Nos demandes sont essentielles pour résoudre la crise en éducation
- Entrevue avec Geneviève Royer -
Geneviève Royer est une orthopédagogue au
secondaire à Montréal
Forum ouvrier : Les
enseignantes et enseignants des centres de
services scolaires ont déposé leurs demandes en
octobre 2019, et leur convention collective
est échue depuis le 30 mars 2020. Quel est
l'état des négociations avec le
gouvernement ?
Geneviève Royer : Les deux
organisations qui représentent les
quelque 122 000 enseignants du Québec ont
toutes deux en main des mandats de grève.
Le 1er février dernier, la Fédération des
syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ) a
adopté 5 journées de grève et les syndicats
membres de la Fédération autonome de
l'enseignement (FAE) ont voté pour une grève
générale illimitée à partir du 31 mai.
En 67 rencontres, les représentants du
gouvernement ont pu amplement prendre connaissance
de nos demandes, qui sont déposées, comme tu l'as
dit, depuis octobre 2019. Mais nos
négociateurs se font dire par leurs vis-à-vis
patronaux « on n'a pas le mandat de négocier
ça ». Maintenant, si les experts de
l'éducation, si ceux qui oeuvrent chaque jour
n'ont pas de pouvoir de changer la situation,
d'avoir voix au chapitre des décisions qui sont
prises, alors nous avons un sérieux problème sur
les bras.
On peut dire qu'après ces rencontres de
négociation et 12 rencontres de médiation, le
seul changement concret c'est que maintenant les
enseignants ont légalement le droit de recourir à
la grève. C'est le gouvernement qui incite à
prendre ce moyen d'action. Les journaux ont déjà
commencé à exercer la pression voulant que la
question de nos conditions de travail soit réduite
à notre vote de grève. Mais qu'est-ce qui doit
être discuté dans l'opinion publique ? Ce
doit être ce que les enseignants ont proposé au
gouvernement, qui est responsable du système
d'éducation. Nous affirmons que la diminution du
nombre d'élèves par classe, l'augmentation des
services directs aux élèves (éducateurs,
orthopédagogues, orthophonistes, psychoéducateurs,
etc.), l'ouverture de classes spécialisées pour
les élèves avec de grands besoins, ne peuvent
qu'améliorer les conditions d'études des jeunes,
donc nos conditions de travail.
Il faut savoir que le nombre d'élèves
au Québec qui, selon les critères du ministère de
l'Éducation, étaient handicapés ou en difficulté
d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA) a augmenté
de 71,8 % de 2001 à 2016.
En 2018-2019, il y avait 216 821
élèves EHDAA dans les écoles et, de ce
nombre, 164 936 sont en classe dite
régulière – et non pas en classe
spécialisée, soit 76 %.
Le gouvernement use de provocations envers les
enseignants dans ce qu'il met de l'avant, que ce
soit pour nos salaires ou nos conditions de
travail. À titre d'exemple, il veut introduire
dans le contrat de travail « la responsabilité de
l'enseignante ou l'enseignant d'adapter sa
démarche pédagogique en fonction des besoins et
des capacités de chacun des élèves qui lui sont
confiés ». Ceci lui permettra de refuser des
services aux enseignants et aux élèves sous le
prétexte que l'enseignant n'aura pas mis en oeuvre
des stratégies d'intervention personnalisée. Le
gouvernement propose aussi d'ajouter deux raisons
pour lesquelles le nombre d'élèves en classe
pourra dépasser les ratios prévus ! Aucune de
ces conditions ne permet de voir au bien-être
mental, physique ou éducatif des élèves et des
enseignants, au moment même où nous sommes tous
témoins des multiples formes de détresse qui
existent dans nos écoles.
FO : Veux-tu dire quelque
chose en conclusion ?
GR : Nous voulons que ce
soient nos propositions qui soient discutées sur
la place publique. Nous estimons que nous prenons
nos responsabilités sociales en soulevant les
problèmes réels en éducation et en proposant des
solutions basées sur notre expertise et notre
expérience. La question pour nous n'est pas grève
ou pas grève. La question, c'est que ça doit être
nos conditions de travail et nos demandes de
changements qui doivent être sur la place publique
et que c'est au gouvernement à rendre des comptes
de ses refus répétés de négocier avec nous.
Cet article est paru dans
Numéro 23 - 29 mars 2021
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