Forum ouvrier

Numéro 28 - 14 avril 2021

Le gouvernement du Québec présente de «nouvelles offres»
aux travailleurs du secteur public

Un abus de pouvoir pour nier les besoins des travailleurs et leur droit de décider


Journée d'action « On sonne l'alarme » à l'échelle du Québec le 30 mars 2021

Ce que le gouvernement appelle de «nouvelles offres»

Les réponses de syndicats du secteur public


Le gouvernement du Québec présente de «nouvelles offres»
aux travailleurs du secteur public

Un abus de pouvoir pour nier les besoins
des travailleurs et leur droit de décider


Journée de grève au Collège Ahuntsic le 30 mars 2021

Les quelque 550 000 travailleuses et travailleurs des secteurs de la santé, de l'éducation et des services sociaux essaient toujours de renouveler leurs conventions collectives sur la base de revendications qui améliorent leurs conditions de travail et la livraison des services dont les gens dépendent et qui notamment s'attaquent à la propagation de la COVID-19. Ils en ont plus qu'assez d'être humiliés aux tables de négociation qui n'en sont pas alors que leurs demandes sont si pressantes pour eux et le public.

Le 30 mars, des syndicats affiliés à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) dans le secteur collégial ont tenu une première journée de grève.

Le 31, soit un an après l'échéance de leur contrat de travail, les travailleurs des syndicats du secteur public ont organisé une journée d'action nationale sous le thème « On sonne l'alarme ». La même journée, Sonia Lebel, ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor, a tenu une conférence de presse où elle a présenté ce qu'elle a appelé ses nouvelles offres et a dit que « pour la première fois, dans le cadre de ses négociations [le gouvernement consacre] des montants propres aux enjeux sectoriels. » En fait, la conférence de presse a été une nouvelle tentative de destruction de l'opinion publique où la ministre a prétendu que le gouvernement fait tout pour résoudre la crise du secteur public et que les syndicats manquent de solidarité sociale.

La ministre a commencé son point de presse en soulignant que ce sont les 550 000 travailleuses et travailleurs du secteur public qui assurent des services essentiels à la population du Québec. Du même souffle, elle a dit que « la rémunération globale des employés de l'État s'élève à environ 40 milliards de dollars, soit près de 60 % des dépenses de programmes du gouvernement. Vous comprendrez que le renouvellement des conventions collectives et des nouvelles mesures qui sont mises en place par celles-ci a une incidence majeure sur le plan budgétaire du Québec » et elle a ajouté que « chaque augmentation de 1 % équivaut à une hausse récurrente des dépenses de 400 millions de dollars. »

C'est le même mantra qui est agité par les gouvernements néolibéraux depuis plus de 30 ans qui n'a fait qu'accroître la crise dans les programmes sociaux et les services publics qui sont considérés comme un coût pour la société et non comme une contribution extraordinaire à l'économie et une grande humanisation de la société.

En fait, la ministre n'a aucune intention de discuter économie ou finances publiques ou mobilisation des revenus nécessaires pour investir adéquatement dans les services et les travailleurs qui les dispensent. Elle ne voit ni ne propose d'alternative à une économie qui paie les riches dans laquelle la valeur créée par les programmes sociaux et les services publics n'est pas remboursée par les grands intérêts privés qui reçoivent, gratuitement, une main-d'oeuvre en santé et instruite, sans parler des milliards en profits privés qu'ils tirent directement de leur contrôle des services. Les travailleurs ont de multiples propositions concernant, par exemple, la restriction du profit privé dans les services qui prive ces derniers de revenus vitaux, mais ces propositions sont rejetées d'emblée.

Les discours sur la « capacité de payer » des Québécois surviennent seulement lorsque les travailleurs présentent leurs revendications pour des salaires et des conditions qui leur sont acceptables et améliorent la prestation des services.

Qui sait, peut-être les Québécois n'ont-ils pas non plus la capacité de payer pour des vaccins ou des équipements de protection individuelle ? Cet argument de la « capacité de payer » est une honte parce qu'il fait fi des besoins du peuple et de la société qui doivent être comblés et de la discussion publique sur les moyens d'y arriver. Il nie le facteur humain/conscience sociale qui doit être déployé pour élaborer des solutions prosociales qui commencent par la résistance des travailleurs à l'offensive antisociale et les revendications qu'ils mettent de l'avant en parlant en leur propre nom.

