Numéro 112 - 26 novembre 2021
Tous à la défense du droit des travailleurs accidentés
et malades à l'indemnisation
Projet de loi 27 de l'Ontario: un stratagème pour payer les riches avec l'argent volé aux travailleurs
• Présentation de la Clinique juridique communautaire des travailleurs accidentés sur le projet de loi 27
• Lancement de l'Alliance pour une réforme sur les maladies professionnelles
Tous à la défense du droit des travailleurs
accidentés et malades à l'indemnisation
Le projet de
loi 27, Loi de 2021 visant à oeuvrer pour les travailleurs a
été présenté au parlement ontarien le 25 octobre par le ministre
du Travail, de la Formation et du Développement des compétences, Monte
McNaughton. Le projet de loi modifie six lois, dont la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et
l'assurance contre les accidents du travail. Il a passé l'étape de
la deuxième lecture, de l'étude par le Comité permanent de la politique
sociale et passe maintenant à la troisième lecture.
La principale modification proposée à la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l'assurance contre les accidents du travail consiste
à inclure dans la Loi une exigence selon laquelle la Commission de la
sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du
travail (CSPAAT) doit verser tout fonds «
excédentaire » aux employeurs lorsque le fonds
atteint 125 % du « plein financement », et la CSPAAT a le
pouvoir discrétionnaire de verser des fonds lorsque le fonds
atteint 115 %. Lors du débat à l'Assemblée législative, le
ministre a également annoncé qu'en 2022, la CSPAAT réduira les
primes des
employeurs de 168 millions de dollars, « une autre réduction d'impôt
pour les employeurs sécuritaires de l'Ontario » et que « les taux
de primes ont maintenant chuté de plus de 50 % depuis que nous
avons formé le gouvernement, laissant plus de 2,4 milliards de
dollars dans les économies locales de
l'Ontario ».
Les travailleurs accidentés, les groupes de défense, les syndicats et
la Fédération du travail de l'Ontario ont tous dénoncé le plan et
présenté leurs raisons et leurs demandes de restitution de fonds aux
travailleurs accidentés dans des mémoires soumis à la CSPAAT en août
pendant une courte période de « consultation ».
Ce changement est un autre stratagème pour payer les riches à même
les fonds volés aux travailleurs accidentés. L' « excédent » du
fonds d'assurance est le résultat de compressions dans les services, la
réadaptation et l'indemnisation des travailleurs blessés qui se
poursuivent depuis des années. Les attaques en règle contre les
travailleurs
accidentés ont été lancées durant l'offensive antisociale du
gouvernement de Mike Harris au milieu des années 1990, sous le
prétexte d'éliminer les mesures sociales « tueuses d'emplois » et
de mettre tous les actifs de la société à la disposition des riches,
frauduleusement appelés créateurs de la richesse sociale. Les
gouvernements
successifs ont mis en oeuvre des réductions de l'indemnisation et
d'autres mesures qui privent les travailleurs accidentés de leurs
prestations. L'ampleur du vol est telle que l'objectif de « financement
complet » qui devait être atteint en 2027 a été dépassé, d'où
le « surplus ».
La
justification initiale des coupures dans l'indemnisation des
travailleurs était l'affirmation frauduleuse que la CSPAAT ne pouvait
pas fonctionner avec un « passif non capitalisé ». La promesse a
été faite que lorsque le passif non capitalisé serait éliminé par les
coupures importantes dans l'indemnisation des travailleurs, celles-ci
seraient
inversées. Non seulement cela ne s'est pas produit, mais les amendements
prévus par le projet de loi 27 rendraient le vol de ces fonds
permanent et les excédents actuels et futurs réalisés sur le dos des
travailleurs seraient versés aux employeurs.
Voici ce qu'a dit, entre autres choses, le ministre McNaughton à
l'Assemblée législative le 1er novembre lors du débat sur le projet
de loi :
« La CSPAAT est la troisième compagnie d'assurance en importance en
Amérique du Nord. Elle a des revenus d'environ 4 milliards de
dollars provenant des primes payées par les employeurs et du rendement
des investissements. À l'heure actuelle, la commission a un excédent et
se trouve dans la meilleure situation financière de son
histoire. Au même moment, les petits marchands et les petits commerçants
ont du mal à joindre les deux bouts et à se remettre des effets de la
pandémie. Ce n'est pas juste. Cet argent appartient aux petites
entreprises de nos communautés. Nous proposons d'inscrire dans la loi
que les fonds soient remis à ceux dont les primes financent la
commission lorsque la CSPAAT dispose de 125 % des fonds dont
elle a besoin, et nous donnons à la CSPAAT la possibilité de remettre
les fonds plus tôt lorsque le fonds est à 115 %. »
Les
propos du ministre sur les « petites entreprises » et les « petits
commerçants et petits marchands » manquent de sincérité.
