Forum ouvrier

26 mars 2020

Les travailleurs vous tiennent informés de leur lutte pour contenir la COVID-19 en défendant leurs droits

Les travailleurs des postes aux premières lignes pour servir les Canadiens
Postes Canada doit assurer la protection de ses travailleurs - Louis Lang
« Nous faisons cela pour pouvoir continuer à fournir le
service »
- Alain Robitaille

Les travailleurs de la construction au Québec remportent des succès initiaux
La lutte pour des conditions de travail sécuritaires et salubres s'intensifie


Les travailleurs des postes aux premières lignes pour servir les Canadiens

Postes Canada doit assurer la protection
de ses travailleurs

Étant donné que la lutte contre l'épidémie de COVID-19 exige qu'une grande partie de la population se mette en quarantaine, le service fourni par les postiers est plus important que jamais pour maintenir les lignes de communication ouvertes à un moment où les achats en ligne deviennent un moyen principal permettant aux ménages de se ravitailler. Pour que les travailleurs des postes soient capables d'accomplir leurs tâches, il faut fournir aux travailleurs des centres de tri, des comptoirs de vente au détail, des dépôts des facteurs urbains et des facteurs ruraux et suburbains l'équipement et les conditions de travail dont ils ont besoin pour assurer leur sécurité au quotidien..

Alors que Postes Canada a rapidement annoncé qu'elle  « va continuer d'opérer durant cette période sans précédent » et que « nous allons faire tout ce qui est requis pour maintenir le service postal de ce pays », les besoins des travailleurs des postes, qui demandent à faire leur travail de manière sécuritaire, ont été systématiquement ignorés. Les travailleurs des postes sont préoccupés non seulement de leur sécurité mais de celle du public également.

Dans de nombreux lieux de travail, Postes Canada n'a pas permis aux comités mixtes de santé et de sécurité à différents niveaux de participer au contrôle régulier des conditions de travail. Le Code canadien du travail prescrit que des comités mixtes de santé et de sécurité doivent fonctionner de manière adéquate et les comités sont tenus d'afficher des rapports de leur travail sur tous les lieux de travail. Ces exigences ont été systématiquement ignorées et les travailleurs ne savent pas quelles mesures de sécurité sont prises. En outre, en l'absence d'un mécanisme de consultation sérieux entre la direction et les représentants des travailleurs et entre les représentants des travailleurs et les travailleurs, les travailleurs qui s'inquiètent pour leur santé et leur sécurité sont diffamés comme des plaignants chroniques et les plaintes sont rejetées.

Les travailleurs des postes indiquent que les processus de travail n'ont pas été modifiés pour permettre la distanciation sociale requise. Cela se passe non seulement dans les centres de tri, mais aussi pour les facteurs qui doivent continuer à utiliser des taxis pour effectuer leurs itinéraires. Cela signifie que de nombreux travailleurs empruntent plusieurs taxis toute la journée, ce qui crée un risque à chaque trajet.

Dans certains cas, deux travailleurs effectuent le tri dans des structures conçues pour une seule personne. Une autre préoccupation est que Postes Canada n'a pas augmenté le personnel qui effectue le nettoyage dans les dépôts des facteurs et les centres de tri. Cela signifie qu'un lieu de travail poussiéreux et sale en temps normal devient désormais un sérieux danger pour la santé, car les postes de travail ne sont ni nettoyés ni stérilisés quotidiennement. Ce niveau de nettoyage doit être effectué au moins une fois par jour, ce qui nécessite un personnel plus important assigné au nettoyage. L'absence de nettoyage et de stérilisation appropriés sur les planchers de travail s'applique également aux salles de repos et aux toilettes. De nombreux travailleurs dans les centres de tri et les zones de travail signalent également que les distributeurs de désinfectant pour les mains sont vides depuis des jours et que des gants ne sont pas disponibles. Au lieu de fournir une solution viable au problème, on perpétue la présence de bouteilles de désinfectant pour les mains constamment vides, ce qui n'est pas considéré comme un problème..