On a vu aussi poindre une fois de plus dans la conférence de presse de la ministre la menace de décréter les conditions de travail et les salaires des employés du secteur public. À la question d'un journaliste à propos de son « niveau de patience » face aux syndicats et jusqu'à quel point elle était prête à « étirer ça » avant de faire « des ultimatums », la ministre a répondu : « Bien, vous avez donné la réponse à votre question, le plus rapidement possible. C'est le message que j'ai lancé aux chefs syndicaux [...] je pense, c'est dans l'intérêt de tous de régler de façon rapide, aussi rapidement que possible [...]. Moi, je continue à penser qu'on peut avoir une entente négociée. »

La gouvernance par décret est un des traits essentiels de l'offensive antisociale des trente dernières années et plus et la crise actuelle ne fait que la renforcer. Elle prive de l'espace juridique pour faire entendre leur voix en particulier celles et ceux qui produisent les biens et assurent les services.

On ne peut que rejeter avec mépris cette arrogance ministérielle et intensifier notre lutte importante pour avoir le mot décisif dans la détermination des conditions et des services que nous considérons acceptables pour nous-mêmes et le public.




Première journée de grève des syndicats du secteur collégial (de haut en bas)
à Sorel-Tracy, à Limoilou et à Valleyfield, le 30 mars 2021

(Photos: CSQ)

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Ce que le gouvernement appelle de
« nouvelles offres »

Les offres d'augmentation de salaire que propose le gouvernement restent les mêmes – soit 5 % sur trois ans (1,75 % , 1,75 % et 1,5 %). Le gouvernement ajoute une somme forfaitaire pouvant atteindre 400 millions de dollars en augmentation salariale récurrente si l'inflation dépasse 5 % et si la croissance économique prévue par le gouvernement se réalise. Ceci n'est pas une vraie augmentation de salaire et cette proposition ne s'attaque pas au grave problème de la rétention et de l'attraction de travailleurs dans les services publics, et ne contribue donc pas à résoudre la crise des services publics.

Le gouvernement essaie de détourner l'attention de ce problème central par une série de mesures qui paraissent attrayantes mais qui sont elles-même trompeuses.

Par exemple, en ce qui concerne les infirmières et les infirmiers, le gouvernement propose d'ajouter environ 5 000 postes en équivalent temps complet dans l'ensemble du réseau. Mais les conditions qui peuvent pousser les infirmières et infirmiers à prendre des postes à temps complet n'existent pas à cause de la gouvernance par décret qui requiert le temps supplémentaire obligatoire et le renoncement aux congés fériés et à d'autres congés lorsqu'on est à temps plein.

En ce qui concerne les mesures pour les enseignantes et les enseignants du primaire et du secondaire, le gouvernement présente des propositions qui sonnent bien à l'oreille, comme un accroissement de l'autonomie des éducateurs ou des mesures pour promouvoir la réussite scolaire, mais il évite une revendication essentielle des enseignants qui vise à l'amélioration des conditions d'apprentissage et maintenant la réduction de la propagation de la COVID-19, soit la réduction de la taille des classes.

Ce beau discours vise à éviter de répondre aux demandes et aux besoins des travailleurs et du public, en commençant par une véritable augmentation de salaire négociée qui fait partie de la convention collective et permet la rétention et l'attraction de personnel.

(Photos: CSQ)

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Les réponses de syndicats du secteur public

Voici les  réponses de syndicats du secteur public aux offres du gouvernement.

La Confédération des syndicats nationaux (CSN) représente 160 000 travailleurs des services publics. Elle a souligné que « les paramètres salariaux restent identiques à la dernière offre, soit 1,75 % en 2020, 1,75 % en 2021 et 1,5 % en 2022. Les montants forfaitaires à la première et à la deuxième année sont, quant à eux, légèrement bonifiés [...]. Des mesures éphémères, ce n'est pas ça qui va attirer et retenir le personnel [...]. En refusant encore une fois de prendre les moyens nécessaires pour relever les réseaux, le gouvernement Legault met en péril les services à la population. Nous ne pouvons accepter ça. »

Danny Roy, vice-président de la Fédération des professionnèles (FP-CSN) ajoute : « Des journées entières de discussions consacrées à la mise en oeuvre de solutions pour contrer la surcharge de travail ne se reflètent pas du tout dans cette nouvelle offre. De plus, on y trouve trop peu de ressources supplémentaires pour régler les difficultés d'attraction et de rétention du personnel. C'est inacceptable. »

Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) composé de 20 900 spécialistes du secteur public, dont 3 000 en santé et en éducation a souligné que : « Le gouvernement a offert une augmentation, pouvant atteindre un maximum de 1 % sur trois ans, liée à la hausse des prix à la consommation. Malheureusement, celle-ci a très peu de chance de se concrétiser. Il faudrait que la situation économique du Québec pour 2021, malgré les variants et les restrictions et fermetures toujours en vigueur, reviennent au niveau de 2019, soit avant la pandémie. Cela nous paraît improbable. Or, si cette condition n'est pas remplie, les syndiqués devront dire adieu à une possible augmentation. Bref, cette proposition n'est que du vent. »

Line Lamarre, présidente du SPGQ ajoute : « En effet, la première condition de la clause économique se lit comme suit : 'si le produit intérieur brut (PIB réel) du Québec tel que mesuré par Statistique Canada pour l'année 2021 est égal ou supérieur à 98,7 % du PIB réel du Québec pour l'année 2019'. Si, et seulement si cette condition était remplie, le personnel pourrait obtenir une augmentation d'un maximum d'un pour cent si l'inflation dépasse 5 %.

« La ministre a également proposé des montants forfaitaires aux syndiqués [...]. D'une part, un montant de 1000 $, pour l'année 2020 seulement, est offert uniquement aux personnes au dernier échelon. Plusieurs personnes en seront donc privées. D'autre part, une prime de 0,66 $ a aussi été offerte pour chaque heure travaillée entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2021. Après impôt, cela représente environ 600 $ seulement dans les poches des membres, un montant non récurrent. En plus, cette somme n'est pas admissible au régime de retraite. »

Sonia Éthier, présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) qui regroupe 200 000 travailleurs de l'éducation, de la petite enfance et de la santé, a dit : « Après analyse attentive, nous ne pouvons que conclure que les offres qui nous ont été présentées mercredi sont de la poudre aux yeux. Ce dépôt s'apparente davantage à une opération médiatique de la part du gouvernement qu'à une réelle volonté de négocier sérieusement. En fait, nous n'avons rien trouvé qui ressemble de près ou de loin à une véritable ouverture à améliorer les conditions de travail de nos membres [...], le gouvernement gonfle ses offres avec des sommes théoriques et temporaires, mais refuse d'accorder des marges financières significatives pour améliorer les conditions de travail sectorielles ».

La Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) et l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) qui négocient ensemble leurs conditions salariales ont elles aussi affirmé que le gouvernement maintient le statu quo.

« Un constat s'impose : rien n'a changé depuis 10 mois. Les attentes des 131 000 membres de l'alliance APTS-FIQ sont élevées et, pour l'instant, la proposition du gouvernement ne témoigne pas du sérieux de la présidente du Conseil du trésor ni de la reconnaissance salariale à laquelle ces personnes sont en droit de s'attendre. Pire, il n'y a aucune volonté de la part du gouvernement Legault de combler l'écart de rémunération qui désavantage le personnel du réseau de la santé et des services sociaux par rapport aux autres salarié-e s québécois-es.

« Ces offres salariales de 5 % d'augmentation sur trois ans, sur la table aujourd'hui, ont été rejetées le printemps dernier par les déléguées des deux organisations. »

L'APTS, qui représente aussi des travailleurs oeuvrant notamment au sein de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) avec des jeunes et des familles en grande difficulté, a dit que la présidente du Conseil du trésor « n'a pas hésité à couper dans les congés mobiles nécessaires aux intervenant-es, qui subissent quotidiennement de la violence et des agressions et qui sont confronté -es à des drames sans nom. Et lorsqu'elle dit créer une prime de 3,5 %, elle cache habilement le fait que, pour s'en prévaloir, les intervenant-es devront renoncer à certaines primes qu'ils et elles reçoivent déjà.

« Mais ce n'est pas tout, lorsque nous décortiquons cette prime, nous constatons qu'elle est en fait composée d'une partie permanente de 1,5 % et d'une partie temporaire de 2 % qui disparaîtra dans deux ans. Avec ces manipulations sournoises, Mme LeBel contribue à dévaloriser encore plus le travail vital que font plus de 10 000 professionnel-les et technicien-nes auprès des enfants et de leurs familles. »

(Photos: CSQ)

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