L'économie de l'Ontario n'est pas détenue et contrôlée par les petites
entreprises, mais par des monopoles privés qui contrôlent également
l'État et ses institutions. C'est à eux que sera distribué le gros des
prétendus surplus. Les organisations de défense des travailleurs
accidentés ont démontré que la pratique par la CSPAAT des ristournes aux
employeurs en vertu de l'évaluation de l'expérience, qui récompense les
employeurs prétendument sécuritaires parce qu'ils réduisent les coûts
des réclamations, a détourné des centaines de millions de fonds de
la CSPAAT dans les coffres des plus grands monopoles de la province,
parfois l'année même où des travailleurs ont été tués dans leurs
installations.
Les milliards de dollars « économisés » par le gouvernement sur
le dos des travailleurs accidentés doivent leur être remboursés par
l'annulation de toutes les coupures dans les indemnisations et en
mettant fin à la myriade d'obstacles qui violent le droit des
travailleurs de recevoir des soins médicaux appropriés et un
remplacement du
salaire à un niveau qui leur garantit, à eux et à leurs familles, la
sécurité financière et la dignité.
Forum ouvrier reproduit ci-dessous des extraits d'un mémoire
présenté par la Clinique juridique communautaire des travailleurs
accidentés (IWC) au Comité permanent de la politique sociale, qui
procède à une étude article par article du projet de loi 27, et
vous informe de la formation de l'Alliance pour la réforme sur les maladies
professionnelles, qui vise à unir les organisations luttant pour que
justice soit rendue aux travailleurs atteints de maladies
professionnelles.
Le 17 novembre, la Clinique juridique communautaire des
travailleurs accidentés (IWC) a soumis au Comité permanent de la
politique sociale des propositions d'amendements à l'annexe 6 du
projet de loi 27 qui modifie la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l'assurance contre les accidents du
travail. Les propositions portent sur deux aspects du projet de
loi : premièrement, la nécessité de donner la priorité à la
restitution de fonds aux travailleurs accidentés à qui de l'argent a été
volé pour éliminer le passif non capitalisé ; deuxièmement, la
nécessité d'aborder la question de la suppression des réclamations, la
pratique
des employeurs consistant à sous-déclarer et à contraindre les
travailleurs à ne pas présenter de réclamations, ce qui fait que les
travailleurs accidentés ne sont pas indemnisés et que les employeurs
ayant un taux d'accidents élevé sont en fait désignés comme des «
employeurs sécuritaires » en raison de leur faible taux de
réclamations.
L'IWC indique :
« Ce projet de loi rend un très mauvais service aux travailleurs
accidentés et nous demandons instamment au Comité de rejeter les parties
du projet de loi concernant le système d'indemnisation des travailleurs
(à savoir l'annexe 6) ou, à tout le moins, d'amender le projet de
loi afin de tenir compte des travailleurs accidentés. Les
amendements spécifiques suggérés au projet de loi sont contenus dans
cette présentation.
[...]
«
Comme vous le savez, l'annexe 6 du projet de loi 27 propose
que lorsque la Commission de la sécurité professionnelle et de
l'assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) atteint un
financement de 115 %, la CSPAAT « peut » distribuer cet
excédent entre les employeurs de l'annexe 1, et, qu'à un
financement de 125 %, cette distribution serait obligatoire.
« Nous sommes inquiets du fait que la CSPAAT a atteint des niveaux de
financement qui permettent d'envisager la répartition de l'excédent.