Il est clair que la Société des postes a fait preuve de négligence en ce qui concerne la mise en oeuvre de mesures de santé et de sécurité pour les processus de travail et la fourniture de l'équipement nécessaire pour assurer la sécurité des postiers.

Un bulletin publié le 22 mars par le bureau national du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes pour informer les travailleurs des récentes réunions avec la haute direction de Postes Canada montre clairement la négligence de la société. Le bulletin mentionne que « la direction a affirmé qu'elle prévoyait recevoir un chargement de gants en nitrile d'ici deux ou trois jours. En ce qui concerne les lingettes et le liquide désinfectant, Postes Canada est en discussion avec le gouvernement pour se faire inscrire sur sa liste de réapprovisionnement prioritaire. De plus, un processus a été mis en place autorisant les membres de la direction ou les employés à acheter ces articles, s'ils en trouvent, et à soumettre une demande de remboursement. »

Ce type de mesures est irresponsable et inacceptable. Cela montre que les représentants de Postes Canada ne sont pas confrontés aux mêmes conditions de travail que les travailleurs et dénote un manque total de respect envers les travailleurs qui sont en première ligne et qui fournissent un service aussi essentiel dans des situations difficiles.

La réponse de Postes Canada au besoin d'un plan complet pour mettre en place le nettoyage des zones de travail est tout aussi condescendante. Son affirmation d'avoir augmenté la fréquence des nettoyages ne correspond tout simplement pas à l'expérience des travailleurs dans de nombreuses villes. Sans comités locaux mixtes de santé et de sécurité qui fonctionnent correctement et qui ont la responsabilité de faire rapport à chaque place de travail et de montrer les résultats, c'est impossible de répondre correctement aux problèmes soulevés par les travailleurs en temps opportun. Non seulement  les travailleurs sont-ils mis en danger, ce qui se traduit par des risques pour le public, mais une situation stressante vient aggraver les problèmes de santé. C'est une approche irrationnelle due à l'indifférence et à la bureaucratie auxquelles les travailleurs doivent mettre fin.

Un bon exemple de l'attitude de la Société des postes est le rejet de la suggestion des facteurs de suspendre temporairement le tri et la livraison des circulaires non essentielles. Les travailleurs ont suggéré qu'en éliminant ce travail, le temps passé dans les dépôts de facteurs sera réduit et les risques de travailler dans des locaux étroits seraient également plus faciles à gérer.

La livraison de circulaires n'est pas essentielle pour le public, surtout en ce moment, de sorte que l'élimination du temps supplémentaire considérable passé dans les dépôts est une mesure qui contribuerait grandement à la sécurité des facteurs dans ces conditions d'urgence.

Jusqu'à présent, Postes Canada a refusé de donner suite à cette proposition. Apparemment, le profit tiré de la livraison des circulaires est plus important pour la Société des postes que les précautions de sécurité à fournir dans toute la mesure du possible pour protéger les travailleurs des postes. Par ses actions, Postes Canada n'a pas protégé les travailleurs des postes et n'a pas géré correctement les services importants fournis par eux.

Les Canadiens peuvent jouer un rôle en insistant pour que Postes Canada agisse immédiatement pour rectifier la situation afin que ni les travailleurs ni le public ne soient en danger et que les opérations postales puissent continuer à fournir le service qui est crucial en ce moment où une si grande partie de la population doit rester à la maison.

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« Nous faisons cela pour pouvoir continuer
à fournir le service »

Alain Robitaille est le président de la section locale de Montréal du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes.

La situation évolue assez vite. Ce qu'on tente de faire c'est de réduire à la source les risques de contagion. Ils ne seront jamais réduits à zéro, nous en sommes conscients, mais nous avons tous un rôle à jouer pour réduire les risques de contagion le plus possible pour que nos travailleurs restent au travail parce que la société doit continuer à rouler. Ils doivent rester au travail dans des conditions qui sont le plus appropriées possible dans les circonstances que nous vivons dans le moment.

