertain
Le principal objectif d'un programme de
science doit être de développer
une culture scientifique
- Dougal MacDonald, Ph. D. (Éducation) -
• Une
vaste opposition à l'ébauche du programme de
science du gouvernement Kenney
Les
enseignants du Québec font une grève d'une
journée
• Des efforts pour obtenir
une convention collective négociée
Opposition massive au programme de
science rétrograde
du gouvernement albertain
- Dougal MacDonald, Ph. D.
(Éducation) -
Le Parti conservateur uni (PCU) au pouvoir en
Alberta a récemment publié l'ébauche d'un nouveau
programme scolaire au primaire. Des éducateurs et
plusieurs autres critiquent vivement le programme
proposé en raison de son contenu inapproprié, son
parti pris politique réactionnaire, du fait qu'il
emprunte en partie le contenu d'un site américain,
et pour beaucoup d'autres raisons. Plus de 25
(sur un total de 61) conseils scolaires
albertains, y compris Edmonton et Calgary,
refusent d'en faire des projets pilotes.
Le 15 avril, l'Association des enseignants de
l'Alberta a demandé que le PCU cesse d'élaborer le
projet de programme d'études en attendant qu'il
soit réécrit et révisé.
L'ébauche
du PCU est un échec total et mérite sans doute
toutes les critiques qu'elle reçoit. En même
temps, dans la période actuelle, ce qu'il faut ce
sont des solutions. Par conséquent, la question
clé est : « Que devrait être le
programme ? ». Cette question doit aussi
comprendre : « Quel devrait être l'objectif
du programme ? ». Il s'agit là en effet
d'une question très vaste et en tant qu'enseignant
des sciences ayant une longue expérience
d'enseignement, je vais me limiter ici à discuter
de ce que pourrait être un programme d'études en
sciences.
La pandémie actuelle a une fois de plus mis en
lumière l'importance d'une culture scientifique.
La plupart des gens se fient à l'expertise de
scientifiques d'expérience comme les spécialistes
en maladies infectieuses pour obtenir de
l'information fiable sur la COVID-19, comment elle
se propage, son niveau de dangerosité, quel
comportement adopter, ainsi de suite. Parfois
cette approche est présentée de façon sarcastique
en opposition à l'option peu reluisante consistant
à se fier aux élucubrations du premier venu choisi
au hasard sur les médias sociaux.
Si le développement de la culture scientifique
est l'objectif premier de l'éducation
scientifique, alors de quoi s'agit-il ? À une
certaine époque, il s'agissait simplement de
maîtriser un grand nombre de faits scientifiques
établis, par exemple la connaissance que les virus
sont des organismes vivants qui ne peuvent pas se
reproduire sans une cellule hôte. Selon ces
anciens critères, la culture scientifique se
limite à accumuler ici et là des bouts de
connaissances scientifiques, comme si quelqu'un se
préparait à un jeu questionnaire ayant pour thème
les sciences.
Dans la période actuelle, la culture scientifique
est définie sur la base d'une approche plus large.
Selon cette approche, l'essentiel est de faire le
lien entre la science et les phénomènes vécus par
l'étudiant (et par l'enseignant). L'emphase est
beaucoup plus sur l'importance que la science soit
comprise par ceux et celles qui ne poursuivront
pas des carrières dans les sciences. En un mot,
l'objectif de base est de former des citoyens
informés, socialement responsables et compétents
qui peuvent gérer adéquatement les problèmes
sociaux liés à la science auxquels nous faisons
tous face, par exemple, la pandémie.
Quels pourraient être certains des attributs de
cette personne ayant développé une culture
scientifique au cours des années ? Ils
pourraient être les suivants, selon, bien sûr, les
différents domaines scientifiques : la
personne base ses conclusions sur des preuves,
différencie les experts des personnes mal
informées, comprend comment fonctionne la science
et comment ses découvertes doivent être validées,
sait faire la différence entre la science et la
pseudoscience, peut analyser et traiter
l'information, reconnaît que les connaissances
scientifiques sont fiables, mais qu'elles peuvent
changer, peut faire la différence entre une
connaissance et une opinion, etc.
Il
va sans dire, assimiler les connaissances
scientifiques fera toujours partie de la culture
scientifique. Il est tout à fait impossible
d'aborder une question sociale à connotation
scientifique sans posséder la connaissance
pertinente. Par exemple, pour traiter de la
question de l'efficacité du port du masque pour
limiter la transmission du virus, il faut
absolument savoir comment les virus se propagent.
En même temps, le fait d'assimiler les
connaissances scientifiques en soi ne suffit pas.
