Forum ouvrier

Numéro 30 - 19 avril 2021

Opposition massive au programme de science rétrograde
du gouvernement albertain

Le principal objectif d'un programme de science doit être de développer
une culture scientifique

Une vaste opposition à l'ébauche du programme de science du gouvernement Kenney

Les enseignants du Québec font une grève d'une journée
Des efforts pour obtenir une convention collective négociée


Opposition massive au programme de science rétrograde
du gouvernement albertain

Le principal objectif d'un programme de science doit être de développer une culture scientifique

Le Parti conservateur uni (PCU) au pouvoir en Alberta a récemment publié l'ébauche d'un nouveau programme scolaire au primaire. Des éducateurs et plusieurs autres critiquent vivement le programme proposé en raison de son contenu inapproprié, son parti pris politique réactionnaire, du fait qu'il emprunte en partie le contenu d'un site américain, et pour beaucoup d'autres raisons. Plus de 25 (sur un total de 61) conseils scolaires albertains, y compris Edmonton et Calgary, refusent d'en faire des projets pilotes. Le 15 avril, l'Association des enseignants de l'Alberta a demandé que le PCU cesse d'élaborer le projet de programme d'études en attendant qu'il soit réécrit et révisé.

http://pmlq.qc.ca/images/2016/secteurpublic/160116-Montrea-ManifFAE-18.jpgL'ébauche du PCU est un échec total et mérite sans doute toutes les critiques qu'elle reçoit. En même temps, dans la période actuelle, ce qu'il faut ce sont des solutions. Par conséquent, la question clé est : « Que devrait être le programme ? ». Cette question doit aussi comprendre : « Quel devrait être l'objectif du programme ? ». Il s'agit là en effet d'une question très vaste et en tant qu'enseignant des sciences ayant une longue expérience d'enseignement, je vais me limiter ici à discuter de ce que pourrait être un programme d'études en sciences.

La pandémie actuelle a une fois de plus mis en lumière l'importance d'une culture scientifique. La plupart des gens se fient à l'expertise de scientifiques d'expérience comme les spécialistes en maladies infectieuses pour obtenir de l'information fiable sur la COVID-19, comment elle se propage, son niveau de dangerosité, quel comportement adopter, ainsi de suite. Parfois cette approche est présentée de façon sarcastique en opposition à l'option peu reluisante consistant à se fier aux élucubrations du premier venu choisi au hasard sur les médias sociaux.

Si le développement de la culture scientifique est l'objectif premier de l'éducation scientifique, alors de quoi s'agit-il ? À une certaine époque, il s'agissait simplement de maîtriser un grand nombre de faits scientifiques établis, par exemple la connaissance que les virus sont des organismes vivants qui ne peuvent pas se reproduire sans une cellule hôte. Selon ces anciens critères, la culture scientifique se limite à accumuler ici et là des bouts de connaissances scientifiques, comme si quelqu'un se préparait à un jeu questionnaire ayant pour thème les sciences.

Dans la période actuelle, la culture scientifique est définie sur la base d'une approche plus large. Selon cette approche, l'essentiel est de faire le lien entre la science et les phénomènes vécus par l'étudiant (et par l'enseignant). L'emphase est beaucoup plus sur l'importance que la science soit comprise par ceux et celles qui ne poursuivront pas des carrières dans les sciences. En un mot, l'objectif de base est de former des citoyens informés, socialement responsables et compétents qui peuvent gérer adéquatement les problèmes sociaux liés à la science auxquels nous faisons tous face, par exemple, la pandémie.

Quels pourraient être certains des attributs de cette personne ayant développé une culture scientifique au cours des années ? Ils pourraient être les suivants, selon, bien sûr, les différents domaines scientifiques : la personne base ses conclusions sur des preuves, différencie les experts des personnes mal informées, comprend comment fonctionne la science et comment ses découvertes doivent être validées, sait faire la différence entre la science et la pseudoscience, peut analyser et traiter l'information, reconnaît que les connaissances scientifiques sont fiables, mais qu'elles peuvent changer, peut faire la différence entre une connaissance et une opinion, etc.

http://www.pmlq.qc.ca/images/2016/secteurpublic/160116-Montrea-ManifFAE-24.jpgIl va sans dire, assimiler les connaissances scientifiques fera toujours partie de la culture scientifique. Il est tout à fait impossible d'aborder une question sociale à connotation scientifique sans posséder la connaissance pertinente. Par exemple, pour traiter de la question de l'efficacité du port du masque pour limiter la transmission du virus, il faut absolument savoir comment les virus se propagent. En même temps, le fait d'assimiler les connaissances scientifiques en soi ne suffit pas.

