Forum ouvrier

Numéro 66 - 1er octobre 2020

Journée d'action du 8 octobre sur les soins
de longue durée en Ontario

Appuyons les revendications pour une amélioration immédiate des conditions

La question devant nous aujourd'hui - Steve Rutchinski
Communiqué de l'Association des infirmières et infirmiers de l'Ontario
Les infirmières autorisées exigent des normes minimales pour les soins de base dans les résidences pour aînés

Les travailleurs de la santé défendent leurs droits
Les infirmières de l'Alberta exigent le rétablissement des dispositions de congés spéciaux - Peggy Morton

Les travailleurs des postes continuent leur lutte pour les droits de tous
Sérieuses préoccupations pour la santé et la sécurité - Entrevue avec
Alain Robitaille



Journée d'action du 8 octobre sur les soins de longue durée en Ontario

Appuyons les revendications pour une amélioration immédiate des conditions


Manifestation de travailleurs de soins de longue durée, 3 juillet 2020

La Coalition ontarienne de la santé (OHC), en collaboration avec des organisations de première ligne de défense de la santé et des soins aux aînés, organise une journée d'action sur les soins de longue durée en Ontario, le 8 octobre à 11 h. En date du 30 septembre, dix-sept villes ont annoncé des événements. Avec près de 2000 décès de résidents et d'employés dans les établissements de soins de longue durée de l'Ontario depuis avril et une deuxième vague officiellement en cours alors que très peu a été fait pour remédier aux conditions qui ont coûté la vie à tant de personnes, Forum ouvrier lance l'appel à tout mettre en oeuvre pour appuyer les demandes de l'OHC pour une action immédiate.

L'OHC demande une action immédiate du gouvernement Ford pour recruter et former le personnel, améliorer les salaires et les conditions de travail et offrir du travail à plein temps et mettre en oeuvre une norme minimale de soins de quatre heures de soins directs par résident par jour. Ce sont des revendications essentielles pour les soins aux patients et le bien-être du personnel.

Conformément aux restrictions actuelles de santé publique qui limitent les rassemblements en plein air à un maximum de 25 personnes, la Journée d'action prendra la forme de défilés de voitures et de conférences de presse. Les participants sont invités à être dans leur voiture et à se rendre visibles en apposant des pancartes et des décorations (de manière sécuritaire) avec des messages sur la nécessité d'améliorer les soins de longue durée et d'en faire un régime de soins public.

Les personnes sont invitées à confirmer leur participation à leur coalition locale de la santé. De nouveaux événements sont annoncés chaque jour. Visitez le site Web de l'OHC pour les mises à jour.

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La question devant nous aujourd'hui

En tant que société, nous avons le devoir social de veiller sur nos aînés et sur ceux qui prodiguent les soins. Nous devons corriger la situation dans les soins de longue durée où tant de gens ont été parqués, privés de normes de soins adéquates et sont devenus vulnérables à un virus qui a fini par les emporter.

La grande majorité des décès se sont produits dans des centres fonctionnant pour le profit, exploités par de grands monopoles dans cette « industrie » des soins de longue durée. On savait déjà que les compressions dans le financement, le manque de personnel et la charge de travail, les salaires et les conditions intenables avaient pavé la voie à un désastre. Cette réalité était masquée par la déclaration mensongère des gouvernements successifs que les conditions faisaient l'objet d'une surveillance appropriée. L'état des soins de longue durée a été abondamment traité, notamment dans des études parrainées par le gouvernement, des enquêtes et des rapports de travailleurs de première ligne, lesquels ont tous été ignorés.

Aujourd'hui, une des revendications du personnel soignant et des organisations de défense des aînés est de mettre fin à la prestation basée sur le profit de ce service essentiel. Il a été démontré sans l'ombre d'un doute que ceux qui tirent des profits des soins de longue durée font passer leurs intérêts étroits bien avant le bien-être et la vie de nos aînés.