En plus des connaissances scientifiques, l'autre
aspect non moins important de la culture
scientifique est de connaître les traits
distinctifs de la science elle-même, un sujet
souvent appelé « la nature de la science »,
plus précisément, comment la science «
s'effectue ». C'est ainsi parce qu'en dernier
recours ce qui est accepté comme connaissance
scientifique est basé sur les données provenant
d'études scientifiques fiables. Ces études doivent
passer sous l'oeil critique, en prenant en compte,
par exemple, la méthodologie, le contrôle des
variables, les conclusions tirées, etc.
En outre, les affirmations scientifiques doivent
être évaluées à la fois en termes de la validité
de leur contenu et de leur pertinence (ou pas) sur
une question donnée. Aussi, bien que les étudiants
doivent apprendre à exercer une certaine
indépendance intellectuelle dans l'évaluation
d'affirmations scientifiques, il est presque
inévitable de dépendre jusqu'à un certain point
des opinions d'experts scientifiques, même lorsque
les dits experts peuvent eux-mêmes être en
désaccord. Le fait d'enquêter sur ces raisons
mêmes sont une autre facette de la culture
scientifique.
Si la connaissance scientifique fiable provient
en fin de compte d'études de recherche
scientifiques, nous sommes plus souvent
qu'autrement exposés à de telles connaissances par
le biais de médias populaires plutôt que par le
biais de publications scientifiques. Les médias
populaires peuvent être peu fiables – ceux et
celles qui connaissent les médias sociaux en
savent quelque chose – donc les étudiants doivent
avoir à la fois une culture scientifique et
médiatique. Aussi, tout le monde doit prendre en
compte ses propres préjugés de confirmation,
c'est-à-dire, la tendance à rechercher
l'information qui vient confirmer l'opinion qu'on
s'est déjà forgée.
Le fait d'axer un programme scientifique sur la
culture scientifique offre un objectif et un
contexte globaux. Cela permet de lier la science
au vécu de l'étudiant et d'être en harmonie avec
l'éthique et la pratique actuelles de la science.
Pendant longtemps, l'approche pour améliorer un
programme de science était simplement de mettre à
jour le contenu de la matière des disciplines
scientifiques traditionnelles. Ce qui est plutôt
requis est de créer un programme d'études axé sur
l'utilisation de la science pour le bien commun,
sur une science qui n'est pas seulement au profit
de quelques privilégiés, mais de toute la société.
La revendication du peuple en Alberta d'avoir
son mot à dire sur le développement du programme
scolaire est devenue virale. Aux dernières
nouvelles, plus de 38 600 Albertains se sont
joints au groupe Albertans Reject Curriculum Draft
(Les Albertains rejettent l'ébauche de programme
scolaire). Le projet de programme scolaire a été
dénoncé par les autochtones, les organisations
francophones et des dizaines de milliers de
personnes. Les Albertains trouvent des façons de
faire signer des pétitions en dépit des
restrictions qui sont imposées par la COVID-19 (le
gouvernement de l'Alberta n'accepte pas les
pétitions en ligne) et prennent la parole avec des
commentaires mûrement réfléchis et incisifs.
Plusieurs personnes disent qu'elle vont se tenir
aux côtés des enseignants qui refusent de faire du
tort à leurs étudiants en enseignant ce programme
scolaire.
L'Association des enseignants de l'Alberta (ATA)
demande au gouvernement de l'Alberta de cesser
tout projet pilote et toute mise en oeuvre du
programme jusqu'à ce qu'un examen et une
réécriture indépendants, ouverts et complets
puissent avoir lieu.
L'Association a publié des annonces pleine page
dans les quotidiens de l'Alberta le 16 avril pour
lancer un appel à un moratoire et pour démontrer
son soutien aux conseils scolaires et aux
enseignants qui décident de ne pas participer au
projet pilote.
L'ATA a écrit:
« Les étudiants et les enseignants de l'Alberta
exigent un programme d'études approprié et
réalisable. Le gouvernement se fait dire haut et
fort que ce programme est inacceptable. Nous avons
maintenant besoin que le gouvernement annonce
l'arrêt de ses plans de mise en oeuvre et
définisse une nouvelle voie à suivre », a dit
le président de l'ATA Jason Schilling.
Jason Schilling a dit que l'Association appuie
les conseils scolaires qui ont décidé de ne pas
participer au projet pilote du programme d'études,
et il appelle toutes les autorités scolaires à
s'abstenir de demander à leurs enseignants de
participer au projet pilote.
Il écrit : « Les enseignants qui croient que
ce programme est mal fondé et potentiellement
préjudiciable à l'apprentissage des élèves ont la
responsabilité professionnelle et le droit moral
de refuser de participer à ce projet pilote
volontaire. Le gouvernement et les conseils
scolaires doivent respecter la décision de chaque
enseignant de ne pas participer au projet
pilote. »
Bien que le corps enseignant soit frustré d'être
exclu du processus d'élaboration des programmes,
Jason Schilling dit que les enseignants sont tout
à fait disposés à aider le gouvernement à une
réécriture qui reflète leur vaste expertise et
leurs connaissances.