Lorsque le gouvernement a demandé pour la première fois à la CSPAAT de
travailler en vue d'un « financement complet », elle lui a demandé
de le faire avant 2027. Le fait que la CSPAAT
ait atteint ce qu'elle considère comme un financement complet
en 2018 devrait être un sujet de préoccupation profonde plutôt que
de fierté. La CSPAAT n'a pu amasser une telle somme d'argent en banque
(environ 40 milliards de dollars) qu'en le faisant sur le dos des
travailleurs accidentés. Avant même que le gouvernement ou la
CSPAAT n'envisagent prétendre être en situation d'excédent et proposer
de verser des fonds aux employeurs, les travailleurs accidentés doivent
recevoir une indemnisation complète et juste, conformément à leurs
droits légaux et telle que promise par le compromis historique et les
principes fondateurs du régime d'indemnisation des
travailleurs. »
Sous le thème « Restitution de fonds aux travailleurs blessés »,
l'IWC énumère des obligations spécifiques envers les travailleurs
blessés qui doivent être satisfaites avant qu'un « surplus » puisse
être considéré comme légitime, y compris des taux de paiement augmentés
pour couvrir la perte de revenus, l'élimination de la
présomption (le « deeming »), un financement approprié pour les
maladies professionnelles et la reconnaissance des blessures de stress
mental, parmi d'autres, et conclut :
« ...les lacunes du système d'indemnisation des travailleurs doivent
être corrigées avant qu'on envisage toute ‘distribution de surplus' aux
employeurs. Il incombe à la CSPAAT d'identifier les lacunes dans les
services et les responsabilités avant de se considérer en position
d'excédent, afin que ces besoins puissent être satisfaits avant de
retirer de
l'argent du système par des remises aux employeurs.
[...]
« Afin d'être en mesure de régler les obligations en suspens et les
insuffisances du système avec les fonds disponibles, toute disposition
de répartition de l'excédent doit donner la priorité à la distribution
des fonds aux programmes et services au profit des travailleurs blessés -
et non seulement des employeurs (l'article 97.1 proposé).
Sinon, l'annexe 6 du projet de loi 27 est unilatéral et
impardonnable et se plie aux intérêts des employeurs et ne ‘travaille
pas du tout pour les travailleurs' ».
L'autre problème majeur de la loi proposée est que le «
surplus » doit être distribué aux « bons » employeurs. Le
ministre a déclaré que l'intention du gouvernement est de « récompenser
les employeurs sécuritaires ». Un « employeur sécuritaire »
est déterminé par « l'expérience en matière de réclamations »,
c'est-à-dire une formule qui définit les « employeurs sécuritaires
» comme ceux qui ont un faible nombre de réclamations déposées par
des travailleurs qui ont été blessés ou rendus malades au travail.
L'IWC souligne que « les employeurs paient des primes en fonction de
leur expérience en matière de coûts, mais s'ils contraignent leurs
travailleurs à ne pas réclamer ou réduisent les coûts d'indemnisation,
les mauvais acteurs gagnent ».
Les
groupes de défense des travailleurs accidentés signalent depuis
longtemps que la suppression et la sous-déclaration des demandes
d'indemnisation, y compris la fausse déclaration des circonstances
entourant un accident du travail, sont des problèmes sérieux. Ils
soulignent que, bien que cela soit difficile à mesurer, un rapport
de 2013
commandé par la CSPAAT indique que « 20 % est une estimation
plausible de la proportion de blessures ou de maladies professionnelles
probablement indemnisables pour lesquelles les travailleurs ne
présentent pas de demande », que d'autres études (dont certaines
très récentes) ont suggéré que les blessures au travail sont
sous-déclarées dans une proportion de 40 à 60 % et plus,
et que le système actuel de fixation des taux ne traite pas (et en fait
encourage involontairement) le problème de la suppression des demandes
et de la sous-déclaration.
L'IWC propose plusieurs changements à la loi qui exigeraient que la
Commission donne la priorité aux travailleurs accidentés, élimine la
présomption, utilise tous les fonds en sus de ceux utilisés pour
indemniser les travailleurs pour l'amélioration de la santé et de la
sécurité sur les lieux de travail, et assure un nombre suffisant
d'audits des
lieux de travail chaque année pour mettre fin à la sous-déclaration et à
la suppression des demandes.
Dans la conclusion de sa présentation, l'IWC affirme une fois de plus
que les prestations des travailleurs accidentés ont été réduites de
plusieurs milliards de dollars au nom du règlement du passif non
capitalisé, notamment en ce qui concerne la réparation des lésions et le
paiement de prestations adéquates aux travailleurs accidentés.
