Numéro 20 - 22 mars 2021
Projets d'infrastructure liés aux minéraux
critiques essentiels à l'économie de guerre des
États-Unis
Rio Tinto annonce la mise en chantier
à Sorel-Tracy d'une usine pilote de production
d'oxyde de scandium
- Fernand Deschamps -
• Le
rôle de Rio Tinto sur le marché du scandium et
des alliages d'aluminium
• Stratagème pour payer
les riches : composante de «l'économie
verte»
Projets d'infrastructure liés aux
minéraux critiques essentiels
à l'économie de guerre des États-Unis
- Fernand Deschamps -
Par voie de communiqué, Rio Tinto a annoncé
qu'il « deviendra le premier producteur d'oxyde de
scandium de haute qualité en Amérique du
Nord » grâce à une nouvelle usine pilote à
l'échelle commerciale qui sera construite à
Sorel-Tracy, au Québec.
Sur
un site Web créé par Rio Tinto et dédié
entièrement au scandium, on apprend que
l'entreprise a « développé un nouveau procédé pour
extraire de l'oxyde de scandium de haute pureté du
minerai d'ilménite dans notre installation
métallurgique au Québec, Canada[1] ». La
société minière et métallurgique a mis au point un
nouveau procédé pour extraire de l'oxyde de
scandium, classé comme minéral critique, à partir
des sous-produits générés lors de la production de
dioxyde de titane au complexe métallurgique de Rio
Tinto Fer et Titane (RTFT) à Sorel-Tracy.
Le scandium est utilisé pour produire des
alliages d'aluminium à haute performance. Le
scandium est un élément métallique blanc argenté
entrant dans la catégorie des terres rares qui,
lorsqu'utilisé en petites quantités, a des
propriétés radicales sur la matière. De petits
ajouts de 0,1 à 0,2 % de scandium
dans les alliages d'aluminium augmentent
considérablement la résistance mécanique, la
résistance à la chaleur et à la corrosion, ainsi
que les propriétés de soudage.
À la fin des années 1950, l'Union soviétique
avait mis au point des alliages de
scandium-aluminium qui ont été utilisés dans la
construction d'aéronefs militaires, ce qui a
contribué à donner aux avions de chasse tels que
le Mig-21 et le Mig-29 et aux missiles des
avantages pour ce qui est du poids, de la
maniabilité et de la portée[2].
Ces dernières années, les États-Unis, le Canada,
l'Australie et l'Union européenne l'ont tous
classé comme un minéral critique. En
janvier 2020, le Canada et les États-Unis ont
finalisé un plan d'action canado-américain pour la
collaboration dans le domaine des minéraux
critiques afin de sécuriser les chaînes
d'approvisionnement en minéraux critiques –
tels que le scandium – qui sont «
nécessaires à d'importants secteurs
manufacturiers, notamment les technologies de
communication, l'aérospatiale et la défense, et
les technologies propres[3] ».
Le Marxiste-léniniste a publié en
février 2020 un article intitulé « Plan
d'action conjoint pour la collaboration dans le
domaine des minéraux critiques – Non
à l'intégration du Canada à l'économie de guerre
impérialiste américaine ! » L'article
explique comment les gouvernements fédéral et du
Québec ont travaillé main dans la main
depuis 2019 avec l'administration Trump aux
États-Unis pour assurer la chaîne
d'approvisionnement de 35 minéraux stratégiques et
critiques à l'économie de guerre des États-Unis[4].
D'autres
développements sont attendus en ce qui a trait aux
minéraux stratégiques, comme le révèle le
communiqué conjoint émis après le sommet virtuel
entre le premier ministre du Canada Justin Trudeau
et le président des États-Unis Joe Biden,
le 23 février dernier, durant lequel « ils
ont convenu de revitaliser le Plan d'action
Canada-États-Unis dans le domaine des minéraux
critiques en vue de favoriser une transformation
industrielle carboneutre, le développement de
batteries pour véhicules sans émission et
l'entreposage d'énergie renouvelable[5] ».
Présentement, la demande mondiale est estimée à
entre 12 et 15 tonnes par année,
principalement approvisionnée par la Chine et la
Russie. Avec les nouvelles applications qui sont
en train d'être développées, cette demande est
appelée à croître. Certains analystes prédisent
que d'ici 2028, la demande pourrait
atteindre 300 tonnes par année. La première
usine pilote de modules de Rio Tinto doit
commencer la production d'ici la fin
juin 2021 et elle aura une capacité de trois
tonnes par an d'oxyde de scandium. Un porte-parole
de Rio Tinto a souligné que l'usine pouvait être
agrandie en ajoutant plus de modules pour répondre
à la demande. La production pourrait être
augmentée pour atteindre plus de 12 tonnes
par an, selon les estimations qui ont été
fournies.
Le site Web de Rio Tinto dédié au scandium
mentionne que les opérations de l'entreprise au
Québec sont « une nouvelle alternative innovante,
fiable et accessible aux sources de scandium
existantes et limitées sur le marché.
