Forum ouvrier

Numéro 108 - 17 novembre 2021

Défendre l'intérêt public en défendant les droits des travailleurs

Entente de principe entre les syndicats en grève au Nouveau-Brunswick et
le gouvernement

Alberta
Les travailleurs d'Amazon en Alberta font une requête d'accréditation syndicale
- Peggy Morton
À titre d'information : l'accréditation syndicale en Alberta


Défendre l'intérêt public en défendant les droits des travailleurs

Entente de principe entre les syndicats en grève
au Nouveau-Brunswick et le gouvernement

Le 13 novembre, le Syndicat canadien de la fonction publique-Nouveau Brunswick (SCFP NB) a annoncé qu'une entente de principe a été conclue entre les 11 sections locales du syndicat faisant partie de l'équipe de négociation centralisée et le gouvernement provincial. Une onzième section locale s'est ajoutée aux dix autres à la négociation centralisée, représentant les travailleurs d'Alcool NB Liquor (ANBL), qui avaient voté fortement pour la grève le 9 novembre dernier et devaient la déclencher le 16 mais ont conclu une entente de principe avec ANBL.

Les travailleurs du SCFP ont déclenché la grève le 29 octobre dernier pour des salaires qu'ils jugent acceptables et essentiels à la solution du problème de rétention et d'attrition qui affecte les services publics. Ils s'opposaient aussi aux demandes de concessions du gouvernement contre les travailleurs de deux sections locales du secteur de l'éducation pour transformer leur régime de retraite à prestations déterminées en régime à risques soi-disant partagés dans lequel les prestations de retraite peuvent être coupées si le régime est déclaré sous-financé. Ces quelque 20 000 travailleurs comprennent notamment les préposés à l'entretien des routes et les travailleurs des parcs, les agents correctionnels, les travailleurs sociaux, les sténographes judiciaires, les préposés à la buanderie, les chauffeurs d'autobus et les concierges dans les écoles, les assistantes en éducation, les préposés aux soins des patients et les travailleurs des services alimentaires et environnementaux dans les hôpitaux.

Dans son communiqué de presse, le SCFP NB annonce que l'entente de principe sur les salaires sera soumise aux membres de chaque section locale dans le cours de la semaine. En ce qui concerne la demande de concessions sur les régimes de retraite, les deux sections locales ont conclu un protocole d'entente avec le gouvernement qui sera soumis aux membres dans le cours de la semaine également. Les résultats des votes seront annoncés en conférence de presse du SCFP le vendredi 19 novembre à 11 heures.

Pendant ce temps, les travailleurs ont repris le travail et le gouvernement a rouvert les écoles qu'il avait fermées comme tactique de provocation pour tenter de dresser les familles contre les travailleurs en grève, en imposant soudainement l'apprentissage en ligne. Il avait mis en lockout les travailleurs de l'éducation en grève, les accusant de rendre impossible l'enseignement à l'école. Cette tactique avait lamentablement échoué et les parents l'avaient fermement dénoncée et avaient exprimé leur appui aux travailleurs en grève.

Pendant ce temps aussi, le syndicat maintient sa poursuite en cour contre le gouvernement pour l'arrêté d'urgence, signé par le ministre responsable de la Justice et de la Sécurité publique, qu'il a adopté le 5 novembre pour forcer les travailleurs de la santé à reprendre le travail, utilisant les pouvoirs dont il se dit investis par la Loi sur les mesures d'urgence. Un état d'urgence a été déclaré le 24 septembre en réponse à l'augmentation des cas de COVID et le gouvernement a accusé les travailleurs de menacer la santé et la sécurité de la population. Dans sa poursuite, le SCFP allègue que l'arrêté s'attaque au droit des travailleurs à la liberté d'association et au droit d'appartenir à une organisation, et que les fortes amendes qui sont prévues constituent une « punition cruelle et inhabituelle », ce qui enfreint la Charte canadienne des droits et libertés.

Depuis le début, les travailleurs et la population du Nouveau-Brunswick réclament une solution à la crise des services publics qui défend l'intérêt public en défendant les droits des travailleurs. Ils rejettent l'utilisation par l'État de la répression et de la criminalisation des travailleurs et ils l'ont exprimé fortement pendant la grève, notamment par des manifestations de masse qui ont été parmi les plus grandes de l'histoire de la province.

