Les revendications des intervenantes en CPE
Bien qu'elles ne négocient pas en front commun, les intervenantes
syndiquées des centres de la petite enfance ont des revendications
communes pour des salaires et des conditions qu'elles jugent acceptables
et qui vont contribuer à résoudre le problème d'attraction et de
rétention de la main-d'oeuvre qui menace l'existence même du
réseau.
Les salaires
La question des salaires est importante dans la dispute actuelle
et alors que les conventions collectives sont terminées depuis
le 31 mars 2020, cette question n'est toujours pas réglée.
L'absence d'entente sur la question des salaires fait en sorte
qu'aucune autre question n'a été abordée à la table de négociation même
si elles sont
très
importantes.
Les
syndicats estiment que les salaires des intervenantes des centres de la
petite enfance sont globalement 16 % inférieurs à ce qu'ils
sont dans les mêmes catégories d'emplois chez les autres travailleurs et
travailleuses du réseau des services publics. Les salaires
inacceptables sont une des raisons principales, selon les syndicats, qui
expliquent qu'entre 2019 à 2020, il y a eu une baisse de près
de 25 % des personnes diplômées en Techniques d'éducation à
l'enfance dans les cégeps.
Un des syndicats engagés dans cette négociation, la Fédération des
intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ) a indiqué que ses
demandes salariales
se situent entre 13,6 % et 20,3 % sur trois ans selon le
corps d'emploi.
L'effort des syndicats pour négocier des salaires acceptables pour
leurs membres a été perturbé, non seulement par le refus initial du
gouvernement de reconnaître le problème, mais par son geste provocateur
de la mi-octobre par lequel il a décrété une hausse temporaire
d'environ 17 % aux éducatrices dans laquelle il y avait en
réalité un montant forfaitaire de 50 dollars par semaine pour
celles qui étendraient leur semaine de travail à 40 heures. Ceci a
été annoncé en passant par dessus les négociations et les intervenantes,
et leurs syndicats ont fermement dénoncé ce geste.
Les syndicats ont annoncé depuis que les offres du gouvernement en ce
qui concerne les éducatrices qui sont titulaires d'un groupe d'enfants
se sont rapprochées des revendications des intervenantes. Ces offres se
situeraient entre 18 et 20 % d'augmentation sur trois
sans selon le syndicat. Par contre, les éducatrices
spécialisées, qui s'occupent d'enfants en difficulté, recevraient
beaucoup moins.
Le problème s'aggrave encore lorsqu'on parle des salaires de toutes
les autres catégories d'emplois, qui sont aussi essentielles que la
catégorie d'éducatrice. Des offres entièrement inacceptables ont été
faites pour ces groupes d'emplois. Ce sont, entre autres, les emplois
d'agentes de soutien pédagogique, les adjointes administratives, les
préposés à l'entretien et les responsables en alimentation. Le
gouvernement offre essentiellement les mêmes augmentations qui ont été
signées avec les travailleurs correspondants des autres institutions du
secteur public, soit 2 % par année et donc 6 % pour
un contrat de trois ans, une offre qui se monte à 9 %
pour certains des employés travaillant aux plus bas salaires.
Pour donner un exemple, les responsables en alimentation, au plus
haut échelon de leur salaire, gagnent présentement un taux horaire
de 20,67 dollars alors qu'ils gagnent 26,57 dollars dans
le reste du réseau public. Cette offre, disent les syndicats, est
totalement insuffisante pour retenir ces employés dans le secteur des
CPE,
sans parler d'en attirer d'autres.
Les préposés à l'entretien qui, dans les conditions de la pandémie,
jouent un rôle très important dans la désinfection régulière de toutes
les aires communes, ont souvent un salaire à l'entrée d'à peine plus
de 15 dollars, et l'offre proposée va avoir un impact très minime
sur leur salaire.
Les intervenantes en CPE ont dit qu'elles n'accepteront pas une telle
offre salariale et les éducatrices se sont montrées fortement
solidaires de leurs collègues des autres catégories d'emplois lors des
actions de grève des dernières semaines.
Les autres revendications sont en suspens
L'absence de déblocage sur la question salariale a fait en sorte
que les autres revendications importantes n'ont pas encore été abordées.
Les intervenantes demandent notamment un plus grand nombre de congés
annuels payés qui leur permettent de récupérer leur énergie et de
consacrer du temps à leur vie de famille.
Elles demandent un régime d'assurance collective qui soit abordable.
Elles notent que ces dernières années le coût du régime a fortement
augmenté mais que la contribution patronale n'a pas suivi et ceci doit
être corrigé. L'augmentation du coût est directement reliée à
l'augmentation fulgurante du nombre de membres qui ont dû demander
l'accès au régime d'invalidité, ce qui démontre leur épuisement.
Une autre catégorie de revendications concerne la surcharge de travail qui ne cesse de s'aggraver.
Par exemple, l'augmentation du temps de préparation pédagogique est
un enjeu d'importance. Le ministère exige de plus en plus des
intervenantes en imposant de nouvelles réglementations. Le dossier de
l'enfant en est un exemple. Les intervenantes ont l'obligation de
remplir le dossier de l'enfant et de rencontrer le parent qui le
requiert et ce,
deux fois par année. Cependant, le temps de préparation pour la
rédaction n'a pas été revu à la hausse et les intervenantes se
retrouvent à devoir accomplir cette tâche sur leur temps personnel. Il
en est de même pour la planification pédagogique qui doit être appuyée
d'observations et documentée selon le développement et les besoins de chaque enfant.
Un problème important est celui des enfants ayant des besoins
particuliers. Les intervenantes demandent plus de soutien pour l'accueil
de ces enfants. Il existe peu de ressources disponibles pour soutenir
les intervenantes quotidiennement, faute de financement et de
main-d'oeuvre spécialisée. Les CPE accueillent de plus en plus d'enfants
à défi
particulier. Les intervenantes demandent une enveloppe monétaire séparée
qui permette de mieux accompagner ces enfants afin de leur offrir un
milieu accueillant et adapté à leurs besoins.
Le réseau des garderies du Québec compte plus de 50 000
noms sur sa liste d'attente et une pénurie d'éducatrices que le
ministère de la Famille estime à 17 800 personnes. Le
premier ministre Legault a promis d'ajouter 37 000 places en services de
garde subventionnés d'ici 2025. Si l'on ne répond pas aux justes
demandes des travailleuses et travailleurs en services de garde, la
déclaration du gouvernement de fournir des places à tous ceux qui en ont
besoin sonne creux.
Pour les intervenantes en CPE, ces demandes forment un tout pour
lequel une résolution acceptable doit être conclue afin de protéger et
développer le réseau des centres de la petite enfance afin qu'il serve
bien les besoins de la société québécoise.
Cet article est paru dans
Numéro 113 - 29 novembre 2021
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