[L']emplacement géographique avantageux dans le
nord du Québec, au Canada, est idéal pour
approvisionner efficacement le marché
nord-américain[6].
»
Notes
1. Element
North 21, Rio Tinto
2. Projet
Scandium Aluminium Europe (SCALE) soutenu par la
Commission européenne
3. «
Le Canada et les États-Unis mettent la dernière
main à leur plan d'action conjoint pour la
collaboration dans le domaine des minéraux
critiques », communiqué de presse de Ressources
naturelles Canada, le 9 janvier 2020
4. «
Plan d'action conjoint pour la collaboration
dans le domaine des minéraux critiques- Non à
l'intégration du Canada à l'économie de guerre
impérialiste américaine ! - Fernand
Deschamps », Le Marxiste-Léniniste,
le 1er février 2020
5. «
Le Sommet entre le premier ministre du Canada et
le président des États-Unis - Communiqué
conjoint du président Joe Biden et du premier
ministre Justin Trudeau à l'issue de leurs
échanges », LML, 7
mars 2021
6. Element
North 21, Rio Tinto
Le scandium est un élément qui fait partie des
terres rares. Il entre dans la fabrication
d'avions militaires et civils, de lasers et de
piles à combustible. L'oxyde de scandium se
présente sous la forme d'une poudre blanche dont
le prix varie selon la pureté et l'offre et la
demande. Il n'y a pas de marché organisé à
l'échelle mondiale pour le scandium. Selon le US
Geological Survey, l'oxyde de scandium de haute
pureté se vendait en 2019 autour
de 3 900 dollars américains le
kilogramme.
L'oxyde de scandium est également utilisé pour
produire des alliages mères aluminium-scandium à
haute performance pour l'industrie aérospatiale,
l'industrie militaire et l'impression 3D. Son
avantage est de produire des alliages qui
permettent d'effectuer des soudures d'une grande
efficacité, ce qui réduirait le poids des aéronefs
de 10 à 15 % et le temps de leur
assemblage.
L'application la plus
importante de ces alliages demeure la production
d'avions de combat comme en fait foi le titre d'un
article récemment publié sur le site Web de Rio
Tinto intitulé « Des résidus minéraux aux avions
de chasse – Une nouvelle source pour un
minéral critique ». Dans cet article Rio
Tinto vante le fait que le scandium est un
sous-produit du recyclage des résidus miniers une
fois que le concentré de minerai d'ilménite est
traité pour en récupérer l'oxyde de titane. Selon
le raisonnement promu par les différents paliers
de gouvernements, la récupération du scandium pour
en faire des alliages avec l'aluminium cadre bien
dans les projets de « développement durable »
promus par le gouvernement du Québec, tout cela
pour faire oublier que « ces alliages pourraient
être utilisés dans divers secteurs : de
l'aérospatiale et de la défense[1] ».
Un communiqué du 14 janvier de Rio Tinto
rappelle aussi que l'oxyde de scandium est utilisé
pour améliorer les performances des piles à
combustible à oxyde solide, qui sont utilisées
comme source d'énergie pour les centres de données
et les hôpitaux, ainsi que dans des produits de
niche tels que les lasers à des fins militaires,
l'éclairage de stades ou de studios de télévision.
D'autres applications futures sont envisagées
pour les écrans d'ordinateur et de télévision, les
câbles de transmission électriques à haute tension
plus conducteurs, et dans l'industrie automobile
où des alliages d'aluminium-scandium 40
à 60 % plus légers et d'une plus grande
dureté sont appelés à remplacer de plus en plus
l'acier, le titane et d'autres matériaux
composites utilisés dans les véhicules hybrides et
électriques[2].
Aujourd'hui, par exemple, la poudre d'alliage
aluminium-scandium-magnésium est utilisée pour la
fabrication additive (impression 3D des
métaux par fusion au laser) pour créer des
composantes utilisées dans la construction
d'avions. Cela permet de créer des composantes à
haute résistance pour l'industrie aérospatiale,
qui ont des propriétés exceptionnelles de haute
résistance à la fatigue avec une résistance
spécifique proche de celle du titane. Le scandium
se trouve également dans les céramiques
électroniques et les compositions de verre.
Certaines des céramiques créées avec du scandium
ont une dureté élevée qui se rapproche de celle
des diamants.
Notes
1. «
Des résidus minéraux aux avions de chasse – Une
nouvelle source pour un minéral critique », site
Web de Rio Tinto -
Canada - Nouvelles - Histoires
2. «
Are Aluminium-Scandium Alloys the Future ? », Aluminium
Insider, 28 juillet 2017
Dans son communiqué du 14 janvier, Rio Tinto
annonce qu'il « investira 6 millions de
dollars américains pour la construction d'un
premier module dans l'usine pilote, avec une
capacité de production initiale de trois tonnes
d'oxyde de scandium par an, représentant
environ 20 % du marché mondial
actuel ». Le gouvernement du Québec
contribuera au projet à hauteur d'environ 850
000 dollars dans le cadre d'un stratagème pour
payer les riches de 68 millions de dollars
que le gouvernement Legault a annoncé en octobre
dernier en tant que « Plan québécois pour la
valorisation des minéraux critiques et
stratégiques 2020-2025 pour un Québec plus
vert »[1].