En plus des connaissances scientifiques, l'autre aspect non moins important de la culture scientifique est de connaître les traits distinctifs de la science elle-même, un sujet souvent appelé « la nature de la science », plus précisément, comment la science « s'effectue ». C'est ainsi parce qu'en dernier recours ce qui est accepté comme connaissance scientifique est basé sur les données provenant d'études scientifiques fiables. Ces études doivent passer sous l'oeil critique, en prenant en compte, par exemple, la méthodologie, le contrôle des variables, les conclusions tirées, etc.

En outre, les affirmations scientifiques doivent être évaluées à la fois en termes de la validité de leur contenu et de leur pertinence (ou pas) sur une question donnée. Aussi, bien que les étudiants doivent apprendre à exercer une certaine indépendance intellectuelle dans l'évaluation d'affirmations scientifiques, il est presque inévitable de dépendre jusqu'à un certain point des opinions d'experts scientifiques, même lorsque les dits experts peuvent eux-mêmes être en désaccord. Le fait d'enquêter sur ces raisons mêmes sont une autre facette de la culture scientifique.

Si la connaissance scientifique fiable provient en fin de compte d'études de recherche scientifiques, nous sommes plus souvent qu'autrement exposés à de telles connaissances par le biais de médias populaires plutôt que par le biais de publications scientifiques. Les médias populaires peuvent être peu fiables – ceux et celles qui connaissent les médias sociaux en savent quelque chose – donc les étudiants doivent avoir à la fois une culture scientifique et médiatique. Aussi, tout le monde doit prendre en compte ses propres préjugés de confirmation, c'est-à-dire, la tendance à rechercher l'information qui vient confirmer l'opinion qu'on s'est déjà forgée.

Le fait d'axer un programme scientifique sur la culture scientifique offre un objectif et un contexte globaux. Cela permet de lier la science au vécu de l'étudiant et d'être en harmonie avec l'éthique et la pratique actuelles de la science. Pendant longtemps, l'approche pour améliorer un programme de science était simplement de mettre à jour le contenu de la matière des disciplines scientifiques traditionnelles. Ce qui est plutôt requis est de créer un programme d'études axé sur l'utilisation de la science pour le bien commun, sur une science qui n'est pas seulement au profit de quelques privilégiés, mais de toute la société.

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Une vaste opposition à l'ébauche du programme de science du gouvernement Kenney

La revendication du peuple en Alberta d'avoir son mot à dire sur le développement du programme scolaire est devenue virale. Aux dernières nouvelles, plus de 38 600 Albertains se sont joints au groupe Albertans Reject Curriculum Draft (Les Albertains rejettent l'ébauche de programme scolaire). Le projet de programme scolaire a été dénoncé par les autochtones, les organisations francophones et des dizaines de milliers de personnes. Les Albertains trouvent des façons de faire signer des pétitions en dépit des restrictions qui sont imposées par la COVID-19 (le gouvernement de l'Alberta n'accepte pas les pétitions en ligne) et prennent la parole avec des commentaires mûrement réfléchis et incisifs. Plusieurs personnes disent qu'elle vont se tenir aux côtés des enseignants qui refusent de faire du tort à leurs étudiants en enseignant ce programme scolaire.

L'Association des enseignants de l'Alberta (ATA) demande au gouvernement de l'Alberta de cesser tout projet pilote et toute mise en oeuvre du programme jusqu'à ce qu'un examen et une réécriture indépendants, ouverts et complets puissent avoir lieu.

L'Association a publié des annonces pleine page dans les quotidiens de l'Alberta le 16 avril pour lancer un appel à un moratoire et pour démontrer son soutien aux conseils scolaires et aux enseignants qui décident de ne pas participer au projet pilote.

L'ATA a écrit:

« Les étudiants et les enseignants de l'Alberta exigent un programme d'études approprié et réalisable. Le gouvernement se fait dire haut et fort que ce programme est inacceptable. Nous avons maintenant besoin que le gouvernement annonce l'arrêt de ses plans de mise en oeuvre et définisse une nouvelle voie à suivre », a dit le président de l'ATA Jason Schilling.

Jason Schilling a dit que l'Association appuie les conseils scolaires qui ont décidé de ne pas participer au projet pilote du programme d'études, et il appelle toutes les autorités scolaires à s'abstenir de demander à leurs enseignants de participer au projet pilote.