Ces monopoles des soins de longue durée sont payés par les fonds publics pour chaque lit autorisé. Ils sont subventionnés par les fonds publics pour l'ouverture de nouveaux lits et la remise en état des établissements existants. Les centres qui sont la propriété de ces monopoles étaient ceux qui avaient entassé les résidents, jusqu'à quatre par chambre, ce qui est un facteur significatif de la propagation de la COVID-19. Ces monopoles ont refusé d'améliorer leurs installations afin de se conformer aux normes mises en place il y a 22 ans, et n'ont pas été contraints de s'y conformer. Le gouvernement va maintenant les payer pour le faire. À titre d'exemple, en juillet, le gouvernement de l'Ontario a alloué un autre 1,75 milliard de dollars pour les cinq prochaines années pour étendre et réaménager les soins de longue durée. La plus grande partie de ce financement, qui s'appliquera de manière rétroactive aux projets remontant à 2018, sera versée aux mêmes monopoles agissant pour le profit dont les établissements ont connu tellement de décès de gens âgés. C'est inconcevable.

L'essence du néolibéralisme est que la société est organisée de manière à payer les riches. C'est ce qui a mené à la privatisation de services publics comme les soins de longue durée, à l'abandon des normes de soins et à l'abaissement des salaires et des conditions de travail et de vie du personnel soignant. C'est ce qui a produit des lois comme la Loi 124 qui impose un gel de salaires de trois ans aux employés du secteur public, et la Loi 195 qui annule les conventions collectives des travailleurs de première ligne de la santé, tout cela pour que la société paie les riches.

La société a besoin d'une nouvelle direction. Nous le devons à nos aînés, à nos jeunes et à nous-mêmes. L'enjeu devant nous est d'arrêter de payer les riches !

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Communiqué de l'Association des infirmières
et infirmiers de l'Ontario

Au cours des 5 derniers mois, près de 2 000 résidents et employés sont décédés des suites de la COVID-19 dans les centres de soins de longue durée de notre province. Beaucoup sont morts isolés, sans soins adéquats et sans que le personnel ait eu le temps de leur procurer un soutien émotionnel. Le personnel de soins de longue durée a dû se battre pour avoir accès à un équipement de protection individuelle (ÉPI) approprié et a travaillé dans des conditions de crise de pénurie de personnel, qui n'ont fait qu'empirer pendant la pandémie. Au Canada, nous avons connu, dans les centres de soins de longue durée, les taux de mortalité les plus élevés parmi les pays développés.

Le gouvernement Ford n'a pris aucune mesure pour faire face aux pénuries de personnel d'urgence et aux niveaux de soins inadéquats dans les centres de soins de longue durée. Malgré des promesses répétées, aucune mesure n'a été prise pour que les niveaux de soins atteignent un niveau sécuritaire. En Ontario, la majorité des décès liés à la COVID-19 sont survenus dans des centres de soins de longue durée fonctionnant pour le profit, et pourtant la privatisation de nouveaux lits de soins de longue durée se poursuit.

Aujourd'hui [25 septembre], la COVID-19 continue de frapper les centres de soins de longue durée. Ces dernières semaines, 11 résidents sont décédés dans un seul centre. Pourtant, il n'y a pas de plan pour envoyer du personnel dans les centres durement touchés. Le personnel des soins de longue durée se bat également pour obtenir l'ÉPI approprié. Une grande partie du personnel n'a pas de masque N95.

La semaine dernière, il y avait 35 centres de soins de longue durée dans la province avec des éclosions actives de la COVID-19. Cela ne peut plus durer.

La Coalition ontarienne de la santé (OHC) demande aux Ontariens et Ontariennes d'agir et de cesser d'accepter les promesses creuses de notre gouvernement provincial.

La Coalition ontarienne de la santé appelle à :

- Une action immédiate du gouvernement Ford pour recruter et former le personnel, améliorer les salaires et les conditions de travail et offrir du travail à plein temps. Les gouvernements du Québec et de la Colombie-Britannique l'ont déjà fait. Il n'y a aucune excuse pour un retard supplémentaire. Les conditions de travail sont les conditions de la prestation des soins.