Dans une conversation avec Forum ouvrier, le président du SCFP NB, Steve Drost, a parlé de l'appui massif des travailleurs et des résidents du Nouveau-Brunswick à leur lutte pour leurs droits : « Ce fut une expérience extraordinaire. C'était très difficile pour les travailleurs qui ont dû faire la grève, mais au fil des jours, de plus en plus de personnes ont soutenu les travailleurs. Le gouvernement s'est livré à une attaque pour essayer d'amener le public à être en colère contre les travailleurs, mais cela a semblé se retourner contre lui. Les gens ont pu percer sa propagande et ils ont réalisé que ces travailleurs se battaient simplement pour leurs droits. Nous avons eu un rassemblement le vendredi 12 novembre, avec près de 2 000 personnes à l'Assemblée législative qui étaient des parents, des étudiants qui se sont joints à nous, de même que des enseignants et d'autres groupes de syndicats et d'autres associations professionnelles. Le soutien du public et celui d'autres professions et syndicats augmentait chaque jour. Nous pensons que nous avons été capables de trouver un compromis qui est acceptable aux deux parties et je suis confiant que nos membres auront le sentiment d'avoir été bien représentés. »

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Alberta

Les travailleurs d'Amazon en Alberta font une requête d'accréditation syndicale

Les sections locales 362 et 987 de Teamsters Canada ont fait une requête d'accréditation pour représenter les travailleurs des « centres de traitement » d'Amazon de Nisku (Edmonton) et Calgary, situés près des aéroports des deux villes. La section locale 362 des Teamsters a fait la requête pour l'entrepôt de Nisku le 14 septembre et la section locale 987 a fait la requête pour l'entrepôt de Calgary le 19 octobre. Les Teamsters ont lancé leur campagne organisationnelle lors du Congrès de la Fraternité internationale des Teamsters en juin 2021. Des douzaines de sections locales participent à la campagne organisationnelle au Canada et aux États-Unis.

Les requêtes d'accréditation syndicale dans les deux villes albertaines sont présentement devant la Commission des relations de travail de l'Alberta (CRTA). Les requêtes sont à l'étape de l'étude par laquelle la CRTA rencontre le syndicat et l'employeur pour déterminer si la requête a été faite correctement et, si oui, fixer une date pour un vote de représentation supervisé par la commission.

Forum ouvrier félicite les sections locales 362 et 987 pour leur succès à être les premiers à soumettre des requêtes pour une accréditation syndicale aux entrepôts d'Amazon, ou « centres de traitement » comme Amazon se plaît à les nommer.

L'appui de l'État aux tactiques antisyndicales d'Amazon

La loi antiouvrière adoptée par le gouvernement du Parti conservateur uni (PCU) en 2020 exige un vote supervisé par la commission même lorsqu'une majorité des travailleurs ont signé des cartes d'accréditation syndicale. Cette loi accorde six mois à la Commission des relations de travail de l'Alberta, avec la possibilité d'extensions, pour vérifier les cartes, tenir un vote et prendre une décision finale. Cela accorde aux employeurs plusieurs mois pour propager de la fausse information et pour menacer et intimider les travailleurs et cibler les organisateurs. Les travailleurs de Calgary ont rapporté que l'employeur a organisé des réunions restreintes pour dire qu'il savait qui avait signé les cartes d'accréditation du syndicat.

Un représentant de la section locale des Teamsters a dit à Forum ouvrier que les travailleurs demeurent très vigilants en raison de l'histoire d'antisyndicalisme virulent d'Amazon.

Le syndicat a déposé des plaintes de pratiques de travail déloyales par rapport aux actions d'Amazon aux entrepôts de Calgary et de Nisku. Amazon a souvent été déclarée coupable de pratiques de travail déloyales au Canada et aux États-Unis, mais on leur permet néanmoins de continuer en toute impunité. Les gouvernements, avec la vitesse de l'éclair, criminalisent les travailleurs et leurs collectifs et imposent d'énormes amendes et d'autres pénalités injustes pour leurs actions à la défense de leurs droits et de leur dignité. Mais lorsque les oligopoles violent le droit du travail, les commissions de relations de travail et les tribunaux agissent au ralenti, s'ils agissent du tout. Les gouvernements justifient ces attaques contre les droits des travailleurs en disant que les intérêts privés comme Amazon sont les créateurs de la richesse et que leurs réclamations doivent être satisfaites alors que les travailleurs sont un coût qui doit être contenu.

L'action d'Amazon à son entrepôt à Bessemer, en Alabama, où un vote de syndicalisation a échoué, en est un bon exemple. La Commission nationale des relations du travail des États-Unis (CNRT) a jugé qu'Amazon avait interféré dans le vote de syndicalisation. La compagnie avait installé une boîte aux lettres pour recueillir les bulletins de vote et distribué divers articles pour encourager les employés à voter contre  cet effort pour s'organiser. La décision d'un directeur régional de la CNRT qui doit trancher sur la tenue d'un nouveau vote est imminente.