Nous avons négocié avec l'employeur que nous n'avons plus de contact directement avec le client. Nos facteurs/factrices sonnent à la porte, s'il y a une signature, on oublie la signature, on donne directement l'envoi au client. Si le client n'est pas là, on tente de déposer le colis en lieu sûr. En dernier recours seulement, on envoie cela dans les comptoirs postaux, on laisse une carte pour que les gens se rendent dans les comptoirs postaux. On ne veut pas bifurquer la problématique vers les gens qui sont commis aux comptoirs parce qu'ils sont à risque eux aussi.

Nous avons une multitude de héros sur nos planchers de travail qui restent et font face à cette crise-là. Il faut le souligner, ce sont des héros qui tiennent le fort malgré le risque imminent.

On se dit qu'en bout de ligne, la poste va devenir de plus en plus importante dans l'avenir parce que si les gens restent à la maison, c'est certain qu'il y aura expansion du volume de colis. Les gens vont commander les produits dont ils ont besoin en ligne. Nous allons devenir de plus en plus essentiels. Si la poste ne peut plus être livrée, on a de la misère à voir pourquoi un travailleur d'épicerie voudrait aller au travail, pourquoi le travailleur de la ville rentrerait à l'usine d'épuration, pourquoi le travailleur qui amasse les vidanges rentrerait au travail. Nous sommes ensemble à faire face à la situation et avons tous un rôle à jouer.

Nous sommes contents qu'à la suite de notre négociation avec l'employeur, celui-ci , compte tenu du risque le plus fort qui est encore celui d'une contagion par quelqu'un qui revient de voyage qui infecte des gens qui n'ont pas voyagé, appelle tous les gens qui doivent revenir de vacances. Il leur demande s'ils sont revenus de leur voyage à l'étranger, États-Unis compris. et, si oui, ils sont envoyés en quarantaine obligatoire, payés pendant 14 jours. Si un travailleur a des symptômes sur le plancher de travail, c'est une quarantaine 14 jours, payée. Pas besoin d'aller voir son médecin.

Pour les gens qui ont besoin de gardiennage, nous avons une disposition dans notre convention collective qui prévoit des congés spéciaux avec 100 % du salaire, qui n'affectent pas les autres congés, ou les vacances. La haute direction a autorisé les superviseurs à autoriser des périodes de cinq jours de congés spéciaux.

La fréquence du nettoyage des succursales, les endroits communs, a été haussée. Dans le plan mécanisé, il y a une personne par quart de travail qui ne fait que désinfecter les zones communes, donc trois personnes par jour qui ne font que ça.

Dans la section locale de Montréal, la direction qu'on prend c'est de faire tout en notre pouvoir pour que les gens puissent rester au travail. Nous les informons de leurs droits, dont le droit qui est fondamental au plus haut point en ce moment, le droit de refus, le droit de refuser un travail qui te met à risque. Ce droit pousse les travailleurs à s'occuper de leurs problématiques et à tenter de les régler. Face à un droit de refus, le Code canadien du travail est clair. Ils doivent enquêter, ils ne peuvent pas mettre quelqu'un d'autre à faire ce travail tant qu'il n'y a pas une enquête et qu'il n'y a pas de mesures de prises ou une résolution d'enquête qui dit que ce n'était pas fondé.

Le droit de refus va nous permettre, je pense, de travailler dans un milieu de travail qui est le plus sain possible.

On sait qu'il va y avoir plusieurs problèmes de gestion, beaucoup de colis qui s'accumulent sur les planchers, et on sait que le stock va devoir sortir. On sait ce que les employeurs font dans ces circonstances-là, quand il y a de l'argent qui dort sur le plancher, comme on dit, quand il y a un peu de panique. Ils forcent les travailleurs à travailler plus fort, à être plusieurs dans les mêmes cages, à travailler dans les mêmes camions, alors le droit de refus prend encore plus d'importance.

Nous informons les travailleurs de leurs droits, la quarantaine payée, un congé spécial, le droit de refus, le droit à l'assurance-invalidité si des maladies vous mettent à risque dans le futur de contracter le coronavirus et d'en mourir.