- Le gouvernement Ford doit mettre en oeuvre une norme minimale de soins de 4 heures de soins directs par résident par jour.

- Nos gouvernements fédéral et provincial doivent mettre fin aux soins de longue durée pour le profit, et commencer par rendre Revera public.

(25 septembre 2020. Traduction: Forum ouvrier)

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Les infirmières autorisées exigent des normes minimales pour les soins de base dans
les résidences pour aînés

À la suite du discours du Trône, l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario (AIIAO) a appelé le gouvernement fédéral à modeler les normes de soins de longue durée sur les protocoles pour les soins de base dans les résidences pour aînés que l'Association a développés et que le gouvernement de l'Ontario continue d'ignorer.

Avec le standard minimal de soins de l'AIIAO, chaque résidence de soins de longue durée fournirait un minimum de quatre heures de soins infirmiers directs et de soins personnels pour chaque résident par 24 heures, selon la formule d'effectifs infirmiers suivante :

- un minimum de 48 minutes par patient de soins directs par une infirmière autorisée ;

- un minimum de 60 minutes de soins directs par une infirmière autorisée ou une infirmière auxiliaire autorisée ;

- un minimum de 132 minutes de soins directs par un préposé au soutien personnel

L'AIIAO a aussi établi des exigences minimales en composition du personnel, y compris : une infirmière praticienne à emploi équivalent plein temps pour 120 résidents ; un membre du personnel infirmier (préférablement une infirmière autorisée) pour appuyer les fonctions de contrôle et de prévention des infections, l'amélioration de la qualité, la formation du personnel, la socialisation organisationnelle et l'orientation ; rendre obligatoire que le personnel des soins de longue durée ne travaille que dans une seule résidence de soins de longue durée ; veiller à ce que les salaires du personnel infirmier et des soins personnels dans les centres de soins de longue durée soient équivalents aux salaires des travailleurs de la santé dans d'autres secteurs, tels que les hôpitaux ; et offrir un emploi à temps plein avec avantages sociaux à tous les membres du personnel qui veulent travailler à temps plein, pour assurer une continuité des soins pour les résidents et une meilleure rétention du personnel.

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Les travailleurs de la santé défendent leurs droits

Les infirmières de l'Alberta exigent le rétablissement des dispositions de congés spéciaux

Les Infirmières et infirmiers unis de l'Alberta (IIUA) appellent le gouvernement albertain à rétablir les congés payés spéciaux pour les travailleurs de la santé qui sont en confinement en raison de la COVID-19. Le 6 juillet, le gouvernement a supprimé les congés payés temporaires pour les travailleurs devant se confiner. En même temps, le nombre de cas et l'hospitalisation de patients infectés par la COVID-19 sont en hausse depuis environ un mois, et il y a eu une éclosion majeure à l'hôpital Misericordia d'Edmonton. Au Centre médical Foothills de Calgary, le personnel lutte contre des éclosions dans six unités, dans lesquelles 33 patients et 28 membres du personnel ont été déclarés positifs à la COVID-19, quatre personnes sont mortes et 290 travailleurs de la santé sont en isolement. Il y a aussi des éclosions à l'hôpital Queen Elizabeth II à Grand Prairie et à l'hôpital Royal Alexandra à Edmonton. Trois résidences de soins de longue durée et douze résidences pour aînés et semi-autonomes en Alberta font présentement face à des éclosions. Cependant, le gouvernement Kenney n'a pris aucune mesure pour rétablir les dispositions de congés spéciaux.

« Les infirmières qui doivent se confiner en raison d'éclosions dans les hôpitaux et les centres de soins de longue durée sont obligées d'avoir recours à leurs congés de maladie ou absorber le coup à même leur salaire, a dit le directeur des Relations du travail de l'IIUA, David Harrigan. Les employés réguliers sont en train de vider leurs banques de congés de maladies et les infirmières occasionnelles n'en ont tout simplement pas, ce qui fait qu'elles perdent des revenus », a-t-il dit.