Elle
écrit : « Comme société, nous ne devrions pas nous engager dans un
exercice visant à équilibrer les bénéfices des entreprises et la pleine
indemnisation des travailleurs accidentés. Afin d'éviter d'aider les
entreprises au détriment des travailleurs accidentés, le projet de loi
doit être modifié pour qu'il comprenne la nécessité de consulter les
parties prenantes sur les insuffisances actuelles du système avant
d'allouer les fonds disponibles, et des allocations potentielles doivent
être allouées et priorisées pour les programmes et services qui
bénéficient aux travailleurs accidentés. »
La présentation complète peut être lue ici.
Les
travailleurs et les familles de travailleurs ontariens qui souffrent ou
sont décédés suite à une maladie professionnelle ont pris une
initiative importante dans leur lutte pour la justice. Le 29
octobre, la formation de l'Alliance pour une réforme sur les maladies
professionnelles (ARMP) a été annoncée à une conférence de presse dont
l'hôte était le député néodémocrate Wayne Gates. Parmi les personnes qui
sont intervenues à la conférence de presse, il y avait Sue James, une
ancienne travailleuse de GE Peterborough, deux veuves de travailleurs
décédés de maladies professionnelles, Jean Simpson, dont le conjoint a
travaillé à Fiberglass Sarnia pendant 36 ans, et Sara
Sharpe, dont le conjoint a travaillé à GE Peterborough pendant 42
ans.
L'ARMP est composée de victimes de maladies professionnelles et de
membres de leur famille provenant de divers endroits en Ontario qui sont
des foyers de maladies professionnelles, dont Peterborough, Sarnia,
Sudbury, Thunder Bay, Dryden, Kitchener-Waterloo et Sault-Sainte-Marie.
Parmi les sources des grappes de maladies
professionnelles on compte Peterborough GE, la poussière d'aluminium
McIntyre Powder, les travailleurs du caoutchouc de Kitchener, les
victimes de Chemical Valley de Sarnia, l'usine de pâtes et papiers
Dryden, Ventra/Pebra Plastics à Peterborough, Neelon Castings à Sudbury
et l'aciérie de Sault-Sainte-Marie.
L'ARMP rassemble en une seule coalition de défense des groupes qui se
battent depuis des décennies pour exiger du ministère du Travail et de
la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre
les accidents du travail qu'ils reconnaissent leurs maladies
professionnelles et qu'ils les indemnisent.
À
la conférence de presse, Sue James, la présidente de l'ARMP, a
dit : « Nos communautés en Ontario sont aux prises avec le
désespoir, le deuil et la souffrance. Monsieur le ministre, vous savez
exactement qui nous sommes, nous avons déjà tenté de capter votre
attention au moyen de lettres et de courriels. Vous connaissez notre
souffrance et nos pertes et pourtant, vous ne faites rien. Je suis
attristée que vous ayez ignoré les familles qui réclament justice pour
leurs êtres chers et les travailleurs qui continuent de tomber malades
et de mourir...Le temps est venu depuis longtemps de corriger cette
situation et nous vous interpellons et vous tenons responsable des
nombreux
maux infligés à ces travailleurs et à leurs familles. L'Alliance pour
une réforme sur les maladies professionnelles ne sera plus jamais
réduite au silence. »
L'ARMP présente quatre revendications au gouvernement Ford qui
rendront justice aux travailleurs et à leurs familles qui tentent
d'obtenir les prestations de la CSPAAT pour les maladies
professionnelles. Ces revendications sont : accorder une
indemnisation pour les maladies qui sont plus courantes parmi les
travailleurs que dans la
communauté ; ne pas utiliser des normes déraisonnables lorsqu'il
s'agit de décider d'appuyer les travailleurs malades ; créer une
présomption à l'effet que certains cancers sont liés à l'endroit de
travail et exiger de la CSPAAT qu'elle reconnaisse sans délai les
maladies causées par l'exposition à de multiples cancérogènes.
L'Alliance pour une réforme sur les maladies professionnelles a une page Facebook et on peut la rejoindre à odreform@gmail.com.
Un représentant de l'ARMP se joindra au Réseau ontarien des
travailleurs accidentés (ONIWG), à des organisations de travailleurs et à
leurs alliés pour la 30e manifestation de Noël qui se tiendra en
ligne le 14 décembre à 10 heures. Voir l'affiche ci-dessous et
obtenir plus d'information sur les événements à venir sur la page
Web pccml.ca.
(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)
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