Forum ouvrier

Numéro 23 - 29 mars 2021

Les enseignants du Québec se donnent des mandats de grève
pour forcer le gouvernement à négocier

Appuyons fermement la lutte des enseignants pour leurs droits et un système d'éducation centré sur l'humain!

http://www.pmlq.qc.ca/images/2016/secteurpublic/160116-Montrea-ManifFAE-23.jpghttp://www.pmlq.qc.ca/images/2012/Mouvementetudiant/120722-ManifDehorsNeoLoberaux/120722-pancartes/120722-Pancarte-Educationpriorite.jpg

Nos demandes sont essentielles pour résoudre la crise en éducation
- Entrevue avec Geneviève Royer

Ecoutez les travailleurs de la santé du Québec!
Masques N95 - Un tribunal du travail donne raison aux travailleurs
L'anniversaire de l'Arrêté ministériel inacceptable – Il faut s'en débarrasser!
- Pierre Soublière


Les enseignants du Québec se donnent des mandats de grève pour forcer le gouvernement à négocier

Appuyons fermement la lutte des enseignants pour leurs droits et un système d'éducation
centré sur l'humain!

Les 122 000 enseignantes et enseignants des centres de services scolaires (anciennement les commissions scolaires) du Québec se sont donné des mandats de grève pour forcer le gouvernement à négocier et à satisfaire leurs revendications en vue du renouvellement de leurs conventions collectives qui sont arrivées à échéance le 30 mars 2020. Les deux organisations syndicales représentant les enseignantes et les enseignants du préscolaire, du primaire et du secondaire et de la formation professionnelle et de la formation aux adultes  la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ) et la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) , ont fait le constat que le gouvernement a l'intention de dicter ce que seront leurs conditions d'enseignement et leurs salaires. Les enseignants et le personnel de soutien et professionnel des cégeps membres de la Centrale des syndicats du Québec se sont aussi donné un mandat de grève qui commencera par une journée de grève le 30 mars si le gouvernement ne fournit pas des ressources additionnelles pour améliorer leurs conditions de travail. Le gouvernement utilise la pandémie comme une occasion pour imposer le silence aux enseignants et des conditions qu'ils jugent inacceptables. Les enseignants rejettent ces options et réclament une solution négociée qui repose sur leurs revendications pour une amélioration significative de leurs conditions, qui sont les conditions d'étude des jeunes.

Forum ouvrier appuie fermement la lutte des enseignants pour leurs droits et appelle tous les travailleurs à leur fournir leur plein appui. En luttant à la défense des conditions dont ils ont besoin pour enseigner et de leur droit de déterminer ces conditions, ils défendent la société contre la gouvernance par décret des exécutifs gouvernementaux au service des intérêts privés étroits. Si les enseignants décident qu'ils n'ont d'autre choix que d'aller en grève pour briser l'impasse, fournissons-leur tout l'appui possible.

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Nos demandes sont essentielles pour résoudre la crise en éducation

Geneviève Royer est une orthopédagogue au secondaire à Montréal

Forum ouvrier : Les enseignantes et enseignants des centres de services scolaires ont déposé leurs demandes en octobre 2019, et leur convention collective est échue depuis le 30 mars 2020. Quel est l'état des négociations avec le gouvernement ?

Geneviève Royer : Les deux organisations qui représentent les quelque 122 000 enseignants du Québec ont toutes deux en main des mandats de grève. Le 1er février dernier, la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ) a adopté 5 journées de grève et les syndicats membres de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) ont voté pour une grève générale illimitée à partir du 31 mai.

En 67 rencontres, les représentants du gouvernement ont pu amplement prendre connaissance de nos demandes, qui sont déposées, comme tu l'as dit, depuis octobre 2019. Mais nos négociateurs se font dire par leurs vis-à-vis patronaux « on n'a pas le mandat de négocier ça ». Maintenant, si les experts de l'éducation, si ceux qui oeuvrent chaque jour n'ont pas de pouvoir de changer la situation, d'avoir voix au chapitre des décisions qui sont prises, alors nous avons un sérieux problème sur les bras.

On peut dire qu'après ces rencontres de négociation et 12 rencontres de médiation, le seul changement concret c'est que maintenant les enseignants ont légalement le droit de recourir à la grève. C'est le gouvernement qui incite à prendre ce moyen d'action. Les journaux ont déjà commencé à exercer la pression voulant que la question de nos conditions de travail soit réduite à notre vote de grève. Mais qu'est-ce qui doit être discuté dans l'opinion publique ? Ce doit être ce que les enseignants ont proposé au gouvernement, qui est responsable du système d'éducation. Nous affirmons que la diminution du nombre d'élèves par classe, l'augmentation des services directs aux élèves (éducateurs, orthopédagogues, orthophonistes, psychoéducateurs, etc.), l'ouverture de classes spécialisées pour les élèves avec de grands besoins, ne peuvent qu'améliorer les conditions d'études des jeunes, donc nos conditions de travail.

http://www.pmlq.qc.ca/images/2016/secteurpublic/160116-Montrea-ManifFAE-26.jpgIl faut savoir que le nombre d'élèves au Québec qui, selon les critères du ministère de l'Éducation, étaient handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA) a augmenté de 71,8 % de 2001 à 2016. En 2018-2019, il y avait 216 821 élèves EHDAA dans les écoles et, de ce nombre, 164 936 sont en classe dite régulière  et non pas en classe spécialisée, soit 76 %.

