Numéro 23 - 29 mars 2021
Les enseignants du Québec se donnent des
mandats de grève
pour forcer le gouvernement à négocier
Appuyons fermement la lutte des enseignants
pour leurs droits et un système d'éducation
centré sur l'humain!
• Nos
demandes sont essentielles pour résoudre la
crise en éducation
- Entrevue avec Geneviève Royer
Ecoutez les
travailleurs de la santé du Québec!
• Masques N95 - Un
tribunal du travail donne raison aux
travailleurs
• L'anniversaire de
l'Arrêté ministériel inacceptable – Il faut s'en
débarrasser!
- Pierre Soublière
Les enseignants du Québec se
donnent des mandats de grève pour forcer le
gouvernement à négocier
Les 122 000 enseignantes et enseignants
des centres de services scolaires (anciennement
les commissions scolaires) du Québec se sont donné
des mandats de grève pour forcer le gouvernement à
négocier et à satisfaire leurs revendications en
vue du renouvellement de leurs conventions
collectives qui sont arrivées à échéance
le 30 mars 2020. Les deux organisations
syndicales représentant les enseignantes et les
enseignants du préscolaire, du primaire et du
secondaire et de la formation professionnelle et
de la formation aux adultes – la
Fédération des syndicats de l'enseignement
(FSE-CSQ) et la Fédération autonome de
l'enseignement (FAE) –, ont fait le
constat que le gouvernement a l'intention de
dicter ce que seront leurs conditions
d'enseignement et leurs salaires. Les enseignants
et le personnel de soutien et professionnel des
cégeps membres de la Centrale des syndicats du
Québec se sont aussi donné un mandat de grève qui
commencera par une journée de grève le 30
mars si le gouvernement ne fournit pas des
ressources additionnelles pour améliorer leurs
conditions de travail. Le gouvernement utilise la
pandémie comme une occasion pour imposer le
silence aux enseignants et des conditions qu'ils
jugent inacceptables. Les enseignants rejettent
ces options et réclament une solution négociée qui
repose sur leurs revendications pour une
amélioration significative de leurs conditions,
qui sont les conditions d'étude des jeunes.
Forum ouvrier appuie fermement la lutte
des enseignants pour leurs droits et appelle tous
les travailleurs à leur fournir leur plein appui.
En luttant à la défense des conditions dont ils
ont besoin pour enseigner et de leur droit de
déterminer ces conditions, ils défendent la
société contre la gouvernance par décret des
exécutifs gouvernementaux au service des intérêts
privés étroits. Si les enseignants décident qu'ils
n'ont d'autre choix que d'aller en grève pour
briser l'impasse, fournissons-leur tout l'appui
possible.
- Entrevue avec Geneviève Royer -
Geneviève Royer est une orthopédagogue au
secondaire à Montréal
Forum ouvrier : Les
enseignantes et enseignants des centres de
services scolaires ont déposé leurs demandes en
octobre 2019, et leur convention collective
est échue depuis le 30 mars 2020. Quel est
l'état des négociations avec le
gouvernement ?
Geneviève Royer : Les deux
organisations qui représentent les
quelque 122 000 enseignants du Québec ont
toutes deux en main des mandats de grève.
Le 1er février dernier, la Fédération des
syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ) a
adopté 5 journées de grève et les syndicats
membres de la Fédération autonome de
l'enseignement (FAE) ont voté pour une grève
générale illimitée à partir du 31 mai.
En 67 rencontres, les représentants du
gouvernement ont pu amplement prendre connaissance
de nos demandes, qui sont déposées, comme tu l'as
dit, depuis octobre 2019. Mais nos
négociateurs se font dire par leurs vis-à-vis
patronaux « on n'a pas le mandat de négocier
ça ». Maintenant, si les experts de
l'éducation, si ceux qui oeuvrent chaque jour
n'ont pas de pouvoir de changer la situation,
d'avoir voix au chapitre des décisions qui sont
prises, alors nous avons un sérieux problème sur
les bras.
On peut dire qu'après ces rencontres de
négociation et 12 rencontres de médiation, le
seul changement concret c'est que maintenant les
enseignants ont légalement le droit de recourir à
la grève. C'est le gouvernement qui incite à
prendre ce moyen d'action. Les journaux ont déjà
commencé à exercer la pression voulant que la
question de nos conditions de travail soit réduite
à notre vote de grève. Mais qu'est-ce qui doit
être discuté dans l'opinion publique ? Ce
doit être ce que les enseignants ont proposé au
gouvernement, qui est responsable du système
d'éducation. Nous affirmons que la diminution du
nombre d'élèves par classe, l'augmentation des
services directs aux élèves (éducateurs,
orthopédagogues, orthophonistes, psychoéducateurs,
etc.), l'ouverture de classes spécialisées pour
les élèves avec de grands besoins, ne peuvent
qu'améliorer les conditions d'études des jeunes,
donc nos conditions de travail.