La CNRT a rapporté qu'Amazon avait installé des caméras de sécurité au-dessus des boîtes aux lettres, créant l'impression que les employés étaient surveillés. Une tente avait été érigée autour de la boîte aux lettres arborant un slogan promotionnel de la compagnie, et la CNRT a trouvé que ce n'était pas suffisant pour invalider le vote mais que c'était tout de même une forme d'intervention électorale qui a entaché l'élection. Amazon a distribué des épingles et d'autres articles aux employés contre leur effort pour s'organiser, les appelant à « voter non » en présence de gestionnaires et de superviseurs. Elle a organisé des réunions obligatoires pour tenter d'influencer le vote, fait parvenir des messages texte aux travailleurs et même disposé de la littérature liée à la campagne dans les salles de toilettes.. En attendant la décision sur un nouveau vote, Amazon a aussi lancé une nouvelle campagne antisyndicale agressive à Bessemer, alors que des représentants de la compagnie se promènent dans l'entrepôt et demandent aux travailleurs ce qu'ils pensent d'avoir un syndicat.

Les travailleurs d'Amazon prennent la parole

Les anciens travailleurs et les travailleurs actifs d'Amazon prennent la parole en leur propre nom pour mettre en lumière leurs conditions de travail brutales, ainsi que les tactiques antisyndicales d'Amazon, et pour défendre leurs droits et leur dignité. Amazon est tristement célèbre pour ses lourdes charges de travail, sa surveillance continue des travailleurs et de leurs moindres gestes, son taux élevé de graves accidents de travail et sa négligence à protéger les travailleurs de la COVID-19.

Des anciens travailleurs d'Amazon de la grande région de Toronto (GTA) ont fait connaître comment la compagnie avait riposté contre les travailleurs essayant d'organiser un syndicat pour les chauffeurs. Amazon a recours à la sous-traitance pour livrer les colis, une façon de faire à laquelle elle a recours pour empêcher les travailleurs de s'organiser en mettant fin à un contrat avec une compagnie dont les travailleurs se sont syndiqués.

« Lorsque la compagnie s'est rendu compte que j'avais commencé à parler aux autres chauffeurs de syndicat, elle a initié une campagne antisyndicale », un travailleur a dit à l'émission The Fifth Estate. « La compagnie a convoqué une réunion générale. » Le propriétaire de la compagnie a dit qu'Amazon romprait avec la compagnie et donnerait le travail à une autre compagnie, a dit le travailleur. Celui-ci a été congédié, et même si la Commission du travail de l'Ontario a donné l'ordre de le réintégrer, lorsqu'il est retourné travailler, il est resté assis dans le stationnement parce que son badge était toujours désactivé.

Un autre travailleur a expliqué qu'après que 75 % des travailleurs à sa compagnie ont voté en faveur d'un syndicat, la compagnie s'est placée sous la protection de la faillite après qu'Amazon a donné le travail à une autre compagnie.

Les travailleurs ont pris la parole sur les éclosions nombreuses et répétées de COVID-19 dans les entrepôts. Amazon a finalement été forcée par les autorités de la santé de fermer son entrepôt du chemin Heritage à Brampton en Ontario après qu'au moins 600 travailleurs ont été infectés par la COVID-19. L'entrepôt était en éclosion d'octobre 2020 à mars 2021. Amazon a contesté l'ordre. L'entrepôt d'Amazon à Nisku a connu des éclosions pendant cinq mois et demi pendant la première année de la pandémie, avec au moins 100 cas, mais a tout de même pu rester ouvert pendant tout ce temps. Les actions d'Amazon montrent clairement que les oligarques qui contrôlent ces empires considèrent que les travailleurs sont jetables, et comment les gouvernements facilitent leur mépris total pour le mieux-être des travailleurs.

Une autre méthode antisyndicale est de faire de vagues annonces comme quoi il y aura des améliorations aux salaires et aux conditions de travail. La journée avant que la requête d'accréditation syndicale soit déposée pour l'entrepôt de Nisku, Amazon a annoncé qu'elle augmenterait le taux horaire de base de 17 dollars « allant jusqu' à » 21,65 pour ses travailleurs « de première ligne ». Mais les travailleurs ont pris la parole pour dire qu'ils allaient peut-être se retrouver en réalité avec une baisse de salaire puisque le programme de primes, basé sur l'assiduité et le taux de ventes pour chaque entrepôt, avait été éliminé. Ce que veut dire « allant jusqu'à » est vague et le fait qu'Amazon laisse entendre que le fait d'embaucher plus de personnel réduirait les charges de travail ne veut rien dire compte tenu du roulement extrêmement élevé de personnel.