Harrigan a demandé au gouvernement  de rétablir les congés de maladie pour le confinement, soulignant que les infirmières pourraient accomplir des tâches assignées pendant leur confinement ou être indemnisées pour maladie lorsque travailler n'est pas possible. « Les infirmières sont en première ligne de la pandémie de la COVID-19 à tous les jours et ressentent profondément qu'on abuse d'elles et qu'on leur manque de respect », a-t-il dit.

Avec les programmes des Services de santé de l'Alberta (SSA) qui mettent un accent renouvelé sur la « sensibilisation à l'absentéisme » et la « gestion des postes vacants », l'IIUA craint que les infirmières soient forcées de se présenter au travail même si elles ne se sentent pas bien pendant la pandémie. Le but de la « sensibilisation à l'absentéisme » est d'exercer une pression sur les travailleurs pour qu'ils ne se servent pas de leurs congés de maladie. Pour ce qui est du programme de gestion des postes vacants, on « gère » les postes vacants en ne les remplaçant pas, et par conséquent les infirmières sont forcées de travailler dans des conditions de pénurie de personnel et d'accepter des quarts de travail supplémentaires et du temps supplémentaire.

« Les travailleurs, en particulier les travailleurs de la santé, ne devraient jamais être forcés de travailler lorsqu'ils sont malades », a déclaré la vice-présidente de l'IIUA, Danielle Larivee. « Mais c'est exactement ce que les SSA font en remettant en circulation ce programme de 'sensibilisation à l'absentéisme' destiné aux employés en pleine pandémie du coronavirus. C'est inapproprié et dangereux. Les dangers de cette approche en temps de pandémie mondiale devraient sauter aux yeux de tout le monde », a-t-elle dit.

« Même pendant une saison de grippe normale, il est irresponsable de créer un climat où les employés se sentent obligés de se présenter au travail ; pendant une pandémie, les conséquences sont exponentielles », a dit Harrigan. « Pour ceux et celles qui n'arrivent déjà pas financièrement, c'est une pression de plus qui fait qu'une personne ayant de légers symptômes ne restera pas à la maison. »

La position des infirmières est juste et mérite l'appui actif de tous les Albertains. Les travailleurs de la santé ne sont pas un « coût » mais le facteur essentiel dans la prestation des services. Laisser entendre qu'un congé de maladie pour les travailleurs de la santé qui même en temps normal courent le risque d'être exposés à des maladies contagieuses, à des accidents de travail, au stress de travailler dans des conditions de pénurie de personnel, et même de propager la maladie aux personnes qu'elles soignent, est un « coût » est le reflet de la vision d'une force désuète incapable et indifférente au bien-être des infirmières, des autres travailleurs de la santé et des patients. Dire des personnes qui risquent leur vie à chaque jour pour s'occuper de leurs patients qu'elles sont un « coût » et exercer une pression sur elles pour bafouer leurs droits et mettre en danger les malades et les aînés dont elles sont responsables est quelque chose de très méprisable.

En plus, les programmes comme « la sensibilisation à l'absentéisme » sont imposées par décret exécutif et servent non seulement à attaquer les travailleurs, mais aussi à forcer les gestionnaires en première ligne d'aller à l'encontre de leur propre conscience et de prendre des mesures sachant qu'elles contreviennent à leurs responsabilités professionnelles envers le personnel, les patients et les résidents.

Tout pointe vers la nécessité d'une autorité publique où les travailleurs de la santé jouent un rôle décisif et où leur initiative, leur expertise, leurs connaissances et leur sens des responsabilité guident toutes les décisions, y compris en ce qui concerne les ressources dont ils ont besoin pour faire leur travail.

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Les travailleurs des postes continuent leur lutte pour les droits de tous

Sérieuses préoccupations pour la santé et la sécurité

Alain Robitaille est le président de la section locale de Montréal du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP).