Il faut savoir que le nombre d'élèves
au Québec qui, selon les critères du ministère de
l'Éducation, étaient handicapés ou en difficulté
d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA) a augmenté
de 71,8 % de 2001 à 2016.
En 2018-2019, il y avait 216 821
élèves EHDAA dans les écoles et, de ce
nombre, 164 936 sont en classe dite
régulière – et non pas en classe
spécialisée, soit 76 %.
Le gouvernement use de provocations envers les
enseignants dans ce qu'il met de l'avant, que ce
soit pour nos salaires ou nos conditions de
travail. À titre d'exemple, il veut introduire
dans le contrat de travail « la responsabilité de
l'enseignante ou l'enseignant d'adapter sa
démarche pédagogique en fonction des besoins et
des capacités de chacun des élèves qui lui sont
confiés ». Ceci lui permettra de refuser des
services aux enseignants et aux élèves sous le
prétexte que l'enseignant n'aura pas mis en oeuvre
des stratégies d'intervention personnalisée. Le
gouvernement propose aussi d'ajouter deux raisons
pour lesquelles le nombre d'élèves en classe
pourra dépasser les ratios prévus ! Aucune de
ces conditions ne permet de voir au bien-être
mental, physique ou éducatif des élèves et des
enseignants, au moment même où nous sommes tous
témoins des multiples formes de détresse qui
existent dans nos écoles.
FO : Veux-tu dire quelque
chose en conclusion ?
GR : Nous voulons que ce
soient nos propositions qui soient discutées sur
la place publique. Nous estimons que nous prenons
nos responsabilités sociales en soulevant les
problèmes réels en éducation et en proposant des
solutions basées sur notre expertise et notre
expérience. La question pour nous n'est pas grève
ou pas grève. La question, c'est que ça doit être
nos conditions de travail et nos demandes de
changements qui doivent être sur la place publique
et que c'est au gouvernement à rendre des comptes
de ses refus répétés de négocier avec nous.
Ecoutez les travailleurs de la
santé du Québec!
Le 23 mars, la Confédération des syndicats
nationaux (CSN), la Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
et la FIQ-secteur privé ont annoncé qu'ils ont eu
gain de cause devant le Tribunal administratif du
travail (TAT) sur la question des masques N95. Le
TAT reconnaît que le principe de précaution aurait
dû être appliqué compte tenu du risque important
de transmission aérienne du virus qui a été
largement démontré. Il donne raison aux
organisations syndicales qui demandent aux
employeurs du réseau de la santé et à la
Commission des normes, de l'équité, de la santé et
de la sécurité du travail (CNESST) d'assumer leur
responsabilité en protégeant les travailleurs.
À partir de maintenant, les employeurs du réseau
de la santé devront fournir à l'ensemble du
personnel intervenant en zone tiède ou en zone
chaude auprès de résidents qui pourraient être ou
sont atteints de la COVID-19 un appareil de
protection respiratoire N95. Jusqu'à maintenant,
les employeurs et la CNESST ont refusé d'appliquer
le principe de précaution et de fournir les
équipements de protection appropriés aux
travailleurs. Lors de la seule première
vague, 13 500 travailleurs de la santé
ont été infectés. Le risque d'être infecté par la
COVID-19 était dix fois plus élevé que pour le
reste de la population.
Le Tribunal a statué que
les employeurs doivent créer des zones tièdes et
des zones chaudes avec des équipes assignées à
chacune des zones et a réitéré l'importance
d'appliquer le principe de précaution. À la
lumière de cette décision, les syndicats font
valoir que les établissements de Vigi-Santé et du
Centre intégré de santé et de services sociaux
(CISSS) de l'Outaouais ont contrevenu à leurs
obligations en vertu de la Loi sur la santé et
la sécurité du travail et que le
gouvernement a fait preuve d'indifférence en
refusant d'être proactif comme l'exige la loi. Ils
trouvent révoltant qu'ils aient eu à se battre
pour qu'un juge finisse par reconnaître
l'évidence. Le directeur national de la santé
publique avait adopté une ordonnance empêchant
l'accès aux masques N95 et a même contesté avec
acharnement les recours intentés par les syndicats
en matière de santé et de sécurité au travail.
Malgré le risque que le virus se transmette par
aérosol et les demandes répétées des syndicats
d'appliquer le principe de précaution, le
gouvernement et les gestionnaires ont refusé avec
acharnement de prendre en considération leurs
revendications.
Les syndicats ont
déclaré : « Il était de notre responsabilité
de nous assurer du respect de la santé et de la
sécurité des résidents. Face à une menace
potentiellement mortelle pour laquelle le monde
entier a déployé des mesures sanitaires
extraordinaires, le gouvernement et les employeurs
ont toléré que celles qui sont les piliers du
réseau soient envoyées au front avec le strict
minimum pour se protéger et protéger leurs
patients. Ils ont été négligents particulièrement
alors qu'ils ont sous leur responsabilité une
clientèle qu'on savait vulnérable face au virus.