Tandis que les conditions de travail aux « centres de traitement » d'Amazon et pour les travailleurs livrant les colis d'Amazon se sont détériorées au cours de la pandémie, Amazon a connu des bénéfices et des profits exorbitants en 2020, alors que le revenu annuel a augmenté de 38 %, à 386 milliards de dollars US, une augmentation annuelle de 100 milliards de dollars US. Le profit net d'Amazon a augmenté de 84 % en 2020 comparativement à 2019 et la richesse personnelle du fondateur et PDG d'Amazon, Jeff Bezos, a atteint 206 milliards de dollars US, selon Forbes. Ce sont des exemples flagrants qui montrent que cet énorme déploiement de forces productives ne peut être laissé entre les mains privées qui ont le contrôle de l'État et de ses institutions.

Forum ouvrier appelle tout le monde à appuyer fermement les travailleurs d'Amazon pour qu'ils réussissent à s'organiser et à défendre leur droit de décider des salaires et des conditions de travail qui leurs sont acceptables.

(Sources : CBC, Forbes, Reuters, Teamsters Amazon, Truthout)

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À titre d'information : l'accréditation syndicale
en Alberta

La Commission des relations de travail de l'Alberta a été modifiée par le gouvernement du Parti conservateur uni (PCU) en 2020 pour qu'un vote devienne obligatoire pour toutes les accréditations syndicales. Un syndicat peut demander une accréditation d'un unité lorsqu'au moins 40 % des employés faisant l'objet de la demande ont signé des cartes dans les 90 jours précédents indiquant leur soutien à l'accréditation syndicale. Un vote supervisé par la commission est nécessaire même lorsque la majorité des travailleurs ont signé des cartes.

La Commission des relations de travail de l'Alberta (ALRB) avait auparavant le pouvoir d'accréditer un syndicat sans vote en cas d'inconduite manifeste de l'employeur, par exemple le licenciement de travailleurs identifiés comme chefs de file de la campagne de recrutement. Le PCU a supprimé ce pouvoir. Au lieu d'accréditer le syndicat, la Commission doit ordonner un nouveau vote et n'accrédite sans vote « que si aucun autre recours n'est suffisant pour contrecarrer les effets des pratiques interdites ».

Lorsqu'elle reçoit une demande, la Commission mène une enquête pour déterminer si le requérant est un syndicat, si l'unité visée par la demande est une unité appropriée pour la négociation collective, si la demande est présentée dans les délais et si le syndicat a l'appui d'au moins 40 % des employés de l'unité.

La Commission explique le processus d'enquête comme suit : « Lorsqu'un syndicat dépose une demande d'accréditation, un agent de la commission mène une enquête impartiale. L'agent s'entretient avec l'employeur et le syndicat. L'agent peut également parler à des employés individuels. L'agent demande au syndicat et à l'employeur de produire des documents relatifs à la demande, tels que des listes d'employés et de membres. L'agent rédige ensuite un rapport indiquant si la demande satisfait ou non aux exigences du Code en matière d'accréditation. Ce rapport est présenté aux parties (qui peuvent s'opposer à une partie ou à la totalité de ses conclusions) et à un panel de membres de la commission. La commission tient une audience et décide si la demande satisfait ou non aux exigences du Code. Dans l'affirmative, le panel ordonne un vote des employés. Si la majorité des employés votent en faveur du syndicat, celui-ci est accrédité. »

Aucun délai n'est fixé pour la tenue du vote par la commission [1]. La loi stipule que « la commission doit prendre sa décision finale quant à l'acceptation de la demande d'accréditation au plus tard six mois après la date de la demande », bien que dans des « circonstances exceptionnelles », qui ne sont pas définies, le président de l'ALRB puisse approuver une prolongation au-delà de six mois.

Les votes d'accréditation obligatoires et les délais prolongés pour que la commission convoque un vote donnent aux employeurs le temps de se livrer à des activités antisyndicales, mener des campagnes d'intimidation et diffuser de fausses informations, y compris lors de sessions auxquelles les travailleurs doivent assister. La campagne chez Amazon fait face à toutes ces difficultés que les gouvernements au service des oligarques ont mises en place.

Note

1. La loi adoptée par le NPD en 2018 établissait un délai de 20 ou 25 jours ouvrables après le dépôt d'une demande pour que la Commission prenne une décision, avec un pouvoir limité du président pour prolonger le délai. Elle prévoyait également l'accréditation sans vote, mais avec un seuil d'acceptation élevé, exigeant qu'au moins 65 % des travailleurs, et non une majorité simple, signent des cartes syndicales.

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