Le Marxiste-léniniste avait déjà souligné,
dans son numéro du 24 octobre 2020,
comment les gouvernements fédéral et du Québec
avaient répondu à l'appel de l'administration
Trump de sécuriser une chaîne d'approvisionnement
pour les minéraux critiques à l'économie de guerre
des États-Unis[2].
En intégrant, entre autres, le réseau ferroviaire
canadien au réseau ferroviaire nord-américain,
l'économie du Canada et du Québec est en train
d'être préparée à participer à la concurrence
intermonopoliste et interimpérialiste de plus en
plus féroce pour le contrôle des sources de
matières premières, des marchés et des sphères
d'intérêt.
C'est ainsi que le ministre de l'Énergie et des
Ressources naturelles du Québec, Jonatan Julien, a
qualifié l'annonce de Rio Tinto : « Le projet
de valorisation de l'oxyde de scandium de Rio
Tinto Fer et Titane [...] témoigne de notre
capacité d'innover et de saisir des occasions
d'affaires dans un marché en croissance et dans un
contexte visant à renforcer la sécurité de nos
approvisionnements. Cette entreprise a le
potentiel de devenir un important fournisseur hors
Chine dans le domaine du scandium[3]. »
Rio Tinto Fer et Titane (RTFT) exploite déjà au
Québec une mine d'ilménite à ciel ouvert au Lac
Tio, près de Havre-Saint-Pierre, sur la Côte-Nord
et qui est le plus gros gisement d'ilménite au
monde (voir emplacement « A » sur la carte du
Québec). Le minerai est ensuite envoyé par bateau
à son complexe métallurgique de Sorel-Tracy, où
sont extraits du dioxyde de titane, de la fonte
brute, de l'acier et des poudres métalliques de
calibre mondial (voir emplacement « B » sur
la carte du Québec). Au total, près
de 1 650 travailleurs sont employés à
ces deux sites au Québec.
Rio Tinto teste présentement la production de
petites quantités d'alliage mère
aluminium-scandium hautement performant en
utilisant l'oxyde de scandium produit par RTFT,
avec le concours de son secteur de l'aluminium
basé dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean au
Québec (voir emplacement « C » sur la carte
du Québec).
Carte montrant les trois sites majeurs de Rio
Tinto pour l'extraction (A) et le raffinage (B) du
titane et le raffinage de l'aluminium (C) au
Québec. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir).
La région du Saguenay-Lac-Saint-Jean au Québec
est également une plaque tournante importante pour
le secteur de l'aluminium qui représente pour Rio
Tinto près de la moitié de sa production mondiale
du métal. Les activités de Rio Tinto dans la
région comprennent une raffinerie d'alumine,
quatre alumineries en propriété exclusive, six
centrales hydroélectriques, le Centre de recherche
et de développement d'Arvida (CRDA), le Centre
opérationnel d'aluminium, un réseau ferroviaire et
un port.
De tels projets d'infrastructure liés aux
minéraux critiques à l'économie de guerre des
impérialistes américains sont considérés comme
faisant partie de « l'économie verte
durable » . Leur objectif, cependant, n'est
pas d'assurer un environnement naturel durable,
mais de servir l'économie de guerre des États-Unis
et leur quête d'hégémonie mondiale sur la Chine et
la Russie. La production de guerre est la première
cause dans le monde de l'insécurité collective et
de la pollution. Tant que l'objectif est
d'enrichir les riches, l'extraction du scandium en
tant que sous-produit généré durant la production
de dioxyde de titane ne sera pas utilisée pour
servir le peuple. La main-d'oeuvre hautement
qualifiée et les ressources du Canada sont sa plus
grande richesse et elles doivent être placées sous
la direction et le contrôle du peuple.
Notes
1. «
Le Gouvernement du Québec lance le Plan
québécois pour la valorisation des minéraux
critiques et stratégiques : des ressources
d'avenir pour un Québec plus vert », ministère
de l'Énergie et des Ressources naturelles du
Québec, 29 octobre 2020
2. «
Les minéraux critiques et stratégiques du
Canada : qui décide ? Intégration des
régions du Nord du Québec à l'économie de guerre
des États-Unis », Le Marxiste-Léniniste,
le 24 octobre 2020
3. «
Rio Tinto entre sur le marché du scandium avec
la construction d'une nouvelle usine au Canada
», communiqué de presse du 14
janvier 2021 de Rio Tinto.
(Pour voir les articles
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