« Nous nous engageons à appuyer l'élaboration
d'un programme d'études de haute qualité et, à
cette fin, l'ATA est prête à travailler de manière
constructive en partenariat avec le gouvernement
de l'Alberta. C'est la seule voie à suivre. Nous
avons juste besoin d'être invités », a
souligné Jason Schilling.
L'appel fait suite à la publication des résultats
de l'enquête préliminaire montrant
que 91 % des enseignants et
administrateurs scolaires sont mécontents du
projet de programme d'études, et trois enseignants
sur quatre ont déclaré qu'ils sont « très
mécontents ». L'enquête a également montré
que 90 % des enseignants du niveau
primaire se sentent mal à l'aise d'enseigner le
nouveau programme de la maternelle à la 6e
année, et 95 % des directeurs
d'établissement se sentent mal à l'aise d'appuyer
le programme d'études dans leur école et leur
communauté.
L'ATA invite les parents et le public préoccupés
par la version préliminaire du programme d'études
à appuyer la demande d'un moratoire et de son
réexamen en allant à
curriculum [thelearningteam.ca].
(Communiqué de presse de
l'Association des enseignants de l'Alberta, le
15 avril 2021)
Les enseignants du Québec font une
grève d'une journée
Les enseignants du Québec, 73 000
membres de la Fédération des syndicats de
l'enseignement et de l'Association provinciale des
enseignantes et enseignants du Québec, affiliés à
la Centrale des syndicats de l'enseignement (CSQ),
ont entrepris une grève nocturne qui a commencé à
minuit et s'est terminée à 9 h 30 le 14
avril. De vives manifestations ont eu lieu tôt le
matin devant plusieurs écoles partout au Québec.
La CSQ a annoncé que la prochaine grève aura lieu
le 27 avril et durera plusieurs heures.
Les enseignants demandent, entre autres, la
réduction de la taille des classes, l'appui aux
élèves ayant des besoins particuliers, un
financement adéquat dans les salles de classe, un
accès équitable à l'enseignement, à
l'apprentissage et à la technologie à distance,
que les tests et les évaluations soient
réexaminés, que la sécurité de tous et toutes soit
assurée dans le contexte de la COVID-19 et
au-delà, et la solidarité avec tous les
travailleurs en première ligne.
En réaction au recours à
la grève, les centres de services scolaires
(anciennement les commissions scolaires
françaises) et la Commission scolaire
English-Montréal ont déposé une demande auprès du
Tribunal administratif du travail (TAT) pour
contester la légalité de la grève du 14
avril, prétendant qu'elle était abusive. Ils ont
retiré leur demande le jour avant la grève et
annoncé que les enseignants devaient être présents
dans les écoles à 9 h 31 pour procéder à
l'enseignement en ligne. Les parents ont été
informés le jour avant la grève que l'enseignement
en ligne aurait lieu.
Il y a eu évidemment une confusion parmi les
parents sur comment appuyer les enseignants. Ce
n'était pas clair si le changement rapide vers
l'enseignement en ligne était une initiative
des enseignants pour réduire l'impact d'une
journée d'enseignement perdue ou une tactique de
la part des centres de services scolaires contre
la grève. Plusieurs ont discuté le matin même de
la grève et fait circuler des articles qui
disaient que le programme d'enseignement en ligne
était une initiative antigrève à laquelle les
centres de services scolaires ont eu recours à la
dernière minute. Des parents ont décidé que leur
enfant ne participerait pas au programme
d'apprentissage en ligne en guise d'appui aux
enseignants.
Les manigances de dernière minute des centres de
services scolaires sont inacceptables. Ils
savaient depuis deux semaines que la journée de
grève allait se tenir et c'est à la dernière
minute qu'ils ont demandé que les enseignants
soient prêts à donner des cours en ligne.
L'apprentissage en ligne est un outil pour
combattre la pandémie, pas les grèves. La pandémie
fait en sorte qu'il est encore plus difficile de
transmettre de l'information. Les mécanismes pour
appuyer les enseignants, avoir accès à
l'information et passer à l'action tout en
respectant les mesures de sécurité sont
primordiaux.
Une pétition circule portant le titre Nous
traçons la ligne pour redéfinir l'éducation.
Cliquez
ici pour la signer et la
partager (en anglais).
Les enseignants mènent une lutte cruciale pour la
qualité et l'intégrité de l'éducation publique.
Mettons tout en oeuvre pour appuyer cette
lutte !
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de
l'article.)
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