Le gouvernement use de provocations envers les enseignants dans ce qu'il met de l'avant, que ce soit pour nos salaires ou nos conditions de travail. À titre d'exemple, il veut introduire dans le contrat de travail « la responsabilité de l'enseignante ou l'enseignant d'adapter sa démarche pédagogique en fonction des besoins et des capacités de chacun des élèves qui lui sont confiés ». Ceci lui permettra de refuser des services aux enseignants et aux élèves sous le prétexte que l'enseignant n'aura pas mis en oeuvre des stratégies d'intervention personnalisée. Le gouvernement propose aussi d'ajouter deux raisons pour lesquelles le nombre d'élèves en classe pourra dépasser les ratios prévus ! Aucune de ces conditions ne permet de voir au bien-être mental, physique ou éducatif des élèves et des enseignants, au moment même où nous sommes tous témoins des multiples formes de détresse qui existent dans nos écoles.

FO : Veux-tu dire quelque chose en conclusion ?

GR : Nous voulons que ce soient nos propositions qui soient discutées sur la place publique. Nous estimons que nous prenons nos responsabilités sociales en soulevant les problèmes réels en éducation et en proposant des solutions basées sur notre expertise et notre expérience. La question pour nous n'est pas grève ou pas grève. La question, c'est que ça doit être nos conditions de travail et nos demandes de changements qui doivent être sur la place publique et que c'est au gouvernement à rendre des comptes de ses refus répétés de négocier avec nous.

(Photos : FO, FAE)

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Ecoutez les travailleurs de la santé du Québec!

Masques N95  Un tribunal du travail
donne raison aux travailleurs

Le 23 mars, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et la FIQ-secteur privé ont annoncé qu'ils ont eu gain de cause devant le Tribunal administratif du travail (TAT) sur la question des masques N95. Le TAT reconnaît que le principe de précaution aurait dû être appliqué compte tenu du risque important de transmission aérienne du virus qui a été largement démontré. Il donne raison aux organisations syndicales qui demandent aux employeurs du réseau de la santé et à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) d'assumer leur responsabilité en protégeant les travailleurs.

À partir de maintenant, les employeurs du réseau de la santé devront fournir à l'ensemble du personnel intervenant en zone tiède ou en zone chaude auprès de résidents qui pourraient être ou sont atteints de la COVID-19 un appareil de protection respiratoire N95. Jusqu'à maintenant, les employeurs et la CNESST ont refusé d'appliquer le principe de précaution et de fournir les équipements de protection appropriés aux travailleurs. Lors de la seule première vague, 13 500 travailleurs de la santé ont été infectés. Le risque d'être infecté par la COVID-19 était dix fois plus élevé que pour le reste de la population.

http://cpcml.ca/images2020/HealthCare/200706-MauricieCentreQuebec-BannerRespect-FIQ-01.jpgLe Tribunal a statué que les employeurs doivent créer des zones tièdes et des zones chaudes avec des équipes assignées à chacune des zones et a réitéré l'importance d'appliquer le principe de précaution. À la lumière de cette décision, les syndicats font valoir que les établissements de Vigi-Santé et du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de l'Outaouais ont contrevenu à leurs obligations en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et que le gouvernement a fait preuve d'indifférence en refusant d'être proactif comme l'exige la loi. Ils trouvent révoltant qu'ils aient eu à se battre pour qu'un juge finisse par reconnaître l'évidence. Le directeur national de la santé publique avait adopté une ordonnance empêchant l'accès aux masques N95 et a même contesté avec acharnement les recours intentés par les syndicats en matière de santé et de sécurité au travail. Malgré le risque que le virus se transmette par aérosol et les demandes répétées des syndicats d'appliquer le principe de précaution, le gouvernement et les gestionnaires ont refusé avec acharnement de prendre en considération leurs revendications.

http://cpcml.ca/images2020/HealthCare/200600-MonteregieCentreCISSSHealthcareProtestMinisterialOrder-CSNcr.jpgLes syndicats ont déclaré : « Il était de notre responsabilité de nous assurer du respect de la santé et de la sécurité des résidents. Face à une menace potentiellement mortelle pour laquelle le monde entier a déployé des mesures sanitaires extraordinaires, le gouvernement et les employeurs ont toléré que celles qui sont les piliers du réseau soient envoyées au front avec le strict minimum pour se protéger et protéger leurs patients. Ils ont été négligents particulièrement alors qu'ils ont sous leur responsabilité une clientèle qu'on savait vulnérable face au virus. Ils auraient dû en faire leur priorité. »

Le gouvernement du Québec doit être tenu responsable de sa négligence criminelle, alors qu'il poursuit dans cette voie malgré ses effets néfastes connus de tous, en adoptant des lois comme le projet de loi 59 qui, plutôt que d'aider à améliorer la santé et la sécurité aux endroits de travail, aggraveront la situation, mettant encore plus en danger les travailleurs et ceux dont ils prennent soin.

