Numéro 113 - 29 novembre 2021
Votes de grève générale illimitée dans les centres de
la petite enfance au Québec
« Nous sommes toutes et tous essentiels !», disent les intervenantes
Québec, 23 novembre 2021
• Les revendications des intervenantes en CPE
• Les parents demandent au gouvernement Legault d'accéder aux revendications des intervenantes
Votes de grève générale illimitée dans les centres de la petite enfance au Québec
Mobilisation en prévision du vote de
grève à Rouyn-Noranda
Le
24 novembre, lors d'assemblées générales, les membres de la Fédération
des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ) ont voté à
91,2 % en faveur d'un mandat de grève générale illimitée. Le mandat de
grève sera appliqué au moment jugé opportun. Environ 3 200 intervenantes
étaient appelées à se prononcer. Le 26 novembre, les quelque 11 000
membres travaillant en CPE de la Fédération de la santé et des services
sociaux (FSS-CSN) ont aussi voté à 92,1 %, par des assemblées générales,
en faveur de la grève générale illimitée qu'ils entendent appliquer le
1er décembre s'il n'y a pas de déblocage dans les négociations avec le
gouvernement. Le Syndicat québécois des employées et employés de service
(SQEES), affilié à la Fédération des travailleurs et des travailleuses
du Québec, tient cette semaine un vote sur un mandat de grève générale.
Les intervenantes ont mené des journées de grève depuis septembre, avec
un fort appui de la part des parents, mais le gouvernement n'a pas bougé
de manière satisfaisante pour accéder ou même considérer leurs
revendications. Pendant ce temps, une grève générale se poursuit depuis
le 13 octobre dans deux centres de la petite enfance où les
intervenantes sont membres du Syndicat des Métallos, un à Rouyn-Noranda
en Abitibi et l'autre à Port-Cartier sur la Côte-Nord.
La revendication des intervenantes, que toutes celles et ceux qui
travaillent dans les CPE sont essentiels et se doivent d'avoir des
salaires et des conditions qu'ils jugent acceptables et qui défendent le
réseau en contribuant à résoudre les problèmes d'attraction et de
rétention du personnel, est au centre de ces actions. Cette
affirmation du
caractère essentiel de tout le personnel, toutes catégories d'emploi
confondues, a été renforcée par ce que les intervenantes ont accompli au
plus fort de la pandémie, en gardant les centres ouverts malgré le
manque de personnel, son épuisement
et les mauvaises conditions. Ceci a permis à des dizaines de milliers
de parents, en grande majorité des femmes, de continuer de
travailler avec l'esprit en paix autant que possible pendant la
pandémie. La décision d'aller en grève générale si les négociations ne
débloquent pas de manière significative montre la détermination de
s'attaquer aux problèmes maintenant alors que beaucoup pensent à
quitter. Un des slogans qu'on retrouve dans les manifestations le dit
bien : «
Partie pour partir ou partie pour rester ».
Le
gouvernement doit accéder aux justes revendications des intervenantes
en CPE. Il doit abandonner ses considérations étroites par lesquelles il
nie ce que les intervenantes affirment par leurs revendications. Le
gouvernement blâme les travailleuses de faire du chantage contre la
population et le gouvernement, et d'essayer d'avoir « le gros bout
du bâton » dans les négociations, et il dit même se préparer à une
loi spéciale de retour au travail si la grève générale est déclenchée.
Il a ressorti sa rengaine de la « capacité de payer » du
gouvernement pour rejeter les demandes d'augmentations salariales des
groupes d'emploi autres que les éducatrices, alors que ces demandes sont
importantes et que le gouvernement allonge sans problème des millions de
dollars dans des stratagèmes pour payer les riches pour servir les
monopoles étrangers.
La lutte des intervenantes des centres de la petite enfance fait
partie de la lutte des travailleurs pour mettre en oeuvre les leçons que
la pandémie a révélées à tous, que les travailleurs sont la force
essentielle qui permet à la société de fonctionner. Leurs justes
revendications à la défense de leurs droits et des droits de tous et de
toutes doivent être
appuyées par tous et satisfaites. Les services de garde comme les
centres de la petite enfance servent la société et doivent être défendus
et étendus par la défense du facteur humain représenté par ceux et
celles qui assurent la prestation des services.