Il écrit : « Les enseignants qui croient que ce programme est mal fondé et potentiellement préjudiciable à l'apprentissage des élèves ont la responsabilité professionnelle et le droit moral de refuser de participer à ce projet pilote volontaire. Le gouvernement et les conseils scolaires doivent respecter la décision de chaque enseignant de ne pas participer au projet pilote. »

Bien que le corps enseignant soit frustré d'être exclu du processus d'élaboration des programmes, Jason Schilling dit que les enseignants sont tout à fait disposés à aider le gouvernement à une réécriture qui reflète leur vaste expertise et leurs connaissances.

« Nous nous engageons à appuyer l'élaboration d'un programme d'études de haute qualité et, à cette fin, l'ATA est prête à travailler de manière constructive en partenariat avec le gouvernement de l'Alberta. C'est la seule voie à suivre. Nous avons juste besoin d'être invités », a souligné Jason Schilling.

L'appel fait suite à la publication des résultats de l'enquête préliminaire montrant que 91 % des enseignants et administrateurs scolaires sont mécontents du projet de programme d'études, et trois enseignants sur quatre ont déclaré qu'ils sont « très mécontents ». L'enquête a également montré que 90 % des enseignants du niveau primaire se sentent mal à l'aise d'enseigner le nouveau programme de la maternelle à la 6e année, et 95 % des directeurs d'établissement se sentent mal à l'aise d'appuyer le programme d'études dans leur école et leur communauté.

L'ATA invite les parents et le public préoccupés par la version préliminaire du programme d'études à appuyer la demande d'un moratoire et de son réexamen en allant à curriculum [thelearningteam.ca].

(Communiqué de presse de l'Association des enseignants de l'Alberta, le 15 avril 2021)

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Les enseignants du Québec font une grève d'une journée

Des efforts pour obtenir une convention
collective négociée

Les enseignants du Québec, 73 000 membres de la Fédération des syndicats de l'enseignement et de l'Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec, affiliés à la Centrale des syndicats de l'enseignement (CSQ), ont entrepris une grève nocturne qui a commencé à minuit et s'est terminée à 9 h 30 le 14 avril. De vives manifestations ont eu lieu tôt le matin devant plusieurs écoles partout au Québec. La CSQ a annoncé que la prochaine grève aura lieu le 27 avril et durera plusieurs heures.

Les enseignants demandent, entre autres, la réduction de la taille des classes, l'appui aux élèves ayant des besoins particuliers, un financement adéquat dans les salles de classe, un accès équitable à l'enseignement, à l'apprentissage et à la technologie à distance, que les tests et les évaluations soient réexaminés, que la sécurité de tous et toutes soit assurée dans le contexte de la COVID-19 et au-delà, et la solidarité avec tous les travailleurs en première ligne.

En réaction au recours à la grève, les centres de services scolaires (anciennement les commissions scolaires françaises) et la Commission scolaire English-Montréal ont déposé une demande auprès du Tribunal administratif du travail (TAT) pour contester la légalité de la grève du 14 avril, prétendant qu'elle était abusive. Ils ont retiré leur demande le jour avant la grève et annoncé que les enseignants devaient être présents dans les écoles à 9 h 31 pour procéder à l'enseignement en ligne. Les parents ont été informés le jour avant la grève que l'enseignement en ligne aurait lieu.

Il y a eu évidemment une confusion parmi les parents sur comment appuyer les enseignants. Ce n'était pas clair si le changement rapide vers l'enseignement en ligne était une initiative des enseignants pour réduire l'impact d'une journée d'enseignement perdue ou une tactique de la part des centres de services scolaires contre la grève. Plusieurs ont discuté le matin même de la grève et fait circuler des articles qui disaient que le programme d'enseignement en ligne était une initiative antigrève à laquelle les centres de services scolaires ont eu recours à la dernière minute. Des parents ont décidé que leur enfant ne participerait pas au programme d'apprentissage en ligne en guise d'appui aux enseignants.

Les manigances de dernière minute des centres de services scolaires sont inacceptables. Ils savaient depuis deux semaines que la journée de grève allait se tenir et c'est à la dernière minute qu'ils ont demandé que les enseignants soient prêts à donner des cours en ligne. L'apprentissage en ligne est un outil pour combattre la pandémie, pas les grèves. La pandémie fait en sorte qu'il est encore plus difficile de transmettre de l'information. Les mécanismes pour appuyer les enseignants, avoir accès à l'information et passer à l'action tout en respectant les mesures de sécurité sont primordiaux.

Une pétition circule portant le titre Nous traçons la ligne pour redéfinir l'éducation. Cliquez ici pour la signer et la partager (en anglais).

Les enseignants mènent une lutte cruciale pour la qualité et l'intégrité de l'éducation publique. Mettons tout en oeuvre pour appuyer cette lutte !

(Photos : CSQ)

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