(Photos : FIQ, CSN)

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L'anniversaire de l'Arrêté ministériel inacceptable -
Il faut s'en débarrasser!

Le 21 mars, à l'occasion du 1er anniversaire de l'entrée en vigueur de l'Arrêté ministériel 007 et à la suite de l'annonce par le gouvernement qu'il allait le renouveler, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a demandé formellement une rencontre avec le premier ministre du Québec ainsi qu'avec le ministre de la Santé et des Services sociaux. Dans un communiqué, la FIQ fait le point : « Il y a un an aujourd'hui entrait en vigueur l'un des arrêtés ministériels des plus liberticides de l'histoire du droit du travail. » L'Arrêté 007 venait suspendre l'application de la convention collective afin de prévoir les effectifs nécessaires pour affronter les vagues d'hospitalisations anticipées par la COVID-19. La Fédération constate aujourd'hui que le nombre d'hospitalisations est en baisse et que le nombre de cas est stable au Québec, mais que, malgré tout, l'Arrêté demeure en vigueur. Les infirmières se sentent trahies. Elles considèrent que l'Arrêté devait être utilisé comme un outil d'exception dans un contexte précis. Malheureusement, il est toujours utilisé sans discernement par un grand nombre de gestionnaires du réseau de la santé.

Le syndicat cherche à mettre fin à l'Arrêté ministériel 007 et veut discuter des solutions alternatives en ce qui concerne les conditions de travail telles que prévues à la convention collective des professionnelles en soins et veut surtout garantir qu'elles pourront prendre leurs vacances cet été. Cet arrêté stipule que les gestionnaires du réseau ont le pouvoir, entre autres, de suspendre ou d'annuler les congés de toute nature des employés, y compris les vacances déjà autorisées, ce qu'ils font depuis un an.

La FIQ soutient que le recours abusif à l'Arrêté 007 a eu des effets dévastateurs sur le moral des professionnelles en soins, menant à du surmenage et à l'exode massif du personnel du réseau. Elle veut éviter à tout prix que la crise de pénurie de main-d'oeuvre en santé ne s'aggrave encore plus. Elle donne des exemples de comment dans certaines régions, dont l'Outaouais, le rehaussement des employés à temps plein (des employés à temps partiel forcés en vertu de l'Arrêté de travailler à temps plein) est maintenu, les quarts de 12 heures demeurent dans plusieurs centres et les déplacements sur les différents quarts de travail continuent d'être imposés.

La FIQ affirme qu'il n'a jamais été question que l'Arrêté 007 serait utilisé comme une menace pour annuler les vacances en cas de pénurie de personnel. Elle affirme, au sujet des mesures du gouvernement contre les travailleuses de la santé : « On a bafoué leurs droits, sans bienveillance, sans égard à leur conciliation entre le travail, la famille et la vie personnelle. La moindre des choses serait qu'on leur témoigne de la reconnaissance, du respect, en plus de déployer tous les efforts pour qu'elles se sentent écoutées et soutenues en retrouvant des conditions de travail acceptables. »

Rassemblement de la FIQ contre l'Arrêté ministériel 007, le 26 mars 2021

Lors d'une conférence de presse à Trois-Rivières, le premier ministre Legault a continué d'afficher un mépris total face aux préoccupations légitimes des professionnelles de la santé et aux répercussions destructrices sur le système de santé lui-même. Il a soutenu que le gouvernement serait encore obligé de maintenir le décret d'urgence et qu'il comptait sur le ministre de la Santé pour « faire entendre raison » à la FIQ, ajoutant : « À l'impossible, nul n'est tenu. »

Comment peut-il être « impossible » pour un gouvernement de simplement s'asseoir avec les travailleuses de la santé et discuter des solutions alternatives qu'elles proposent pour améliorer à la fois leurs conditions de travail et les conditions de santé de la population ? C'est le gouvernement Legault qui trouve qu'assumer ses responsabilités sociales est impossible. Il n'est définitivement pas impossible d'imaginer ce que serait un gouvernement constitué de travailleurs qui peuvent assumer et qui assument dans les faits et de façon rigoureuse leurs responsabilités sociales et cherchent des solutions pour le plus grand bien de ceux et celles qui font le travail ainsi que pour le bien-être général de la société.

(Photos : FIQ)

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