Forum ouvrier appuie de tout coeur la lutte des intervenantes
en CPE et réclame que le gouvernement abandonne ses considérations
étroites et ses menaces, et satisfasse leurs justes revendications.
Bien qu'elles ne négocient pas en front commun, les intervenantes
syndiquées des centres de la petite enfance ont des revendications
communes pour des salaires et des conditions qu'elles jugent acceptables
et qui vont contribuer à résoudre le problème d'attraction et de
rétention de la main-d'oeuvre qui menace l'existence même du
réseau.
Les salaires
La question des salaires est importante dans la dispute actuelle
et alors que les conventions collectives sont terminées depuis
le 31 mars 2020, cette question n'est toujours pas réglée.
L'absence d'entente sur la question des salaires fait en sorte
qu'aucune autre question n'a été abordée à la table de négociation même
si elles sont
très
importantes.
Les
syndicats estiment que les salaires des intervenantes des centres de la
petite enfance sont globalement 16 % inférieurs à ce qu'ils
sont dans les mêmes catégories d'emplois chez les autres travailleurs et
travailleuses du réseau des services publics. Les salaires
inacceptables sont une des raisons principales, selon les syndicats, qui
expliquent qu'entre 2019 à 2020, il y a eu une baisse de près
de 25 % des personnes diplômées en Techniques d'éducation à
l'enfance dans les cégeps.
Un des syndicats engagés dans cette négociation, la Fédération des
intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ) a indiqué que ses
demandes salariales
se situent entre 13,6 % et 20,3 % sur trois ans selon le
corps d'emploi.
L'effort des syndicats pour négocier des salaires acceptables pour
leurs membres a été perturbé, non seulement par le refus initial du
gouvernement de reconnaître le problème, mais par son geste provocateur
de la mi-octobre par lequel il a décrété une hausse temporaire
d'environ 17 % aux éducatrices dans laquelle il y avait en
réalité un montant forfaitaire de 50 dollars par semaine pour
celles qui étendraient leur semaine de travail à 40 heures. Ceci a
été annoncé en passant par dessus les négociations et les intervenantes,
et leurs syndicats ont fermement dénoncé ce geste.
Les syndicats ont annoncé depuis que les offres du gouvernement en ce
qui concerne les éducatrices qui sont titulaires d'un groupe d'enfants
se sont rapprochées des revendications des intervenantes. Ces offres se
situeraient entre 18 et 20 % d'augmentation sur trois
sans selon le syndicat. Par contre, les éducatrices
spécialisées, qui s'occupent d'enfants en difficulté, recevraient
beaucoup moins.
Le problème s'aggrave encore lorsqu'on parle des salaires de toutes
les autres catégories d'emplois, qui sont aussi essentielles que la
catégorie d'éducatrice. Des offres entièrement inacceptables ont été
faites pour ces groupes d'emplois. Ce sont, entre autres, les emplois
d'agentes de soutien pédagogique, les adjointes administratives, les
préposés à l'entretien et les responsables en alimentation. Le
gouvernement offre essentiellement les mêmes augmentations qui ont été
signées avec les travailleurs correspondants des autres institutions du
secteur public, soit 2 % par année et donc 6 % pour
un contrat de trois ans, une offre qui se monte à 9 %
pour certains des employés travaillant aux plus bas salaires.
Pour donner un exemple, les responsables en alimentation, au plus
haut échelon de leur salaire, gagnent présentement un taux horaire
de 20,67 dollars alors qu'ils gagnent 26,57 dollars dans
le reste du réseau public. Cette offre, disent les syndicats, est
totalement insuffisante pour retenir ces employés dans le secteur des
CPE,
sans parler d'en attirer d'autres.
Les préposés à l'entretien qui, dans les conditions de la pandémie,
jouent un rôle très important dans la désinfection régulière de toutes
les aires communes, ont souvent un salaire à l'entrée d'à peine plus
de 15 dollars, et l'offre proposée va avoir un impact très minime
sur leur salaire.
Les intervenantes en CPE ont dit qu'elles n'accepteront pas une telle
offre salariale et les éducatrices se sont montrées fortement
solidaires de leurs collègues des autres catégories d'emplois lors des
actions de grève des dernières semaines.
Les autres revendications sont en suspens
L'absence de déblocage sur la question salariale a fait en sorte
que les autres revendications importantes n'ont pas encore été abordées.