Nous le faisons pour pouvoir continuer à fournir le service. Ce n'est pas juste une question de solidarité syndicale mais de solidarité sociétale

(Photo : STTP)

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Les travailleurs de la construction au Québec remportent des succès initiaux

La lutte pour des conditions de travail
sécuritaires et salubres s'intensifie

Face à la pandémie de la COVID-19, les travailleurs de la construction du Québec intensifient leur lutte pour protéger leur santé et leur sécurité qui sont sérieusement mises en péril par le manque de conditions sanitaires de base sur les chantiers de construction. Deux de leurs revendications principales sont l'installation de toilettes adéquates sur tous les chantiers, avec chauffage, ventilation, chasse d'eau, eau chaude, savon, papier de toilette, et l'installation de roulottes assez grandes pour éviter que les travailleurs soient côte-à-côte quand ils mangent et pour qu'ils puissent maintenir une distance d'un ou deux mètres entre eux. Cela fait des décennies que les travailleurs luttent pour une revendication aussi élémentaire que des toilettes adéquates, et le danger qu'ils courent maintenant pour leur vie révèle l'indifférence et la négligence flagrantes qui ont été manifestées par les gouvernements successifs, la Commission de la construction du Québec et plusieurs entreprises de la construction.

Les travailleurs de la construction soulignent qu'ils ont obtenu quelques succès par leur intervention directe sur les chantiers ces dernières semaines. Ils ont obtenu que des toilettes adéquates soient installées sur des sites de même que des roulottes de chantier. Ils ont exercé leur droit de refuser d'accomplir un travail dangereux pour obtenir des changements qui améliorent les conditions sanitaires sur les chantiers. Les travailleurs soulignent que depuis le milieu du mois de mars, ce sont des centaines de travailleurs de la construction qui ont exercé leur droit de refus parce que les mesures sanitaires de base et la distanciation sociale ne sont pas respectées.

En plus du problème des installations sanitaires non existantes et de l'impossibilité de se laver les mains sur plusieurs chantiers, le problème de l'organisation du travail est une question de très grande préoccupation pour les travailleurs de la construction dont il faut s'occuper de façon urgente. Les travailleurs de la construction travaillent dans des espaces confinés et restreints qui requièrent la présence de plusieurs travailleurs et dans lesquels une distance de même un mètre est très difficile à réaliser. Il faut que les travailleurs de la construction et leurs organisations soient pleinement mobilisés pour que des alternatives puissent être mises en place.

C'est la raison pour laquelle, le 18 mars dernier, les deux plus grands syndicats de la construction, la FTQ-Construction et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, ont demandé la suspension temporaire des chantiers pour que ce travail puisse se faire. Ils demandent que ce travail soit fait avec la participation des autorités de la santé, du comité de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) qui a été mis sur pied pour se pencher sur la question et de toutes les parties prenantes de l'industrie de la construction.

Le 23 mars, le gouvernement du Québec a annoncé qu'il réduisait au minimum les services et les activités non prioritaires jusqu'au 13 avril, dont les chantiers de construction. Les firmes
de construction pour réparations d'urgence ou pour fins de sécurité, les électriciens et plombiers et autres corps de métiers pour des services d'urgence poursuivent leurs activités et les équipements de location sont aussi maintenus.

Le gouvernement du Québec a présenté cette mesure comme une « pause  » mais ce n'est pas ainsi que les travailleurs et leurs syndicats l'entendent. Ils demandent que cette période en soit une de travail intensif pour que, lorsque les chantiers vont rouvrir, des mesures aient été mises en place pour améliorer sérieusement les conditions sanitaires et faire en sorte que l'organisation du travail ait été revue pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs.

Voici comment le directeur général de la FTQ-Construction, Éric Boisjoli, décrit l'objectif qui animait le syndicat quand il a demandé la suspension temporaire des chantiers de construction :

« Il est actuellement impossible de respecter les normes sanitaires de base sur la très grande majorité des chantiers au Québec. Dans ce contexte, il est irresponsable de poursuivre les travaux. Nos travailleuses et nos travailleurs ne sont pas des cobayes et ne peuvent continuer à travailler sans aucune protection. On ne peut pas improviser avec la santé et sécurité, il faut des mesures claires et s'assurer qu'elles soient mises en place. Il faut intervenir immédiatement"

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