Forum ouvrier : Le STTP-Section de Montréal fait état d'une préoccupation particulièrement sérieuse en ce moment au sujet de la santé et de la sécurité des travailleurs des postes. Peux-tu nous en dire plus ?

Alain Robitaille : Le temps des Fêtes commence bientôt pour les travailleurs des postes. On va voir comment les mesures de santé et de sécurité qui ont été adoptées aux postes vont tenir le fort pendant le rush des Fêtes. À tous les temps des Fêtes, c'est déjà complexe. Imaginons maintenant que l'employeur perde de la productivité en maintenant la distanciation sociale, en ayant des gens qui ne sont pas présents au travail. Comment les choses vont-elles se dérouler?

Dès le début de la pandémie, Postes Canada a mis en place, assez rapidement, le retrait préventif de toutes les personnes qui sont à risque, payées à 100 % de leur salaire, en vertu d'une clause de la convention collective qui traite de la mise en quarantaine.

Maintenant on semble voir que l'employeur réagit probablement aux statistiques, aux colonnes de chiffres, et il réalise que cela coûte cher.

Là où nous décrions l'action de Postes Canada, c'est qu'ils ont envoyé un formulaire à toutes ces personnes-là pour que nos travailleurs le soumettent à leur médecin. Le but est de savoir ce qui en est de leur état de santé. Est-ce que ces travailleurs sont aptes à revenir au travail ou doivent-ils demeurer à la maison parce qu'ils sont à risque ?

Le formulaire comprend deux questions seulement. La première est : « Est-ce que votre patient est atteint d'un problème de santé sous-jacent qui, selon l'Agence de la santé publique du Canada, pourrait occasionner de graves complications en cas de COVID-19? Oui ou non. » Dans les cas où les travailleurs sont immunosupprimés, qui ont des conditions de santé précaires, la question est assez simple. La réponse est oui.

La deuxième question est : « Est-ce que vous recommandez à votre patient de s'isoler à la maison pour des raisons médicales ? Oui ou non. » Cela devient plus complexe pour le médecin. Isolement à la maison, c'est lourd de portée, pour un médecin qui va répondre oui à la question. Lourd de portée parce que la santé publique dit qu'il est important de ne pas s'isoler totalement à la maison, que c'est important de prendre des marches par exemple. Et les gens doivent aussi subvenir à leurs besoins de base, comme l'épicerie. Bien sûr on peut faire livrer, mais il y a des coûts, ce n'est pas accessible pour tout le monde et il y a des gens qui n'ont pas confiance dans le processus, de se faire livrer son épicerie par quelqu'un qui aura manipulé tous les produits. Il y a de la réticence face à cela. En plus, il faut noter que le formulaire en français comprend les mots « à la maison » en ce qui concerne l'isolement, ce qui n'est pas le cas du formulaire en anglais. Les deux formulaires ne sont même pas identiques.

Beaucoup de médecins ont répondu « non » à la deuxième question, qu'ils ne recommandent pas à leur patient de s'isoler à la maison.

Ce sont les seules questions qui sont posées. Pas de question comme « est-ce que vous jugez que votre patient est apte à revenir au travail et, si oui, que recommandez-vous en ce qui concerne ce retour ? »

On parle ici de personnes qui ont une santé précaire. Cela peut comprendre des personnes qui reçoivent de la chimiothérapie, des personnes qui sont séropositives, qui ont des maladies cardiaques, etc. Nous avons 55 000 membres à l'échelle du pays, dont 6000 à Montréal. On peut s'imaginer des situations de santé très complexes qui sont tranchées par l'employeur via un formulaire qui comprend deux questions, sans mise en contexte par exemple de l'isolement à la maison.

Plusieurs de nos travailleurs ont soumis ce formulaire à leur médecin qui l'a rempli. Il y a des médecins qui ont répondu oui à la première question, mais non à la deuxième, qu'ils ne recommandent pas un isolement complet bien que leur patient soit à risque. Ils y vont de certains commentaires. Par exemple, que le travailleur pourrait reprendre le travail s'il y a une distanciation de deux mètres entre les personnes, si le travailleur porte un masque, si tout le monde porte un masque, etc. Il y a des médecins qui ont clarifié leur position ce qui a mis en contexte leur position que le travailleur pourrait revenir au travail.