Les intervenantes demandent notamment un plus grand nombre de congés
annuels payés qui leur permettent de récupérer leur énergie et de
consacrer du temps à leur vie de famille.
Elles demandent un régime d'assurance collective qui soit abordable.
Elles notent que ces dernières années le coût du régime a fortement
augmenté mais que la contribution patronale n'a pas suivi et ceci doit
être corrigé. L'augmentation du coût est directement reliée à
l'augmentation fulgurante du nombre de membres qui ont dû demander
l'accès au régime d'invalidité, ce qui démontre leur épuisement.
Une autre catégorie de revendications concerne la surcharge de travail qui ne cesse de s'aggraver.
Par exemple, l'augmentation du temps de préparation pédagogique est
un enjeu d'importance. Le ministère exige de plus en plus des
intervenantes en imposant de nouvelles réglementations. Le dossier de
l'enfant en est un exemple. Les intervenantes ont l'obligation de
remplir le dossier de l'enfant et de rencontrer le parent qui le
requiert et ce,
deux fois par année. Cependant, le temps de préparation pour la
rédaction n'a pas été revu à la hausse et les intervenantes se
retrouvent à devoir accomplir cette tâche sur leur temps personnel. Il
en est de même pour la planification pédagogique qui doit être appuyée
d'observations et documentée selon le développement et les besoins de chaque enfant.
Un problème important est celui des enfants ayant des besoins
particuliers. Les intervenantes demandent plus de soutien pour l'accueil
de ces enfants. Il existe peu de ressources disponibles pour soutenir
les intervenantes quotidiennement, faute de financement et de
main-d'oeuvre spécialisée. Les CPE accueillent de plus en plus d'enfants
à défi
particulier. Les intervenantes demandent une enveloppe monétaire séparée
qui permette de mieux accompagner ces enfants afin de leur offrir un
milieu accueillant et adapté à leurs besoins.
Le réseau des garderies du Québec compte plus de 50 000
noms sur sa liste d'attente et une pénurie d'éducatrices que le
ministère de la Famille estime à 17 800 personnes. Le
premier ministre Legault a promis d'ajouter 37 000 places en services de
garde subventionnés d'ici 2025. Si l'on ne répond pas aux justes
demandes des travailleuses et travailleurs en services de garde, la
déclaration du gouvernement de fournir des places à tous ceux qui en ont
besoin sonne creux.
Pour les intervenantes en CPE, ces demandes forment un tout pour
lequel une résolution acceptable doit être conclue afin de protéger et
développer le réseau des centres de la petite enfance afin qu'il serve
bien les besoins de la société québécoise.
Les parents s'opposent eux aussi au refus du gouvernement de
négocier de nouvelles conventions avec les intervenantes des CPE basées
sur leurs revendications de salaires et de conditions de travail qui
sont requises pour l'amélioration du système. Les conditions de travail
de ces employées sont les conditions de vie et d'apprentissage des
enfants d'âge préscolaire et des bébés au Québec.
Dans une lettre ouverte signée par 278 parents et publiée dans La Presse
le 24 novembre, ceux- ci demandent au gouvernement Legault de
reconnaître le rôle important que les éducatrices jouent dans la vie des
familles.
Parlant de l'épuisement causé par la pandémie et des grèves dans les
CPE, les parents écrivent : « Nous, les familles québécoises
épuisées de s'adapter, vous demandons de régler ce conflit de travail
par une entente négociée afin de sauver notre santé mentale et celle de
nos enfants, mais aussi de sauver notre système d'éducation à la
petite enfance. Nous avons toutes et tous, collectivement, besoin des
travailleuses et des travailleurs du réseau des CPE, leur rôle est
majeur et il serait temps de reconnaître leur part dans notre société
ainsi que la juste valeur de leur travail. N'abandonnez pas les familles
québécoises qui ont fait le choix de participer au Québec de demain, et
qui
aujourd'hui sont à bout de force. Si vous ne pouvez rien au
développement de la pandémie, vous avez tout le pouvoir nécessaire pour
régler ce conflit de travail. »
(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)
PDF
NUMÉROS
PRÉCÉDENTS | ACCUEIL
Site web: www.pccml.ca
Courriel : forumouvrier@cpcml.ca
|