Ils auraient dû en faire leur priorité. »
Le gouvernement du Québec doit être tenu
responsable de sa négligence criminelle, alors
qu'il poursuit dans cette voie malgré ses effets
néfastes connus de tous, en adoptant des lois
comme le projet de loi 59 qui, plutôt que
d'aider à améliorer la santé et la sécurité aux
endroits de travail, aggraveront la situation,
mettant encore plus en danger les travailleurs et
ceux dont ils prennent soin.
- Pierre Soublière -
Le 21 mars, à l'occasion du 1er
anniversaire de l'entrée en vigueur de l'Arrêté
ministériel 007 et à la suite de l'annonce
par le gouvernement qu'il allait le renouveler, la
Fédération interprofessionnelle de la santé du
Québec (FIQ) a demandé formellement une rencontre
avec le premier ministre du Québec ainsi qu'avec
le ministre de la Santé et des Services sociaux.
Dans un communiqué, la FIQ fait le point : «
Il y a un an aujourd'hui entrait en vigueur l'un
des arrêtés ministériels des plus liberticides de
l'histoire du droit du travail. » L'Arrêté
007 venait suspendre l'application de la
convention collective afin de prévoir les
effectifs nécessaires pour affronter les vagues
d'hospitalisations anticipées par la COVID-19. La
Fédération constate aujourd'hui que le nombre
d'hospitalisations est en baisse et que le nombre
de cas est stable au Québec, mais que, malgré
tout, l'Arrêté demeure en vigueur. Les infirmières
se sentent trahies. Elles considèrent que l'Arrêté
devait être utilisé comme un outil d'exception
dans un contexte précis. Malheureusement, il est
toujours utilisé sans discernement par un grand
nombre de gestionnaires du réseau de la santé.
Le syndicat cherche à mettre fin à l'Arrêté
ministériel 007 et veut discuter des
solutions alternatives en ce qui concerne les
conditions de travail telles que prévues à la
convention collective des professionnelles en
soins et veut surtout garantir qu'elles pourront
prendre leurs vacances cet été. Cet arrêté stipule
que les gestionnaires du réseau ont le pouvoir,
entre autres, de suspendre ou d'annuler les congés
de toute nature des employés, y compris les
vacances déjà autorisées, ce qu'ils font depuis un
an.
La FIQ soutient que le
recours abusif à l'Arrêté 007 a eu des effets
dévastateurs sur le moral des professionnelles en
soins, menant à du surmenage et à l'exode massif
du personnel du réseau. Elle veut éviter à tout
prix que la crise de pénurie de main-d'oeuvre en
santé ne s'aggrave encore plus. Elle donne des
exemples de comment dans certaines régions, dont
l'Outaouais, le rehaussement des employés à temps
plein (des employés à temps partiel forcés en
vertu de l'Arrêté de travailler à temps plein) est
maintenu, les quarts de 12 heures demeurent
dans plusieurs centres et les déplacements sur les
différents quarts de travail continuent d'être
imposés.
La FIQ affirme qu'il n'a jamais été question que
l'Arrêté 007 serait utilisé comme une menace
pour annuler les vacances en cas de pénurie de
personnel. Elle affirme, au sujet des mesures du
gouvernement contre les travailleuses de la
santé : « On a bafoué leurs droits, sans
bienveillance, sans égard à leur conciliation
entre le travail, la famille et la vie
personnelle. La moindre des choses serait qu'on
leur témoigne de la reconnaissance, du respect, en
plus de déployer tous les efforts pour qu'elles se
sentent écoutées et soutenues en retrouvant des
conditions de travail acceptables. »
Rassemblement de la FIQ contre l'Arrêté
ministériel 007, le 26
mars 2021
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Lors d'une conférence de presse à Trois-Rivières,
le premier ministre Legault a continué d'afficher
un mépris total face aux préoccupations légitimes
des professionnelles de la santé et aux
répercussions destructrices sur le système de
santé lui-même. Il a soutenu que le gouvernement
serait encore obligé de maintenir le décret
d'urgence et qu'il comptait sur le ministre de la
Santé pour « faire entendre raison » à la
FIQ, ajoutant : « À l'impossible, nul n'est
tenu. »
Comment peut-il être « impossible » pour un
gouvernement de simplement s'asseoir avec les
travailleuses de la santé et discuter des
solutions alternatives qu'elles proposent pour
améliorer à la fois leurs conditions de travail et
les conditions de santé de la population ?
C'est le gouvernement Legault qui trouve
qu'assumer ses responsabilités sociales est
impossible. Il n'est définitivement pas impossible
d'imaginer ce que serait un gouvernement constitué
de travailleurs qui peuvent assumer et qui
assument dans les faits et de façon rigoureuse
leurs responsabilités sociales et cherchent des
solutions pour le plus grand bien de ceux et
celles qui font le travail ainsi que pour le
bien-être général de la société.
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