Le syndicat a dû s'imposer face à l'employeur parce que celui-ci reprenait tous ces travailleurs-là sans même nous en parler. Nous avons un devoir de participer à l'accommodation de nos travailleurs et nous croyons fermement que c'est notre devoir d'intervenir là-dedans. La santé et la sécurité, c'est un devoir syndical. Nous nous sommes imposés, nous avons retourné des travailleurs à la maison parce que nous n'avions pas eu le temps de discuter de quelle façon on allait les ramener au travail.

FO : Comment les travailleurs sont-ils contactés une fois que Postes Canada a reçu le formulaire du médecin ?

AR : Ils sont contactés directement par l'employeur. Ils sont contactés par un superviseur immédiat. Celui-ci est en position d'autorité et son mandat c'est de ramener la personne au travail. Selon lui, tout est beau, le travailleur peut revenir même s'il est à risque.

L'exercice qu'on fait avec l'employeur, par la suite, de vérifier ce qu'on met comme mesure d'accommodement, nous suggère qu'ils ont ramené très hâtivement les travailleurs, qui nécessitaient de vraies mesures d'adaptation et non pas uniquement de se faire réitérer que Postes Canada a une politique de distanciation sociale. Le problème est beaucoup plus vaste que cela.

La situation devient très complexe lorsque le médecin répond simplement par un « oui » ou un « non », oui la personne est à risque, non, il ne recommande pas l'isolement à la maison, sans aucun commentaire. À Montréal, nous avons environ 70 personnes dans cette situation-là. De l'avis du syndicat, il n'y a rien qui permette à l'employeur de déclarer que l'intention du médecin était de ramener la personne au travail puisqu'il n'y a pas de question dans le formulaire sur l'aptitude de la personne à reprendre le travail et que le médecin n'a fait aucun commentaire.

L'employeur prétend qu'il ne peut pas demander au médecin si le travailleur est apte à revenir parce que ce n'est pas le médecin qui a mis le travailleur en arrêt. Il reste que le formulaire n'est pas clair et que des conclusions injustifiées en sont tirées.

Ils ont ramené beaucoup de travailleurs de cette façon-là, plus de 70 à Montréal. Nous demandons la liste de ces gens-là, l'employeur nous la refuse. Nous ne lâchons pas, nous escaladons cette question au niveau national, c'est une lutte qui est noble et nécessaire.

En plus, bien que l'employeur demande l'avis du médecin, il a rappelé tous les travailleurs peu importe ce que le médecin avait répondu. Prenons un cas typique où le médecin avait dit que oui le retour au travail pouvait amener des séquelles graves dans le cas d'une infection à la COVID-19 et oui le travailleur devrait s'isoler à la maison. Ils ont rappelé le travailleur pour lui dire qu'il était le bienvenu de revenir, que des mesures seraient prises pour assurer sa sécurité. À mon avis, ils vont à l'encontre de la recommandation d'un médecin en faisant cela. C'est très sérieux et nous essayons de freiner cela. N'oublions pas que l'employeur s'adresse aux travailleurs qui sont les plus vulnérables, qui ont la santé la plus précaire. Ce sont ces travailleurs que l'employeur reprend comme si de rien n'était.

FO : Veux-tu ajouter quelque chose en conclusion ?

AR : Ce problème est une préoccupation majeure pour nous. Nous parlons de la santé et de la sécurité des travailleurs. Les travailleurs se battent depuis des décennies pour la santé et la sécurité de nos membres et en ce moment, on vit le problème de manière très aiguë. C'est maintenant que cela se passe. Il y a des gens qui sont sur le plancher de travail, dont on n'arrive pas à savoir qui ils sont et qui ne devraient pas être sur le plancher de travail. C'est notre devoir syndical de les défendre.

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